
26. À chacune de ses sorties
En nous voyant aux côtés de Jeanne dans la salle de réunion, la réaction de Maria avait été proche du néant et pour cause : elle n'avait eu d'yeux que pour la scientifique. Une attention toute particulière qui je l'apprendrais par la suite cachait bien plus qu'une simple relation de travail.
- Jeanne, tu as l'air inquiète. Que se passe-t-il ? Avait tout d'abord demandé l'une et la réponse de l'autre ne s'était pas fait attendre, ce jour, à zéro zéro zéro cinq heures, en entrant par l'entrée A, ces deux filles sont parvenues à accéder à notre installation. Et en me rendant sur place pour enquêter, je n'ai pas eu d'autre choix que de les mettre hors d'état de nuire.
- Pas d'autre choix ? Vous nous avez tiré dessus sans même faire de sommations, avait brusquement protesté Fleur, mais de son phrasé cryptique et militaire, Jeanne avait continué de faire son rapport à Maria comme ci de rien n'était, pendant que je cherchais à comprendre comment elles étaient parvenues à se procurer un badge d'accès, à zéro zéro vingt-deux heures, après analyse de la vidéo surveillance, j'ai appris que 13.V s'était échappé de son enceinte de confinement. J'ai alors immédiatement activé le protocole d'isolement.
- Et où se trouve-t-il à présent ? Avait demandé Maria.
- Je ne le sais pas encore, lui avait dit Jeanne avant d'ajouter, mais j'ai au moins la certitude qu'il n'est pas parvenu à atteindre l'extérieur.
- Jeanne ! mais comment peux-tu en être aussi sûre ? S'était alors empressée de lui lancer l'autre, les sourcils froncés.
La réponse à cette question, moi et mon amie la connaissions déjà, puisque moins d'une demi-heure auparavant, ce que la scientifique venait d'appeler 13.V et que nous avions jusqu'alors nommé chose, ou encore créature, avait tué sous mes yeux et ceux de Fleur, Yves et Auréline.
- Jeanne ? Avait dû insister Maria avant que l'autre ne lui réponde, sauf que la scientifique était restée mutique, ce qui n'avait eu de cesse de creuser davantage les cernes de son interlocutrice.
- Parce qu'il vient de massacrer ses deux collègues, avait fini par cracher mon amie et à l'annonce de la nouvelle, en plus de lâcher un, quoi ? De sidération, j'avais pu voir le visage de la dirigeante se liquéfier avant de devenir blême.
Quand Jeanne s'était tournée vers Fleur, elle l'avait foudroyé d'un regard perçant en pensant, je l'ai appris depuis que ça la ferait définitivement taire. Sauf qu'après qu'elle lui ait rendu la pareille, mon amie était venue prendre à partie Maria et ce faisant, elle en avait rajouté une couche.
- Et puisqu'on est en plein dans les confidences, vous deviez savoir que cette chose, ce 13.V, ce n'était pas la première fois qu'il sortait de l'endroit où il était enfermé. Et aussi, que le badge qu'on a utilisé pour arriver jusqu'ici était celui de son collègue. Si vous ne me croyez pas, demandez au vigile, parce que c'est lui qui lui en a donné un autre.
Alors que l'électricité dans l'air était devenue palpable. Que dans un réflexe, j'étais venue dévisager Malik dont la culpabilité toujours renouvelée lui avait soudain fait courber l'échine, Fleur avait ajoutée.
- Et tout ça pour quoi ? Par sa faute à elle. Parce qu'il avait peur que si elle l'apprenait, elle allait le virer.
Le silence dans la pièce s'était subitement abattu sur chacun d'entre nous, cependant il ne s'était pas éternisé comme j'avais cru qu'il allait le ferait. Passant outre les révélations de mon amie, Maria avait soudain pris la parole pour dire tout haut ce que chacun d'entre nous avait déjà dû penser tout bas, mais sans jamais oser l'oraliser.
- Il est parvenu à faire diversion.
- Sans déconner, s'était mise à ironiser Fleur alors que tout comme moi, elle venait pourtant d'apprendre que la créature qui s'était échappée de sa prison pour semer la terreur n'avait rien eu de commun avec un simple animal d'élevage comme nous l'avions pensé au début.
- Mais comment a-t-il fait ? Et comment est-il devenu capable de tuer alors que ce n'est censé être qu'un amas de cellules ! avait ensuite demandé la dirigeante à la scientifique.
Malgré toute sa rigueur, son flegme et son évidente carapace, lorsqu'elle avait pris la parole pour répondre, les mots qu'avait dit Jeanne s'étaient faits dans une hésitation qui ne lui ressemblait pas. Comme ci à tout instant, en se mettant à parler elle avait eu peur de basculer dans une excentricité dangereuse.
- À chacune de ses sorties, 13.V nous observait, et cela jusqu'à tant qu'il comprenne comment utiliser nos ordinateurs et notre système de courrier postal. Après cela, il n'avait plus qu'à contacter quelqu'un de l'extérieur en plus de lui fournir le moyen d'entrer. Pour ce qui est du reste, je n'ai que des hypothèses et la vidéo surveillance me permettrait de les confirmer ou non, mais pour l'instant la priorité doit être de mettre un terme au protocole d'isolement.
- Et bien qu'attends-tu Jeanne ? Avait aussitôt réagi Maria avant d'ajouter, à tous les quatre, ça ne devrait pas poser trop de problèmes ?
Sauf que Fleur s'était emportée et avec toute la rage, la tristesse et la révolte qui la caractérisait, elle était littéralement venue cracher au visage de la dirigeante.
- Parce que vous pensez vraiment qu'on va...
Mais mon amie n'avait pas eu le temps de terminer sa saillie puisque l'image de son interlocutrice avait soudain disparu ne laissant de visible à la surface de l'écran qu'un abîme sans fond dans lequel j'avais fini par fixer mon reflet perplexe.
- Sortez d'ici ! Sortez d'ici maintenant, nous avait ensuite lancé Jeanne après qu'elle ait tout simplement interrompu la communication.
Avec Fleur, nous étions donc sorties de la salle de réunion sous l'escorte de Malik. Après quoi, le vigile avait refermer dans son dos la double porte qui permettait d'y entrer.
Cette nuit-là, je n'avais rien pu entendre de la suite de l'échange qui allait avoir lieu entre les deux femmes, mais depuis j'ai pu en apprendre le contenu exact : sur le moment, Maria s'était voulue optimiste alors que Jeanne à bout de nerfs s'était mise à sangloter tout en répétant que d'ici à ce que les secours arrivent, il allait falloir survivre face à une menace qui s'était révélée être aussi intelligente que mortelle.
Sauf que la dirigeante avait refusé de céder au défaitisme de la scientifique et ce faisant, elle lui avait proposé de réfléchir à une alternative au protocole d'isolement. Mais cette dernière avait eu tôt fait de doucher tous les espoirs de l'autre et ça pour une simple et bonne raison : toute l'installation qui avait été construite sous la ferme des 20000 avait justement été conçue pour faire face à ce genre de situation, quitte à condamner tous ceux qui s'y retrouveraient pris au piège.
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