7. Riley
Lorsque nous arrivons à notre bar habituel, je commande immédiatement une bière et parcours la salle du regard à la recherche de ma future conquête de la soirée. Mes yeux se posent sur une charmante rouquine aux iris aussi bleus que les miens. Ses amies lui font signe et elle tourne la tête dans ma direction. Je lui adresse un sourire séducteur, qu'elle me rend en rougissant. Okay, elle semble légèrement timide, mais ce n'est pas un problème pour moi, au contraire, je préfère quand elles sont un peu réservées. Je repère également une petite brune assise dans le fond, mais j'ai à peine le temps de l'observer qu'un éclair rouge attire aussitôt mon attention. Je cligne des paupières pour être certain de ne pas avoir rêvé. Non, ce n'est pas une vision, Red est bien là, appuyée contre l'une des tables hautes avec Jérémy et... Matt ?! Je n'y crois pas ! Cet enfoiré est de retour en ville et il n'a même pas pris la peine de me contacter ! J'hallucine ! Je sais que Matt et lui sont potes depuis qu'ils sont gosses puisqu'ils étaient voisins à l'époque. Jérémy est ami avec Beth, ça ne devrait donc pas me surprendre que Matt et elle se connaissent aussi et pourtant c'est le cas ! Jusqu'à récemment, j'ignorais même que Jérémy et elle se côtoyaient déjà depuis des années ! C'est quoi ce délire ? Je suis allée à la fac avec lui. On a passé des soirées à draguer ensemble et il ne m'a jamais parlé d'elle et je ne l'avais jamais vue avant qu'elle ne vienne travailler aux Éditions Cole ! Depuis combien de temps se tient‑elle dans l'ombre ?
— Riley ?
— Hein ? Quoi ?
Je me retourne lorsque Seth m'interpèle. Logan et lui m'observent d'un drôle d'air.
— J'ai un truc sur le visage ? demandè‑je.
— Ça fait plus de cinq minutes que tu les fixes, déclare Seth en désignant le trio d'un signe de tête. C'est la nouvelle coiffure de Beth qui te perturbe à ce point ?
—Tu connais son prénom ?! m'étonnè‑je en saisissant ma bouteille de bière.
— Bien sûr. Elle est venue plusieurs fois ces derniers temps.
— Ah bon ? s'enquiert Logan à son tour, visiblement aussi surpris que moi.
— Ouais. Elle passe souvent dans le quartier et elle s'arrête pratiquement tous les jours pour prendre un café. On a commencé à discuter, elle est vraiment cool, ajoute Seth en jetant un coup d'œil vers le petit groupe. Et puis, faut reconnaitre qu'elle est sacrément jolie.
Alors là, je tombe des nues ! Je ne sais pas ce qui me sidère le plus ; que Beth soit devenue une habituée de ce bar ou que Seth l'a trouve cool et jolie ? Je porte mon verre à mes lèvres et avale une gorgée tout en me demandant si je ne me suis pas réveillé dans un monde parallèle ce matin.
— Elle n'habite pas le coin pourtant, ça ne lui fait pas un peu loin pour venir boire un café ? questionne Logan en jouant avec son whisky.
— De ce que j'ai compris en allant prendre leur commande, ils parlaient d'une sorte de projet que Beth voulait concrétiser et je pense que ça pourrait t'intéresser, Seth, annonce Milly en revenant près du bar.
Elle s'accoude à côté de moi et tend un papier au barman qui s'en saisit avant de se détourner pour préparer les verres.
— Quel genre de projet ? demandè‑je malgré moi.
Logan hausse un sourcil en entendant ma question. Je m'étonne moi‑même. J'avale une gorgée de ma bière pour ne rien laisser paraitre alors qu'en réalité cette histoire m'intrigue complètement. Beth nous avait dit qu'elle avait ses raisons de quitter son poste de déléguée commerciale, mais elle ne s'est pas étendue sur le sujet et j'avoue ne pas y avoir prêté plus d'attention. Pour être honnête, je n'en avais tout simplement pas envie. J'étais encore bien trop remonté contre elle pour me soucier de sa vie. Je le reconnais, je suis devenu livide le jour du procès d'Aaron quand j'ai appris qu'il l'avait frappée. Je n'avais pas cru à sa prétendue chute dans les escaliers, mais je ne m'étais pas attendu à ça non plus. J'ai beau ne pas la porter dans mon cœur, elle ne mérite pas de subir ce genre de maltraitance. Je tourne la tête dans sa direction ; elle est en train de rire. Je l'ai déjà vue sourire avec les filles, mais de manière plutôt timide. En revanche, c'est bien la première fois que je la vois être... heureuse ? J'ignore si elle sent mon regard posé sur elle, mais ses yeux verts viennent se planter dans les miens, comme attirés par un aimant. Je la fixe avec attention, en tentant de comprendre pourquoi elle agit si différemment avec moi. Je reconnais parfaitement que je n'ai pas été tendre avec elle, j'ai mes raisons de me comporter de cette façon, mais quelles sont les siennes ?
— Je n'ai pas entendu la suite, explique Milly en patientant au comptoir.
Le bar n'est pas excessivement rempli ce soir, les clients sont presque tous servis. Avec l'arrivée de la neige, les températures ont chuté, les gens préfèrent rester au chaud chez eux. Je les comprends, j'ai beau ne pas craindre le froid, je suis content quand je retrouve la chaleur de mon appartement.
— Je dois reconnaitre que je suis curieux d'en savoir plus, avoue Logan en se redressant.
Je me tourne vers lui, intrigué.
— Tu fais quoi, là ?
— Je vais leur dire bonjour, répond‑il comme si j'étais débile.
— T'as pas l'impression qu'on va se taper l'incruste, non ? fais‑je remarquer en secouant la tête.
— Parce que ça te dérange en temps normal, peut‑être ? réplique‑t‑il en commençant à s'éloigner.
Je grimace avant de lui emboiter le pas, mais la jolie rouquine que j'avais repérée en arrivant m'accoste aussitôt.
— Salut, me dit‑elle en plaçant une mèche de cheveux derrière son oreille dans un geste timide.
Logan s'arrête et je lui adresse un signe discret pour lui dire que je le rejoins plus tard.
— Bonsoir, réponds‑je en arborant mon air le plus charmeur.
— Je m'appelle Emma.
— Enchanté, je suis Riley. Tu veux boire quelque chose ? lui proposè‑je en me rasseyant sur le tabouret que j'occupais quelques secondes plus tôt.
Elle hoche la tête en souriant et prend place à côté de moi. Maintenant que je la vois d'un peu plus près, je peux dire qu'elle n'est pas vraiment mon style, mais elle n'en reste pas moins ravissante. De petites taches de rousseur parsèment ses joues. Les traits de son visage sont fins et doux et que dire de sa silhouette... je me retiens pour ne pas baisser les yeux sur son décolleté plongeant. Ses cuisses sont parfaitement moulées dans un collant, que je m'imagine déjà lui retirer. Pourtant, au fil de notre discussion, je sens que le courant ne passe pas entre nous. J'aime les femmes peu sures d'elles, car cela me donne l'occasion de leur montrer l'étendue de mon savoir‑faire quand nous sommes au lit. Non, je ne suis pas macho, j'ai simplement envie qu'elles prennent un maximum de plaisir. Qu'est‑ce qu'il y a de mal à ça ? Malheureusement, Emma est bien plus réservée que je ne le pensais et à mesure qu'elle parle, je me rends vite compte qu'elle n'est pas le genre de fille à chercher uniquement un coup d'un soir. Dommage... pour elle, parce qu'elle se prive d'une expérience fantastique, mais aussi pour moi, car je vais devoir faire une croix sur le sexe pour ce soir. Dès que j'ai commencé à discuter avec Emma, j'ai remarqué que la jolie brune avait mis les voiles. Double frustration.
Au bout d'une heure, Logan revient vers moi, Jérémy, Matt et Beth sur les talons. Le visage de mon meilleur ami est fermé, et je fronce les sourcils. Quelque chose cloche, et j'aperçois Red s'éloigner un instant, son téléphone vissé à l'oreille.
— Qu'est‑ce qui se passe ? demandè‑je à Logan en occultant totalement la présence de la rouquine à côté de moi.
— Ash vient de m'appeler, déclare‑t‑il d'une voix sombre.
Son ton m'alarme aussitôt. Ma pote attire les ennuis sans même lever le petit doigt.
— Elle va bien ?
— Elle, oui. C'est Chelsea.
Je me fige d'un coup. Je sais que les filles étaient avec Chelsea à la patinoire pour son entrainement. Or, si Logan est aussi tendu, c'est que ce qu'il s'apprête à me dire n'est vraiment pas bon. Il n'a d'ailleurs pas le temps de prononcer quoi que ce soit. Beth revient vers nous en rangeant son téléphone dans la poche arrière de son jean.
— C'était Sandra. Les ambulanciers ont pris Chelsea en charge. Ils l'emmènent au New York Presbyterian, annonce‑t‑elle à toute vitesse. Ça semble assez sérieux.
— Okay, on y va, déclare Logan. Seth !
— J'ai entendu, t'inquiète pas, tu passeras me régler les consommations...
— Je m'occupe de l'addition, le coupe Matt en s'avançant vers le comptoir. Je ne connais pas votre amie et vous serez déjà assez nombreux auprès d'elle, nous explique‑t‑il devant nos airs ahuris.
— Il a raison, vous devriez y aller, tout de suite, ajoute Beth en s'adressant à Logan et moi.
Mon pote lève les yeux de son portable.
— ON devrait y aller, rectifie‑t‑il. Tu viens avec nous, Beth, et ce n'est pas négociable.
— Quoi ? Mais non ! Je ne suis pas aussi proche de Chelsea que vous deux, je ne vois pas bien ce que je pourrais faire pour elle. Il vaut mieux que je reste là. Tu m'enverras un message quand vous aurez des nouvelles.
— Rentre‑toi ça dans le crâne, Chelsea te considère comme son amie et elle va avoir besoin de tout le soutien possible. Ce n'est pas le moment de ressortir la carte de la culpabilité, assène‑t‑il d'une voix ferme.
— Logan... l'avertit Jérémy.
— Bon, peu importe ! Il faut qu'on décolle, tu viens avec nous, oui ou non ? demandè‑je à Beth avec impatience en me redressant.
Elle blêmit légèrement face à mon ton autoritaire puis cherche Jérémy et Matt du regard. Ce dernier lui adresse un hochement de tête, comme pour l'encourager. Red déglutit péniblement et ses iris se posent sur moi.
— Okay, je vous accompagne, répond‑elle hésitante.
— Merci pour l'addition, mon pote, on te revaudra ça, déclarè‑je à Matt avant de tracer vers la sortie.
*****
Cela fait plus d'une heure maintenant que nous sommes dans la salle d'attente des urgences. Ne rien savoir est insupportable, je trouve ça dingue que personne ne nous ait encore dit quoi que ce soit sur l'état de Chelsea. Sandra fait tourner son café au fond de sa tasse, pendant que Logan discute avec Ash dans un coin. Ma meilleure amie n'est toujours pas à l'aise dans les hôpitaux, mais je suis content de voir qu'elle prend sur elle pour rester auprès de Chelsea. Mason est toujours bloqué au commissariat à cause d'une affaire qui traine en longueur, malgré tout, il trouve le temps de me bombarder de messages ; j'ai dû l'appeler et le menacer d'éteindre mon portable s'il ne se calmait pas. Logan, lui, n'a même pas pris la peine de le lui dire et a directement coupé son téléphone après avoir reçu un énième texto. Si je suis capable de faire preuve d'une grande patience, ce n'est pas le cas de Logan. Et puis, de toute façon, nous n'avons pas de nouvelles, donc nous ne pouvons rien annoncer à Mason.
D'après Ash et Sandra, Chelsea a violemment chuté alors qu'elle effectuait, ce qu'on appelle dans le jargon du patinage, un triple axel. Apparemment, un de ses genoux aurait pris un vilain coup, ainsi que son poignet, mais le plus inquiétant, est le choc qu'elle a reçu à la tête en retombant sur la glace. Elle était inconsciente quand les secours l'ont amenée ici et depuis nous attendons tous d'avoir de ses nouvelles. Je tourne en rond comme un lion en cage, et décide d'aller me dégourdir un peu les jambes. Je demande à Sandra de me prévenir s'il y a quoi que ce soit et me dirige vers la cafétéria de l'hôpital. Je me prends un double expresso et parcours la salle du regard pour trouver une table où m'installer lorsque je repère Beth, assise seule, les yeux rivés sur la tasse devant elle. Je fronce les sourcils, intrigué. Elle s'est éclipsée quelques minutes après notre arrivée et je croyais qu'elle avait finalement décidé de repartir. Je me trompais. En l'observant attentivement, je remarque que son teint est livide, et ses traits tendus. Je me demande ce qui la met dans cet état. Je n'imaginais pas qu'elle était aussi proche de Chelsea.
Après un instant d'hésitation, je m'avance pour la rejoindre. Je m'assois en face d'elle, mais elle n'a aucune réaction. Elle est complètement perdue dans ses pensées.
— Alors c'est ici que tu te cachais ? lui demandè‑je pour amorcer la conversation.
Beth sursaute carrément et renverse son café sur la table haute. Je m'écarte immédiatement avant que le liquide ne vienne couler sur mon jean.
— Waouh, du calme !
— Merde ! Je suis vraiment désolée ! s'excuse‑t‑elle en épongeant la flaque à grand coup de serviettes en papier.
— Je te rends nerveuse à ce point‑là ? l'interrogè‑je, perplexe.
C'est dingue les réactions qu'elle peut avoir dès que je suis dans les parages. Qu'une fille perde ses moyens en ma présence aurait de quoi me flatter, mais là, il s'agit de Beth et ça ne fait que renforcer mon idée qu'elle est bizarre.
— Quoi ? me répond‑elle en levant les yeux vers moi.
— J'ai l'impression que tu as peur de moi, expliquè‑je en désignant sa tasse renversée d'un signe de tête.
— Un peu, c'est vrai, m'avoue‑t‑elle sans hésitation.
Elle se fige d'un coup, prenant sans doute conscience de ce qu'elle vient de dire.
— Pourquoi ?
— Euh... ce n'est pas seulement toi... Je suis comme ça depuis... elle ne termine pas sa phrase et détourne le regard, en se mordant la lèvre inférieure, mal à l'aise.
Elle se lève pour aller jeter les papiers imbibés de café, et revient s'installer sur sa chaise.
— Je suis désolé, je ne pensais pas... commencè‑je en comprenant à quoi elle fait allusion.
— Ça ne fait rien, ajoute‑t‑elle précipitamment en reportant son attention sur moi.
— Pourtant, tu n'avais pas l'air... apeurée, avec Jérémy et Matt tout à l'heure.
— Je ne suis pas effrayée d'être près d'un homme si je le connais... mais c'est surtout... le contact physique qui me dérange... J'étais perdue dans mes pensées quand tu es arrivé, tu m'as surprise, c'est tout.
— Je vois.
Je n'avais aucune idée qu'elle avait gardé des séquelles de son histoire avec Aaron. Du moins, pas à ce point. Maintenant, je comprends mieux sa réaction le soir de Thanksgiving lorsque j'ai accidentellement touché sa main. D'ailleurs, quand j'y réfléchis, je ne me souviens pas avoir vu un seul de mes amis avoir un geste envers elle, pas même une accolade. Rien. Étaient‑ils déjà tous au courant ? Merde... j'étais tellement focalisé sur ce qui était arrivé à Ash par sa faute, que je n'ai pas remarqué que Beth aussi avait souffert de cette situation.
Tout à coup, elle tourne la tête vers moi et j'arque un sourcil, intrigué.
— Quoi ?
— Je viens seulement de réaliser... Tu connais Matt ?! Tu l'as appelé « mon pote » tout à l'heure.
— Euh, ouais. On s'est rencontrés à une soirée à la fac, expliquè‑je en haussant les épaules.
Elle ouvre des yeux grands comme des soucoupes.
— Logan et moi avons fait nos études avec Jérémy. C'est grâce à lui qu'on a pu réaliser nos stages aux Éditions Cole, ajoutè‑je en avalant une gorgée de mon café.
— Mais, Matt n'était pas à la même fac que vous !
— Ce n'est pas parce que tu étudies ailleurs que tu ne peux pas aller à une soirée sur un autre campus, tu sais.
— Pas faux, déclare‑t‑elle en hochant la tête.
— Et toi ?
— Comment ça, moi ?
— Comment as‑tu connu Matt ? lui demandè‑je un brin impatient.
Elle le fait exprès ou quoi ? J'ai l'impression qu'elle est complètement à côté de ses pompes ! Elle blêmit davantage et j'ai peur qu'elle tourne de l'œil tellement elle est livide. Beth se renferme sur elle‑même immédiatement.
— On est amis depuis qu'on est petits... lâche‑t‑elle en détournant le regard.
— Pourquoi tu as l'air si mal à l'aise ? Tu cultives le secret ? ironisè‑je en portant mon café à mes lèvres.
— Non... Je n'aime juste pas parler de mon passé, et encore moins à quelqu'un avec qui je n'ai aucun lien, assène‑t‑elle d'un ton sec.
— Aucun lien ?
— On n'est pas amis, toi et moi, alors pourquoi je te raconterais ma vie ? réplique‑t‑elle impatiente.
— Pour qu'on apprenne à se connaitre ?
Elle se tait un instant et me fixe de ses yeux verts. C'est dingue comme la couleur émeraude de ses iris ressort grâce à ses cheveux rouges.
— En quoi en apprendre plus sur mon passé t'aidera à mieux me connaitre ? m'interroge‑t‑elle méfiante.
— Parce que j'aimerais savoir qui tu étais plus jeune et comment tu es devenue celle que j'ai en face de moi aujourd'hui.
— La fille égoïste, pétée de tunes, et à cause de qui ta meilleure amie a presque failli se faire tuer ?
Je grimace quand elle évoque cet évènement. Pourtant, ce n'est plus du tout comme ça que je la vois, désormais. C'est vrai. Depuis qu'elle a débarqué chez Logan et Ash et qu'elle m'a mis une raclée sur la console, elle a éveillé ma curiosité.
— Non. La fille qui m'intrigue et sur qui je veux en savoir plus.
Nous nous affrontons plusieurs minutes dans un duel de regards. Aucun de nous deux ne baisse les yeux et j'arrive à percevoir son trouble au fond des siens. Elle est surement en train de se demander ce qui me passe par la tête. Je dois reconnaitre que depuis que l'on s'est rencontrés la première fois, dans les locaux de la maison d'édition, cette conversation est probablement la plus longue que nous ayons échangée. Elle ne s'intéressait pas à moi, moi non plus et cela me convenait parfaitement. Je me répète, mais, aujourd'hui, elle pique ma curiosité et je suis prêt à mettre ma main à couper que c'est à cause de ses cheveux. Le blond est une couleur assez répandue, je la qualifierais presque de passepartout, au même titre que le brun ou le châtain. Ce que je veux dire c'est que jusqu'à présent, je la voyais sans vraiment la rermarquer ; elle aurait pu se tenir au beau milieu de Time Square je ne suis pas sûr que je l'aurais repérée. Autant dire que maintenant, avec ce rouge qui tire sur le bordeaux, je n'aurais aucun mal à la trouver ! Elle ne passe clairement pas inaperçue, pourtant tout dans son comportement semble prouver que c'est précisément ce qu'elle cherche à faire. Se fondre dans la masse, ne pas se faire remarquer, être comme toutes les autres. Le problème est là, en fait. Beth n'est pas comme les autres.
— Okay, lâche‑t‑elle brusquement.
— Okay pour quoi ? demandè‑je perplexe.
— Demande‑moi ce que tu veux savoir. Pose‑moi des questions, je te promets d'y répondre si ce n'est pas trop personnel, ajoute‑t‑elle.
— Ce n'est pas le but, justement ? Poser des questions personnelles ?
— C'est moi qui juge de ce que je suis prête à te révéler ou non me concernant. C'est à prendre ou à laisser.
— T'es sérieuse ?
— Tout à fait. Alors, qu'est‑ce que tu veux savoir ?
— Tu me prends un peu au dépourvu là je dois dire, déclarè‑je en me massant la nuque. Très bien. Commençons par quelque chose de simple. Quelle est ta couleur préférée ?
— Véto !
J'arque un sourcil, surpris.
— Comment ça, véto ?
— Je passe la question. Trop personnel, réplique‑t‑elle d'un geste de la main.
— Tu te fous de moi ou quoi ? Je ne t'ai pas demandé ton tour de poitrine que je sache !
— 38C.
Je m'étouffe avec mon café lorsqu'elle me balance ça de but en blanc.
— Pardon ?!
Surpris, je saisis une serviette en papier et m'essuie la bouche.
— Je fais du 38C.
Je cligne des yeux plusieurs fois en me retenant de les baisser en dessous de son visage.
— M'avouer ta couleur favorite c'est trop personnel, par contre me dire la taille de ton soutif, ça, ça ne te pose aucun problème ? Mais qu'est‑ce qui ne va pas chez toi, sérieux ?
— Je te l'ai dit, c'est moi qui juge ce que je veux te révéler.
— Ouais, enfin, t'as quand même un sacré souci au niveau de tes préférences. Bon bref, passons... On va négocier, on a droit qu'à quatre vétos et pas un de plus. Tu viens d'en griller un, donc il t'en reste trois. Un conseil, choisis bien, on ne sait jamais, je pourrais te demander quelle marque de céréales tu manges au petit déjeuner.
— Ce véto‑là ne comptait pas ! On n'avait pas posé les termes de l'accord ! J'en ai toujours quatre !
— Trois. N'essaie pas de marchander avec moi, Red. Je connais les subtilités de ton boulot de commerciale, tu ne m'auras pas.
— Ancien boulot. Je te rappelle que j'ai démissionné, rectifie‑t‑elle en secouant la tête.
— Ah beh justement, tiens. Pourquoi ? lui demandè‑je en terminant ma boisson.
— Pourquoi quoi ?
— Pourquoi tu as démissionné de ta place ? Je croyais que tu adorais ce travail.
— Beh tu supposais mal, répond‑elle en haussant les épaules.
Je lève les yeux au ciel et laisse échapper un soupir, exaspéré. Cette fille va me rendre fou.
— D'accord. Alors tu vois, pour que ça marche et qu'on réussisse à bien s'entendre, il faut qu'on communique tous les deux, expliquè‑je en nous désignant tour à tour du doigt.
— Okay, j'ai pigé, arrête de me prendre pour une demeurée.
— Dans ce cas, réponds à mes questions !
— T'avais raison, j'adorais ce boulot. Au début. Garantir la promotion et la distribution dans les différents points de vente, entretenir de bons rapports avec les clients, faire des offres et m'assurer que nous n'ayons pas de rupture de stock, gérer les retours des invendus... J'étais douée pour ça et j'aimais bien le contact avec les gens. Mais, aussi intéressant que soit ce métier, il n'en reste pas moins que tu bosses plutôt en solitaire, et que tu es obligée de te déplacer fréquemment. C'est cet aspect‑là, qui a fini par m'avoir à l'usure. Bref, je voulais changer d'horizons et avoir plus de temps pour m'occuper de mes propres projets.
— Et quels sont tes projets, maintenant ?
— Ah ! Vous êtes là ! s'exclame une voix à l'entrée de la cafétéria.
Nous tournons tous les deux la tête vers Sandra qui marche rapidement dans notre direction.
— Il y a du nouveau ? demande aussitôt Beth.
— Un infirmier est venu nous dire que le médecin n'allait pas tarder à nous donner des informations. Je vous cherche partout depuis un quart d'heure. Riley, j'ai essayé de t'appeler deux fois. Il faut qu'on se dépêche d'y retourner, ajoute‑t‑elle en rebroussant chemin vers la sortie.
Merde. Ma conversation avec Beth m'a tellement absorbé que je n'ai même pas prêté attention à mon téléphone.
— On te suit ! lance Beth en lui emboitant le pas.
Je me redresse à mon tour, tout prenant soin denoter que Red s'est servie de l'arrivée de Sandra pour éviter de répondre à maquestion. Je sens qu'avec elle, la coopération risque d'être compliquée.
La taille 38C US correspond à un 100C FR.
Qu'avez-vous pensé de ce nouvel échange entre Riley et Beth ? :)
Riley va de surprise en surprise avec elle, non ?
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