Chapitre 5
Le cœur de Jimin bondit en entendant ces mots mais il n'en laissa rien paraître, conservant un visage neutre. Il se montra simplement légèrement étonné, levant un sourcil en penchant la tête de côté. Il avait besoin d'être certain qu'il avait bien entendu.
« Ah bon ? demanda-t-il donc tandis que le bus arrivait. Tu trouves ? »
Yoongi quant à lui fut surpris de la question : est-ce que Jimin croyait sérieusement qu'il n'y avait en lui que son corps d'intéressant ? N'imaginait-il pas qu'on puisse s'attacher à lui pour une autre raison que pour lui demander de dévoiler son secret ? Pourtant il était quelqu'un de gentil, d'amusant et d'intelligent ; ça faisait déjà un bon nombre de raisons de l'aimer, non ?
Ils montèrent dans le bus pendant que Yoongi répondait :
« Jimin, moi je n'ai rien de ce que toi tu as, aucune blessure, strictement rien. Pourtant, si tu acceptes de passer toutes ces soirées avec moi, c'est que tu dois aimer qu'on passe du temps ensemble malgré tout, non ? Je n'ai rien d'intéressant, mais tu es là quand même, dans ce bus avec moi.
- Le simple fait qu'après trois semaines tu ne te sois pas lassé de moi te rend spécial, souffla Jimin d'un air attristé. Je ne sais pas pourquoi ça ne te fait pas peur, ni pourquoi tu dis ne plus t'intéresser à ce qui peut se cacher sous mon masque. Mais... c'est parce qu'on ne m'a toujours parlé que de ça. I-Il n'y a jamais personne qui est simplement venu faire ami-ami, c'est bizarre. Toi aussi tu vas essayer d'arracher mon masque le jour où tu trouveras la bonne occasion ? »
Sa voix tremblait et, par réflexe, puisqu'ils étaient assis côte à côte, Yoongi passa un bras autour de ses épaules dans l'espoir de le rassurer et de lui témoigner un peu d'affection. D'abord réticent, Jimin lâcha cependant prise au bout de quelques instants, lorsqu'il posa la tête sur l'épaule de son aîné.
Le bus regorgeait de monde, c'était bruyant, désagréable, et une vague odeur de transpiration commençait à flotter dans l'air. Pourtant rien ne les atteignait, eux, dans leur petit cocon. Jimin n'avait pas l'habitude des marques d'affection – à part celles venant de ses parents. Ses camarades, ils n'avaient jamais voulu le prendre dans leurs bras, ils avaient bien trop peur qu'il dissimule une maladie contagieuse – peur irrationnelle motivée par le fait qu'ils trouvaient simplement ses mains repoussantes.
Jimin tentait chaque jour de se convaincre que ses cicatrices étaient belles, parce que sans ça il aurait rapidement songé à en finir. En revanche, à défaut de trouver ses cicatrices hideuses, il avait avec les années fini par admettre que les autres, eux, ne pouvaient pas les trouver jolies. Ce n'était pas leurs marques alors ils les trouveraient forcément repoussantes. C'était pour cette raison que Jimin les cachait, qu'il cachait son corps et qu'il en avait honte. Il en plaisantait, il donnait une impression de légèreté mais il savait qu'à jamais il serait le seul à ne pas se dégoûter.
Si un jour il le voyait, Yoongi serait d'abord surpris puis il ferait comme les autres : il s'enfuirait en courant et plus jamais ils ne se parleraient. C'était arrivé bien trop souvent. Il avait perdu espoir ; les gens compréhensifs, ça n'existait pas. C'était pour cette raison que ça lui avait fait mal de tenir un tel discours à Yoongi. Il ne voulait pas être abandonné une fois de plus, il ne voulait plus être trahi, il ne voulait plus pleurer.
Il ne voulait plus qu'on recherche son amitié simplement pour découvrir la vérité à son sujet, c'était trop puéril et il détestait souffrir ensuite.
« Tu sais, soupira Yoongi qui avait cherché ses mots quelques secondes durant, si tu ne veux jamais me montrer ni me dire ce que tu caches, ça ne me dérangera absolument pas. Je t'apprécie déjà tel que tu es, avec tes qualités, tes défauts et tes secrets. Ce n'est pas ça qui y changera quoi que ce soit. »
Jimin s'installa plus confortablement contre lui en guise de réponse, le remerciant silencieusement pour le respect qu'il avait pour ses choix.
Depuis dix ans que le jeune garçon se cachait, Yoongi avait été le seul à chercher à comprendre non pas ce qui se dissimulait sous son masque, mais ce qui se dissimulait sous ce besoin de le mettre : Jimin avait peur, atrocement peur d'être éternellement rejeté à cause de son physique. Il avait peur que les gens le haïssent sans le connaître. Son masque changeait le dégoût en curiosité, c'était toujours plus facile à supporter... et de cette façon Jimin pouvait aisément cacher sa souffrance tout comme il en cachait l'origine. C'était facile de sourire quand il savait que celui qui se trouvait en face ne pouvait pas voir son vrai visage, ça le rassurait et ça lui permettait de vivre en paix.
« On descend au prochain arrêt, murmura-t-il.
- J'ai cru que tu t'étais endormi, rigola Yoongi en resserrant la prise autour de ses épaules.
- Tu sais même pas où je voulais aller, pourquoi tu me laissais dormir ?
- Parce que t'étais trop mignon comme ça, contre moi. »
Jimin leva les yeux au ciel en se replaçant correctement. Il vérifia que son masque ne s'était pas mal positionné et sortit son téléphone pour répondre à un message de ses parents. Lorsqu'il le rangea, ils arrivaient à l'arrêt qu'ils attendaient, après une petite dizaine de minutes de trajet.
« On va passer par chez moi, indiqua Jimin, je dois poser mon sac. D'ailleurs, si tu veux y laisser le tien le temps qu'on se promène, ça pose pas de problème.
- Ouais, ok. Merci.
- De rien. Allez, viens, reprit-il tandis qu'ils descendaient du bus, c'est par là. »
Le quartier semblait tranquille et les maisons étaient belles. Certaines étaient plus luxueuses que d'autres mais on était encore loin des grosses villas qu'on pouvait voir dans les quartiers les plus prétentieux de la ville. Jimin marchait avec assurance, discutant avec son ami de la pluie et du beau temps. Il semblait heureux ici, loin de tout. Il avait beau apprécier la foule, il aimait aussi ce genre d'endroits où on ne croisait pratiquement personne.
Parce que dans les deux cas, il n'existait pas.
Ils traversèrent la rue et arrivèrent devant un charmant pavillon. C'était une bâtisse simple mais belle dans un quartier plutôt chic qui ne cherchait pas à étaler les richesses de ses habitants. Jimin tira une clé de son sac et ouvrit avant d'entrer, invitant Yoongi à le suivre sans retirer ses chaussures : ils déposèrent les sacs dans l'entrée et s'apprêtaient à partir quand des pas se firent entendre dans la pièce à côté.
« Jimin, tu rentres déjà ? lança une voix masculine.
- Je suis avec quelqu'un, papa, on va se balader. »
Au même moment, un homme apparut dans le couloir. Il était un peu plus grand que son fils et semblait être quelqu'un de sympathique, du moins c'était ce que son sourire semblait dire.
« Oh, un camarade de classe ? s'enquit-il.
- Non, c'est lui que j'ai percuté le mois dernier dans un couloir.
- Je vois, sourit son père. Excusez-le, Jimin est quelqu'un d'assez maladroit.
- On va y aller, on te laisse, à toute.
- Et enchanté de vous avoir rencontré, » s'inclina poliment Yoongi qui n'avait encore pas eu jusque là l'occasion de parler.
Ils s'en allèrent à la hâte et une fois la porte close, Jimin expliqua :
« Mon père est chirurgien et ma mère généraliste. Ils se sont rencontrés pendant leurs études de médecine. Ils n'ont pas beaucoup de temps libre mais ils sont très attentifs à moi. Et puis... c'est pas mal d'avoir des parents qui travaillent dans le domaine de la santé.
- Tu as besoin d'une prise en charge particulière ? s'inquiéta Yoongi. Parce que tu m'as toujours semblé normal... »
Il ne s'en rendit pas compte, mais cette simple phrase eut le don de faire sourire Jimin.
« Aujourd'hui ce n'est plus le cas, répondit-il, je dois juste constamment faire attention à moi, mais plus besoin de quoi que ce soit d'autre. Au moins je peux toujours compter sur mes parents quand j'ai un coup au moral. Et ça, c'est vraiment un soutien énorme.
- Tu nous emmènes où ? demanda Yoongi pour changer de sujet.
- Dans un parc, tout simplement. Il y a des balançoires, c'est chouette. J'aime bien m'y asseoir pour réfléchir parfois. Ou simplement pour sentir le vent dans mes cheveux quand je vais haut. C'est naïf, peut-être même stupide, mais je me sens libre. »
Il termina sa phrase en jetant un coup d'œil à son ami qui marchait à ses côtés, un sourire aux lèvres. Il trouvait ça beau que Jimin pense de cette façon, qu'il apprécie les choses simples malgré tout ce que ses parents avaient les moyens de lui offrir.
Ce qu'il ignorait, c'était que Jimin se sentait libre sur cette balançoire simplement parce que le fait d'y monter seul lui était interdit. Mais il n'en pouvait plus de l'interdit.
Avec Yoongi, il se sentait normal. Avec Yoongi, il ne sentait plus le monde peser sur lui.
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