Dernier verbrechen
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Hyemin n'avait pas à le chercher dans les moindres recoins du magasin, le père était, comme à son habitude, absent. Junmyeon n'avait en vérité jamais fait d'efforts pour sa fille, alors Hyemin pouvait faire de même en l'abandonnant là, dans ce trou qu'était le Conbini.
Avant de refermer les portes du magasin, Hyemin laissa derrière elle sa Cheonjin et ne put qu'admirer, depuis la vitrine, les autocollants se décoller un à un avant de se dissiper en fine poussière.
Les murs redevinrent aussitôt blancs et Hyemin ne put comprendre s'il s'agissait là d'un bon ou d'un mauvais augure. C'était donc le cœur lourd que la fillette avait saisi la large main de Luhan qui se referma, telle une gueule de lion, sur son emprise. La cage de Xing dans l'autre, Hyemin s'en alla vers le bus en constatant que cette fois Yixing, ne poussait aucun cri, comme s'il acceptait finalement son sort. Étrangement, le sol goudronné semblait à son tour comme peu à peu se fissurer autour de ses petits pas, mais Hyemin n'y fit pas attention, elle avançait le tête droite en ne regardant que vers son nouvel horizon.
- Il va sûrement arriver d'ici quelques minutes. Annonça jovialement Luhan, avant de s'asseoir face à l'arrêt, à même le sol fracturé de Cheonjin et d'attirer la brunette à ses côtés.
Celle-ci ne pût qu'acquiescer en serrant son étreinte autour de son animal. Pourtant, plus les longues secondes défilèrent comme les graines de sable parsemées sur le goudron par Luhan, et plus son étreinte autour de la cage se desserrait.
Le bus tardait, l'échappatoire ne venait pas.
Et, Luhan au lieu de s'en plaindre voulut en profiter pour partager ses sentiments, ses envies, ses hasardeux désirs, et ses ambitions avec la réticente et innocente fille.
- Nous allons, tu verras, faire de grandes choses en ville ! Es-tu déjà allée dans une fête foraine, Hyemin ? Non ? Tu verras, c'est quelque chose de merveilleux, et ça l'est encore plus lorsqu'on s'y rend avec ses amis. Hyemin, on est amis, pas vrai ? Bien sûr qu'on est amis, je suis ton premier ami. Tu ne t'imagines pas à quel point l'idée d'être le premier dans ton cœur réchauffe le mien. J'ai l'impression d'être heureux, Hyemin. Le suis-je vraiment ou suis-je uniquement en train de rêver ? Quelle étrange sensation pour une personne comme moi qui a longtemps connu la noirceur de ce monde, Cheonjin est en vérité une si belle ville si claire et si sucrée si...contrairement à Séoul. Mais, la grande ville possède tout de même des fêtes foraines.
- Dis, pourquoi le bus ne vient pas ? Demanda-t-elle innocemment.
Hyemin avait écouté jusqu'au bout son captivant monologue mais elle ne parvenait pas à s'y abandonner complètement. L'absence alarmante du bus 4 et ce Conbini qui les surveillait toujours ne le lui permettait pas. Baissant la tête, elle vit le regard noir de Yixing percer, depuis sa cage, le corps de l'étranger.
- Il va sûrement arriver d'une minute à l'autre. Soupira Luhan avant de se remettre à jouer avec les graines de sable.
- Non, il ne va pas venir. Le soleil s'est déjà couché et toujours rien. Eut-elle du mal à articuler ses quelques mots avant de regarder la lune, cette fois-ci noire, remplacer peu à peu ce soleil froid.
Hyemin ignorait, comme tant de choses, que le bus 4 menant vers la liberté n'était qu'une légende cousue par un esprit tout aussi distordu.
Se relevant enfin, Luhan essuya ses mains poussiéreuses contre l'étoffe de son pantalon avant de tendre une nouvelle fois l'une d'elle à la jeune brune et d'annoncer d'une voix ferme : « Si la ville ne vient pas, alors nous serons ceux qui iront jusqu'à elle ».
- Ce que tu dis n'a aucun sens. Lui révéla Hyemin à son tour.
- Bien sûr que si, nous allons emprunter la même route que celle du Bus 4 et nous finirons bien par arriver quelque part. Me fais-tu confiance, hyemin ? L'homme prononça ses quelques mots d'une voix mielleuse.
La jeune fille le regarda pendant quelques instants avant d'acquiescer, car pourquoi déciderait-elle d'aller vers la grande ville en sa compagnie si elle ne lui faisait pas confiance ? C'était insensé, tout l'était.
- Alors, allons-y vite avant qu'il ne fasse nuit noire. Mais avant, je pense qu'il est préférable de laisser Xing ici, la route sera longue et la pauvre bête finira par se fatiguer.
- Mais Xing ne pourra pas se fatiguer, je le porte !
- Alors tu seras celle qui tombera de fatigue. Allez, laisse-le ici, je te promets que nous reviendrons le chercher. Dit-il en commençant franchement à s'impatienter.
- Mais...je veux que Xing puisse quitter Cheonjin à son tour... Dit-elle d'une toute petite voix avant d'insérer ses petits doigts dans la cage et caresser les plumes aux couleurs si vifs de son Yixing.
- Tu veux vraiment qu'il quitte Cheonjin ? Soupira Luhan, les lumières commençaient peu à peu à s'éteindre et il était hors de question qu'ils restent une nuit de plus à Cheonjin.
- Dis, tu veux vraiment qu'il quitte cet endroit ? Répéta-t-il face au silence de la jeunette.
- Oui, c'est ce que...je veux. Dit-elle en enlevant les quelques larmes qui vinrent arroser ses joues.
A ces mots, Luhan n'attendit pas davantage et arracha d'un coup sec la cage des mains de l'enfant. Il ouvrit alors celle-ci avant d'attraper par le cou la pauvre bestiole. Devant les yeux affolés de Hyemin, Luhan extirpât sauvagement la bête de son habitat et la relâcha dans les airs. Sans attendre, Xing s'envola alors vers le grand ciel de Cheonjin non sans crier une dernière fois à l'intention de sa sœur : « Sauve-moi ».
Xing venait tout juste de s'envoler, bien avant Hyemin.
- Ne pleure plus, je t'ai déjà dit que ces bêtes ne sont pas faites pour être enfermées. Allez viens, on s'en va. Annonça l'homme une dernière fois en les dirigeant vers la grande route guidant vers la liberté.
Essuyant ses larmes une dernière fois, Hyemin regarda derrière elle et dit au revoir à Cheonjin et à son enfance.
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- Hyemin, tu sais dans le fond je ne sais rien de toi. Avoua Luhan tout en suivant le chemin les menant entre les montagnes.
Cela faisait maintenant quelques temps qu'ils marchaient, marchaient, et marchaient mais rien ne se présentait encore à eux. Leurs pas étaient de plus en plus lourds mais rien, non rien ne pouvait ternir leur détermination, pas même le sombre ciel les observant. A vrai dire, Luhan appréciait cette promenade en compagnie de la jeunette. Ils étaient comme seuls au monde dans ce vaste paysage, il n'y avait aucune vie aux alentours, seulement le cœur battant à tout rompre du jeune chinois.
Hyemin étouffée par ce silence finit par avouer délibérément à son nouvel ami : « Il n'y a rien à savoir sur moi, j'ai juste passé toute ma vie dans ce magasin avec ma famille. Grand-mère venait souvent nous rendre visite, mais plus maintenant. Il n'y a vraiment rien de passionnant à savoir. Je—je n'ai pas beaucoup d'amis, non en vérité je n'en ai pas du tout, mais au moins j'ai mon père...et Xing »
- Tu devais sûrement te sentir seule, n'est-ce pas ? Mais une fille comme toi devrait toujours être accompagnée, toujours. Je promets Hyemin de rester toujours à tes côtés. Nous sommes amis et nous le resterons. Promit-il d'une voix toujours aussi sucrée.
La jeune fille souriant enfin, ne pût qu'acquiescer face à ces belles promesses offertes par son étrange ami. Hyemin, comme les autres, l'avait jugé trop vite car n'était-il pas finalement un homme bon, un homme brillant, un homme droit ?
Face à ses jolies conclusions, la brunette aperçut au loin quelques lumières annonçant la fin de leur sombre traversée. La jeune fille poussa aussitôt un long soupir de soulagement en se disant que Dieu, la voyant raisonner justement, lui avait enfin offert la liberté.
Pourtant Luhan ne fit pas attention à cette lumière au bout du tunnel, et continua à monologuer : « J'aimerais tant t'avoir uniquement pour moi Hyemin, j'aimerais que tes faits et gestes soient totalement dépendants des miens, j'aimerais être ce livre qui puisse éclairer tes prunelles de connaissances, j'aimerais être cette chandelle qui réchauffe ton beau et magnifique visage, j'aimerais être cette épaule qui puisse sentir tes chaudes larmes couler à flot alors que tu te tiens contre mon torse. J'aimerais être ton unique ami, ton unique bouée de sauvetage, le seul qui puisse tenir en otage ton innocence. J'aimerais connaître toutes ces belles choses Hyemin, et en échange, je t'offrirais le réconfort, des glaces et des autocollants Disney ».
- Nous sommes arrivés, Luhan. Informa l'intéressée, trop enthousiasmée pour faire attention à son long et perturbant discours.
- Ah, tu crois ? Répondit-il, un léger rictus se dessinant peu à peu sur son visage.
- Mais oui, regarde devant toi nous sommes arrivés en..(elle marqua une pause) nous sommes arrivés en ville.
Les larmes de nouveau prêtes à s'abandonner, Hyemin se mit à courir, le choc était tel que ses pieds ne purent s'empêcher de trébucher contre chaque pierre postée sur leur chemin. Parfois, elle tombait contre le sol fissuré mais elle se relevait aussitôt pour courir en direction de la ville. Pénétrant enfin dans celle-ci, la jeune fille regarda avec affolement autour d'elle tout en permettant enfin à ses larmes de s'échapper. La fillette tournait dans tous les sens, tournait autour d'elle-même au point de paraître presque, aux yeux de Luhan, telle une névrosée.
Hyemin s'arrêta de danser lorsqu'elle vit l'objet étendu, sur le sol menaçant de s'écrouler. D'une main tremblotante, elle ramassa l'ancienne cage de Xing et prononça d'une voix éteinte : « Nous sommes arrivés à Cheonjin ».
- Tu t'attendais à quoi ? Bien sûr qu'on est à Cheonjin, Il n'y aucune issue, tu ne pourras jamais quitter cet endroit. Allez viens, j'vais te donner une glace. Lui répondit nonchalamment Luhan avant de se diriger vers sa librairie.
- Allez viens, ça va te remonter le moral. L'attira-t-il vers la fâcheuse boutique.
Baissant la tête, Hyemin emporta la cage avec elle et s''envola vers une autre bien plus grande.
- Tu veux une glace à la framboise ? Demanda Luhan, une fois avoir ouvert sa vitrine réfrigérée.
- Approche-toi, prends-la. Ajouta-t-il dès qu'il la vit hocher la tête
La lune, devenue aussitôt pleine et méfiante, les regarda en éclairant le visage peu soucieux de la jeunette. Oubliant son chagrin, elle frotta ses yeux comme un enfant ferait après son réveil, et s'approcha par petits pas du libraire, de son ami.
Et lorsqu'enfin elle saisit de ses petits doigts le bâtonnet glacé, Luhan laissa échapper un petit rire qu'il gardait longtemps enfoui dans les tréfonds de son âme sombre.
Voilà ce qu'il était venu chercher à Cheonjin, et il avait juré ne pas quitter cet endroit sans l'emporter à tout jamais avec lui.
Attrapant vicieusement le visage de l'innocente fille qui se débattait encore avec sa glace, le chinois colla brutalement ses lèvres craquelées contre les siennes.
Hyemin, ne comprenant pas ce qui se passait à Cheonjin, lâcha la glace qui n'allait bientôt former qu'une flaque bleue.
Au même moment, le sol fissuré de Cheonjin finit par s'écrouler brutalement.
Et de l'autre côté, dans une autre ville, dans une autre pièce, on entendit un cri strident percer les murs blancs de l'hôpital.
Car en vérité, Luhan n'était autre que l'ennemi.
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A/N : Enfin, le chapitre suivant sera le dernier ! ( + mini-épilogue). Tout sera expliqué, mais je pense qu'en recollant les morceaux, vous pouvez tout deviner par vous-même. Ah oui, je l'ai déjà dit mais je le répète, il s'agit là d'un sujet qui peut déranger, mais rien n'est explicité. Bref, la suite sera là en fin de semaine, je pense ^
PS : j'écoutais oiseaux de Django, ça m'a un peu influencé, je crois (surtout le : mets les oiseaux dans le piège).
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