42. Tout ça, c'est ma faute
De ce que j'en savais à l'époque, l'envie de se suicider n'était pas une maladie dont on pouvait guérir. Elle était durable dans le temps et en regardant Fleur s'éloigner de moi pour je m'en étais douté, aller libérer 13.V, cette nuit-là j'avais eu la certitude que mon amie venait d'y céder pour la toute dernière fois.
- Quelle putain d'hypocrite, m'étais-je soudain mise à penser alors que Fleur m'avait à nouveau poignardé dans le dos en m'enfermant à sa place dans l'enceinte de confinement.
Et dire que lorsque je lui avais demandé son aide pour qu'avec Jeanne et Malik nous puissions mettre fin au protocole d'isolement, elle avait refusé en osant me tenir tout un grand discours sur le consentement.
Quoiqu'il en avait été, j'avais mieux compris pourquoi lorsque je l'avais rejoint et que je lui avais appris que Jeanne avait enfermé 13.V dans la Fabrique, la réaction de Fleur avait été proche du néant puisqu'instinctivement un plan s'était formé dans sa tête. Une stratégie dont je venais d'être la victime collatérale.
Et comme après qu'Yves et Auréline aient été assassinés, la dispute entre Malik et Jeanne nous avait appris que seule la présence de cette dernière pouvait faire lever la quarantaine, la suite logique du raisonnement de mon amie allait être soit de tuer Jeanne, soit de la faire tuer. Après quoi, 13.V n'aurait plus qu'à prendre son apparence, mettre un terme au confinement de l'installation et rejoindre pour de bon la surface.
Était-ce cet endroit qui avait transformé Fleur au point qu'enivrée par sa ferveur anti-spécisme, son envie d'agir avait grandi en volonté de mettre fin à l'humanité tout entière ?
Comme transporté dans un film mélodramatique, je m'étais soudain trouvé en larme et en m'effondrant sur l'une des parois de verre, j'avais fini par rejoindre le sol avant de m'y asseoir.
Alors que de désespoir je m'étais mise à me parler à moi même en répétant que ce qui était en train de se passer ne pouvait être qu'une mauvaise blague, par delà mon regard troublé de larmes, j'avais fini par distinguer à l'entrée du caisson une silhouette humaine. Et en essuyant mes pleures, j'étais alors parvenu à voir clairement qu'il s'agissait de Jeanne.
Je le sais à présent, mais lorsque la scientifique s'était inquiétée que je ne la rejoigne pas dans la salle de réunion, après qu'elle se soit armée de son aiguillon électrique elle s'était ruée vers la cuisine où bien évidemment je n'étais pas.
Dans un premier temps, Jeanne avait alors pensé qu'innocemment, j'étais retournée au chevet de Fleur pour lui tenir compagnie, sauf qu'en me voyant seule et enfermée à sa place, la scientifique avait compris que la réalité était tout autre. Une prise de conscience qu'elle m'avait immédiatement confirmée lorsqu'en cherchant dans les poches de sa blouse son badge d'accès elle avait été incapable de le trouver.
Face à cette situation qui avait encore davantage fait se creuser les traits de son visage fatigué, Jeanne s'était subitement éloignée de moi et alors que je m'étais déjà préparé à ne plus jamais la revoir, quelques minutes plus tard elle était réapparue avec à la main un autre badge d'accès.
Tout ça, ce ne serait que par la suite que je l'apprendrais, mais lorsqu'elle m'avait vue enfermée dans la prison de verre Jeanne s'était précipitée pour rejoindre l'endroit où Yves et Auréline avaient été tués. Là, elle s'était approchée de l'un des morceaux de cadavres recouverts d'une bâche de plastique noir et en la retirant, elle s'était mise à le fouiller avant d'y trouver le badge de l'un de ses défunts collègues.
Au moment où Jeanne m'avait libérée, je m'étais immédiatement confondue en excuse tout en lui expliquant les raisons qui m'avaient poussée à aider mon amie tout en lui précisant que je n'avais jamais été au courant de ses réelles intentions.
Alors que la scientifique venait de me demander où était partie Fleur, je m'étais bêtement mise à la dévisager dans l'espoir de trouver le courage de le lui avouer, mais en la voyant me tourner le dos de suite après avant de fuir en direction de la Fabrique, j'avais su qu'elle avait compris ce que mon amie avait eu l'intention de faire.
En me lançant à ses trousses, j'avais fini par rattraper Jeanne qui à cause de la fatigue avait marqué le pas, et bien décidée à réparer moi même mon erreur, j'étais venir saisir sans sa main l'aiguillon électrique qu'elle tenait.
Sauf que dans un réflexe, mon action avait provoqué chez la scientifique un violent mouvement de recul. Une esquive qui m'avait laissé à penser qu'elle avait eu peur que me serve de son arme contre elle, alors que ça n'avait jamais été mon intention.
- Anna, ne fais pas ça s'il te plaît. Le badge qu'a pris ton amie est le seul qui puisse mettre fin à la quarantaine, m'avait alors dit Jeanne avec dans la voie un trait mollo qui venait de marquer toute sa précaution. Puis, elle avait ajouté dans un souffle, il n'y en a aucun autre qui possède le même niveau d'autorisation et si je ne le récupère pas, c'est la mort assurée pour nous toutes.
Voulant convaincre ma partenaire que mes intentions n'avaient jamais été belliqueuses, j'avais de suite rabattu de côté mon bras armé de l'aiguillon électrique et plus déterminée que jamais je lui avais répondu.
- Tout ça, c'est ma faute, alors c'est à moi d'aller récupérer ton badge. Mais avant, tu dois me jurer que si on s'en sort vivantes, tu nous laisseras vraiment partir d'ici avec mon amie.
Après qu'elle ait compris qu'elle n'avait jamais été en danger, Jeanne s'était aussitôt détendue, puis elle avait tenté de me dissuader de mettre mon plan à exécution.
- Anna, je sais ce que tu essaies de faire, mais s'il te plaît, écoute moi, avait-elle commencée par me dire avant d'ajouter, même si retrouves ton amie, je peux te garantir que peut importe ce que tu pourras lui dire pour la convaincre de le faire, tu ne réussiras jamais à la ramener avec toi vivante parce qu'elle a fait le choix de mourir et cela depuis bien avant que vous vous retrouviez enfermée ici.
- Je sais, avais-je alors répondu du tac au tac à Jeanne ce qui l'avait aussi sec médusé sur place.
Puis je lui avais dit que j'étais au courant du fait que Fleur voulait se tuer. Mais qu'elle était ma meilleure amie et que même si j'avais été fatigué. Que d'une certaine façon j'avais déjà baissé les bras vis-à-vis d'elle, je lui devais de tout essayer pour la sauver. De tout tenter, et ça malgré elle.
Pour être franche avec vous, sur le moment, j'avais été terrifiée et pourtant, j'avais refusé de céder au misérabilisme.
Ne dit-on pas que le vrai courage, c'est d'avoir peur et d'y aller quand même ?
Alors que je ne m'étais attendu à rien de sa part, la réaction qu'avait ensuite eue ma partenaire était venue surpasser toutes les prédictions que j'aurai pu faire.
- Je viens avec toi, m'avait-elle lancé de but en blanc ce à quoi je m'étais fermement opposé en lui crachant, quoi ? Non, c'est mort Jeanne. Rien ne t'oblige à le faire et au pire, même si j'échoue à ramener ton badge, tu pourras toujours tenter ta chance, alors pourquoi ? Pourquoi prendre ce risque ?
Cette nuit-là, je m'étais cru capable d'anticiper la réponse qu'allait me faire la scientifique puisqu'après tout, elle aurait eu raison de me dire que jamais elle ne mettrait sa vie entre les mains d'une gamine de dix-sept ans. Une enfant qui toute son existence ou presque n'avait été bonne qu'à suivre le mouvement.
Pourtant, j'avais secrètement espéré que si Jeanne avait aussi choisi de m'accompagner, c'était un peu parce qu'elle s'était prise d'affection pour moi et que donc, elle avait craint pour ma vie.
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