
Chapitre 7
Y a des gens pour la St Valentin, ils se font des sorties en amoureux, d'autres restent simplement ensemble pour profiter d'un moment tranquille.
Et puis y a moi, qui vais faire une heure de route... pour me rendre à un forum des métiers présenter les études de lettres classiques à des lycéens. J'y vais uniquement parce que je suis payée pour, ça me nique mon weekend de trois jours putain... X)
Allez, une St Valentin de plus seule (je m'en fous un peu, mais bon). Du coup je me suis offert à moi-même du chocolat, pour kiffer quand même ^.^
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« Tu sais... je peux pas les voir tes sourires, mais j'aime les deviner derrière ton masque et tes yeux rieurs. »
Déjà un quart d'heure qu'ils s'étaient retrouvés et ils n'avaient pas échangé un seul mot. Ils étaient présentement installés dans le petit square, sur les balançoires pour enfants. Jimin se remuait légèrement sous le regard de Yoongi qui n'avait eu aucun mal à déceler sur les quelques traits visible de son visage une expression de sincère mélancolie.
Alors il avait parlé, quitte à être maladroit. Il avait besoin d'entendre Jimin, d'entendre ce qu'il avait à dire : s'il l'avait appelé, ce n'était pas pour rien, c'était parce qu'il avait besoin de compagnie, de quelqu'un à qui dire ce qu'il avait sur le cœur.
Jimin laissa ses chaussures frotter le sol sablonneux de l'aire de jeux. La balançoire enfin arrêtée, il tourna vers Yoongi des yeux dans lesquels les lampadaires alentours laissaient voir les larmes.
« Jiminie...
- Ça me fait tellement chier, hyung. J'en ai marre de faire semblant. J'arrive toujours à voir le côté positif, à me dire que tout va bien, mais parfois c'est juste trop dur. Mes parents sont bien intentionnés, mais ils me surprotègent au point que c'est ça qui me rend malade : ça me rend dingue, je n'en peux plus. Il n'y a qu'avec toi que je suis quelqu'un de normal. »
Et à mesure qu'il parlait, ses yeux s'humidifièrent de plus en plus jusqu'à ce que quelques larmes coulent le long de ses joues pour finir par s'écraser sur son masque – comme s'il allait jusqu'à tenter de dissimuler la peine que Jimin ressentait.
« Je suis constamment contraint de me rappeler que je suis différent, et c'est ça qui fait que je n'arrive pas à imaginer que l'on puisse s'attacher à moi, parce que finalement ça me conduit à être convaincu que je ne suis pas comme les autres puisque je ne peux pas agir comme eux. Le sport m'est pratiquement interdit, beaucoup de métiers me sont déconseillés et... hyung, j'aurais voulu être danseur. »
Et à ces mots qui semblèrent les plus douloureux, Jimin fut pris d'un sanglot bruyant. Oh ça oui, depuis son plus jeune âge il rêvait de pouvoir danser, mais il avait très vite appris que ce bonheur lui serait à jamais interdit. Les gens comme lui ne pouvaient pas danser.
Yoongi, jusque là hésitant, se releva de sa balançoire et vint s'accroupir devant Jimin, la nuit camouflant d'autant plus son visage maintenant qu'il avait la tête baissée. Il posa doucement les mains sur ses genoux et chercha à capter son attention en faisant quelques mouvements de ses pouces.
« Hey, Jiminie... »
Le cadet releva les yeux pour croiser ceux de Yoongi dans lesquels était lisible toute sa bienveillance. Il avait un sourire triste et une moue peinée qui fit comprendre à Jimin qu'il avait beau ignorer ses malheurs, il ne le laisserait pas seul à pleurer sur cette balançoire – comme il l'avait été pendant des années.
Yoongi leva une main vers le visage de son interlocuteur qui aussitôt eut un mouvement de recul, à l'image d'une proie craintive que son prédateur menacerait. Ses yeux exprimaient la peur qu'il avait que son ami cherche à dévoiler ses mystères. Ce dernier sembla légèrement vexé, presque déçu de sa réaction, comme s'il avait espéré que Jimin se laisserait faire. Cependant il retrouva bien vite son air doux et rassurant.
« Fais-moi confiance, » souffla Yoongi d'une voix si faible qu'elle ne troubla pas le silence de la nuit.
L'autre demeura un instant immobile, le cœur battant, des questions plein la tête, puis finit par acquiescer. Alors Yoongi se contenta d'approcher la main et de la poser, par-dessus le masque, sur sa joue pour la lui caresser. Tout à coup apaisé, Jimin se laissa emporter par la douceur de cet instant et ferma les yeux.
Oui, il avait besoin de savoir qu'il pouvait avoir confiance en Yoongi. Au moins une personne ne chercherait jamais à connaître son secret sans son consentement.
Il posa sa paume bandée sur celle de son aîné afin de l'obliger à garder cette main tendue et bienfaisante contre lui. Qu'elle était grande, douce et pâle, sa main. La sienne, elle était couverte de cicatrices sur une peau que les brûlures semblaient avoir ridée... et en plus il avait de petits doigts.
« Merci d'être là, souffla Jimin d'un ton soulagé, merci de m'écouter sans me juger, merci de vouloir me connaître avant de vouloir me voir.
- Merci, lui susurra Yoongi en guise de réponse, merci de me faire confiance. »
Son autre main, le jeune homme la passa dans le dos de son cadet qui, toujours installé sur sa balançoire, se laissa faire. Alors l'aîné se rapprocha et l'étreignit un bref instant avant de se reculer.
« Ça m'a fait du bien d'en parler, encore merci, dit Jimin d'une petite voix.
- Allez, viens, on va se payer quelque chose à manger. Perso, je trouve qu'il fait un peu trop frais pour une glace : un gâteau bien chaud, ça te tente ? »
Et il fut ravi en voyant son cadet hocher vivement la tête avec des yeux plissés qui indiquaient qu'il souriait. Il était beau, si beau comme ça.
« Parfait, alors c'est vendu, affirma Yoongi en se redressant. Allez viens. »
Il lui tendit la main sans savoir ce que ce geste provoqua en Jimin : une main tendue, une main qui n'avait pas peur de prendre la sienne, de la serrer affectueusement. Yoongi l'avait laissé poser sa main si laide sur la sienne si pure, quelques minutes plus tôt à peine et désormais il lui tendait la main. Il ne semblait pas dégoûté, il n'avait même pas l'air d'avoir conscience de ce qu'il faisait, de l'horreur qu'il s'apprêtait à prendre entre ses doigts magnifiques.
Jimin donc eut un geste hésitant lorsqu'il approcha une main de la sienne et finalement, se rendant compte de la situation, Yoongi l'empêcha de réfléchir plus longtemps et attrapa sa paume avec délicatesse. Il l'aida à se relever sans un mot avant de lui accorder un sourire chaleureux. Tous deux se rendirent ensuite au camion près du parc où Yoongi paya deux crêpes aux amandes et à la cannelle. Puis comme la dernière fois ils retournèrent dans le square, s'installant dos à dos sur la pelouse que la nuit avait rafraîchie.
Jimin jeta quelques regards inquiets autour d'eux puis, rassuré de constater qu'ils étaient seuls, il retira son masque qu'il laissa glisser autour de son cou et il commença à manger.
« Dis, il y a des choses que tu n'as jamais dites à personne ? s'enquit-il pour faire la conversation.
- Bien sûr, affirma Yoongi, beaucoup même : des mauvais souvenirs, des choses trop personnelles, des choses qui pourraient choquer, ou bien...
- Qui pourraient choquer ? répéta Jimin avec un ton interrogateur.
- Oui, des choses que je refuse de dire à des gens qui pourraient me juger. Je pense que si toi et moi on est assez solitaires, c'est parce qu'on est d'accord sur ce point : c'est difficile d'accorder sa confiance à quelqu'un au point de lui avouer le moindre de ses petits secrets.
- C'est vrai, concéda-t-il.
- Et toi, à part ce que tu caches derrière ton masque, est-ce qu'il y a d'autres choses que tu ne dis jamais à personne ?
- Oui, comme toi, et comme tout le monde j'imagine.
- À ton avis, pourquoi on se sent à ce point obligés d'avoir des secrets ?
- Par peur que les autres nous jugent, répondit Jimin.
- Même si on était sûrs de ne pas être jugés ?
- On a toujours peur quand même. Les humains jugent, ils peuvent pas s'en empêcher. Même si on a tous peur de la critique, on est les premiers à critiquer, peut-être pour se dire que les autres aussi ont leur fardeau et qu'on n'est pas les seuls à subir.
- Ouais, peut-être, souffla Yoongi.
- Il y a quelque chose que tu veux me confier ? »
Le jeune garçon avait vu juste, son ami avait bel et bien un secret dont jamais aucun membre de son entourage n'avait eu connaissance, tout simplement car leurs réactions le terrifiaient. Pourtant, il avait la sensation que Jimin, ce garçon qu'il ne connaissait que depuis un mois, aurait un point de vue différent sur les choses. Et surtout que lui ne le jugerait pas.
Peut-être que c'était ce que Yoongi avait toujours cherché, au fond : quelqu'un de différent, quelqu'un de spécial avec qui il pourrait partager ce qu'il terrait depuis si longtemps en son cœur.
« J'ai l'impression que toi, tu me critiqueras pas, et que tu me détesteras pas, souffla-t-il.
- C'est grave ? s'inquiéta Jimin.
- Ça dépend du point de vue. Ici oui, ça l'est.
- Tu m'inquiètes...
- Il y a des gens qu'on critique pour leurs choix, et ça peut se comprendre : faire souffrir les autres, les violenter, c'est une décision que l'on prend et qui a de graves conséquences. Mais pour ce qui est de mon fardeau, je n'ai rien choisi, ça a toujours été comme ça : je ne ressens rien pour les femmes, j'aime les hommes. »
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