Chapitre Cinquante cinq
Dès que Connors m'enveloppa et m'emmena loin de tout mes tracas, je fus pour quelques heures libérée. Mais par dessus tout, apaisée et à ma place. Ses mains robustes vint m'enlacer amoureusement le lendemain matin sur son lit. Ses cheveux corbeaux retombèrent sur ma tête, chose qui eut le don de me faire sourire malgré le désarroi où j'étais plongée.
Sa respiration lente calma les battements sourds de mon coeur à la simple pensée que depuis le début, je n'avais fait que vivre dans une illusion.
Un mensonge engendré par Conrad?
Mais pourquoi l'avait-il fait au juste?
M'aimait-il vraiment ou était-il tout simplement un homme vil et calculateur, cet homme qui frappait les femmes, cet homme qui derrière un masque angélique se cachait un monstre impitoyable?
Des larmes survinrent au coin de mes yeux mais je les chassais immédiatement. S'il m'avait menti, alors j'aviserais en temps voulu malgré les preuves flagrantes qui se trouvaient sous mes yeux. Et l'une d'entre elles se trouvait juste derrière moi.
-"Mon petit ange, combien dois-je te le répéter que tu n'as plus rien à craindre maintenant?" m'avoua Connors pour la centième fois resserrant ses mains autour de ma taille, me plaquant contre son torse chaud.
Les yeux fermés, je ne lui répondis point, feignant de sombrer dans un sommeil profond appréciant la chaleur de son corps alors que ça faisait bientôt plus d'une demie heure que j'étais sur le lit de Connors rêvassant et pensant à la nuit d'hier. De ses lèvres fines qui s'étaient frayées un chemin jusqu'à ma bouche et m'embrassant sans retenu avec passion et amour toute la nuit jusqu'à finalement succomber au bras de morphée au milieu de la nuit.
-"Je sais que tu ne dors plus depuis un bon bout de temps, ma Becca."
-"Comment le sais-tu?" lui demandai-je sur le qui vive avant de comprendre qu'il m'avait tendu un piège afin de confirmer ses soupçons. -"C'est de la triche!" m'écriais-je en me levant de son lit.
Malheureusement toute tentative fut vaine. De sa main, la même qui m'avait tenu et qui avait caressé ma peau la nuit précédente, Connors me plaqua sur son lit sans aucune difficulté, se mouvant sur moi, me dominant de sa musculature à en faire baver la gente féminine y compris moi.
-"Relâche moi," lui ordonnais-je essayant de ne pas rire devant son visage souriant et ce sourire charmeur qui me rendait au fil des minutes une tomate.
-"Sinon?" me défia l'aîné des frères Hades tenant fermement mes mains au dessus de ma tête.
-"Tu l'auras voulu," le menaçais-je gigotant.
Néanmoins, sa prise fut suffisante à me tenir en place. S'approchant dangereusement de moi, Connors s'abaissa vers ma nuque y déposant ses lèvres.
-"Tu ne fais pas le poids," clama-t-il, sourcils haussé avant de me relâcher.
-"Si!" le contredis-je, éclatant de rire tout en gigotant dans tout les sens.
-"Becca," m'appela Connors plus sérieusement en frôlant nos nez. -"Je conçois que toute cette histoire te dépasse certes, mais sache que je te protégerai, tu as ma parole. Allons prendre un petit déjeuner. Ne pense plus aux caprices de Conrad. Il y a que toi et moi aujourd'hui, alors profitons de cette journée ensemble."
-"N'oublie pas ta promesse," lui rappelais-je me relevant du lit, m'accrochant à ses aigues-marines dont cette lueur emplit de tristesses venait d'y faire son apparition quand je lui parlais de son jumeau. -"Dis moi qui est ton frère, Connors. Pourquoi tant de mystère autour de vous deux?"
Un sourire triste apparut sur ses lèvres. Il prit ma main, cette fois-ci, la marquant de ses lèvres puis vint le tour des miennes qu'il embrassa avec une ardeur singulière comme s'il transmettait tout son amour en ce baiser qui me fit me raccrocher à lui tel un noyé à sa bouée de sauvetage. Ses mains, au contraire, encadrèrent mon visage approfondissant notre baiser.
-"Je t'aime, mon petit ange," déclara Connors avant que nous descendîmes dans sa cuisine pour y prendre un copieux petit déjeuner.
-"Tu sais cuisiner?" lui demandais-je abasourdie dès que nous fûmes dans sa cuisine.
-"Oui, mon amour," me répondit-il avec ce sempiternel sourire en coin.
-"Et tu sais faire quoi d'autre?"
-"Embrasser comme un dieu," répliqua Connors comme un signe évident en se retournant vers moi, deux verres de jus pressé à la main.
-"Efface ce talent de ta liste, ce serait mieux."
-"Alors, je suis un dieu au lit. Je peux la rajouter dans ma liste, celle-là!"
-"Toujours narcissique," me moquais-je de lui, levant les yeux au ciel.
-"Ce n'est pas une première, mon ange. Mais pour en revenir à ta question, c'est la peinture. Mon passetemps favori s'est de peindre."
-"Le tableau qui se trouve dans ta chambre, c'est toi qui l'as peint?" lui demandai-je remémorant le tableau d'un lac dans sa chambre.
-"Euhh, oui," m'avoua-t-il, en se grattant la tête. -"C'est en Finlande, plus précisément. Quand mon père nous emmenait en vacances, ma mère prenait toujours des photos. Lorsque, j'ai pu tenir un pinceau, j'ai voulu mémoriser ce souvenir sur une toile."
-"As-tu d'autres tableaux?"
-"Tu aimerais les voir?" me demanda Connors sceptique mais heureux que je fut intéressée.
-"L'art m'a toujours passionné même si je n'y comprends rien," lui admis-je nerveusement. -"Et tu dessines bien.",
-"Merci. Et toi?"
-"Comment ça moi?"
Éclatant d'un rire suave à virer mes joues en pourpre, Connors déposa sur la table nos assiettes contenant des gaufres. S'asseyant à côté de moi, sa main se posa tendrement sur ma cuisse y décrivant des cercles avant de plonger ses yeux bleus dans les miens.
-"Quels sont tes passetemps?" me demanda-t-il avide de me connaitre davantage.
-"Je dirai la lecture," lui avouais-je, un sourire en coin.
-"Romantique?" hasarda Connors.
-"Pas tout à fait,"
Sourcils froncés, il m'intima de poursuivre.
-"J'adore les romans policiers, les livres pas à l'eau de rose mais qui démontrent la passion. Les histoires qui se terminent de façon conte de fée ne sont pas trop mon truc."
-"Et quel est ton auteur préféré?"
-"Paulo Coelho,"
-"Et quel livre t'a le plus marqué? Moi, c'était L'Alchimiste" m'avoua Connors, remettant une mèche derrière mon oreille.
-"Veronika décide de mourir. Je te conseille vivement de le lire,"
-"Je l'ai lu et ce que je comprend c'est que la vie est faite pour profiter de l'instant présent,"
Son visage se rapprocha du mien à la fin de sa phrase.
-"Tu avais d'autres rêves que de diriger l'entreprise familiale?" changeais-je brusquement de sujet de conversation, sachant pertinemment où la discussion nous mènerait.
-"Je voulais devenir artiste mais père était contre. Alors, j'ai dû choisir; moi ou ma famille."
-"Pourquoi ne pas poursuivre ton rêve, ce que tu désirais depuis l'enfance?" ne pouvais-je m'en empêcher de lui demander.
-"C'était une période noire dans la famille. La plus sombre, même dès que Conrad fut hospitalisé dans un asile. Il ne prenait plus ses médicaments et il fallait que je devienne un homme pas un artiste."
-"Quel âge avais-tu?" lui demandais-je, la gorge nouée.
-"Quinze ans," me répondit-il. -"Tu sais Conrad n'est pas conscient du mal qu'il commet. Connais-tu le trouble de la personnalité limite ou borderline?"
-"Quel rapport..." débutais-je, les sourcils froncés avant de tout comprendre.
Mes notes sur cette maladie me revinrent en un déclic. Trouble de la personnalité limite ou borderline, autrefois considérée comme incurable. Les signes étaient sous mes yeux mais je n'avais rien compris. Excès de colère, comportements à risques, impulsifs et destructeurs. Sentiment de vide et peur de solitude et d'abandon. La raison pourquoi Conrad me traitait comme sa propriété de peur que je le quittais, me pardonnant pour toutes mes erreurs et mes frasques, colérique quand j'avais découvert du moins une partie de son passé.
Elles m'ont poussé à bout!
Cette phrase résonna dans ma tête. Voilà de quoi souffrait Conrad!
-"Il existe de nombreux traitements," lui dis-je sous le choc.
Son souffle lassé me poussa à relever les yeux vers lui qui secouait négativement la tête.
-"Faudrait qu'il le veuille, ma Becca. Nous étions très proches, je pense qu'il te l'a dit mais cette complicité s'est irrémédiablement déclinée voire disparue du moment où nous avons utilisé l'identité de chacun. Au début, c'était inoffensif. Il se passait pour moi et moi pour lui même au lycée. Néanmoins, tout changea quand je m'aperçus que Conrad se donnait à fond pour m'imiter. Il oubliait qui il était. Sans s'en rendre compte, au final, il pensait réellement qu'il était moi."
-"Trouble de la personnalité," lui avouais-je. -"Il y a deux personnes qui vivent en lui, c'est ça?"
-"C'est plus complexe," m'expliqua Connors. -"Quand mère l'a fait hospitalisée, nous tous avions pensé que c'était pour son bien. Afin qu'il guérisse. Je voulais retrouver mon frère jumeau, pas le garçon qui se prenait pour moi, qui se bagarrait pour être moi. Conrad me manquait."
-"Et que s'est-il passé ensuite?"
-"Je sais même pas comment l'expliquer. Au lieu d'être guéri, mon frère a pensé que nous l'avions abandonné. Que mes parents m'aimait plus que lui d'où est né cette rivalité inutile. Six mois après son internement, il est revenu à la maison mais tout fut différent. Il a tout mis sur moi. Sa maladie, ses erreurs, le fait qu'il sortait avec mes copines. Mes parents prenaient sa défense de peur qu'il se fâche et ça n'a fait qu'agrandir le ravin qui nous séparait,"
-"Continue," l'incitais-je avec un sourire rassurant alors qu'il s'était tut.
-"Il ne prenait plus ses médicaments ni suivait les prescriptions du psychiatre. Mère le choyait et continuait à trop le choyer au final engendrant la peur d'être délaissé. Il n'allait pas bien et quand il grandissait, cela empirait. Ses petites amies finissaient par le quitter car il était trop violent, trop impulsif. Alors, il a commencé à se venger. Père les payait grassement pour qu'elles se taisent et Conrad continua son jeu jusqu'à notre rencontre."
-"Le jour où je t'attendais à ton bureau, comment se fait-il que Conrad entra avant toi?" lui demandais-je au bout d'un interminable silence.
-"Je l'ignore," m'avoua Connors, les yeux rougis. -"Je l'avais reconduit de force vers la sortie avant qu'une des secrétaires me tendit le téléphone pour annuler un rendez-vous important. Je pense que quand j'ai eu le dos tourné, il a sauté sur l'occasion. Lorsque je suis remonté pour te voir, tu n'étais plus là. C'est là que j'ai compris ce que Conrad avait fait. Et la suite, tu la connais déjà. Tu l'as même vécu," me dit-il en caressant la marque que m'avait faite Conrad quand j'étais en boîte.
Mordant ma lèvre inférieure, je fixais mon assiette, perdant l'appétit puis regardais celle de Connors qui était intacte. Ce dernier n'osa plus me regarder. L'atmosphère pesante de son appartement me fit déglutir péniblement devant la vérité longtemps cherchée.
Conrad n'était pas fautif. Il était tout simplement malade et Connors, lui rongé de culpabilité. Lentement, ma main se posa sur la sienne comme pour lui témoigner mon soutien. Ses aigues-marines remontèrent vers moi, perturbés par ma réaction avant qu'il ébaucha un sourire triste, cependant.
-"Je n'ai pas besoin de ta pitié, ma Becca. Je sais que c'est de ma faute. Le nier ne ferait que me le confirmer."
-"Premièrement, tu n'étais qu'un enfant. Tu ne pensais à rien de mal à cette époque, Connors. Tes parents auront dû te soutenir toi aussi parce que des quatre membres de ta famille, c'est toi qui souffre le plus. Deuxièmement, ce n'est de la pitié mais mon respect et ma compassion. Tu n'es pas un monstre seulement les circonstances de la vie t'ont poussé à commettre des actes que tu regrettes."
-"Va le dire à mes parents," répliqua-t-il amèrement. -"On dirait qu'ils ont un seul fils. Je n'ai plus personne maintenant,"
-"Si, tu as quelqu'un. Tu m'as moi. Après tout, nous sommes amis," lui dis-je en entrelaçant nos mains ce qui le fit aussitôt ancrer ses aigues-marines étincelants vers moi.
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