Chapitre Soixante deux
Le regard perdu, plutôt fou, Conrad s'avança vers moi. Mais, je reculais ne le reconnaissant plus. Ce n'était plus cet homme doux et sincère que j'avais côtoyé. Néanmoins, ce resserrement au niveau de mon coeur, sentir ce dernier se comprimer contre ma poitrine m'empêcha de chercher de l'aide et de prendre mes jambes à mon cou comme j'aurais dû le faire.
Ma gorge se resserra voilée par mes larmes, par cette atroce douleur de voir agonisé Conrad sans que ce dernier ne se rendit compte qu'il n'allait désormais plus bien et l'impuissance de ne point pouvoir l'aider. Que l'aide que lui réclamait avidement ne correspondait en aucun cas à l'aide que je voulais lui offrir. Ses yeux bleus s'arrimèrent aux miens comme un appel silencieux.
Cette complicité que je croyais longtemps disparu venait de renaitre de ses cendres tout comme cette relation que nous avions jamais clairement mis à terme. La tension étouffante de la pièce ne fit qu'accroître ce silence perturbant et désagréable tout aussi bien que ce malaise entre nous et cet insupportable sentiment de culpabilité qui me rongeait à petit feu lorsque je croisais ses aigues-marines paradoxalement familiers mais pourtant différents où je m'étais noyée tellement de fois plusieurs mois plus tôt.
Était-ce mal ce que j'avais fait?
Tomber amoureux de deux frères?
Jumeaux qui plus est!
Mon coeur semblait me trahir à cet instant lorsque je compris que je m'étais épris des deux frères Hades. De Conrad, cet homme espiègle et drôle que je crus être mon bon samaritain au restaurant et de Connors, l'homme le plus mystérieux qu'il m'était donné de connaître et d'aimer, lors de ses deux semaines où j'avais appris à le connaître davantage.
Mes paupières se fermèrent presqu'en ralenti devant l'être impardonnable dont je croisais le reflet dans les yeux bleus de Conrad. On dirait un monstre. Voilà ce que je devenais en sortant avec l'un puis avec l'autre sans m'en rendre compte que ce simple pas, ses trois petites lettres, ce oui était l'élément déclencheur de la folie de Conrad.
La douleur que je lisais dans les yeux et les gestes de mon ex petit ami me firent sentir coupqble. Il m'aimait. À sa manière, bien sûre. Pourtant, Conrad m'aimait que ça en devenait terrifiant car ce n'était plus de l'amour mais une obsession effrayante à m'en donner de la chaire de poule.
-"Je t'aime," murmura Conrad brisant ce silence où je m'étais réfugiée. -"Répond moi, mon amour, m'aimes-tu comme auparavant? Tes sentiments sont-ils toujours présents comme les miens?"
-"Conrad, je t'en supplie. C'est terminé nous deux. Je ne te hais point mais ça ne signifie pas que je t'aime pour autant comme ça l'était autrefois. Tout a changé. J'ai changé. Tu as changé."
"Tu n'as aucun droit d'affirmer ceci" s'écria-t-il, les yeux injectés de sang. -"Tout est de sa faute à lui. Connors veut nous détruire, ma belle. Voilà son but. Becca, ne le laisse pas gagner. Te rappelles-tu de nos moments passés ensemble sans mon frère, seulement nous deux? Tu te souviens de la promesse que tu m'avais faite? Tu t'en souviens, n'est-ce pas?"
Sa voix se fit suppliante voire désespérée. Ses aigues-marines me fixèrent avec cette lueur énigmatique et profonde que je crus perdre mon souffle devant la bataille qu'il livrait contre lui même. Sa main se tendit finalement vers moi aussi désespérée que son ton.
-"Nous pouvons très bien partir maintenant, mon amour. Rien ne nous retient. Je t'aime, je t'ai toujours aimé depuis la première fois où je t'ai vu. Tu es tellement belle, tellement douce, je n'ai besoin que de toi et de rien d'autre, Becca," me supplia Conrad s'avançant lentement vers moi. -"Mon frère te ment depuis le début, voilà la vérité! Il manipule tout le monde, c'est lui le méchant."
Mes yeux se voilèrent de larmes comprenant enfin ce que pouvait bien ressentir Connors en la présence de son frère. Ce dernier lui rejetait toujours la faute.
Dans quel monde pouvait-il bien vivre pour ne pas réaliser ce qu'il commettait? Et dans quel monde pouvais-je bien vivre d'infliger ce coup de poignard dans le dos de Conrad en sortant avec son propre frère?
Conrad me fixa, le souffle anarchique s'arrêtant devant moi, sa main toujours tendue s'attendant à ce que je la pris.
-"Conrad," murmurais-je, d'une voix enrouée chassant les larmes qui picotaient mes yeux. -"Laisse moi t'aider, je t'en prie. Il n'est jamais trop tard. Accepte mon aide."
Cependant, il ne fit que serrer ses poings jusqu'à le blanchissement de ses phalanges, furieux.
-"Tu crois en ses mensonges!" s'énerva-t-il. -"Il te ment, ma belle."
Toutefois, prenant une grande inspiration, je chassais mes larmes en clignant rapidement mes yeux.
-"Quelle était la couleur alors?" lui demandais-je sachant pertinemment qu'il ne connaissait point la réponse.
-"Quelle couleur, mon amour?" répliqua Conrad perplexe.
-"La couleur de ma robe quand j'étais au restaurant et que tu me répètes de m'avoir vu là bas pour la toute première fois," lui demandais-je, mon coeur me faisant terriblement mal devant ses deux saphirs qui s'écarquillèrent sous le choc et de peur mêlé. -"Répond moi, Conrad. Je portais quelle couleur de robe au restaurant puis au bar où nous nous sommes à nouveau rencontrés?"
-"Ça fait déjà plusieurs mois!" se défendit-il lamentablement, ses poings toujours serrés. -"Je ne m'en souviens plus!"
-"Tu ne t'en souviens plus ou tu n'étais tout simplement pas là ce jour-là? C'est seulement une couleur que je te demande après tout!"
-"Ma mémoire est défaillante. Je ne me rappelles plus qu'elle était la couleur."
-"Je te donne un indice, le rouge, le noir et le rose. Quelle couleur, Conrad?" lui demandais-je, une fois de plus.
Un mince sourire s'étira finalement sur ses lèvres.
-"Rouge comme la couleur de tes cheveux, ma belle," répliqua Conrad se précipitant tête baissée dans le piège que je lui avais tendu. -"Je sais que c'est rouge, je m'en rappelle maintenant."
Un long silence s'ensuivit après sa déclaration avant que je confirmais les paroles de Connors.
-"Bleu," lui avouais-je d'une voix blanche sachant une bonne fois pour toute la vérité sur qui était vraiment avec moi, ce soir là au restaurant, que je m'étais réellement trompée de frère.
Connors avait raison. Il ne m'avait pas menti. Peut être même qu'il ne l'avait jamais fait! Devrais-je comprendre qu'il avait fait tout ceci pour son frère? Mais pourquoi? Pour le protéger?
Pourtant, je n'eus guère de temps à y songer davantage que je sentis une présence devant moi. Mon souffle se bloqua au niveau de ma poitrine dès que l'effluve de ce parfum épicé et tentateur chatouilla mes narines. Trop absorbée par cette vérité éclatante, je m'étais hélas point rendue compte de l'imminent danger qui fut subitement devant moi.
-"Becca..."
Son souffle brulant fouetta mon visage. Son torse massif se tint devant moi me bloquant toute sortie tandis que je restais plantée là inoffensive, évitant soigneusement de le regarder alors que je pouvais sentir que son regard parcourait mon corps.
-"Sors, Conrad,"
Ma voix devint un murmure presque inaudible. Je ne le craignais plus. Au contraire, le flot de sentiments contradictoires qui autrefois m'empêchaient de penser et d'agir de façon rationnelle, s'était comme dissipé.
-"Va-t-en, Conrad," lui dis-je relevant mes yeux vers les siens dont une lueur énigmatique persistait à scintiller.
-"Je peux tout t'expliquer, ma belle. Donne moi une seconde chance," continua-t-il tristement.
Mais était-ce vrai ou jouait-il la comédie comme il l'avait fait jadis depuis le début de notre relation?
Je ne voulais point le savoir maintenant. Mensonges, trahisons et manipulations étaient les mots appropriés pour décrire notre couple. Mettant toute cette folie sur le compte de ses troubles mentaux, je me détachais de lui au lieu de tout détruire sur mon passage devant ma faiblesse et de mes rêves désormais transformés en cauchemars d'où malheureusement je ne pourrais point me réveiller.
-"Je ne sais plus qui tu es, peut être même je ne t'ai jamais connu. Tu m'as montré une facette de toi qui n'existe pas, qui n'a jamais existé, que tu avais inventé, Conrad. Alors, va-t-en, ne t'approche plus jamais de moi. Tu m'as menti dès qu'on s'est vu. Mais malgré mes sentiments, je ne veux plus te voir, pas après m'avoir autant manipulé," lui dis-je d'un trait me dirigeant d'un pas ferme vers la porte.
-"Tu m'appartiens," déclara Conrad d'une voix sombre, ses pas lourds se rapprochant de moi. -"Aucun homme ne t'aura! Tu m'entends, tu es à moi, Rebecca!" s'écria-t-il rageusement avant que la porte dont je n'avais même pas ouverte s'envola et fut propulsée en avant m'arrachant un cri strident lorsque je vis des aides-soignants assez musclés entrer dans mon futur bureau.
Le visage livide de Conrad me fit comprendre que cette visite imprévue était pour lui. Un homme assez âgé, portant une blouse blanche de médecin, d'une taille médiocre s'avança précautionneusement vers Conrad qui commençait déjà à trembler. Ses yeux bleus s'ancrèrent aux miens comme pour me supplier de l'aider.
-"Becca," s'écria-t-il. -"Tu m'as dit que tu m'aiderais!" me supplia-t-il, la respiration erratique, se rapprochant de moi mais fut bloqué par les aides-soignants.
-"Conrad, tu sais aussi bien que moi que tu dois impérativement y retourner," déclara cette voix familière aussi semblable que son frère.
Connors pénétra à son tour dans le bureau tandis que son frère, lui reculait pour échapper aux deux gorilles mais toutes ses tentatives tombèrent à l'eau.
-"Lâchez moi! Lâchez moi! Je ne suis pas malade!" hurla Conrad se débattant de toutes ses forces avant que l'un des aides-soignants vint lui administrer une seringue sur son cou qui commença immédiatement à faire son effet.
-"Ne vous inquiétez pas," me rassura le docteur. -"Je me présente, je suis le docteur Édouard. Conrad est mon patient depuis bientôt quinze ans. Moi qui le croyait âpre à retourner et continuer sa vie, il s'avère que j'ai eu tort," nous expliqua-t-il secouant sa tête imperceptiblement.
D'une oreille peu attentive, je m'avançais lentement avant que la main de Connors m'en empêcha attrapant mon poignet lorsque je voulus m'approcher de son frère.
-"Comment savais-tu qu'il était ici?" lui demandais-je perdue me retournant pour lui faire face.
-"Mon garde du corps l'a vu entrer et m'a tout de suite avertit. Il pensait que c'était moi," répondit Connors tristement avant qu'il souffla bruyamment dès qu'il s'aperçut de l'état de son frère. -"Docteur," dit-il d'une voix qui se voulait ferme même si ses yeux rougis le trahissaient. -"Ira-t-il mieux?"
-"Je ne peux rien vous promettre, Monsieur Hades. C'est un cas complexe et si votre frère refuse les médicaments, son état s'empira."
-"Faites tout votre possible pour le soigner," lui ordonna Connors en allant vers son frère dont les paupières commencèrent à fermer. -"C'est pour ton bien, petit frère. Je veux te retrouver comme avant," lui dit-il, les traits ravagés et attristés avant que Conrad releva la tête lentement.
Son regard d'un bleu ciel se dévia vers son frère puis vers moi puis étira un mince sourire.
-"Bec.... Becca se... sera à mo... moi," promit Conrad, ses yeux lorgnant mon corps avant de fermer brutalement les yeux.
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