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L'Appel de la Forêt


- C'est pas vrai ! Je suis persuadé d'en avoir aperçu dans ce coin la dernière fois.

Un jeune garçon pestait depuis plusieurs minutes au beau milieu de la forêt. Il ne faisait que tourner en rond sans trouver ce qu'il était venu chercher, qu'il était pourtant sûr de trouver à cet endroit. À force de sans cesse se baisser pour se mettre au niveau du sol, des mèches noires s'étaient échappées de sa demi-queue de cheval. Il transpirait à grosses gouttes, l'ombre des arbres le protégeait des rayons du soleil, mais ces mêmes arbres bloquaient aussi le vent qui pourrait le rafraîchir. Le garçon avait déjà passé beaucoup trop de temps dans la forêt ; le soleil commençait à dangereusement descendre dans le ciel, et il devait rentrer chez lui avant la tombée de la nuit pour se rendre aux champs. Il se décida à abandonner ses recherches, il y retournerait le lendemain, à un autre endroit de la forêt. Sur le chemin du retour, il passa près d'un étang et en profita pour se passer un peu d'eau fraîche sur le visage. Il vit son reflet sur la surface de l'eau en mouvement, il passa un peu de temps à nettoyer la terre sur ses bras et à remettre ses cheveux en place, il ne pouvait tout de même pas aller se balader dans le village avec cette allure. Lorsqu'il reprit sa route, des fleurs de toutes les couleurs attirèrent son attention ; ce qu'il cherchait s'y trouvait peut-être. Mais ce ne fut pas son jour de chance, il n'y avait pas de symphorine au milieu de ces nombreuses plantes. Il en cueillit quelques unes pour en faire un simple bouquet, de cette manière il ne reviendrait pas les mains vides et son escapade aura eu au moins une utilité. En prenant une dernière tige il sentit sa main heurter quelque chose de dur qui lui arracha un petit couinement. Pensant à une pierre, il fit attention à ne pas se couper, mais en écartant les hautes herbes il découvrit une bouteille. Une bouteille en verre gisant sur le sol au milieu de la nature. Il fronça les sourcils, ce n'était pas commun de trouver des objets ainsi abandonnés à cet endroit, la forêt était trop sacrée pour qu'ils la salissent ainsi. Il se décida à la rapporter chez lui, il pourrait sûrement l'utiliser pour il ne savait quelle raison. En l'observant de plus près, il se rendit compte qu'elle renfermait quelque chose qui ressemblait à un morceau de tissu brun mis en boule. Sa curiosité piquée, il tenta de l'en faire sortir ; mais le goulot était très étroit et il avait beau la secouer dans tous les sens, le mystérieux bout de tissu restait coincé, à se demander comment on l'avait fait rentrer. À l'aide d'une fine brindille il le fit glisser jusqu'à pouvoir s'en saisir. Tout heureux de sa découverte, il s'empressa de le déplier ne sachant pas vraiment à quoi s'attendre. Il n'y avait qu'une simple phrase, une inscription à l'encre noire bavant ce qui en rendait la lecture difficile. Il ne perdit pas son temps à le déchiffrer, ce mot n'était pas pour lui, cet objet ne lui appartenait pas et il n'avait aucun droit de s'immiscer dans la vie de quelqu'un d'autre. Cette bouteille ne devait pas se trouver là par hasard, quelqu'un l'avait déposée volontairement. Il la remit à l'endroit exact où il l'avait trouvée et se hâta pour atteindre le village avant que tombe la nuit noire. Il pensa longuement à sa trouvaille et à ce que voulait bien dire le petit mot à l'intérieur. Il s'amusa à imaginer différents scénarios, comme à son habitude, il aimait s'inventer des histoires puis les peindre une fois au calme chez lui. Cette fois-ci, celui qui l'inspirait le plus était le scénario de l'aventurier : le message se trouverait être un indice indiquant l'emplacement d'un trésor, ou bien il s'agissait d'un appel à l'aide des dryades en danger et une personne valeureuse viendrait bientôt les secourir. À bien y réfléchir, le garçon regretta sa décision précipitée, s'il s'agissait réellement d'un message important posé au hasard sur un chemin dans l'espoir que quelqu'un le trouve, il aurait dû s'y attarder plus longtemps. Mais il était déjà trop loin pour faire demi-tour ; il reviendrait le lendemain si nécessaire, il n'avait de toute façon toujours pas trouvé de symphorine.

Il ne prit pas la peine de passer par chez lui et prit un raccourci pour se rendre plus rapidement aux champs. Il était désormais sûr d'y être à temps alors il ralentit le pas pour profiter de la douce brise qui venait de se lever. Il contempla les alentours du sentier ; il devait à tout prix garder cette image en tête pour la peindre, la scène sous ses yeux était magnifique. Il s'était éloigné de la forêt mais même à cette distance on pouvait en distinguer chaque arbre, leur majesté impressionnait le noiraud un peu plus chaque jour. Il était un stéréotype, il en avait pleinement conscience mais cela ne le gênait aucunement. Son peuple était proche de la nature, ils étaient considérés comme les gardiens de la forêt, et plus globalement de la nature entière. Tous leurs villages étaient entourés par la faune et la flore, ils vivaient en harmonie avec, et de tout Imphet, ils avaient la plus luxuriante. Leurs activités se concentraient toujours autour de la même seule et unique chose : la nature, les plantes, les cultures, tout ce qui venait de la terre. C'est grâce à cette ressource qu'ils s'étaient fait une place importante dans le commerce ; leurs produits passaient de pays en pays et traversaient même la mer de nuages. Le garçon était fier d'appartenir à cette communauté, il n'aurait pas pu rêver mieux comme lieu et manière de vivre, il se sentait en parfaite harmonie avec son environnement. Toujours perdu dans ses pensées, ses pas l'avaient menés jusqu'au bout du chemin sans qu'il ne s'en rende compte, et un cri le fit sursauter.

- Renjun !

Les palpitations de son cœur se calmèrent lorsqu'il reconnut cette voix, celle de son meilleur ami. L'autre garçon à la chevelure rousse s'approcha de lui en trottinant et le prit dans ses bras.

- Je m'attendais pas à te voir ici. Tu vas aux champs ?

- Oui, d'ailleurs, il ne faut pas que je perde plus de temps.

Sur ces mots, il se remit en route, son ami sur ses pas.

- Et toi ? Tu vas où ? lui demanda-t-il.

- Je dois passer au marché, maman a oublié la moitié des provisions ce matin, mais elle ne s'en est rendue compte qu'en commençant à cuisiner.

- Ça devient une habitude, fit remarquer le noiraud.

- Oui, et je commence à me demander si elle ne le fait pas exprès. Pour m'obliger à sortir et voir un peu plus de monde.

Il était vrai que croiser Jungwoo dans les allées du village était chose rare. Il ne sortait que lorsque la situation l'exigeait ; le reste du temps il le passait chez son voisin, le forgeron, fasciné par cet art. Pendant des années il n'était sorti que pour voir ses amis ; se rendre sur la place du marché, se balader dans la forêt, participer aux cueillettes de fin de saison ne l'enchantaient pas tellement. Au contraire, il préférait se trouver entre quatre murs, une pièce loin d'être lumineuse, à manier des tas d'outils lourds, les oreilles assourdies par le bruit sourd du métal que l'on frappe. Les deux garçons avaient des centres d'intérêt très différents, tout aurait pu les opposer, mais la vie en avait décidé autrement puisque les parents de Jungwoo tenaient la petite boutique de botanique, la seule du village, domaine qui se trouvait être la spécialité de Renjun. Plus jeune, il adorait s'y rendre pour observer les multiples espèces qui s'y trouvaient et lire chacune de leurs inscriptions. Il y passait tellement de temps, qu'il avait fini par se lier d'amitié avec l'enfant de ce couple.

- D'ailleurs, maman m'a demandé quand tu serais disponible pour passer à la boutique. Ils ont de nouvelles choses à te montrer sur de nouvelles graines, je t'avoue que j'ai pas tout compris, mais apparemment ça devrait beaucoup te plaire.

- Oh vraiment ? Super ! Tu peux lui assurer que je viendrai demain à la première heure.

Le roux s'amusa de l'enthousiasme de son ami qui semblait ne jamais faiblir. Ce n'est qu'à ce moment qu'il remarqua le petit bouquet de fleur. Un sourire en coin, il lui donna un coup de coude.

- C'est pour qui ce joli bouquet ? Tu vas retrouver quelqu'un aux champs ?

- Dis pas n'importe quoi. Je les ai trouvées pendant ma balade et je me suis dit que ça ferait plaisir à Ten, enfin, plutôt que ça ferait plaisir à la personne à qui il les offrira.

- Ooooh, fit Jungwoo les yeux ronds. Enfin ? Ils se sont décidés à se mettre ensemble ?

- Pas encore. Ten veut « prendre son temps » et faire les choses bien.

- À ce rythme là, on aura inventé un engrais magique avant qu'ils se marient.

- Dis pas ça, ricana le noiraud. Il sait ce qu'il fait.

Ils ne dirent rien pendant un moment, puis une fois à proximité des terres, Renjun reprit la parole.

- Ça te dérange si je t'accompagne au marché ?

- Pas du tout, tu as besoin de quelque chose en particulier ?

- Je n'ai pas réussi à trouver de symphorine dans la forêt, il y en a peut-être là-bas. Je vais juste délivrer mon petit cadeau à mon frère, et je te rejoins tout de suite après.

Il chercha ce dernier du regard et lui fit de grands signes lorsqu'il l'aperçu. Il était arrivé juste à temps, Ten était justement en train de saluer les autres avant de partir. Son petit frère se précipita vers lui, lui glissa le petit bouquet dans les mains avec un grand sourire et l'informa qu'il rentrerait plus tard. Sans attendre une réponse, il revint sur ses pas pour rejoindre son ami. Ten secoua doucement la tête en observant les magnifiques fleurs qu'il tenait.

- C'est pour charmer ta princesse ? s'enquit un de ses amis.

- Chaeyoung n'est pas ma princesse.

- Pas encore...

Ten leva les yeux au ciel, essayant de masquer au mieux son visage qui s'empourprait. Il avait l'habitude qu'on le charrie à ce sujet, et pourtant il se sentait embarrassé à chaque sous-entendu que les gens faisaient. Ils se plaisaient tous les deux depuis un long moment mais préféraient prendre le temps de se séduire avant de s'engager dans quelque chose de sérieux et définitif. La petite attention de son frère lui faisait énormément plaisir, il savait que Chaeyoung était appréciée de sa famille et cela ne pouvait que le rassurer.

Renjun et Jungwoo s'étaient déjà éloignés des champs, ils ne devaient pas non plus trop traîner. À leur passage dans un petit bosquet, ne prêtant pas attention à où il posait les pieds, Renjun trébucha sur quelque chose au sol. Il se rattrapa de justesse au bras de son ami qui ne manqua pas de se moquer de lui. Après avoir jeté un regard derrière lui, le noiraud fit taire son ami. Là se trouvait une bouteille en verre, similaire à celle qu'il avait trouvée un peu plus tôt dans la forêt. Il se baissa pour l'examiner, peut-être n'était-ce qu'une coïncidence, mais le même bout de tissu se trouvait à l'intérieur, par conséquent la même inscription devait aussi y être.

- C'est bizarre, j'ai trouvé exactement la même bouteille un peu plus tôt, quand je cueillais les fleurs.

- La même ? Tu es sûr de toi ?

- En tout cas, elle y ressemble.

- C'est quoi le truc à l'intérieur ?

Renjun sortit le bout de tissu et le déplia soigneusement. Jungwoo mit un peu de temps avant de réussir à déchiffrer l'écriture : « Lorsque le jour et la nuit se rencontrent, le vent du nord se lève sur le Miracle. Sens et contre sens se mélangent, s'attirent et s'opposent ; le destin décidera, résonnera jusque dans les bois. Désolation ou fortune éclatera, ce n'est qu'un choix, ou un don de soi. » Le roux lu ces mots à haute voix, puis le silence tomba, ils entendaient à peine le chant des oiseaux qui retournaient à leur nid au crépuscule. Ils étaient figés sur place, perplexes et perdus quant à la signification de ce message, mais aussi effrayés. Bien qu'ils n'aient pas tout saisi, il était clair qu'il s'agissait d'un mauvais présage.

- Tu crois que ça s'adresse à qui ? On dirait bien une mise en garde.

- Tu sais Renjun, commença Jungwoo, on en a déjà parlé ensemble il y a quelques temps. On avait parlé de tous ces phénomènes étranges que l'on raconte, ces rumeurs selon lesquelles la magie serait en train de revenir.

- Oui, je me souviens, mais je ne vois pas où tu veux en venir.

- La magie peut se trouver dans l'air, autour de nous, c'est ce que ceux qui y croient disent. Mais pourquoi ne se trouverait-elle pas aussi en nous ? En certaines personnes, comme c'était le cas dans le passé. Je suis allé rendre visite à Jaehyun il y a quelques semaines, et on a aussi longuement discuté. Il m'a rapporté les récits que son père lui fait lorsqu'il rentre ; et il a vu des choses incroyables, inexplicables, dans les terres du Nord.

- Tu veux dire qu'il a vu de la magie ? De ses propres yeux ?

- Mieux que de la simple magie : des magiciens.

Renjun avait des étoiles dans les yeux, la magie le fascinait. Il avait entendu tellement d'histoires depuis tout petit, sa famille lui avait répété que tout soupçon de magie avait disparu de la surface d'Imphet depuis des millénaires. Eux aussi, les Floramas, avaient été une communauté qui possédait ce don, cette époque était révolue mais elle faisait bel et bien partie de l'histoire, et cela ne fut admis que longtemps après les faits. Cette période avait été niée, transformée en mythe, en simple conte pour enfants. Si autrefois la magie coulait à flot dans les gênes des Floramas, certaines personnes avaient petit à petit perdu leurs capacités pour une raison inconnue. La disparition progressive de cette – à priori – minorité avait eu pour effet de contribuer au développement de nouvelles techniques de culture et de préservation de la nature, un développement trop lent et superficiel qui mettait en difficulté plusieurs villages. Le point de rupture fut lorsque les commerçants revinrent d'un voyage au-delà de la Mer de Nuages, répandant la nouvelle selon laquelle des guerres avaient éclatées là-bas, et qu'un grand sorcier avait usé de ses pouvoirs pour décimer une tribu entière. Personne ne savait dire si cet acte était volontaire ou non, mais l'étendu des dégâts de la magie surprit tout le monde, eux-mêmes n'avaient jamais pris conscience de cette puissance qu'ils pouvaient posséder. La peur s'immisça dans les esprits, ainsi que la méfiance, et une décision stricte fut prise : la magie serait bannie des terres d'Orann. Puisque les gênes semblaient s'affaiblir et que de plus en plus de gens s'en trouvaient dépourvus, la magie n'était plus d'aucune utilité, et chacun obéit plus ou moins à ce nouveau règlement. Dès lors, on en avait tiré la conclusion qu'elle disparaitrait naturellement, par elle-même, de tous les corps.

Mais les temps avaient changé, les mentalités aussi. Les commerçants continuaient de raconter leurs récits, ils avaient été témoins de manifestations étranges partout où ils allaient, aussi bien au Nord, que près de leurs terres. Alors les plus instruits s'étaient posés des questions, avaient enquêté, avaient réfléchi ; et si le bannissement de la magie ne la faisait pas disparaître, mais l'endormait ? La crainte ressurgit soudainement, celle de ne pas comprendre ces phénomènes et d'être en danger. Aucune histoire n'avait passé le stade de conte de fées ; pourtant la magie était bel et bien en train de revenir, les garçons en étaient persuadés. Après tout, c'était une pratique dont personne ne pouvait expliquer l'origine et le fonctionnement, même ceux qui en étaient possédés ne pouvaient le dire. Le mystère restait entier, la magie en tant que telle n'appartenait à personne ; pourquoi ne pourrait-elle donc pas revenir de son plein gré ? Les deux amis y croyaient dur comme fer ; ils avaient moins été bercés par les légendes effrayantes que les anciens, raison pour laquelle ceux-ci trouvaient cette pensée ridicule et dénuée de sens.

- Tu sais ce qu'on dit, lorsqu'un objet se présente à toi plusieurs fois sans que tu n'aies d'influence dessus, c'est qu'il t'est destiné. Je pense que cette bouteille doit t'appartenir.

Jungwoo parlait d'une douce petite voix, comme s'il avait peur d'effrayer cet esprit magique qu'il pensait autour d'eux. Il avait aussi du mal à réaliser la situation, ce qu'il se passait sous ses propres yeux et ce que cela impliquait : son ami devait détenir un genre de pouvoir. Il avait beau croire à tous les récits fantastiques, c'était autre chose que d'en être témoin.

- Je ne sais pas trop, hésita Renjun. Je n'ai pas vraiment fait attention aux écritures de celle que j'ai trouvé plus tôt, ce n'est peut-être qu'une coïncidence ? Quelqu'un s'amuse à semer des bouteilles similaires un peu partout dans le village.

- Avec un genre de prophétie à l'intérieur ? Qui s'amuserait à faire ça ? Je n'y crois pas une seule seconde. On devrait mettre en place un stratagème !

- C'est-à-dire ?

- Pour savoir si c'est bien la même bouteille ou, comme tu le dis, une farce vraiment pas drôle. Il suffit de mettre un signe distinctif sur celle-ci, et la remettre dans les herbes. Nous allons au marché comme prévu, comme si rien ne s'était passé. Si un jour vient où elle réapparait, tu pourras vérifier si c'est bien la même ou non.

Renjun haussa les épaules, il n'était pas plus convaincu que cela. Son ami était très enthousiaste, peut-être trop, lui ne pensait pas une seule seconde qu'il puisse être en lien avec quelque chose de magique ; c'était impossible, ce n'était pas sa destinée. Il accepta tout de même, cela ne lui coûtait rien ; il n'y avait de toute façon que peu de chance qu'il se trouve à nouveau nez à nez avec l'objet. Ils coincèrent un brin d'herbe entre le goulot et le bouchon, de sorte qu'il ne puisse pas s'envoler. Puis ils se remirent enfin en route pour aller au marché, n'ayant pas oublié leurs priorités.

Renjun s'était installé à sa table dès qu'il avait mis un pied dans la maison. Il s'était emparé de sa pointe de métal, s'empressant de griffonner tout ce qu'il avait en tête, en commençant par les paysages, puis il décida de modifier sa première idée pour y ajouter de nouveaux éléments, des choses qui ne venaient que de son imagination. Il traçait des contours, ajoutait quelques effets ; le rendu était onirique, et c'est ce qui lui plaisait. Ce soir-là, il ne partagea pas avec sa famille ce que Jungwoo avait mentionné ; il n'avait jamais parlé de magie avec eux et ne savait pas comment se positionner. Il ne voulait pas qu'on le traite d'idiot de croire à de telles choses. Il se demanda si quelqu'un d'autre avait trouvé le message et l'avait compris, puisque voilà bien un autre obstacle, s'il était vraiment la bonne personne, qu'il était impliqué, il aurait dû en comprendre la signification, mais tout n'avait été qu'un charabia, des mots mis les uns à côté des autres sans qu'ils ne fassent sens.

Quelques jours plus tard, il dut se rendre à l'évidence ; tout n'était peut-être pas qu'une coïncidence. À la demande de son frère, il s'était occupé de leur jardin, ce dernier ayant à faire en ville. Il avait pris soin des plantes, comme il le lui avait appris, et c'est sous les belles de nuit qu'il l'avait trouvée. Une bouteille en verre, un bout de tissu brun à l'intérieur, et surtout, un brin d'herbe coincé par le bouchon. Il était resté la bouche ouverte, accroupi devant les fleurs pendant de longues minutes, ne touchant qu'à peine l'objet. Il était partagé entre l'extase et la peur, il était submergé. Il n'y avait plus aucun doute, ce message lui était destiné, mais il ne le comprenait pas. Et si quelqu'un venait à le découvrir ? Des choses étranges près de chez eux avaient été rapportées, mais jamais chez eux. Il ne devait en parler à personne, la réaction des anciens était trop imprévisible. L'idée se fondait doucement dans son esprit. « De la magie est en moi, se disait-il. Elle vit en moi. » Des tas de questions lui embrouillaient la tête, et il n'aurait pas de réponse car il n'avait personne à qui s'adresser. Il pouvait mener seul une petite enquête, savoir s'il y avait quelqu'un d'autre comme lui, quelqu'un qui pourrait le comprendre, ils pourraient s'aider mutuellement, mais il éveillerait les soupçons s'il posait trop de questions. Il savait très bien que beaucoup de personnes comme lui avaient été contraintes au silence, de force, opprimées, lorsque la magie était devenue tabou mais pas suffisamment bannie des mémoires. Néanmoins, Renjun était sûr d'une chose, ses amis garderaient le secret. Il déposa rapidement la bouteille sur son bureau en gardant le message dans sa poche ; il se rendrait en premier chez Akim le forgeron et prétexterait une urgence pour Jungwoo, puis ensuite ils iraient ensemble aux champs du village, Jaehyun devait s'y trouver.

**

- Donc si j'ai bien compris, tu as des pouvoirs magiques et tu es le protagoniste d'une prophétie qui annonce le chaos ? demanda Jaehyun, incrédule.

- Hmm... Pas exactement, j'ai pas de pouvoirs. Enfin, je ne crois pas.

- Et on ne sait pas vraiment si c'est le chaos, ajouta Jungwoo. On n'y comprend pas grand-chose à ce bout de tissu.

- Personne d'autre ne sait. J'aimerais que vous gardiez ça pour vous, je ne sais pas ce qui pourrait se passer si cela venait à se savoir.

- Tu peux compter sur nous.

Ses deux amis lui souriaient gentiment, ils comprenaient la situation et les sentiments du noiraud. Cependant, il restait une ombre au tableau : même à trois, ils ne parvenaient pas à déchiffrer le message. Trop d'éléments leur étaient inconnus. Bien que Jaehyun soit un peu plus âgé que les deux autres, et que ses connaissances soient étoffées par celles de son père qui traversait Imphet du nord au sud, et d'ouest en est, ils se trouvaient bloqués. Lorsqu'ils se quittèrent, le plus grand promit qu'il allait se renseigner auprès de sa mère sur les différents éléments mentionnés.

Ils n'eurent pas à patienter longtemps, seulement l'affaire de quelques jours. Ils avaient convenus de participer à la cueillette collective – pour une fois que Jungwoo acceptait – et c'est après leur journée de travail qu'ils s'étaient installés près de la fontaine, à l'abri des regards. Jaehyun leur partagea ses informations à voix basse, car les arbres ont des oreilles. Il s'y prit méthodiquement, découpant les phrases et analysant chaque partie individuellement.

- Certaines choses sont plus évidentes que d'autres, commença-t-il. Le jour et la nuit, c'est la basique opposition. Le vent du nord, c'est pas très clair, mais il n'y a que deux possibilités : le vent sec et froid de Kaltaann, ou bien le vent léger mais permanent de Miraclaann. Compte tenu de la mention de 'Miracle' dans la même phrase, j'opterai pour la deuxième possibilité. Ensuite, ce sont encore des oppositions, et finalement, les bois...

- C'est nous, le coupa Renjun.

- Oui, c'est nous. Ou plutôt toi, rectifia-t-il. Le reste n'a pas de signification particulière, si ce n'est de mettre en garde contre quelque chose. Une situation dangereuse dans laquelle il n'y a que deux issues : le chaos ou l'harmonie. Les deux ne tiennent qu'à un fil visiblement.

- Et le don de soi ? hasarda Jungwoo.

Jaehyun prit un air bien plus sombre et sérieux qu'auparavant.

- Je considère le don de soi comme un sacrifice. Mais impossible de savoir de qui, dans quelles conditions, et pourquoi.

Il adressa un regard à Renjun, si son ami était bien le destinataire, il avait une petite idée de la fin de l'histoire, mais rien n'était certain. C'était bien la chose complexe du destin, il n'est pas figé. Ce qui est tracé est une ébauche de plan, comme une esquisse qui pourrait s'effacer d'un coup de gomme. Pourtant, chaque être semblait enfermé par celui-ci, lié à des choses qu'on ne pouvait connaître, qu'on ne pouvait maîtriser. Mais c'était une illusion. À moins qu'il ne se trompe, et que la seule illusion était celle de sa liberté. Dans tous les cas, il n'était pas le principal concerné. Renjun avait hoché la tête à chacune de ses paroles, mais avait gardé les yeux rivés sur le sol. Il semblait en pleine réflexion. Après un long silence, il osa enfin prendre la parole.

- Ça me terrifie. Ça me terrifie vraiment parce que tout est trop soudain, je ne comprends ce qu'on attend de moi. Qui attend de moi quoi ? Pourquoi moi ? Trop de questions auxquelles personne ne peut répondre. Mais j'ai besoin de ces réponses, plus que tout.

Il finit par regarder ses amis, dans les yeux, signe qu'il était déterminé et qu'il pesait ses mots.

- Je vais partir. Je vais me rendre à Odiagann.

- Quoi ? s'exclamèrent les deux autres garçons.

- Vous allez dire que je suis fou mais, à ma place, qu'auriez-vous fait ? Attendre ici, continuer ma petite vie tranquille en oubliant tout ça ? Personne ne peut m'aider ici, ils ont peur de la magie, il la déteste.

- On comprend bien, mais c'est pas non plus une raison pour partir précipitamment sur un coup de tête. Tu as pensé à ta famille ?

- Je ne leur dirai rien de cette histoire, je trouverai une autre excuse. Et j'y ai réfléchi, j'ai déjà prévu mon voyage dans les grandes lignes. Il me suffit de quelques jours pour tout boucler.

- Mais pourquoi Odiagann ?

- Les récits des commerçants. Un fait revient souvent, de plusieurs sources, et je suis sûr que c'est avéré, à Odiagann se trouvent des mages, ou en tout cas des gens qui y ressemblent. S'ils connaissent la magie, ils pourront m'aider.

- Je pense que c'est un peu trop fou tout ça, commenta Jungwoo.

Le roux avait été le plus enthousiaste des trois, il avait été le premier à croire en cette magie existant en Renjun. Mais jamais il n'aurait imaginé que tout devienne si important, si grave. Dans sa tête, il imaginait Renjun faire pousser des fleurs en récitant des formules magiques très compliquées dans une langue qu'il ne connaissait pas, pas qu'il allait entreprendre un voyage dans des contrées lointaines parce qu'il était lié à une prophétie quasi-apocalyptique. Tout cela les dépassait, ils restaient de jeunes garçons de la tribu Florama, ayant passés leur vie au milieu de la nature à s'occuper de faire vivre leur petit village tranquille. Le mot « aventure » était une douce mélodie pour leurs oreilles, ils en avaient rêvé, mais pas de cette manière ; cette aventure-là paraissait trop dangereuse, trop périlleuse. Ce n'était pas sa quête, c'était celle de son ami, cependant, il ne pouvait se résigner à le laisser affronter ça seul.

- Très bien, finit-il par dire, c'est ta décision. Mais je t'accompagne.

- Dans ce cas, je viendrai aussi. Hors de question de vous laisser seuls, vous survivrez pas cinq minutes sans moi.

Les trois amis se sourirent. Renjun ne voulait pas les entraîner, mais au fond de lui, il avait espéré qu'ils fassent cette proposition. Il appréhendait ; il pouvait se voiler la face, afficher un air sûr de lui, mais il tremblait.

Ils discutèrent de tous les détails techniques et pratiques de leur futur voyage, jusqu'à ce que la lune soit haute dans le ciel. Ils consentirent tous les trois à se laisser du temps, de ne rien précipiter, de continuer à réfléchir et à se préparer. Leur voyage ne serait pas de tout repos, ils habitaient près de la frontière avec Odiagann, mais les soi-disant mages se trouvaient bien plus loin sur cette terre. N'ayant jamais quitté leur village, il leur était impossible de prédire ce qu'ils allaient devoir traverser, ce à quoi ils seraient confrontés ; les seules pistes qu'ils avaient été les carnets de voyages du père de Jaehyun. Ils n'avaient pas d'autre choix, c'était leur unique source fiable pour se diriger.

Les préparatifs avançaient à grands pas, et leur départ avec, tout cela dans le plus grand secret. Ils devaient se rejoindre à l'orée de la forêt peu avant l'aube, pour ne pas se faire surprendre par les travailleurs matinaux. Son lourd sac sur les épaules, Renjun se faufila hors de sa chambre. Il fit un petit arrêt dans la cuisine pour prendre quelques maigres morceaux de pain qu'il manqua de faire tomber lorsqu'il se retourna et aperçut son frère juste derrière lui.

- Je peux savoir ce que tu fais ?

- Oh, juste un petit creux.

Il prit son air le plus innocent, mais Ten fronça les sourcils.

- Et c'est normal chez toi de dormir avec un gros sac sur le dos ?

Renjun se retint de se frapper le front de sa main, il avait oublié ce détail.

- Bon d'accord, tu m'as démasqué. J'allais partir en forêt pour refaire les pigments qu'il me manque pour mes dessins.

- Renjun, n'essaie pas de me mentir. Qu'est-ce que tu mijotes avec tes amis ? Ça fait des jours que tu passes ton temps avec eux, on ne te voit plus beaucoup à la maison, tu as toujours l'air préoccupé par quelque chose. Et pareil pour Jaehyun, il n'est plus concentré sur son travail aux champs.

- Je te promets qu'on ne fait rien du tout, je vais juste me balader en forêt.

Le noiraud se sentait mal de mentir ainsi à son grand frère, il n'allait pas tenir très longtemps. S'il continuait ainsi, il allait craquer et tout lui révéler, il devait partir immédiatement pour éviter cet incident. Ten avait l'air peiné, il savait reconnaître lorsque Renjun ne lui disait pas la vérité, et ce qu'il était en train de faire. Sauf que plutôt que de l'admettre, comme il le faisait d'habitude, il continuait de s'enfoncer dans son mensonge. Le plus âgé se dit qu'il n'était peut-être pas assez digne de confiance, et cette pensée le blessait énormément.

- Pourquoi tu continues de me mentir ? Si c'est ça qui t'inquiète, je ne dirai rien aux parents.

- Non, c'est pas ça... Tu ne peux pas comprendre. Laisse-moi juste partir, s'il te plait. Ne pose pas de questions, j'aurai pas la force d'y répondre.

- Renjun, je-

- S'il te plaît, insista-t-il.

- D'accord. Peu importe où tu vas, fais attention à toi, et ne rentre pas trop tard.

À ces mots, Renjun sentit sa gorge se nouer. Les larmes lui montèrent aux yeux, et pour les cacher, il se précipita dans les bras de son frère. Il ne reviendrait pas tard. Il ne reviendrait pas tout court, pendant un long moment. Il remercia son frère, et quitta la maison sans se retourner. Il regretta de n'avoir rien laissé à sa famille, pas un mot, ni une explication ; mais il savait que Jungwoo l'avait fait à sa place. Leurs parents étaient très amis, ils les tiendraient au courant. Il tenta de se persuader qu'il avait pris la bonne décision, mais quelque chose au fond de lui l'empêchait de continuer son chemin sereinement. Une aventure l'attendait, mais peut-être pas celle qu'il imaginait.

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