
Chapitre 2
Yoongi n'osa pas lui demander d'où venaient ces marques sur ses mains et ses avant-bras, ça serait bien trop indiscret. Il garda ses questions pour lui et se contenta de détourner le regard pour observer la fenêtre près d'eux.
Le garçon aux marques de brûlure s'était replongé dans ses études, visiblement peu enclin à poursuivre la conversation, et Yoongi se releva et alla s'asseoir un peu plus loin sans lui adresser un mot de plus. C'était clairement gênant comme situation et il savait que s'il était resté à côté de ce garçon il n'aurait pas pu s'empêcher de loucher sur ses mains si petites et juvéniles mais déjà marquées par la souffrance. Brûlures, cicatrices : qu'avait-il bien pu lui arriver ? Portait-il un douloureux traumatisme qui l'éloignait des autres étudiants ?
Yoongi agita la tête de gauche à droite, se libérant par ce geste de toutes ses pensées pour se concentrer sur son travail. Pourtant rien n'y faisait : chaque fois qu'il levait la tête, c'était pour voir ce masque anti-pollution et s'interroger quant à ce qu'il pouvait cacher. Le brûlé – car puisqu'il ignorait son prénom il avait fini par adopter cette appellation – pourrait d'ailleurs en porter des plus sympathiques, mais non, il se contentait des masques complètement blancs que l'on pouvait trouver en pharmacie. C'était dommage : pour quelque chose qu'il portait pourtant si souvent, il aurait pu changer ça en accessoire de mode. Ça se faisait après tout, d'autant plus qu'il était évident que ce masque servait à le protéger d'autre chose que la pollution : Busan avait un air plus sain qu'à l'accoutumée en ce moment et il faisait doux, il y avait peu de malades, plus personne ou presque ne portait de masque dans la rue.
Avait-il le visage brûlé ? Des cicatrices autour de la bouche ?
Chaque jour Yoongi voyait le brûlé venir étudier à la bibliothèque en début de soirée ; environ une heure avant la fermeture, parfois plus tôt quand son emploi du temps le lui permettait. Il avait donc finalement pris l'habitude de venir aussi, à la fois pour travailler et pour l'observer, lui. Parfois le jeune garçon travaillait avec de la musique dans les oreilles. Ces jours-là, il semblait plus joyeux que d'habitude : ses yeux fins indiquaient qu'il souriait et sa démarche était féline, probablement rythmée de façon inconsciente par ce qu'il écoutait.
Yoongi adorait le voir se lever pour aller chercher un livre. Il pouvait alors admirer plus en détail sa superbe silhouette. Le brûlé était mince, probablement maigre. Il était toujours habillé de la même façon : un haut large et un bas saillant. Ça lui allait à merveille selon Yoongi qui admirait son corps chaque fois qu'il en avait l'occasion. Pourtant, même en dépit de la chaleur printanière, le brûlé ne venait jamais en short ou en t-shirt : ses avant-bras et ses jambes étaient toujours entièrement couverts.
Le jeune homme n'avait osé en parler à aucun camarade de classe, il avait peur que demander le nom du brûlé n'attire la curiosité et il se voyait mal dire qu'il voulait cette information simplement parce qu'au fil des jours, ce gosse avait fini par réussir à piquer sa curiosité.
Il n'était pourtant pas particulièrement curieux, il ne mourait pas d'envie de savoir qui son camarade était, mais il s'interrogeait simplement quant à ce que cachait son masque. Il se doutait bien que ce devait être quelques marques de plus, mais dans ce cas... pourquoi cacher celles-là et pas celles de ses mains ? Pourquoi ne pas porter de gants ?
Étrangement, il finit peu à peu par s'habituer à ce garçon tel qu'il était et finalement il se rendait compte que jour après jour son intérêt commençait lentement à dépasser la simple question de cette apparence physique si particulière. Avec le temps, ses questions tournaient de plus en plus autour de ce que le brûlé pouvait ressentir à devoir se cacher et non autour de ce qu'il cachait.
Chacun ses secrets, après tout...
« E-excuse-moi, j-je peux m'asseoir ? Il y a du monde aujourd'hui... »
Le brûlé releva les yeux sur Yoongi qui, le regard fuyant, se tenait juste à côté de lui devant la chaise convoitée. L'autre garçon tourna les yeux pour sonder rapidement la salle, vérifiant par réflexe les dires du garçon. C'était juste : il y avait du monde ce soir-là, probablement parce qu'il ne restait que trois semaines avant les examens.
Il redirigea ses jolies prunelles vers Yoongi et lui adressa un sourire que l'autre devina grâce aux fines fentes que formèrent ses yeux.
« Bien sûr, assieds-toi, ne te dérange pas.
- Merci. »
Il prit le dossier de la chaise et s'y installa avant de lâcher sur le même ton hésitant qu'avant :
« A-Au fait, moi c'est Min Yoongi.
- Enchanté Yoongi, moi c'est Park Jimin. Mais je sais qu'ici on m'appelle « le brûlé », à cause de ça, ajouta-t-il en levant ses mains devant lui. Ça ne te fait pas peur, à toi ? Ça ne te dégoûte pas ? »
Jimin... il semblait enjoué et bavard, bien loin que l'image que Yoongi s'était faite de lui en le voyant systématiquement seul et concentré sur ce qu'il faisait. Le jeune garçon avait parlé sans que son sourire ni sa bonne humeur ne le quittent. Ainsi, sans pouvoir cacher son étonnement, Yoongi se contenta de répondre un « ben non » qui accentua encore le sourire de son interlocuteur.
Il devait être tellement beau, ce sourire...
« C'est drôle, renchérit Jimin, tout le monde les trouve très moches, mes mains, et ils n'osent pas me demander pourquoi elles sont comme ça. C'est vrai que comparé aux tiennes, mes mains sont sévèrement abîmées...
- Et toutes petites, » fit remarquer Yoongi d'un air distrait.
Jimin le dévisagea un instant, l'air étonné ; ce fut à cet instant que l'autre se rendit compte de ce qu'il avait dit. Il était prêt à s'excuser quand le jeune garçon éclata de rire.
« T'as raison ! souffla-t-il à voix basse pour ne déranger personne. On me l'avait jamais faite celle-là ! Enfin... de manière générale on ne me fait jamais de blagues sur mon physique, même des moqueries je n'en ai presque jamais subies. C'est cool, je n'ai toujours rencontré que des gens plutôt respectueux ! »
C'était étrange pour Yoongi de voir que Jimin était si jovial. Il faisait pratiquement la conversation à lui tout seul ; était-il seul parce qu'il l'avait choisi dans ce cas ?
« Mais dis-moi, Yoongi, tu es toujours aussi studieux habituellement, ou bien est-ce que tu ne viens à la BU que pour m'espionner de façon vaguement discrète ?
- J-Je... euh... »
Là, Yoongi en était sûr : il était rouge de honte. Alors il s'était si facilement fait avoir ? Lui qui avait pensé passer inaperçu, c'était visiblement complètement raté. Or Jimin attendait une réponse. Son cadet en effet n'était jamais si bavard d'habitude, mais il était intrigué et tentait de faire avouer à Yoongi que ce dernier n'était là que par curiosité au sujet de ses blessures. Les gens comme ça, il les fuyait comme la peste, alors ce n'était pas pour que ce Yoongi vienne le fixer bêtement tous les soirs comme s'il était un monstre de foire.
Or jusque là Yoongi n'avait pas répondu comme il s'y attendait, il fallait bien l'admettre.
« Je voulais savoir qui tu étais.
- Eh bien désormais tu le sais : je suis Park Jimin, étudiant de première année.
- D'accord... »
C'était probablement la conversation la plus étrange à laquelle Yoongi ait jamais eu affaire... et la réponse la plus stupide qu'il ait donnée. Quant à Jimin il avait beau apprécier ce petit jeu, il préféra être honnête et dire ce qu'il avait sur le cœur depuis qu'il avait remarqué que Yoongi venait à la bibliothèque simplement pour l'observer :
« Toi aussi tu es comme tous ces pots de colle qui veulent simplement savoir ce que je cache ? Parce que je n'aime pas le montrer, si c'est tout ce qui t'intéresse tu peux t'en aller. »
Jimin semblait complètement imperturbable au sujet de son physique : Yoongi avait la sensation que le jeune garçon vivait très bien avec ses blessures, que plus que de s'en contenter, il les appréciait. C'était peu commun.
« Oui, avoua-t-il, je suis un peu curieux, mais... surtout... Enfin, je veux dire que tu... tu n'as pas l'air d'en avoir honte, répondit Yoongi avec honnêteté en rougissant. Ça m'intrigue. »
Jimin semblait chercher la moindre trace de mensonge dans son regard. Les sourcils froncés et les yeux légèrement plissés, il analysait son expression avec attention. Or finalement il se détendit et pencha la tête légèrement de côté en retrouvant un regard rieur.
« Je suis obligé de vivre avec, autant en être fier, non ? Et puis, ça me rend unique. Tu ne trouves pas ? Je suis « le brûlé », nos sections sont si petites que tout le monde a déjà entendu parler de moi. En vrai je trouve que ça pète, c'est grave cool. On se satisfait des petits plaisirs, que veux-tu. »
Ce fut à Yoongi de froncer les sourcils : est-ce que Jimin était vraiment sincère ? Dans ce monde où régnaient les apparences, c'était anormal de voir quelqu'un si fier de sa différence. Et pourtant il cachait son visage ; pourquoi ? Yoongi n'osait pas le demander, il estimait se montrer déjà assez intrusif avec Jimin qui était bien gentil de répondre à ses quelques interrogations.
« J'imagine que maintenant que tu as eu quelques réponses, tu vas en vouloir d'autres, avança Jimin en jouant avec son stylo entre ses doigts.
- Eh bien... juste une seule...
- Je t'écoute. »
Le ton méfiant de Jimin trahit sa crainte quant à la question suivante : il détestait qu'on lui demande de retirer son masque ou d'expliquer ses problèmes. Il trouvait ça très personnel et mal venu de la part d'un inconnu - d'autant plus que même s'il n'avait pas honte de ses cicatrices, il ne voulait pas avoir à se rappeler la façon dont elles étaient apparues. Personne n'avait besoin de savoir ce qui s'était passé, c'était ses affaires, uniquement ses affaires.
Il préférait se tenir à distance des autres pour cette raison.
Yoongi, jusque là timide, plongea son regard sombre dans le sien et, avec courage, demanda :
« Je pourrai de nouveau m'asseoir là demain ? »
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