6. Riley
L'euphorie des fêtes de fin d'année s'est emparée de toute la société. Les sapins, boules, guirlandes et autres décorations ont envahi les moindres recoins des openspaces. Même mon bureau n'a pas échappé à la tornade qui a sévi. Je ne déteste pas Noël, au contraire, j'adore cette période de l'année ; tout se recouvre de neige, les rues s'illuminent encore plus que d'habitude, mais avec des couleurs chaleureuses qui donnent une ambiance plus magique aux festivités. Les patinoires émergent aux quatre coins de la ville. Mais celle que je préfère est celle de Central Park. Je trouve cet endroit magnifique à n'importe quelle saison, mais en hiver, il est tout simplement splendide. Il y a quelque chose qui m'apaise quand je me promène là‑bas.
Je m'y rends souvent quand j'ai besoin de réfléchir et flâner dans les allées m'aide à faire le tri lorsque mes pensées sont trop en bordel. J'y ai d'ailleurs fait régulièrement des balades ces derniers temps. Cela fera bientôt cinq mois depuis l'agression d'Ash et je crois que je commence enfin à redevenir moi‑même.
À vrai dire, depuis Thanksgiving, quelque chose a changé. J'ai vu que Beth faisait de réels efforts pour s'intégrer à nous et je me suis rendu compte que je l'avais peut‑être jugée un peu trop rapidement. Maintenant que ma culpabilité, pour ce qui est arrivé à ma meilleure amie, s'estompe, je m'aperçois que je n'ai pas vraiment laissé de chance à Beth, de s'expliquer ou de se racheter. Le problème, c'est que j'accorde difficilement ma confiance aux autres et, depuis le départ, Beth ne m'en a inspiré aucune. C'est comme ça. Je n'y suis pour rien si je ne l'aime pas. Mon cerveau refuse tout simplement l'éventualité que nous devenions amis et c'est comme ça depuis la première fois que nous nous sommes rencontrés. Je l'ai directement classée dans la catégorie des femmes canon, mais pas baisables. Enfin, de mon point de vue parce que visiblement Logan, lui, ne l'a pas cataloguée de la même façon que moi. En ce qui me concerne, elle a tout de la fille superficielle. Riche comme je ne le serai sans doute jamais ; qui cherche en permanence à attirer l'attention à l'aide de fringues plus chères les unes que les autres, de maquillage et coiffure sophistiquée et qui se soucie uniquement d'elle‑même. Mon exact opposé.
L'ennui, c'est que maintenant, avec le recul, je m'aperçois que Beth regrette réellement ses actions. Je me sens con de ne pas vouloir lui laisser le bénéfice du doute et de ne pas lui accorder une opportunité de prouver qu'elle a vraiment changé. Parce que oui, elle a certes modifié son look, mais l'apparence ne fait pas tout.
Je passe une main dans mes cheveux, comme à chaque fois que mon cerveau carbure à deux‑mille à l'heure et que je n'ai aucune idée de comment organiser mes pensées. Je lâche inconsciemment un soupir et Ash lève la tête de son manuscrit.
— Un problème ? me demande‑t‑elle.
— Quoi ? Non, aucun. Je réfléchissais.
Elle hausse un sourcil, dubitative.
— Ça t'arrive ? me nargue‑t‑elle avec un sourire diabolique.
— Ah ah, très drôle, Maverick.
— Et voilà, ça recommence, s'exaspère Chelsea en face de nous. Même pas une heure. Vous n'aurez même pas tenu une heure ! On dirait deux gamins, vous êtes épuisants.
— Dixit celle qui n'a pas encore atteint la majorité, répliquè‑je amusé.
Si les yeux de Chelsea restent rivés sur sa tablette graphique, son majeur en revanche, lui, se lève dans ma direction et Ash éclate de rire.
— Quelle vulgarité pour une aussi jolie fille ! m'offusquè‑je.
— C'est la deuxième fois que je passe près de votre box en une heure et que je vous vois en train de vous chamailler comme des adolescents. Je pensais pourtant n'avoir engagé que des adultes dans ce service. Remettez‑vous au boulot ou je vous colle des corrections le jour de Noël.
La voix de Logan claque dans notre dos et je fais pivoter ma chaise pour me retrouver face à lui. Je lui adresse un grand sourire prêt à répliquer, mais il me coupe.
— Ravale la connerie que tu allais dire, tout de suite !
Il lâche un manuscrit sur mon bureau et mon sourire s'efface aussitôt.
— Qu'est‑ce que c'est ? demandè‑je en levant à nouveau les yeux vers lui.
— Le prochain roman sur lequel tu vas bosser, m'explique‑t‑il avec un rictus sadique.
— Quoi ?! Mais j'en ai déjà deux en cours !
— Tu contestes mes décisions maintenant ?
— C'est de l'abus de pouvoir ! Je suis ton meilleur ami, tu pourrais être indulgent !
— Dès que tu passes les portes de cet immeuble, tu es mon employé. Arrête de te plaindre, tu as pratiquement fini le premier roman, je te donne juste celui‑là en avance.
Je marmonne en fixant le pavé qui trône sur mon bureau. Chelsea et Ash observent la scène sans dire un mot. Il parait que quand le chat n'est pas là, les souris dansent. Visiblement lorsqu'il revient, elles sont au garde à vous. Traitresses ! Je feuillète rapidement l'épreuve avant de reporter mon attention sur Logan.
— C'est quoi mes deadlines ?
— Il doit sortir fin janvier.
— T'es sérieux ?! Ça me laisse à peine plus d'un mois et il faudra aussi que l'auteur fasse ses modifications de son côté ! Sans compter la conception de la couverture, et puis tout le reste du processus !
— Raison de plus pour arrêter vos enfantillages et vous remettre au boulot, lance Logan avant de repartir vers son bureau.
— Ash, depuis que tu es avec lui je ne reconnais plus mon pote, déclarè‑je en lui adressant un regard en biais.
— Je ne trouve pas qu'il ait changé, pourtant, répond‑elle en haussant les épaules.
— Tu plaisantes, j'espère ? Quand il est avec toi, il ressemble à un ourson en guimauve, et au boulot il est devenu encore plus autoritaire ! Je suis sûr qu'il compense le fait que c'est toi qui as le dessus lorsque vous êtes seuls !
— Absolument pas ! Il est autant autoritaire dans le domaine professionnel que privé ! Je dirais même, dominateur...
Je grimace en voyant la lueur lubrique dans ses yeux.
— Bon, ce n'est pas tout ça, mais j'ai du boulot, moi ! déclare‑t‑elle en se penchant à nouveau sur son manuscrit.
— Mon Dieu ce que je l'envie ! soupire Chelsea de l'autre côté.
Je reporte mon attention vers elle et arque un sourcil, intrigué.
— Je te signale que tu as un mec qui te tourne autour depuis des mois, fais‑je remarquer.
La graphiste lève subitement ses yeux verts de sa tablette et me lance un regard noir. Je jette un coup d'œil en direction d'Ash, mais elle a déjà remis ses écouteurs et s'est replongée dans ses corrections. Chelsea m'a avoué pourquoi elle ne voulait pas se rapprocher de Mason, mais je trouve sa raison complètement absurde. Je connais mon pote et je suis certain que si Chelsea lui expliquait ce qui la pousse à garder ses distances, il serait capable de la rassurer. J'ai beau prendre le bonheur de mes amis très au sérieux, ce n'est pas à moi de me mêler de leur histoire. Je m'autorise une petite intervention de temps en temps, mais juste sous forme de conseils. Je ne tiens pas à prendre parti et puis cela ne me concerne pas. C'est vrai, je ne suis pas le mieux placé, je n'ai pas eu de relations durables depuis la fac et ce n'est pas près de changer. Je me suis fait avoir une seule et unique fois, comme un débutant. Donc, non seulement j'ai du mal à faire confiance à la gent féminine, mais en plus, cette histoire m'a complètement vacciné. Certaines femmes sont prêtes à tout au nom de l'amour, même aux pires bassesses ; j'en ai fait l'amère expérience et je l'ai constaté à nouveau avec Beth et Aaron.
La journée défile à une allure dingue. Il est déjà dix‑huit heures quand je m'étire sur mon fauteuil. Je frotte mes yeux et passe une main dans mes cheveux ; je suis exténué. C'est toujours pareil à cette période de l'année. En général, nos supérieurs nous mettent la pression afin que les projets soient bouclés dans les temps, voire en avance, pour pallier à d'éventuels problèmes d'impressions ou de distributions. Les plannings de tout le monde sont surchargés, mais on travaille tous d'arrachepied pour que tout soit terminé dans les deadlines imposées. Je ne ferais pas ce métier si je ne l'aimais pas et si je n'étais pas capable de gérer le stress. En période de fêtes, les ventes explosent, plus on édite de livres, plus le chiffre d'affaires gonfle et n'importe qui sait que l'argent est ce qui assure la pérennité d'une entreprise et de ses employés.
J'avise les trois manuscrits posés sur mon bureau ; l'un d'eux est enfin terminé, j'ai procédé aux dernières vérifications apportées par l'auteur, je n'ai plus qu'à le remettre à Logan pour qu'il se charge de la suite. Je dois en être à un peu moins de la moitié du second, et je n'ai pas encore ouvert le troisième. Je maudis intérieurement mon meilleur ami de m'avoir refilé une épreuve supplémentaire. Deux manuscrits en même temps je peux gérer, mais trois, c'est du délire ! Bon, cela dit, il n'avait pas tort, il devait me rester deux heures de boulot sur le premier avant de pouvoir commencer le suivant. Il n'empêche que j'ai la vague impression que Logan abuse parfois de son statut. Cependant, étant donné la période actuelle, s'il nous inflige une telle pression c'est très certainement parce que l'on doit la lui mettre un peu plus haut aussi. Bref, tout ça pour dire que j'ai encore une tonne de travail qui m'attend. Les semaines qui vont arriver vont être particulièrement stressantes.
Je fais craquer ma nuque puis éteins mon ordinateur et rassemble mes affaires. Je jette un coup d'œil en direction du bureau de Logan, comme d'habitude il est toujours éclairé. Je passe ma veste en cuir sur mes épaules, saisis mes clés et me dirige vers l'antre du doberman. Je frappe avant d'entrer et Logan lève aussitôt la tête de son écran.
— Un problème ? me demande‑t‑il.
— Aucun. J'allais partir, et je voulais savoir si tu avais l'intention de rentrer directement chez toi ou si tu avais le temps pour aller boire un verre.
Il baisse les yeux pour vérifier l'heure et reporte son attention sur moi.
— J'en ai encore pour dix minutes.
— Okay.
Je m'avance et m'affale dans le canapé en soufflant. Un début de migraine pointe son nez et je presse mes doigts sur mes tempes en me penchant en avant, les coudes sur les genoux.
— T'es sûr que ça va ? me questionne Logan en voyant ma mine déconfite.
— Ouais, ouais. C'est juste un mal de tête.
— Tu devrais plutôt rentrer chez toi, non ?
— Non ! Depuis que tu es avec Ash, on passe de moins en moins de temps ensemble. Je suis super heureux pour vous, mais ça serait trop demander d'espérer pouvoir aller boire un verre avec mon pote, sans sa copine ?
— C'est tellement mignon... ricane Logan.
— Ta gueule !
— Ça va, je plaisante. Ash est à la patinoire avec Chelsea et Sandra, on peut se faire une soirée entre mecs tranquillement, déclare‑t‑il en rangeant finalement ses affaires.
— Je vais envoyer un message à Mason pour savoir s'il veut se joindre à nous.
Logan hoche la tête tout en enfilant sa veste. Il récupère son portable et ses clés et nous nous dirigeons vers l'ascenseur.
— Chelsea ne va pas tarder à faire ses valises. Tu as déjà trouvé quelqu'un pour la remplacer ?
— À vrai dire, je pensais que tu pourrais prendre sa place, le temps que sa compétition soit terminée. Évidemment, tu n'aurais plus à charge les corrections des manuscrits, Ash s'en occuperait.
— Tu ne crois pas que ça peut faire un peu trop pour elle d'un coup ? lui demandè‑je alors que les portes métalliques s'ouvrent.
— Je lui en ai déjà parlé, et elle est d'accord. Je lui fais confiance pour gérer la quantité de travail qui l'attend. En revanche, je tiens à ce que tu termines de bosser sur l'épreuve que tu as commencée aujourd'hui. Celle que je t'ai donnée tout à l'heure, c'était simplement pour te faire peur et que tu te remettes au boulot.
— T'es sérieux ?! m'exclamè‑je choqué. C'est bien ce que je pensais ! Tu joues au patron autoritaire parce qu'Ash te mène à la baguette quand vous êtes en privé !
— Tu plaisantes j'espère ? C'est quoi encore cette histoire ?
— Je suis très sérieux ! Depuis que tu es en couple, je trouve que tu t'es ramolli. Si on m'avait dit qu'un jour je te verrais jouer à des jeux vidéos... Vraiment, je m'inquiète pour toi, mec.
— Tu n'as pas bientôt fini avec tes idioties ? Déjà, c'est toi qui m'as fait tester la console. Et puis, je ne sais pas ce que tu as avec ça, mais j'ai plutôt l'impression que c'est toi qui te comportes différemment ces derniers temps. C'est le fait de nous voir heureux ensemble, Ash et moi, qui te travaille ? m'interroge‑t‑il très sérieusement.
— Je te l'ai déjà dit... Je ne veux pas m'engager dans une relation, lâchè‑je entre mes dents.
— Tu ne veux plus, ce n'est pas pareil, rectifie Logan en s'adossant à la paroi de la cabine.
— C'est exactement la même chose. Et tu sais très bien pourquoi je me tiens aussi loin que possible des histoires d'amour.
— C'était il y a des années, Riley. Tu ne crois pas qu'il serait temps pour toi de faire table rase du passé ? Okay, tu as vécu une expérience assez marquante...
— Assez marquante ? On parle de quelque chose qui aurait pu foutre en l'air mon avenir, je te rappelle.
— Ça t'apprendra à coucher avec des premières années. Fallait garder ta queue dans ton froc, mec, me nargue‑t‑il.
Je fronce les sourcils, agacé.
— Je trouve ton humour un peu limite, là, Logan.
— Arrête de geindre, t'avais vingt‑et‑un ans à l'époque. Techniquement en sept ans, tu es censé avoir gagné en maturité, même si je reconnais que par moment il y aurait vraiment de quoi se poser la question.
Je lui adresse un regard noir.
— Ce que je veux dire, c'est que l'on apprend tous de nos erreurs. Ash en est le parfait exemple et regarde‑la aujourd'hui. Écoute Riley, tu te prives de tout un tas de choses à cause de cette histoire. Toutes les femmes ne sont pas identiques. J'ai eu de nombreuses relations avant de retrouver Ash, moi non plus je ne désirais pas m'engager avec quelqu'un, mais parfois tu ne peux pas tout contrôler. Et crois‑moi, quand ça te tombe dessus, ça ne sert à rien de lutter. Il faut que tu te laisses porter par le courant pour voir où il te mène. Depuis que Junior est revenue dans ma vie, je suis plus heureux que je ne l'ai jamais été. On ne peut jamais prévoir ce que l'avenir nous réserve, Riley.
Lorsque Logan termine sa plaidoirie en faveur de l'amour, je constate que ma colère s'est muée en surprise. Je reste silencieux un moment, fixant mon meilleur ami d'un air effrayé. C'est qu'il arriverait presque à me convaincre avec son discours digne d'un psy !
— Je ne te connaissais pas si moralisateur, c'est limite flippant, avouè‑je d'un ton suspicieux.
Logan lève ses yeux au ciel en soupirant avant de sortir de la cabine.
— Tu es vraiment irrécupérable, ma parole, déclare‑t‑il en s'avançant dans le parking.
Je lui adresse un sourire idiot et lui emboite le pas en faisant comme si de rien n'était. Pourtant ses paroles commencent à faire leur chemin jusqu'aux rouages de mon cerveau. Je fanfaronne pour donner le change, mais la vérité c'est qu'en l'espace de quelques minutes mon pote est arrivé à semer le trouble dans mon esprit. Et s'il avait raison ? Et si je me privais d'une histoire avec une femme formidable parce que je refuse de laisser mon passé derrière moi ? Je secoue la tête pour chasser cette pensée. Super ! Voilà que je me mets à cogiter, maintenant ! J'ai vraiment besoin d'un verre.
Désolée pour l'absence mes petits kiwiiis mais ces derniers jours j'ai beaucoup de choses à gérer en même temps... à tel point que je ne sais plus où donner de la tête !
Mais bon, bref ! Me revoilà et je vais essayer d'être plus régulière désormais ! :)
En attendant, je vous souhaite une bonne lecture :)
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