16. Fleur ?
Fleur venait de m'aider à me remettre debout et malgré une appréhension légitime après quelques pas de fait en me tenant à la rampe de l'escalier, ma douleur au genou s'était faite plus discrète jusqu'à totalement disparaître.
Avec ma meilleure amie, nous avions donc de repris notre exploration du sous-sol de la ferme des 20000 quand en arrivant au niveau de l'embranchement qui donnait à choisir entre les trois directions : Enclos, Laboratoire et Fabrique, nous nous étions mises à avancer vers celles du laboratoire.
En rejoignant une nouvelle double porte, Fleur avait voulu l'ouvrir en utilisant son badge d'accès, sauf que dans sa poche, elle ne l'y avait pas trouvé. Avec frénésie, je l'avais alors vu fouiller l'intérieur de son vêtement avant d'en retrousser le tissu pour finir par chercher davantage sur elle.
- Merde ! s'était-elle soudain exclamée ce à quoi j'avais réagi en lui demandant, tu l'as perdu ?
- Oui, m'avait-elle dit dans un souffle.
En refaisant en sens inverse le déroulé de tous nos derniers déplacements, nous nous étions tout d'abord précipités vers la sortie, mais nous n'avions pas trouvé notre sésame. Puis en nous dirigeant vers l'enclos, j'avais été soulagé de constater que par chance l'accès qui nous permettrait de nous y rendre était resté ouvert.
Lorsque nous y étions entrés, j'avais été la première à voir sur le sol le morceau de plastique de l'exacte même taille qu'une carte de crédit, sauf que quand Fleur s'en était emparé, il s'était effrité dans sa main et la soudaine joie que j'avais pu ressentir était retombée aussi sec.
- On fait quoi maintenant ? Avais-je alors lancé à mon amie qui le regard levé vers le ciel venait de se figer dans une position d'intense réflexion.
- Fleur ? On fait quoi putain ? Avais-je du insister ce à quoi elle avait répondu plus dépitée que jamais, je n'en sais rien ! Voilà t'es contente. Je ne sais pas ce qu'on va faire.
Sur le moment, je ne m'en étais pas rendu compte, mais la déception de Fleur avait dû être autrement plus grande que la mienne, car comme elle me l'avait fait comprendre un peu plus tôt, en venant ici, elle espérait tenir l'occasion de marquer les esprits. Peut-être même, d'enfin forcer les mentalités à changer et pour de bon.
Le badge que nous avait fourni Jeanne étant devenu inutilisable et bloqué comme nous l'avions été avec mon amie, la panique c'était petit à petit emparée de moi jusqu'à me submerger et pour cause : depuis que nous les avions libérées de leur enclos pour les ramener à la surface, les truies avaient dû être vue par le vigile et donc, il avait déjà ou allait bientôt sonner l'alerte.
- On doit se tirer d'ici, avais-je fini par lancer à Fleur avant d'ajouter un, maintenant pour qu'elle comprenne encore davantage l'urgence qu'il y avait eu à le faire, sauf qu'elle m'avait devancée et ce faisant, je l'avais vue rebrousser chemin en petite foulée.
Alors que je m'étais mise à lui courir après, quand Fleur était arrivée au niveau de l'embranchement, au lieu de se diriger vers le couloir qui la mènerait vers la sortie comme je pensais qu'elle allait le faire, elle avait continué dans la direction du laboratoire. Une fois devant la double porte restée fermée, ivre de rage, elle était venue frapper dessus à l'aide de ses poings tout en hurlant pour que Jeanne lui ouvre.
À la peine derrière mon amie, puisque d'avoir dû presser le pas aussi souvent avait fait se réveiller la douleur dans mon genou, je l'avais rejoint avec un temps de retard avant de la voir fondre en larme. Puis, après qu'elle se soit assise sur le sol, Fleur avait pris une position proche.
- Fait chier ! Merde ! Putain ! C'était trop beau pour être vrai, je le savais, avait-elle alors marmonné entre deux sanglots.
Lorsque je m'étais rapprochée de mon amie, j'avais tout d'abord marqué une hésitation pour ne pas trop la brusquer et la chose faite, je lui avais dit de la voix la plus douce que j'avais pu trouver.
- On doit vraiment y aller maintenant. Alors, s'il te plaît relève-toi. De toute façon, on a assez d'images, ce à quoi, elle n'avait rien répondu, du moins, pas avec des mots, car en me fixant d'un regard sombre caché derrière une mèche de cheveux, j'avais de suite compris qu'il s'agissait d'un mauvais présage.
- Fleur ? lui avais-je alors lancé en pensant que ça la forcerait à me dire ce qu'elle avait derrière la tête, sauf qu'au lieu de le faire, mon amie s'était subitement redressée avant de se mettre à courir vers l'embranchement pour prendre la direction de la sortie.
À nouveau, je m'étais lancé à sa poursuite, mais cette fois-ci avec l'espoir que nous allions définitivement quitter cet endroit, sauf qu'une fois le long et large couloir de traversé, au lieu d'aller vers l'escalier en colimaçon qui lui aurait permis de rallier l'extérieur, Fleur s'était engouffrée dans la pièce restée ouverte où se trouvaient stockés les produits chimiques.
En boitant de plus en plus à cause de mon genou, j'avais fini par rejoindre mon amie et quand je l'avais revue, elle avait déjà sorti de son sac à dos tout un tas de câbles électriques, ainsi que ce que j'avais reconnu comme étant un boîtier récepteur.
- Fleur, mais à quoi tu joues là ? Il faut qu'on y aille, sinon, c'est sur qu'on va se faire attraper, lui avais-je alors dit sans vraiment comprendre ce qu'elle était réellement en train de faire.
Ignorant ma mise en garde, mon amie s'était avancée vers une première étagère de produit chimique et pendant qu'elle connectait les câbles au boîtier récepteur, je lui avais demandé.
- Tu m'expliques ce que t'es en train de faire. Fleur ? Répond-moi s'il te plaît ! mais ça ne l'avait pas fait me parler pour autant.
Alors que Fleur avait sorti de son sac un petit bloc de pâte à modeler de couleur grise et que ce faisant, en plus de le coller contre une surface elle était venue y planter l'autre extrémité du câblage dedans, je l'avais en suite vue se diriger vers une seconde étagère pour continuer sa manigance.
Cependant, bien décidée à ne pas la laisser s'en sortir à si bon compte, j'étais repartie à la charge et en lui barrant la route, j'avais cru pouvoir la forcer à me répondre, sauf que d'un coup d'épaule, mon amie m'avait poussé pour pouvoir passer.
- Putain, mais tu vas me dire ce qu'il se passe ! Qu'est ce que tu es en train de faire ? lui avais-je alors craché, sans obtenir encore une fois de réponse.
Après avoir connecté d'autres câbles à un second boîtier récepteur avant d'en planter l'extrémité restante dans un nouveau bloc de pâte à modeler de couleur grise, mon amie avait remis son sac à dos sur ses épaules et tout en me dévisagent, prête à partir elle m'avait lâché de but en blanc.
- On va détruire cet endroit.
Clouée au pilori, la seule chose que j'étais parvenue à faire avait été de suivre Fleur du regard à mesure qu'elle s'était éloignée de moi pour rejoindre la sortie, et une fois arrivée sur le seuil de la porte, tout en brandissant une télécommande elle m'avait lancé.
- Anna ! C'est bon maintenant. Là on peut y aller.
En installant ce que j'avais compris comme étant des explosifs qu'elle pourrait déclencher à distance, ma meilleure amie venait de me trahir, sauf que malheureusement pour elle, ce jour-là plus qu'aucun autre j'avais décidé à ne pas me laisser faire. De ne plus être la dominée de notre duo.
- Tu avais l'intention de faire ça depuis le début ? lui avais-je alors demandé tout en me doutant que, oui, c'était bien le cas.
Après quoi, Fleur s'était avancée vers moi comme pour donner plus sens aux mots qu'elle s'apprêtait à me dire.
- Anna, maintenant qu'on a libéré ces truies, on ne peut pas partir sans le faire. On ne peut pas laisser Jeanne continuer de faire ce qu'elle faisait ici.
- Attend quoi ? T'es vraiment sérieuse là ? lui avais-je répondu du tac au tac, mais en voyant son absence de réaction, j'avais compris que, oui, ma meilleure amie l'était bel et bien.
- OK, vas-y fait-tout péter si ça te chante. Mais tu les as vues toi aussi. Tu as vu que ces truies n'avaient rien. Qu'elle n'avait pas subi de maltraitance. Et de toute façon, comment tu peux être certaine qu'il n'y a pas d'autres ? Puis tu comptes faire quoi de celle qui n'a pas réussi à s'échapper ? Tu veux la sacrifier c'est ça ? avais-je de suite enchaîné en pensant que de jouer sur la corde sensible ferait changer d'avis Fleur, sauf que dans un souffle elle avait osé me dire, on ne fait pas d'omelette sans casser des œufs, ce qui sur le moment m'avait convaincu que quelque chose en elle s'était définitivement brisé : une sorte de boussole morale qui lui aurait laissé se dire que la fin justifierait toujours les moyens.
- Fleur, écoute-moi. Même si tu penses vraiment ce que tu viens de dire, Jeanne est forcement quelque part dans ce sous-sol et il y a certainement d'autres personnes avec elle, alors, laisse tomber s'il te plaît. Récupère ton matériel et tirons-nous d'ici. D'accord ? Avaient été mes derniers mots et en voyant les yeux de mon amie fuir les miens, j'avais compris qu'aveuglée par toute sa rage, sa tristesse et sa révolte elle avait foncé tête baissée sans réfléchir.
Alors que j'avais cru que s'en était fini, sans pour autant récupérer ses affaires Fleur m'avait tournée le dos, après quoi elle s'était précipitée dans le couloir et en la suivant, je l'avais vue se rapprocher d'un déclencheur d'alarme incendie avant d'appuyer dessus.
Sauf que contrairement à ce qui aurait été attendu, rien ne s'était passé comme prévu. Il n'y avait pas eu de ouin-ouin caractéristique. Que du silence qui à mesure qu'il s'était fait plus durable s'était aussi fait plus angoissant que jamais.
Mon amie et moi venions d'échanger un regard circonspect, quand un claquement sourd s'était fait entendre et la seconde qui avait suivie, Fleur avait porté jusqu'à son cou une main tremblante : l'endroit où une fléchette-seringue s'était plantée dans sa chair.
En la retirant d'un geste sec, mon amie s'était soudain mise à fixer au bout de ses doigts le petit projectile avant de lâcher dans un soupir.
- C'est quoi ce bordel !
Subitement fatiguée, Fleur s'était lentement effondrée en se retenant à moi, mais incapable que j'avais été de supporter tout son poids, je n'avais pu que l'accompagner dans sa chute en l'aidant à venir s'allonger sur le sol.
Lorsque j'avais redressé la tête pour regarder dans la perspective du couloir : là d'où était parti le tir, j'étais tout d'abord parvenue à distinguer la silhouette d'une personne qui portait une blouse blanche avant de découvrir qu'il s'agissait de Jeanne.
Armé d'un pistolet dont le canon était toujours pointé vers moi et mon amie, j'avais alors vu la scientifique le recharger d'un geste parfaitement maîtrisé ce qui m'avait laissé à penser qu'elle avait du suivre un entraînement militaire.
Sans parvenir à crier son nom pour l'arrêter et lui expliquer que nous étions celles qu'elle avait contactées, Jeanne m'avait déjà mise en joue pour tirer. La dernière chose dont je me souviens, c'est que sans m'en rendre compte j'avais rejoint Fleur sur le sol avant de venir m'allonger à son côté.
Maintenant que j'écris tout ça, je me rappelle qu'avant de sombrer dans un profond sommeil, d'avoir vu les yeux de mon amie ainsi clos et ses traits de visage parfaitement détendu m'avait donné l'impression que pour la première fois de sa vie elle avait peut-être trouvé la paix intérieure qu'elle avait toujours cherchée. Un faux semblant, puisque la suite des événements allait me prouver que ce serait tout le contraire.
Bạn đang đọc truyện trên: Truyen247.Pro