I keep it, just in case.
Je me souviens encore de toi.
Je me souviens encore de nous.
Un peu comme si d'une certaine façon, ton souvenir était éternel. Et pendant longtemps, je m'étais assis devant ma fenêtre le soir, après avoir mangé et pris ma douche. Je m'accoudais à cette fichue fenêtre, celle sur laquelle tu aimais tant t'asseoir alors que moi, j'avais toujours eu peur que tu tombes. Mais j'aimais bien te voir assis là, la tête un peu dans les nuages avec ce sourire qui faisait froisser ton petit nez.
Alors à mon tour, je m'asseyais à cet endroit. Enfin, j'avais toujours aussi peur de tomber alors je restais seulement contre, en essayant de me souvenir du son de ton rire lorsque tu me disais qu'il n'y avait rien à craindre, puisque tu étais là.
Mais tu n'y étais plus.
Tu n'étais plus là.
Et puis, je regardais bêtement le ciel. Les mains jointes ou alors juste avec une cigarette au coin des lèvres. J'essayais de ne pas faire attention à cette douleur au centre de ma poitrine, celle dont tu étais le seul médicament.
Je pouvais y rester des heures, en écoutant défiler ce genre de playlists tristes à en crever, comme si, un peu comme un con, j'essayais de me faire encore plus de mal.
Même en regardant l'heure passer, alors que mon corps me criait d'aller dormir pour être en forme pour le lendemain, mon cœur me suppliait de rester. J'avais besoin, je crois, de demeurer là et de me souvenir de tout ça. C'était un peu sadique, et puis Jimin me répétait souvent qu'il était content que je n'en parle plus. C'est vrai, je n'en parlais plus. Pas à lui.
Je parlais à la lune.
Je parlais avec elle, parce que c'était plus facile. Je parlais aussi aux étoiles, en leur demandant silencieusement et bêtement qu'elles te ramènent à moi. J'avais l'air d'un pauvre con. Vraiment.
Chaque soir, je me retrouvais dans mon lit à fixer le plafond. Dans le silence complet, j'essayais de me souvenir du son de ton rire. De la façon dont cette douce tonalité me faisait frissonner. Et toi, tu n'étais pas là.
Quand je fermais les yeux, je me souvenais de tout. Je pouvais vraiment me plonger dans mes souvenirs comme toi lorsque tu te plongeais dans un film. Je me souvenais du premier regard que l'on avait échangé, aux derniers mots que l'on s'était prononcés.
Je me souvenais de ces états d'ivresse dans lesquels je m'étais plongé lorsque tu étais parti. Il n'y avait personne à blâmer, à part moi et ces fichus boissons dans mes mains errantes, qui avaient perdu leurs refuges.
Je me souvenais de ce que j'aurais voulu te dire, ce jour-là sous la pluie. Ce jour-là, dans les ruelles des nuits hivernales. J'aurais voulu te demander d'oublier, car au fond ce n'était pas ce que j'avais vraiment voulu te dire.
Je me demandais... Que suis-je maintenant ?
J'essayais de reprendre le fil de ma vie, de saisir là où j'avais été pour comprendre là où je voulais en venir.
J'avais peur de ne pas être moi. De ne plus pouvoir l'être.
Et si je devenais quelqu'un que je ne voulais pas être ?
Et si... Si je tirais définitivement un trait sur nous, je me demandais si je tombais, sans jamais pouvoir me relever. Je crois que j'avais peur. J'avais peur de te dévoiler toutes ces choses que je ne t'ai jamais dites, de peur de me confronter à une réalité où je n'avais plus ma place.
Tu avais fini par m'avouer que tu te souciais de moi, que je te manquais aussi. Je savais que je rêvais encore un peu trop de toi, de nous. Mais à chaque fois que je le réalisais, je me demandais pourquoi tu réussissais toujours à revenir sans te poser de questions. C'était peut-être naturel, si naturel et instinctif que ni toi, ni moi ne pouvions en définir la raison.
Et ça me tuait, de voir à quel point on avait l'air de plus rien n'avoir à se dire.
Je me souvenais de tes jolis mots, de nos fous rires et de nos idées farfelues. Je me souvenais de ce qu'on avait construit, de ce lien si fort qu'il nous semblait indéfinissable.
Il l'était, pas vrai ?
Il l'était, puisque jamais personne n'avait réussi à le définir. Personne, sauf toi. Tu avais mis des mots sur ce qu'on était.
Nous n'étions rien, et tout à la fois.
Et à chaque fois que l'un de nous avait peur de tomber, on trouvait toujours le moyen de se raccrocher. Tantôt tu étais mon ancre, tantôt tu étais mon navire. Nous pouvions voguer sur tous les océans, tant que l'amour était là.
Et il a fallu qu'un battement d'aile, de petites ailes comme celles d'un fichu papillon, pour que tout se détruise à nouveau.
Alors pourquoi...dis-moi, Jungkook.
Pourquoi as-tu fini par t'en aller, à chaque fois ?
*
« Taehyung ? »
« Hm ? Pardon les gars, j'étais un peu ailleurs. »
« Perdus dans tes pensées, hein ? »
Je souriais faiblement, avant de sortir la tête de mes bras, l'air un peu penaud.
« Excuse-moi Hyung. »
« C'est bon Yoon, tu peux reprendre c'que tu disais ! »
« Attends Hobi, y'en a un autre qui a du mal à rester connecté aussi. »
Mon ami lança le menton en direction de mon meilleur ami, qui avait les yeux rivés sur son portable. Il avait l'air d'être si concentré qu'on aurait pu croire qu'il avait oublié qu'on était tous assis à ses côtés.
« Allo la terre à Jimin, ici Min Yoongi à l'appareil ? »
Mon blondinet leva soudain les yeux, la bouche ouverte mais sans qu'aucun son n'en sorte. Puis, il secoua la tête de droite à gauche comme s'il essayait d'évacuer ce qu'il avait pu lire ou voir sur son écran. Je n'en savais rien après tout, il s'était éloigné de moi et avait posé ses bras de sorte que je puisse rien voir.
Jimin n'était pas cachotier, du moins, pas avec moi. Ça lui arrivait parfois, quand il essayait de me protéger de ce qu'il jugeait trop nocif pour ma personne. Comme quand il avait essayé de me cacher le dernier post de-
« C'est Jeon. »
« T'as dis quoi là ? » Hoseok haussa le ton en se raclant la gorge, lui faisant signe de se taire.
Mais sa petite comédie n'arrivera pas jusqu'au cerveau de mon meilleur ami qui se pencha sur la table, bousculant tous nos verres pour y étaler ses bras, son téléphone tourné en leur direction.
« Regarde un peu ça. »
« Jimin je crois pas que ce soit une sup...Attends, tu rigoles ? » s'exclama mon rouquin.
« Fais voir. »
Yoongi tira alors le téléphone des mains de mon ami, et se pencha dessus, tout comme Hoseok, fronçant tous deux les sourcils.
Tenant le bout de ma tasse entre mes doigts, j'humais la douce fumée de mon thé encore chaud, avant de les trouver étrangement déconcerté devant leur écran.
« Bon. » dis-je en déposant ma tasse sur la table, « Vous comptez me dire ou vous préférez jouer à un jeu stupide comme votre qui-est-ce ou devine ? »
« Tae, là c'est... » commença à souffler Hoseok, passant une main timide dans sa tignasse rousse. Enfin, je ne savais pas si c'était du roux. Hobi lui aimait appeler ça couleur de feu.
Grand bien lui fasse après tout.
« C'est un cas d'extrême urgence. » reprit Jimin.
« Non. » trancha Yoongi, rendant enfin son portable à son petit-ami, « C'est rien du tout et Taehyung en à rien à foutre de ce genre d'infos. Range ton portable qu'on puisse revenir à notre plan pour le nouvel an. »
« Il doit voir ça. »
« Voir quoi ? De quoi tu parles ? » demandais-je, agacé.
« Et qu'est-ce que ça va lui apporter, hein ? Tu vas juste lui miner le moral alors que toi même t'en peux plus qu'il se raccroche à ses souvenirs à la con. »
« De quoi est-ce que vous parlez ? Eh oh, je suis toujours là ! »
« Il finira par le voir lui-même parce qu'il l'a jamais bloqué. »
« Bon ça suffit. » dis-je en attrapant le téléphone de mon ami, las d'être toujours le dernier au courant.
Je savais que c'était peut-être pour mon bien, du moins, je crois que c'était pour ça. Mais la façon dont Yoongi m'avait regardé...Ce regard empli de remords mélangés à un tas de reproches...C'était beaucoup trop pour que je ne ressentes pas l'envie d'en savoir plus.
Au fond de moi, véritablement au plus profond de moi, j'avais compris de quoi mes amis parlaient. Mais j'avais, et ce depuis trois ans maintenant, construit une sorte de mur, comme posé un voile épais sur cette vérité qui ne faisait rien d'autre que d'enfoncer le couteau dans la plaie.
Trois ans que je me battais chaque jour. Chaque matin et chaque soir, afin de ne pas me laisser sombrer dans ce piteux état dans lequel il m'avait laissé.
Lorsque j'eus le téléphone en main, Jimin essaya de me dire quelque chose, mais trop tard. J'avais déjà les yeux rivés sur son écran, les sourcils froncés.
C'était un message.
Un simple putain de message, qui n'aurait eu aucune valeur à mes yeux, si seulement...
Si seulement il n'avait pas eu un rapport avec lui.
J'étais resté bloqué dans la même position pendant un instant. Les mains accrochées au portable de Jimin, les sourcils froncés, sentant mon coeur battre un peu moins vite que d'habitude.
Un peu comme s'il avait fallu que l'information monte jusqu'à mes neurones. Le temps que je fasse le lien entre ce message et la réaction de mes amis.
« Taehyung ? »
Sortant de mes songes, je soufflais et finis par rendre le téléphone à Jimin, en le balançant sur son plateau.
« Si vous pensez que j'ai quelque chose à foutre de cette info, vous vous foutez les doigts dans l'oeil. »
« T'es sûr de ce que t'avances, Kim ? » relança de suite Yoongi, les bras croisés contre son torse.
Il me défiait du regard, comme s'il essayait de lire en moi tout ce que je n'osais pas dire. Mais je ne le laissais pas m'analyser plus longtemps, j'attrapais mon sac, et pris mon plateau tout en me levant de cette foutue chaise. Il était temps que je parte de ce petit restaurant, et que je rentre chez moi pour remettre mes idées au clair.
« Certain, oui. Sur ce, je rentre. »
« Attends ! »
J'avais tourné rapidement le dos à mes amis, mais mon meilleur ami en avait décidé autrement et m'avait lâchement couru après, me retenant par la manche.
« T'es sur que...ça va ? Ça te fais rien ? Taehyung...on peut en parler, tu sais. Si tu veux je peux dire à ma mère que j'arriverais plus tard, si c'est pour toi elle me dira r- »
« Ça va, Jimin. »
« Mais... »
« Je veux juste rentrer chez moi. Vous m'enverrez les infos pour la soirée du nouvel an par message. Vous finirez bien par trouver un arrangement avec Namjoon. »
« Comme...comme tu voudras. »
J'avais tout de même réussi à convaincre mon ami, même si je savais qu'il avait aperçu mes lèvres trembler. Mais il ne m'avait pas retenu plus longtemps, laissant ma manche tranquille, il avait fini par me regarder m'éloigner.
Sur le chemin du retour, j'avais directement arraché mes écouteurs de mon sac et m'étais plongé dans mon propre monde, le temps du trajet.
J'avais laissé défiler cette playlist idiote, triste à en chialer toutes les larmes de mon corps. Je ne sais pas si je l'avais réellement écouté, regardant défiler le paysage à travers les vitres du tramway. La nuit était tombée assez tôt, comme tous les soirs d'hiver.
C'était peut-être bête, mais je m'étais mis à ressentir un tas d'émotions durant ce court laps de temps.
De la colère, de la peine, de la nostalgie.
Tout m'avait envahi comme un tsunami aurait dévasté une île toute entière. Et c'est là que j'avais ressenti cette douleur au creux de la poitrine et que j'avais senti les larmes monter.
Pourtant, ce que j'avais lu aurait dû me rendre plus joyeux.
Mais je n'y pouvais rien. Tout ce qui me ramenait à lui était synonyme de peine dans mon pauvre cœur meurtri, et comme d'habitude, j'avais laissé ces sombres souvenirs prendre possession de ma tête.
Je m'étais arrêté en chemin afin d'acheter un de mes plats favoris, mais lorsque j'avais fouler le parquet de mon appartement, mes larmes s'étaient mises à couler le long de mes joues, et j'avais regardé ce pauvre sac de papier comme s'il était la peste emballé dans une boîte de plastique.
Tout s'était mélangé, absolument tout. Que ce soit ma fatigue de mon train-train de vie quotidien, mes récentes peines ainsi que mes joies, mes anciennes douleurs et mes futurs projets. C'était une véritable cacophonie dans mon crâne, et je n'avais pas réussi à la faire taire.
Alors mon premier réflexe avait été de tout lâcher et d'aller me réfugier à ma fenêtre. Je l'avais ouverte en grand, observant les passants du haut de ma tour, laissant mes larmes couler et mon esprit s'apaiser avec les échos des musiques qui défilaient dans mes oreilles.
Je m'étais ensuite forcé à prendre une douche, brûlante. A vrai dire, j'avais même pauvrement glissé sur le sol trempé, risquant d'y perdre ma tête. Je m'étais senti encore plus coupable et pathétique, alors j'avais rapidement enfilé mon pyjama et m'étais enfoui dans mes draps.
Et là, j'avais commencé à réfléchir.
Ce message...ce message marquait une nouvelle ère.
Ce message, était un message d'un ancien ami du groupe, Seokjin, qui avait jugé qu'il était important de prévenir Jimin que mon cher et tendre « ex » était de nouveau célibataire.
Fut un temps où j'aurais sauté de joie.
Mais maintenant, je ne savais plus comment réagir. Puisque je comprenais ce que cela voulait dire.
D'abord, Jungkook allait prendre le temps de se remettre de sa rupture, qui je m'en doutais, l'avais sûrement causé. Il allait se rejeter sur les applications de rencontre, sortir tous les soirs et fréquenter un tas de personnes différentes.
C'était lui ça, il avait toujours eu besoin de plaire. Puisqu'il n'avait jamais vraiment eu confiance en lui. Et aussi parce qu'il avait cette peur affreuse de la solitude, lui qui avait toujours clamé l'aimer plus que quiconque.
Ensuite, Jungkook allait essayer de revenir -sans vraiment le faire- vers moi. Il allait recommencer à s'intéresser à ma vie, au moindre de mes faits et gestes pour trouver le moment précis et m'envoyer un court message.
Il ferait semblant de s'intéresser à quelque chose de banal, afin de refaire surface. Un peu comme si à travers ses mots, il disait « Salut Taehyung, je suis de nouveau là. Regarde, je reviens vers toi parce que je n'ai toujours pas réussi à trouver quelqu'un de génial. J'espère que tu vas bien hein, mais tu sais, des fois j'ai peur que tu m'oublies. Alors ne m'oublies pas, et ne laisse personne me voler ma place. »
Alors ouais, il y avait toute une histoire derrière nous. Oui, Jungkook avait été un véritable rayon de lumière dans ma vie, lorsque je l'avais rencontré. Oui, il était devenu rapidement essentiel à mon bien-être. Oui, il avait fini par occuper toutes les parcelles de mon crâne, tellement qu'on aurait pu croire qu'il avait empoisonné mon corps comme ces foutues métastases.
Il était devenu mon essentiel, mon couteau suisse ou peu importe comment vous l'auriez appelé. Il était devenu mon tout.
Et putain, aujourd'hui, j'étais jaloux.
J'étais jaloux de tout et de rien le concernant. Bien sûr, j'étais jaloux de toutes les personnes qu'il fréquentait, puisque ce n'était pas moi.
J'étais jaloux de la pluie, qui avait encore le droit de tomber sur ses vêtements. J'étais jaloux du vent, et même de son ombre pour avoir la chance d'être toujours là aussi proche de lui.
Je lui avais dit, lorsqu'il était parti qu'il n'avait pas à s'excuser. Que nous avions réussi à surpasser tout ça et que bien sûr, nous pouvions rester amis.
Grossière erreur.
J'étais jaloux des nuits que je ne passais plus avec lui, j'étais jaloux de tout l'amour que je ne pouvais plus lui donner. J'étais même devenu jaloux de son putain de cleps.
C'était devenu un véritable combat pour moi, et c'est pourquoi j'avais érigé tous ces murs. Afin de me protéger, de le tenir loin de moi. Espérant égoïstement qu'il reviendrait un beau jour en me disant qu'il n'avait rien pu trouver d'autre que des cœurs brisés et de la misère partout.
Qu'il revienne et qu'il me dise que personne d'autre que moi ne pouvait lui donner l'amour qu'il recherchait.
Sauf que voilà, je n'en pouvais plus.
Je n'arrivais plus à supporter le fait que je ne le reconnaissais plus.
Je n'arrivais plus à le cerner, et à chaque fois, je me demandais qui était face à moi.
Était-ce le Jungkook du lundi qui m'offrait des fleurs, le Jungkook du mardi qui me faisait sentir stupide, le Jungkook du mercredi qui me faisait comprendre que le monde était nôtre où bien encore le Jungkook du jeudi qui n'arrivait plus à me le prouver ? Ou peut-être était-ce le Jungkook du vendredi qui me faisait retomber amoureux, le Jungkook du samedi qui ne m'avait pas adressé un seul message ou alors le Jungkook du dimanche qui me disait vouloir prendre de nouveau ses distances ?
Il y avait tant de personnages en lui, tant d'incomprésion que je n'arrivais même plus à me comprendre moi-même. Alors, je finissais par m'énerver, et je le laissais toujours repartir, me retrouvant la queue entre les jambes tel un malpropre.
J'en avais assez de me dire "tiens, qui est-il aujourd'hui ?" afin de savoir si ma journée allait être bonne ou non. J'en avais assez de me battre pour quelque chose qui me filait toujours entre les doigts, quelque chose que j'avais perdu sans véritablement le perdre pour de bon.
Et c'est certainement ça qui me rendait dingue.
Ce qui me rendait dingue, c'était de me dire que Jungkook et moi étions la définition parfaite de quelque chose qui n'avait jamais eu de fin.
Et sous les gouttes de pluie d'un dimanche, je me laissais traîner en écoutant le tic tac de l'horloge, fixant mon téléphone. J'ignorais ses messages, me demandant s'il était judicieux de lui répondre, me demandant si je devais l'appeler. Mais comme toujours, je savais qu'il n'était jamais seul.
Et je savais, je savais que je ne devais pas continuer à espérer ainsi, mais il m'était impossible de renoncer à lui.
Pour la simple et bonne raison qu'à chaque fois qu'il entrait dans mon champ de vision, ou bien tout simplement dans mon quotidien, j'en oubliais presque de respirer. Je me sentais comme une poupée de chiffon à laquelle on donnait l'espoir de vivre, dansant sur les maigres espoirs qu'il me laissait, tels ces fichus cailloux que Hansel et Gretel avaient idiotement parsemer sur leur chemin.
Et j'essayais toujours de comprendre, à chaque putain de fois.
A chaque fois.
Jungkook avait laissé sur moi les traces de ses baisers inachevés, toutes ses empreintes avaient fini par être tatouées sur ma peau.
C'est pourquoi j'avais construit ces murs, je l'avais fait, parce que j'espérais ne jamais le voir revenir en rampant. Parce qu'il était celui, le seul, que je ne voulais pas perdre.
Il partait, il revenait.
Je le haïssais, et je l'aimais.
Et au fond...au fond, peut-être que nous étions destinés à rester ainsi.
Une magnifique histoire inachevée.
Toutes ces réflexions avaient fini par me rendre morose et complètement vide, et c'est ainsi que j'avais décidé de repousser mon plat. J'avais essayé de fermer les yeux, de prendre le temps de me reposer, comme il m'aurait conseillé de faire.
J'avais même hésité à envoyer un message à Jimin, pour lui avouer que rien n'allait. Que j'avais menti, et que j'avais besoin de lui, de tous mes amis pour ne pas sombrer. Et puis, mes yeux sont tombés sur la veste que Jungkook avait toujours oublié de reprendre après chacune de ses visites.
Je l'avais toujours repris, sur le fait que je savais qu'il faisait toujours exprès de la laisser ici. Il aimait quand je la portais, et il savait aussi que j'adorais la revêtir. C'était complètement idiot, mais cette veste était devenue comme un fichu doudou, comme une étreinte lointaine lorsqu'il ne pouvait pas m'en donner.
Et à chaque fois, je faisais exprès de la laisser traîner dans un coin. Il m'avait toujours dit qu'il la ramènerait "une prochaine fois". Mais maintenant, ça faisait bien longtemps que "une prochaine fois" n'était jamais arrivé.
En la fixant, j'avais commencé à nourrir mon petit cœur de nouveaux espoirs.
Il y avait aussi ces photos, sur mes murs. Tous ces souvenirs qui me rappelaient sans cesse oh combien je l'avais aimé. Combien je l'aimais, encore.
Pourtant, je le savais. Je savais qu'un jour je finirais par devoir tourner la page, tout laisser tomber afin de retrouver une vie normale, loin de lui et surtout, loin de nous. Loin de ce qu'on avait été.
Mais je l'avais gardé. Je l'avais gardé, juste au cas où.
Au cas où Jungkook ne trouve pas ce qu'il cherche. Au cas où tout ce qu'il avait eu avant lui manquerait. Au cas où il changerait d'avis, j'étais prêt à attendre.
J'étais prêt à attendre qu'il rentre.
Qu'il rentre enfin à la maison.
J'avais été assez fort pour le laisser me quitter, mais suffisamment faible pour avoir besoin de le retrouver à nouveau. J'avais été assez soucieux pour le laisser s'éloigner.
Pris d'un élan de je ne sais quoi, je m'étais alors levé de mon lit et avait attrapé cette veste sale, la jetant bêtement dans ma machine à laver. J'avais ressenti le besoin de l'éloigner, de la cacher loin de moi, loin de mes yeux, pour enfin trouver le sommeil.
Et puis, je m'étais allongé à nouveau.
Il m'avait fallu de nombreuses minutes, peut-être même des heures pour réussir à trouver le sommeil.
Mais j'avais finalement réussi à trouver la paix...
Oui, je l'avais trouvé.
Avec cette veste enroulée dans mes bras, juste contre mon petit cœur faible et meurtri.
*
« Salut Tae ! Ca faisait un bail qu'on ne s'était pas vu putain ! Comment tu vas depuis le temps ? »
« Oh salut, excuse-moi, je ne t'avais pas vu arrivé. Je vais bien, merci, et toi ? »
« On ne peut mieux mon pote ! Eh, cette soirée promet de ouf. J'savais pas que Jimin avait enfin fini par choper Min, ça trainait sous les draps depuis un bail pas vrai ? »
« Oh...Oui...Ouais, peut-être. Mais ils sont heureux ensemble. »
« Tu m'étonnes ! Bon j'te laisse, je vais saluer les autres. On essaye de se capter avant la fin de la soirée hein, avant l'année prochaine ! »
« Hm, c'est ça. »
Je laissais partir ce vieil ami de la fac vers mes amis, et me replongeais dans mon état morose tout en me servant un verre.
Jimin et Yoongi avaient finalement décidé de fêter le nouvel an dans leur appartement, qui se situait dans un quartier plus cool de Séoul. A vrai dire, je n'avais même pas émis d'avis à propos de ça, je n'en avais pas eu la force. Pourtant, Dieu seul savait que je n'aimais pas ce quartier pour une seule et très bonne raison : Jungkook vivait ici lui aussi, et pas très loin de chez mes amis.
C'était à croire que le ciel avait joué tous ses tours contre moi, ou peut-être bien que c'était le karma ou le destin. En fait, j'avais trouvé ça complètement idiot. Tellement idiot et énervant, que dès lors que j'étais arrivé, j'avais poser mes affaires dans la chambre qui m'avais été dédié pour la nuit, et m'étais jeté sur le mini bar dans l'espoir de retrouver du réconfort dans l'alcool.
Ouais, c'était pathétique. Mais à ce stade, j'en avais plus grande chose à faire.
Pensez ce que vous voulez, que Kim Taehyung était le méchant petit canard, qu'il était faible et surtout le roi des imbéciles à croire que boire allait lui faire oublier ses soucis. Mais franchement, je m'en fichais.
Je voulais juste passer une bonne soirée, garder un faux semblant de sourire sur les lèvres et fêter une nouvelle année en priant qu'un jour, toutes mes angoisses et mes peines disparaissent comme par magie.
« Tae, ralenti un peu sur les verres. »
Je n'avais pas vu arriver Hoseok derrière moi, qui m'avait de suite retirer la bouteille des mains. Depuis maintenant trois ans, il agissait avec moi comme une mère poule. Ce qui était assez drôle dans cette histoire, c'était que Hoseok était un ami de Jungkook. Il faisait partie de son cercle le plus proche, mais il fallait dire que l'on avait construit un lien extrêmement fort tous les deux, lorsque Jungkook était encore là.
Alors quand il était parti, Hoseok avait choisi de prendre soin de moi, et m'avait avoué que bien plus tard qu'il l'avait également fait à la demande de ce con de Jeon.
Foutu Jungkook et ses idées de sauveur d'âmes perdues, hein.
Mais enfin bon, j'adorais Hoseok. Il était devenu essentiel à mes yeux, mais il n'avait jamais réussi à m'apporter tout ce que Jungkook avait fait pour moi. Il n'avait jamais essayé de prendre sa place, jamais. Seulement, il avait été là, me supportant dans toutes mes crises, épaulant Jimin et Yoongi comme il l'avait pu, afin de me faire retrouver ma joie et ma bonne humeur. Parfois aussi, il me donnait des nouvelles de nos anciens amis, Namjoon et Seokjin, qui eux, avaient choisi le parti de Jungkook.
« Ca va Hobi, je gères. »
« Non mais je rigole pas Taehyung, je t'ai vu boire déjà trois verres depuis le début de la soirée. »
« Je tiens bien l'alcool maintenant. »
« C'est pas vraiment le but de la soirée, tu sais...Évite de te mettre une mine, j'ai franchement pas envie de tenir ta tignasse pendant que tu vomis tes tripes ce soir. »
« C'est bon, c'est bon...» soufflais-je en m'avouant vaincu, c'est mon dernier, ok ? »
« Ouais...va plutôt voir Jimin là-bas, il voulait que je t'appelle pour que t'ailles danser avec lui. »
Après avoir bu une gorgée de mon verre, j'avais fini par abandonner ce dernier à moitié plein sur la table du bar et était parti rejoindre mon meilleur ami.
Jimin était un véritable fêtard, et il adorait s'amuser. J'avais toujours partagé son enthousiasme, à l'époque. Mais depuis l'épisode "Jeon Jungkook", mes capacités à faire la fête avaient grandement chuté. Une immense chute libre, comme dans ces foutus grands huit. D'ailleurs, je détestais ça.
« Oh, mon Tae ! »
« Hey Chim...»
Mon meilleur ami me tira vers lui pour m'entraîner dans sa danse, sous les yeux amusés de son petit-ami qui le regardait faire, tout en continuant sa conversation derrière nous.
« C'est cool, pas vrai ? »
« Ouais, c'est cool. Je savais pas que t'avais invité nos vieux potes du lycée. »
« Je savais que ça allait te faire plaisir, j'ai eu raison ? On les avait pas vu depuis quoi...trois ans ? »
« Je crois, oui. »
« Sana a même pensé à te faire une petite enveloppe pour ton anniversaire. La plupart des invités ont participé, t'auras de quoi t'acheter ton appareil photo avec ça ! »
« Hm, y'a fort moyen. »
« Oh aller ! » me souria mon ami en tirant sur ma joue, « Souris un peu, on va enterrer cette année et en commencer une toute nouvelle. C'est le moment de trouver de super bonnes résolutions, tu crois pas ? »
J'avais eu envie de répondre que je faisais les mêmes depuis maintenant trois longues années, mais je n'avais pas envie de détruire la bonne humeur de mon meilleur ami. Alors je lui avais sourit timidement, cachant ma peine et ravalant mes larmes.
La déprime serait pour plus tard.
« T'as raison, de nouvelles résolutions. »
La soirée s'était déroulée comme sur des roulettes, et bien que je n'aimais pas trop cette expression, il fallait dire que mes amis avaient mis les petits plats dans les grands.
Pourtant, à quelques heures de la nouvelle année et du moment tant attendu de tous, je me suis senti tout penaud et fébrile, alors j'avais rapidement prévenu Hoseok que je sortais prendre l'air.
L'air était si froid dehors, qu'on aurait pu croire qu'on était en Antarctique. Sérieux, je me demandais même qui avait eu l'idée d'inventer les saisons, parce que l'hiver n'avait jamais été ma préférée. Quand j'étais petit, j'adorais voir les gens sourire à l'approche des fêtes, l'odeur des feux de cheminées et tout le charabia qui allait avec.
Mais en grandissant, j'avais commencé à haïr tous ces téléfilms de noël et leurs stupides messages heureux, qui faisaient chialer les filles. Parce que je trouvais ça faux. C'était du mensonge, que de croire qu'une telle magie pouvait exister.
Je m'étais promené dans les rues, sans avoir de réel but jusqu'à ce que mon attention soit attirée par des cris qui provenaient d'une fenêtre. Là-haut, dans cet appartement rempli d'inconnus, la joie était à son comble et j'avais fini par me focaliser sur ce couple, qui s'embrassait jusqu'à en perdre le souffle, sur le balcon.
Ils avaient l'air heureux, et moi, je les enviais.
Je les enviais parce que fut un temps où j'avais partagé ce sentiment là, vous savez, la joie et le bonheur qu'on traduisait par des papillons dans le ventre.
Et puis, me disant qu'il était peut-être temps de retourner à ma fête, j'avais commencé à grelotter sans vraiment m'en rendre compte quand une voix me stoppa dans mon élan.
« Il fait vraiment froid, pas vrai Hyung. »
Mon esprit s'était mit à déconner, complètement. Pendant un instant, j'avais cru entendre des voix, je m'étais senti un peu nauséeux et j'avais tout de suite pensé que c'était à cause des verres que je m'étais lâchement enfilé en début de soirée. Mais alors que je commençais à secouer la tête, il fallut que cette voix retentisse à nouveau.
« Qu'est-ce que tu fais dehors, tout seul ? »
Je me retournais et me retrouvais face à lui.
Il était bien là, en face de moi, et il avait bien changé.
Il était vraiment beau, mais ça, ce n'était pas nouveau. Un peu comme si mon cerveau avait associé la définition de la perfection à son seul et unique nom. En fait, Jungkook était la définition de beaucoup d'autres mots de mon dictionnaire.
Surtout celle de "parasite ambulant".
« Qu'est-ce que tu fais là, toi ? »
Bon, j'avais sorti ça de façon assez agressive, mais ne m'en voulez pas, c'était ma façon à moi de me défendre.
« J'avais besoin de prendre l'air...un peu comme toi, je suppose. »
« Tu te trompes. »
« Alors qu'est-ce que tu fais là...tout seul ? »
Je n'avais pas vu Jungkook en personne depuis presque un an. En fait, on s'était parfois croisé, puisqu'il m'arrivait de passer devant le magasin dans lequel il travaillait mais on s'était contenté d'échanger des banalités.
Je n'avais jamais fait attention à quel point il avait changé, à travers ces photos que Jimin m'avait partagé. Il semblait presque plus grand maintenant, alors qu'il l'avait toujours été. On faisait presque la même taille, et ça, ça n'avait pas changé.
Il avait maintenant les cheveux plus courts, et cette coiffure lui allait bien. Il avait aussi continué ses projets de tatouages, comme le montrait si bien sa belle manchette. D'ailleurs, il fallait être fou pour sortir en chemise, les manches relevées à moitié et surtout, sans manteau. Son visage aussi avait changé. Il paraissait plus fin, plus dessiné. Et puis, c'était sans compter ses piercings à la lèvre, et celui à son arcade sourcilière.
Il était beau, à couper le souffle et ce petit con le savait.
Oh oui, il le savait.
« Tu vas tomber malade. » lui dis-je.
« Toi aussi. »
« Ouais. »
« Ouais. »
On était resté comme ça sans rien dire pendant un moment, puis j'avais fini par décidé qu'il était temps que je m'en aille. Mon cœur avait presque cessé de battre et j'avais eu cette terrible envie de boire à nouveau. Encore.
« Je vais y aller. Bonne soirée, Jungkook. »
Alors que je commençais à partir, j'entendis des pas assez lourds dans mon dos, et une main vint attraper mon coude.
« Hyung, attends...»
Comme si son geste m'avait brûlé, j'avais fait un mouvement brusque pour l'éloigner de moi. Il avait d'abord semblé surpris, puis son visage avait retrouvé une expression neutre.
« Il est tard, et je dois rejoindre les autres. »
« Hyung...»
« Arrête de m'appeler comme ça, s'il te plait. »
Pendant un instant, j'avais cru voir de la peine passer dans les iris de mon brun, mais il secoua la tête et remit les mains dans les poches de son jean.
« Je voulais savoir...comment...comment tu vas ? »
Oh, c'était une blague ça.
La meilleure blague de l'année, la cerise sur le gâteau avant d'entamer un nouveau cycle de trois cent soixante cinq jours.
« Comment je vais ? »
« Oui, c'est ce que je t'ai demandé. »
J'avais essayé de lui répondre autrement que sur les dents, mais ma langue avait ripé plusieurs fois contre mon palais, jusqu'à ce que je finisse par passer nerveusement cette dernière sur mes lèvres.
« Parfaitement bien. Maintenant, je dois y aller. Au revoir, Jungkook. »
« Tu ne me demandes pas comment je vais, moi ? »
Oh qu'il pouvait me rendre nerveux et faible à la fois. J'avais envie de me retourner et de lui hurler au visage que non, je n'allais pas bien, et que oui, je n'en avais rien à foutre de savoir comment il allait. Ca aurait été mentir, certes, mais je refusais l'entendre me dire qu'il avait de nouveau brisé des cœurs afin de réparer le sien.
« Je sais que...»
Devais-je lui dire que je savais, pour sa récente séparation ? Certainement pas.
« Peu importe, je dois partir. »
J'avais décidé qu'il était temps pour moi de m'enfuir. De partir loin, avant de céder à toutes ses pulsions dévastatrices qui, je le savais déjà, allaient me hanter pour le reste de ma nuit. Mais il fallait croire que Jungkook avait la langue bien pendue, ce soir-là.
« Je me suis séparé de ma copine. »
Super.
Sortez les pétards, faites éclater les feux d'artifices.
Qu'est-ce que je devais faire de cette information, moi ?
« Je sais. »
Oui, je le savais déjà. Parce que même quand j'essaye de t'oublier et de faire table rase de notre histoire, tu reviens sans cesse au galop.
« Tu ne veux pas savoir pourquoi, hein ? »
« Non. » soufflais-je peiné, « Non, je n'ai pas à le savoir. C'est ton problème, pas le mien. »
« Mais tu m'as toujours écouté quand j'avais des problèmes. »
Oui, mais ça, c'était avant.
« Je pense que depuis le temps, tu as dû te trouver un nouveau confident bien plus performant que moi, Jungkook. »
« Tu te trompes. »
Le temps passait, les minutes s'écoulaient et je sentais déjà mon portable vibrer dans ma poche. Signe que mes amis devaient me hurler dessus en majuscules par messages pour savoir où est-ce que j'étais parti.
« Si tu le dis. »
« Personne n'a jamais pris ta place. »
Bordel mais dans quelle merde je m'étais encore fichu.
Plus le vent frôlait mon visage, plus je commençais à paniquer. Ouais, je paniquais. Qu'est-ce que je devais lui dire, moi ? Et puis, ce n'était pas comme si il arrivait comme une fleur, comme à chaque putain de fois, bordel.
« C'est vraiment pas le moment là, Jungkook. On m'attend, désolé. »
Une nouvelle fois, cet imbécile au visage d'ange me tira la manche, me retenant dans mon élan. C'était à croire que fuir n'était plus une option à la carte.
« Hyung. »
Soudain, mon visage changea. J'implosais de l'intérieur, et mes mains avaient trop longtemps tremblées dans mes poches sans jamais trouver de repos. Ça avait été le mot de trop, le déclic pour mes neurones. Alors, je me figeais sur place, et me retournais afin de plonger mes iris emplies de colère dans les siens.
« C'est quoi que tu comprends pas, Jungkook ? Non parce que, tu vois, j'en peux plus. Est-ce que je vais bien ? Absolument pas, non. Et toi tu es assez bête pour me laisser croire que tu crois tout ce que je te dis. Mais tu sais que je te mens, pas vrai ? Alors pourquoi tu continues tout ça ? C'est pas assez d'avoir laisser traîner ta présence partout autour de moi ? J'ai l'impression d'être dans une putain de cage ! »
« Hyung, j- »
« Non, tais toi ! » hurlais-je, sentant mes larmes montées d'un seul coup, « C'est trop facile de partir comme si tu disparaissais à chaque fois et de revenir en pensant que je serais là pour te réconforter. Parce que ouais, ouais je serais là. Et tu sais pourquoi ? Parce que j'ai jamais réussi à te voir comme mon ami, Jungkook. Tu pensais quoi en me demandant ce truc stupide ? Que ça allait permettre à notre super lien de rester intact ? T'es arrivé dans ma vie comme une putain de rafale de vent. T'as tout détruit sur ton passage pour bâtir ton territoire, tu m'as emprisonné dans une foutue tour en me faisant croire que j'étais à l'abri de tout. En me faisant croire que j'étais unique et parfait à tes yeux, avec ton sourire à la con et tes...Putain, écoutes. Je t'ai fait confiance. Je t'ai laissé me redonner goût à la vie, je t'ai laissé me porter quand je n'arrivais même plus à mettre un pied devant l'autre. J'ai cru en toi et en ce qui pouvait être un "nous". »
Je laissai absolument tout sortir, et au fond, c'était peut-être ça, ma résolution.
« J'ai une question, Jungkook. Une seule. Qu'est-ce que j'étais pour toi, pendant tout ce temps ? Je t'ai toujours écouté me raconter tes histoires de cœur, et à chaque fois, tu me disais que tu ne me traiterais jamais comme les autres. Pourtant, au départ, on était juste amis. Alors pourquoi avoir été si ambigu dès le départ ? Pourquoi...Comment t'as pu dire à ma mère que j'étais trop précieux pour toi pour que tu n'aies pas envie de me sauter dessus comme tu l'aurais fait avec n'importe laquelle de tes conquêtes ? Pourquoi après cette soirée d'anniversaire qu'on avait organisé pour Jimin, tu m'as envoyé ce message en me disant que tu étais perdu entre ce que tu pensais ressentir pour moi et la tentation qui flottait entre nous ? Non parce que, si c'était juste pour me baiser Jungkook, il aurait fallu me le dire. Peut-être que je l'aurais assimilé dans mon crâne et que j'aurais pu me dire que c'était juste une fois. Juste une seule. Mais non. »
Peut-être que Jimin avait eu raison, et qu'il fallait que je laisse enfin tout sortir. Que j'épargne mon cœur de porter encore, une année de plus, ce lourd fardeau dans ma poitrine.
« T'avais juste pas le droit de me faire ça. T'avais pas le droit, Jungkook. T'avais pas le droit de me dire que j'étais absolument tout ce qui comptait pour toi, alors que t'avais juste peur que je t'abandonne, comme tous les autres. Parce que je t'aurais jamais laissé tomber. Pourtant toi, ça ne t'as pas empêché de le faire. T'es parti une première fois, puis t'es revenu. Tu t'es excusé et tu m'as dit que tu m'aimais, dans les yeux. Et puis t'es reparti. Pendant deux long mois, tu m'as ignoré, et t'es encore revenu avec cet air de chien battu en me disant que t'avais besoin de moi. Alors ouais, cette fois-ci on a peut-être pas remis le couvert, mais t'es quand même revenu, t'as profité de moi, et t'es parti. Encore. Ça dure depuis trois ans. Trois putain d'années. Et j'en ai marre. J'en ai marre ! »
Je hurlais. Je hurlais dans la rue, je parlais avec de grands gestes et mes larmes me faisaient si mal aux yeux. Pourtant, je me sentais aussi devenir plus léger.
« Je peux plus continuer comme ça. J'ai besoin...J'ai besoin d'avancer moi aussi. J'en ai marre de rencontrer quelqu'un et de m'en lasser pour la simple et bonne raison que ce n'est pas toi. J'en ai marre de m'endormir le soir et de penser à la façon dont tu attrapais ma taille pour mieux dormir contre moi. J'en ai ma claque, vraiment, je n'en peux plus d'aller bien pendant une semaine, deux voir un mois pour ensuite replonger dans un mood affreux rien qu'en pensant au fait que tu vis pas loin, et que je ne suis pas là. Avec toi. Je...»
Soudain, prenant conscience que je n'étais pas seul, je m'arrêtais dans mon discours. En face de moi, Jungkook pleurait.
Il pleurait, et c'était bien la première fois que je le voyais pleurer comme ça.
Il ne disait rien, mais son visage était plus triste que jamais. Je crois que j'avais réussi à le toucher, pour de vrai cette fois. Il prenait conscience de ma douleur, de l'intensité de ma peine mais aussi étrange que cela puisse paraître, je n'avais pas honte. Je ne me sentais pas coupable, parce qu'il devait le savoir.
J'avais besoin de tout lui dire, de tout lui déballer. Car toutes les fois où j'en avais eu l'occasion, je n'avais jamais réussi à saisir la perche.
Puis, soudain un peu plus soulagé, mon cœur se serra.
Je me sentais coupable, car je n'avais pas voulu être méchant ou paraître égoïste.
Non, loin de là.
« Jungkook, je...»
« Tu as finis ? »
« Je...»
« Taehyung, est-ce que tu as finis ? »
Son changement de ton me perturba, et pendant quelques secondes, je me sentis redevenir cet ancien Taehyung que j'avais été. Celui qui avait tant aimé dormir dans ses bras, celui qui avait tant eu besoin de ses mots doux et de ses caresses pour s'endormir. Celui qui l'aimait, encore.
Je ne pus lui répondre, et alors, il en profita pour essayer ses larmes et reprendre une expression la plus neutre possible. Il essaya, du moins. Mais je le connaissais trop bien, et je savais qu'il avait dû se battre contre lui-même pendant tout mon discours, cherchant ses mots et essayant de calmer sa colère naissante. Mais ce n'était pas contre moi qu'il était en colère, c'était contre lui.
« Je suis désolé. »
« Ca...ca ne change rien, Jung- »
« Non, pas pour ça. Je suis désolé, parce que j'ai été lâche. Désolé d'avoir eu peur. »
Tandis que mes larmes coulaient à flot, je me sentis pris d'une sensation nouvelle, soudainement plus intéressé par ce qu'il allait me dire.
« J'ai eu peur, d'accord ? Je...j'avais peur, Taehyung. Parce que de toute ma vie, je n'ai jamais connu une personne aussi adorable et aimante que toi. Alors ouais, c'était peut-être horrible de ma part d'avoir voulu te garder rien que pour moi, mais la simple idée de te partager ou te te voir souffrir à cause de quelqu'un d'autre que moi me rendait malade. J'ai jamais voulu...j'ai jamais...»
Il passa plusieurs fois la langue contre sa joue, prenant le temps de respirer avant de reprendre.
« J'ai jamais voulu profiter de toi, ou devenir quelqu'un de toxique ou je sais pas trop comment tu vois ça. Je voulais juste que tu sois heureux, parce que tu méritais de l'être. Tous nos moments, je les ai tous aimés, toujours un peu plus. Quand j'étais avec toi, j'étais moi-même. Et c'est pour ça, que j'ai eu peur. Parce que j'avais aucune barrière, aucune raison de mentir. Tu savais toujours comment me rendre heureux ou calmer mes nerfs, tu savais comment me faire plaisir et j'étais devenu complètement accro à tout ça. J'avais peur, parce que je me disais que si tu voyais à quel point je pouvais être con, tu serais parti. Et je pouvais pas...Je pouvais pas te laisser partir, alors je l'ai fait. Avant que ce ne soit toi qui ne le fasse. »
C'était le raisonnement le plus bête et illogique que je n'avais jamais entendu de toute ma vie. Mais connaissant mon bien aimé, mon cher et tendre Jungkook qui se tenait là, je savais aussi que le fait de s'ouvrir autant était une véritable épreuve. Jungkook savait jouer avec les mots, il savait les manier à sa guise, c'était une chose. Mais il avait toujours eu peur de ne pas savoir comment gérer ses émotions, en direct. Il me l'avait dit, une fois.
« Je reviens à chaque fois parce que...Bah parce que je sais que je...»
« Que quoi ? »
« Je sais que je...»
Alors qu'il se battait contre lui-même pour m'avouer ce qu'il avait sur le cœur, mon téléphone nous coupa, et me fit sursauter. Je n'eus pas d'autre choix que de m'excuser et de répondre, faisant face à l'inquiétude et la colère de mes amis pour mon absence. On approchait à grands pas de la nouvelle année, et moi, j'étais encore dehors en train de tirer un trait sur un bon vieux fantôme du passé. Après avoir détendu mon meilleur ami à l'appareil, je finis par lui dire que je rentrais.
Cela ne poussa pas Jungkook à trouver ses mots, et je le vis commencer à s'énerver un peu plus, les lèvres tremblantes. Il mordillait son piercing, passait les mains sur son visage comme si ce dernier était sale. Puis, après avoir attendu un peu trop longtemps à mon goût, je m'excusais une nouvelle fois et commençais à m'éloigner.
Il était temps pour moi, de vivre une nouvelle vie.
De dire enfin adieu à toutes ces longues nuits de déprime et de douleur, car maintenant, je me sentais plus léger. Je n'en étais pas moins meurtri et désolé envers ma propre personne, mais j'étais fin prêt à tourner la page.
L'air me semblait tout neuf autour de moi, tout semblait trouver une nouvelle odeur, un nouveau goût et même un nouveau sens.
Mais au moment où je pensais que tout était enfin fini, la main de Jungkook trouva vite refuge dans la mienne et me tira contre lui d'une force inouïe. Je n'eus pas même le temps de lui demander de me laisser, que ses lèvres rencontrèrent les miennes.
Soudain, ce fut une véritable explosion.
On aurait pu le comparer à toutes les magies du monde, à une explosion de mille artifices tirés simultanément, à la découverte d'une première fois, à des poèmes du meilleur poète de l'univers ou bien encore à la découverte d'une nouvelle passion.
Mon corps entier se mit à perdre pied, et fort heureusement, les bras de Jungkook furent présents, après bien trop longtemps, pour me retenir de tomber.
J'avais l'impression de découvrir ses lèvres pour la première fois.
Ce mélange de sucré et d'amertume, mélangé à ce petit goût de fer dû à son piercing qui rencontrait mes croissants de chair. C'était un peu froid, mais fort agréable. Je pouvais sentir son souffle chaud contre mes narines, ses mains dans mes cheveux et sur ma taille.
Incroyable n'aurait même pas été le meilleur des mots pour qualifier cette sensation, tant elle était bonne.
Puis, à contre-cœur, chacun de nous se recula pour reprendre son souffle.
Je me sentis alors bien étrange, pris dans un tourbillon de trop de choses à la fois, et enfin, je rencontrais ses sombres iris.
Je retrouvais ce regard, pour lequel j'étais tombé. Tombé d'un foutu immeuble, d'un gratte ciel, et pour lequel je me serais battu contre des peuples entiers.
Sa main serra la mienne, un peu plus fort, comme si j'allais m'échapper. Et après avoir passé sa langue contre sa joue, une seule fois, il me tira jusque dans ses bras et approcha ses lèvres de mon oreille.
« Je t'aime, Hyung. »
*
"C'est drôle de se dire que parfois, chacun d'entre nous à l'impression de vivre dans un putain de film. Pas vrai ?
On s'imagine qu'il ne peut pas avoir pire que ce que l'on vit, que la douleur que l'on traverse où je ne sais quoi d'autre. Alors qu'en réalité, on sait très bien que dans le monde, des gens vivent des choses bien pires, que la peine et la douleur ont des formes différentes. C'est aussi drôle de se dire qu'on à tous notre propre façon d'affronter les choses.
On apprend chaque jour à surmonter des obstacles, à devenir plus fort. Avec ou sans l'aide des autres, on apprend à devenir nous-mêmes et à faire valoir ce que l'on souhaite être, réellement.
Que ce soit le destin, le karma, la magie ou peu importe ce que c'est, il ne faut jamais oublier que le bonheur peut être là, juste dans nos mains. Il suffirait alors de le laisser s'évader, de le laisser envahir notre petite bulle. Comme on laisserait s'échapper un petit papillon après l'avoir attrapé.
D'ailleurs, c'est joli ça, les papillons.
Certains vivront des années, tandis que d'autres ne seront qu'éphémères.
Vous vous êtes déjà demandé si les papillons se posent autant de questions sur leur raison de vivre ? Moi, je suis certain que non. Ils se contentent de voler en suivant la lumière, sans se soucier du fait qu'il pourrait se blesser, s'envoler encore plus haut et plus loin, peut-être même mourir.
Oui, c'est pas très joyeux ça, mais je vous assure que c'est vrai.
Je pense que l'être humain est complexe.
En fait non, ça on le sait tous.
On est complexe, bizarre, impatient, chiant à mourir aussi. Comme on peut être extraordinaire, surtout lorsque quelqu'un croit en nous.
Surtout lorsque quelqu'un, n'importe qui, nous aime et nous porte sans se soucier de ce que l'on vaut. Un peu comme les papillons, en fait.
Et c'est un peu aussi pour cette raison, que moi je me souviendrais toujours de toi.
Et que toi, tu te souviendras toujours de nous."
« Hyung ! Tu viens ? On va être en retard, Jimin va finir par me tuer si on arrive pas avant les autres ! »
« Depuis quand tu te soucis de la colère de Park, toi ? »
« Depuis qu'il m'a juré de me tuer pendant mon sommeil si je te faisais encore pleurer. Alors s'il te plait, vi....Oh mais, tu écrivais ? »
« Hop là toi, interdit de regarder. »
« Mais qu'est-ce que c'est ? »
« Ton cadeau. »
« Mais c'est le nouvel an là, c'est plus Noël. » bouda Jungkook, posa sa tête dans le creux de mon épaule.
J'aurais presque pu céder à sa bouille adorable, tiens.
« Ouais, mais c'est ma résolution à moi pour l'année prochaine. »
« Comment ça ? » me souffla le brun, embrassant amoureusement ma joue.
« Disons que comme ça au moins, tu pourras toujours te souvenir. »
« Me souvenir de ? »
« De nous, Jungkook. » dis-je en refermant le petit carnet, dans lequel j'avais annoté toute notre histoire, « De nous. »
Jungkook me laissa me relever, restant appuyé d'une main sur le dossier de la chaise sur laquelle j'étais assis. Il me regarda ranger le carnet dans mon sac, puis il me fit un petit sourire.
« Quoi ? » demandais-je, attendris pas son expression adorable qui lui habillait le visage.
« Je me souviendrais toujours de nous...» murmura t-il tout en marchant jusqu'à moi, « Parce que je t'aime, Hyung. »
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