25. Maria
Après sa dispute avec Malik, Jeanne était finalement réapparue à l'entrée du bureau et l'air plus abattu que jamais, elle nous avait dévisagés moi et Fleur. Et si elle l'avait fait, je le sais à présent c'était en pensant trouver sur nos visages enfantins un quelconque réconfort. Au pire, un brin d'empathie, sauf que ça avait été tout le contraire.
- Bon, est-ce vous allez enfin nous dire ce qu'est cette chose ? Lui avait soudain lancé mon amie d'un air plein de dédain.
Mais alors que quelques secondes auparavant, la scientifique semblait avoir touché le fond, l'évocation de cette menace, combinée à l'urgence qu'il y avait eu à la trouver pour l'isoler lui avait fait reprendre confiance en elle et dans un souffle elle nous avait dit tout en nous regardant tour à tour.
- Je le ferais, c'est promis. Mais nous devons d'abord finir le protocole.
- Nous ? Avait alors réagi Fleur d'un air désabusé avant d'ajouter avec ironie, parce que vous avez vraiment cru qu'on allait vous aider sans chercher à en savoir davantage ?
- Écoutez... lui avait répondue la scientifique du tac au tac, sauf que mon amie ne lui avait pas laissé le temps de continuer sa phrase et en la coupant toute net elle lui avait craché, non, c'est vous qui allez écouter. Soit vous nous dites tout ce qu'on veut savoir et maintenant, soit on ne vous aidera pas. Et tant pis si on doit tous y rester.
Comme au bon vieux temps. Dans un réflexe retrouvé, ma meilleure amie venait de parler pour nous deux et étrangement j'en avais été soulagée.
- Je comprends que je vous en demande beaucoup, lui avait cependant dit Jeanne avant de préciser, mais plus on perd de temps, plus ce sera difficile de l'isoler. Alors s'il te plaît, pour l'instant, toi et ton amie devez faire ce que je vous demande. Après, je te promets que je vous dirais tout ce que vous voudrez savoir.
En me tournant vers Fleur pour la dévisager, j'avais secrètement souhaité qu'elle dirait, oui pour moi, sauf que bien évidemment ça ne s'était pas passé.
- C'est mort, avait-elle simplement lancé à Jeanne ce à quoi l'intéressée avait répondu par un, très bien, qui en plus de signifier sa capitulation avait aussi mis un terme au bras de fer entre elle et mon amie.
Rétrospectivement et maintenant que j'écris tout ça, j'aurai très franchement aimé que Jeanne fasse preuve de davantage de pugnacité pour plaider sa cause, car bien évidemment, tout ce qui allait suivre ce moment irait de mal en pis.
- Mais avant, vous devez me promettre qu'après, vous nous aiderez. Est-ce qu'on est bien d'accord ? Avait fini par ajouter la scientifique.
Fleur que je fixais toujours avait alors acquiescé, puis Jeanne m'avait regardé et à mon tour, d'un franc hochement de tête j'avais dit, oui à son pacte.
- Suivez-moi ! nous avait en suite sèchement lancé l'adulte et en lui emboîtant le pas, nous étions toutes sorties du bureau, mais à peine avions-nous fait quelques mètres, que Jeanne nous avait demandé de ne plus bouger et de l'attendre là ou nous étions.
Fleur venait tout juste d'ouvrir la bouche pour protester quand en lui saisissant le coude, je l'avais dissuadé de le faire et à raison : au bout du couloir, dans la direction qu'avait prise notre guide, j'avais vu que Malik n'était pas parti bien loin. Le dos appuyé contre un mur, une main couvrant son regard, le vigile s'était mis à sangloter.
Je me souviens que sur le moment j'avais pensé qu'au final cet homme pétri de virilité et de masculinité toxique n'en avait eu que l'apparence puisqu'à mesure que je l'avais fixé, il m'avait semblé s'effondrer de plus en plus sur lui même comme une montagne qui s'effriterait.
Fleur et moi étions donc restés en retrait pendant que Jeanne s'approchait de ce colosse aux pieds d'argile et avec une tendresse que je ne lui connaissais pas, la scientifique l'avait enlacé avant de se mettre à le réconforter.
Quand les deux adultes nous avaient rejoints, en marchant dans leur sillage, nous étions tous arrivés dans ce qui allait représenter le plat de résistance de notre visite des entrailles de la ferme des 20000 : le fameux laboratoire secret dans lequel cette chose avait été conçue. Et à l'image de l'esprit qu'on aurait pu attendre d'un scientifique : froid, méticuleux, mais aussi virtuose, l'endroit de grande taille et haut de plafond ne m'avait pas laissée indifférente.
Dès le premier regard, j'avais été saisie par la capacité qu'il avait eue d'instantanément me plonger dans un univers proche de ce qu'aurait pu être un film de science-fiction. L'agencement strict des tables, des plans de travail, des ordinateurs en fonctionnements associés à autant d'écrans, mais aussi des microscopes et des isolateurs : des sortes de grands aquariums permettant de faire des tests dans un environnement restreint et stérile m'avaient donné l'impression d'assister à une véritable messe de l'innovation.
- Vous allez rester ici avec Malik, je n'en ai pas pour longtemps, nous avait tout d'abord dit Jeanne après quoi, elle avait eu un regard entendu avec le vigile, sauf qu'alors que la scientifique s'était mise à avancer vers une double porte qui jouxtait le laboratoire, Fleur lui avait craché, attendez, vous vous foutez de nous ?
Coupée dans son élan, un air d'exaspération de dessiner sur son visage Jeanne était venue fusiller d'un regard sombre la petite impertinente. Puis, comme si leurs deux esprits s'étaient ouverts pour que leurs pensées puissent couler de l'une à l'autre par leurs yeux, l'adulte avait fini par nous dire.
- Très bien, vous pouvez m'accompagner, mais à une seule condition.
- À ouais, et laquelle ? Avait répondu mon amie du tac au tac dans une audace qui était même parvenue à me surprendre.
- Que tu te tiennes tranquille, et je suis très sérieuse, lui avait dit Jeanne.
Après que Fleur ait acquiescé un sourire narquois de coincé entre ses lèvres, Jeanne avait ouvert la double porte et en franchissant son seuil, nous étions arrivées dans une pièce qui s'était trouvée être bien moins intéressante que la précédente : une ennuyeuse salle de réunion du genre de celle que l'on peut voir dans les cabinets ministériels.
Un espace d'une banalité sans nom dont l'ameublement s'était limité à une large table ovale, des chaises qui l'encadraient et un grand écran qui avait été fixé contre le mur le plus éloigné de l'entrée.
En s'assaillant devant un ordinateur portable, Jeanne avait en suite ouvert l'interface de communication d'une application de visioconférence et sur le grand écran qui venait de s'allumer, j'avais alors pu voir apparaître le visage d'une personne que moi et Fleur connaissions déjà.
Lorsqu'avec mon amie nous avions échangé un regard complice, j'avais de suite partagé avec elle toute ma surprise pendant qu'elle s'était mise à sourire largement, et ça pour une simple et bonne raison : le visage au format XXL que nous venions de découvrir sur l'écran avait été celui de cette dirigeante d'un géant de l'industrie agroalimentaire sur laquelle Fleur avait jeté du faux sang lors de l'inauguration de la ferme des 20000. Et comme tous les autres protagonistes de cette histoire, je n'allais pas tarder à apprendre son prénom : Maria.
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