Professeur Hephilios

La lumière déclinante de la journée se reflète sur les murs de pierre du vieux bâtiment, alors que mon regard se pose sur une silhouette familière, qui s'approche à pas lents. C'est Isaac, mon vieil ami, un compagnon. Isaac est resté un homme de stature imposante, avec une chevelure grisonnante qui encadre un visage marqué par les années.

- Isaac !! Je murmure avec un sourire chaleureux en m'approchant de lui.

Il lève les yeux et me fixe un instant, comme s'il tentait de trouver les réponses à toutes ses questions dans mon regard. Puis, un large sourire illumine son visage ridé.

- Hephilios, vieux filou ! Je pensais ne plus jamais te revoir, s'exclame-t-il, ouvrant grand les bras pour une étreinte fraternelle.

J'accepte l'invitation, sentant l'affection sincère de mon ami se répandre en moi. Après notre étreinte, nous nous regardons intensément, comme si nous essayons de graver dans notre mémoire chaque trait de visage de l'autre.

- Alors, qu'est-ce qui t'amène ici après toutes ces années ? S'enquit-il d'une voix teintée d'inquiétude.

Je me mets à rire, dissipant immédiatement la tension qui s'était installée.

- Je me disais que ça fait bien trop longtemps que nous ne nous sommes pas vus.

Isaac me porte un regard scrutateur, cherchant à percevoir le véritable motif de cette visite soudaine. Puis, il acquiesçe, apparemment satisfait de la réponse.

- Viens, suis-moi, dit-il en tournant les talons.

Nous traversons une ruelle étroite et débouchons devant une petite maison en bois aux volets défraîchis. Il s'arrête, tourne une vieille clé dans la serrure et ouvre lentement la porte grinçante de sa maison.

A l'intérieur, j'observe les murs bardés de livres et de parchemins. Des montagnes de manuscrits créent un labyrinthe désordonné, témoignant de la passion d'Isaac pour les connaissances interdites et les secrets oubliés. Je parcoure la pièce des yeux, un sourire sous-jacent, et lui dit tendrement.

- Je vois que l'ordre n'est toujours pas ta priorité.

Il esquisse un demi-sourire et disparaît dans la cuisine attenante pour préparer quelques rafraîchissements. Il revient ensuite dans la pièce, portant un plateau sur lequel sont disposées deux tasses fumantes remplies d'un délicieux thé aux arômes d'agrumes. Nous nous installons confortablement dans des fauteuils de cuir usés par le temps.

- Bon, maintenant que nous sommes réunis, mon ami, dis-moi donc ce qui te pousse à venir me voir aujourd'hui , m'interroge-t-il en savourant une gorgée de thé.

Je m'adresse finalement à Isaac d'une voix qui trahit mon inquiétude.

- Mon vieil ami, je suis venu te voir aujourd'hui car j'ai besoin de ton aide, je finis par lui avouer.

Posant délicatement la tasse de thé sur la table basse, il me regarde avec un mélange d'attention et d'anticipation.

- Est-ce à propos de la barrière d'Ishgar ? demande-t-il, les sourcils légèrement froncés.

J'acquiesçe, reconnaissant ses soupçons.

-En partie, oui, je réponds. Mais il y a autre chose. Un monstre a attaqué l'une des élèves de l'académie.

Il se redresse soudainement dans son fauteuil.

- Mais est-elle indemne ?

La tristesse envahit mon regard.

- Elle est toujours en vie même si inconsciente. Ce qui est absolument impossible. Il y a quelque chose d'étrange dans cette affaire. Il y a quelques temps, l'académie a accepté de former des humains qui ont découvert qu'ils sont des mages. Et justement, deux d'entre eux étaient aux côtés de la jeune fille lors de l'attaque.

Le vieil Isaac penche légèrement la tête, cherchant à comprendre la portée de ces révélations.

- Tu penses que le monstre visait l'un de ces deux humains ? Ou peut-être même les deux ? demande-t-il, son regard me scrutant.

Mes yeux fatigués s'éclairent d'une lueur de résolution mêlée de désarroi.

- C'est exactement ce que je crains, je réponds. Pourtant il ne les a pas tués.

Isaac se frotte le menton, profondément pensif.

- Tu sais, Hephilios, cela fait des semaines que je ressens une énergie étrange dans l'air. Comme si quelque chose se préparait, tapi dans l'ombre. Peut-être est-ce lié à tout cela...

Un silence pesant s'installe dans la pièce, seulement interrompu par les crépitements de la cheminée. Il se lève soudainement de son fauteuil et se dirige vers une étagère remplie de livres anciens. Il fouille parmi les ouvrages poussiéreux et en tire un livre relié en cuir usé. Il le dépose sur la table, lève lentement la couverture et en sort un bout de papier soigneusement plié.

- Regarde ceci, mon vieil ami, me montre-t-il, d'une voix excitée en dépliant le bout de papier.

Je me penche en avant, curieux. Le symbole est complexe, constitué de lignes entrelacées qui semblent se fondre pour former une seule et même entité. Je n'avais jamais rien vu de tel auparavant.

- Dis-moi, Hephilios, as-tu déjà vu quoi que ce soit de semblable ?

- Hum, je marmonne en secouant la tête. Je ne l'ai jamais vu auparavant.

Il hausse les épaules avec un regard malicieux.

- Eh bien, mon cher ami, il semblerait que ce mystère nécessite notre intervention. Tu dois me suivre, nous allons enquêter ensemble.

Je me lève à mon tour, un sourcil levé, sceptique.

- Et où nous emmènes-tu donc ? Je le questionne, cherchant à comprendre les intentions de mon vieil ami.

Il esquisse un sourire énigmatique.

- Tu le découvriras bientôt, Hephilios. Mais pour l'instant, nous devons nous mettre en route. Viens.

Nous quittons la chaleur réconfortante de la demeure d'Isaac et nous engageons dans les rues sombres et étroites de la cité. Je marche à côté de lui, mon esprit en ébullition.

- Qu'est-ce que ce symbole signifie, Isaac ?

Il soupire, regardant droit devant lui.

- Il y a pratiquement deux mois, j'ai trouvé ce symbole près de la barrière d'Ishgar. À ce moment-là, je menais une enquête sur une série de meurtres inhabituels, avoue-t-il finalement. J'ai fouillé dans tous les manuscrits possibles à la recherche d'indices, mais ils étaient tous muets sur ce symbole. Ensuite j'ai finalement abandonné.

Je soupese ses paroles, plongé dans une réflexion profonde.

- As-tu déjà parlé aux membres du conseil concernant tes préoccupations ? Me demande-t-il

Je secoue lentement la tête.

- Non, je n'ai pas encore parlé à qui que ce soit. J'ai du mal à faire confiance à quiconque, à l'exception de toi.

Le vieux marché d'enchanteresses est un endroit hors du temps, caché dans les ruelles sombres et étroites de la vieille ville. Je ne peux m'empêcher d'être étonné par l'endroit où Isaac m'emmène. Les façades des boutiques sont ornées de symboles complexes, et une douce lueur émane des vitrines, illuminant les merveilles qu'elles contiennent.

- Isaac, que faisons-nous ici ? Je lui demande, la voix portant l'écho de l'incertitude. Je pensais que tu avais dit que nous allions chercher une réponse, et non pas nous aventurer dans un marché d'enchanteresses.

Isaac lève un doigt pour me demander de patienter. Son regard, perçant malgré ses yeux fatigués, scrute les alentours. Finalement, il désigne une boutique en particulier, située au fond du marché.

- C'est là que nous allons, mon cher ami. Fais-moi simplement confiance.

Je ne peux m'empêcher de soupirer.

- Faire confiance à une enchanteresse est la pire idée que tu aies jamais eue, Isaac.

Un sourire malicieux apparut sur ses lèvres.

- Les pires idées donnent souvent des réponses inattendues, mon ami.

J'accepte avec réticence, et nous nous avançons tous deux vers la boutique mystérieuse. La porte, en bois sculpté et ornée de runes anciennes, semble presque invitante. Je me demande ce qui nous attend à l'intérieur.

Une fois à l'intérieur, mes yeux sont immédiatement attirés par les étagères remplies de fioles colorées, de cristaux étincelants et d'objets magiques. Des pendentifs pendulent délicatement au-dessus de nous, capturant la lumière et créant des ombres dansantes sur les murs tapissés de velours sombre.

Alors que j'observe les nombreux trésors magiques, une belle femme d'une quarantaine d'années s'approche de nous. Ses cheveux noirs sont agrémentés de mèches argentées, et ses yeux brillaient d'un éclat mystérieux.

Elle nous dévisage tour à tour, comme si elle peut lire au plus profond de notre âme. Finalement, elle demande d'une voix envoûtante.

- Que puis-je faire pour vous, messieurs ?

Isaac sort un papier plié de sa poche et le déplie soigneusement. Il le présente à la dame.

- Madame, savez-vous ce que signifie ce symbole ?

La dame lève un sourcil avec un mélange d'intérêt et d'amusement.

- Ce que ce symbole signifie, monsieur, vous demandera énormément de motivation pour le découvrir.

Il me jette un regard complice , et j'acquiesçe en posant cinq pièces d'or sur le comptoir.

Les yeux de la dame brillent alors qu'elle contemple les pièces d'or. Un sourire étire lentement ses lèvres.

- Vous êtes quelqu'un d'important, monsieur.

La belle dame de la boutique fixe attentivement le symbole tracé sur le papier. Ses doigts effleurent doucement les contours, comme si elle cherche à sonder sa signification profonde. Puis, lentement, elle releve la tête et pose son regard interrogateur sur nous.

- Où avez-vous trouvé ce symbole ? Nous demande-t-elle d'une voix calme, mais empreinte de curiosité.

Isaac me jette un bref coup d'œil et répond.

- Je l'ai aperçu près de la barrière d'Ishgar, vous savez ce qu'il signifie ?

- Oui, je le sais, déclare-t-elle en un souffle et tourne les talons, se dirigeant vers le fond de la boutique.

Confus, Isaac et moi la suivons sans poser de questions. Elle saisit une cape et ferme sa boutique avec empressement.

Nous traversons le marché animé, attirant quelques regards curieux alors que nous disparaissontms dans les ombres de la ville. La dame nous guide finalement devant un imposant temple qui sembe être éternellement plongé dans le silence.

Je ne peux m'empêcher de murmurer.

- Que faisons-nous ici ?

- Nous sommes ici pour trouver des réponses, répond la dame d'un ton énigmatique.

Je me rappelle alors de l'histoire sombre associée à ce temple.

- Savez-vous ce qu'il s'est passé ici ? je lui demande prudemment.

- Oui j'ai entendu dire qu'il y a environ une centaine d'années, il y a eu une grande purge et de nombreux mages ont été brûlés vifs ici.

Ces mots laissent un silence lourd planer entre nous. Puis, sans un mot de plus, elle nous invite à la suivre à l'intérieur du temple. Nos yeux à Isaac et moi s'illuminent d'excitation mêlée à une légère appréhension. Nos pas résonnent sur le sol de pierre usé, tandis que nous pénétrons dans l'obscurité froide et mystérieuse du temple.

À l'intérieur, des torches éclairent les murs ornés de symboles ésotériques et d'inscriptions anciennes. La dame nous mène devant une fresque murale où plusieurs symboles dont celui du papier sont gravés.

Les yeux d'Isaac brillent de curiosité alors qu'il lui demande.

- Que signifient ces inscriptions ?

Elle prend une inspiration profonde et répond.

- Tout ce que je peux vous affirmer, c'est que l'inscription sur le papier représente le chaos.

Nous échangeons un regard inquiet.

- Le chaos ?!! Je répète en essayant de comprendre.

- Oui. Ce signe était implanté comme marque chez certains mages il y a des siècles, faisant d'eux des sortes d'agents. Il semblerait que des temps sombres se préparent. Je dois maintenant y aller en espérant vous avoir aidé.

Je reste immobile dans le temple, fixant la silhouette de la dame qui s'éloigne lentement. Le silence emplit le temple, seul le bruit du vent s'engouffrant entre les colonnes rompe le calme solennel.

Une fois la dame hors de vue, je me plonge dans mes pensées, répétant sans cesse les mots "agent" et "marque". Les souvenirs commencent peu à peu à se former dans mon esprit, mais ils restent flous, évanescents comme des mirages.

Intrigué par par mon expression, Isaac brise finalement le silence .

- À quoi penses-tu, Hephilios ? Tu as l'air préoccupé.

Mon regard se lève soudain de la poussière du sol vers Isaac, troublé par cette question.

- C'est précisément pour cette raison que la barrière d'Ishgar est affaiblie, je réponds d'une voix grauque, essayant de percer le voile du souvenir. J'ai déjà vu cette marque sur quelqu'un auparavant, mais je ne comprends pas comment j'ai pu l'oublier si facilement.

Une soudaine prise de conscience traverse mon esprit et je me presse de quitter le temple, suivi de près par Isaac.

- Hephilios, attend ! Que se passe-t-il exactement ? Tu dois m'expliquer.

Je m'arrête, reprenant mon souffle avant de répondre.

- Je dois vite retourner à Dohia pour vérifier quelque chose, Isaac. Nous sommes le 1er décembre et tu m'as bien dit que ça fait presque de deux mois que tu as vu cette marque près d'Ishgar ?!

- Oui

- Merci, je te promets de tout t'expliquer en temps voulu.

Inquiet, il me fixe d'un regard interrogateur.

- Fais attention, vieil ami.

Ses paroles résonnent dans mon esprit alors que je retourne finalement dans la calèche qui m'attend. Le chauffeur reprend le chemin du retour avec diligence. Je sens la pression de l'urgence grandir en moi, conscient que je risque d'arriver en retard à la réunion du conseil qui doit se tenir dans quelques heures. Ma tête commence à me faire mal, me conférant une douleur lancinante qui ébranle mes pensées.

- Chauffeur, changez de cap ! Ramenez-moi plutôt à l'académie, je déclare d'une voix oppressée.

À mon arrivée à l'académie, je me hâte de monter les escaliers menant à mon bureau. Je m'engouffre dans mon bureau et je trouve Klein, assis à l'intérieur. Il se lève brusquement face mon entrée.

- Klein que fais tu ici ?

- Ce n'est pas vous qui ...

Avant qu'il ne puisse terminer sa phrase, une lumière noire fulgurante nous projette tous les deux contre le mur.