Vend château, cœur de Londres, état : presque neuf.
Zelyan était doté de mille et un pouvoirs, Ereyne n'en contrôlait aucun. Il avait fait d'elle son égale mais le dégoût originel de l'immortelle pour le mal l'avait éloignée de toute cette puissance. De fait, les rares moments où elle avait utilisé cette puissance qui dormait en elle se comptaient sur les doigts d'une main. Or aujourd'hui serait l'un de ces jours. Aujourd'hui elle s'évertuait à apprendre la magie, les malédictions très exactement.
— Zelyan, je te hais ! Je te maudis !
Le bougre avait tenu parole et l'avait enchaînée dans leur chambre. Ereyne luttait avec ces chaînes infernales depuis deux jours. Elle avait tout essayé mais le bois du lit n'était pas assez robuste, ni le métal de sa causeuse, ni même les armes qui traînaient un peu partout. Excalibur elle-même n'était pas venue à bout de l'acier. Et ce maudit Zelyan avait pris soin d'éloigner son silex. Après être une fois encore tombée à cause d'un mouvement bien trop brusque, l'immortelle fit une pause et se reposa un instant. Elle était à terre, assise devant la cheminée et posée sur Ling. En sentant la douceur de la fourrure du loup elle eut une idée. Elle prit de longues inspirations, s'obligea à se calmer puis ferma les yeux. Elle invoqua toute sa sauvagerie, imagina une pleine lune de toutes ses forces puis rouvrit les yeux.
Elle leva les mains et constata son échec, elle avait gardé forme humaine. Cela l'irrita au plus haut point si bien qu'elle poussa un cri de rage avant de réitérer. Elle se mit en boule et serra les poings. Elle fit appel à toute sa mémoire pour essayer de mettre la main sur les sentiments, les pensées qu'elle avait eu lorsqu'elle avait réussi à se transformer. Elle imagina Zelyan dans son pelage noir, toute sa bestialité, et tenta de l'imiter. Elle recommença encore et encore jusqu'à réussir à toucher ses instincts primaux du bout de l'esprit.
Cette fois, lorsqu'elle rouvrit les yeux elle était devenue cette louve blanche. Par contre la chaîne était toujours autour de son cou. Ereyne poussa alors une plainte à faire pleurer un rocher avant de secouer le col autant que possible et de tirer de toutes ses forces afin de désolidariser la chaîne du point d'ancrage. Elle était si concentrée sur sa colère et ce morceau de métal qu'elle n'entendit pas Zelyan entrer.
— Tu te transformes de plus en plus facilement à ce que je vois ma douce.
Il arborait toujours cette arrogance mauvaise qui eut le don d'exaspérer sa compagne. Peu habituée à contrôler ses instincts et envies sous cette forme elle se jeta sur lui tous crocs dehors. Cependant, même sous forme humaine, Zelyan avait l'habitude des loups. Il n'eut aucun mal à la plaquer et la maintenir au sol, fermement posé sur son cou.
— Moi qui étais venu te proposer de te libérer, c'est comme cela que tu me remercies ?
Ereyne répondit par un grognement tout sauf amical.
— Bien, si tu le prends comme cela, j'imagine que tu ne veux pas non plus des nouvelles concernant tes amis humains, tu sais ton pote Georges, celui chez qui tu as failli mourir.
La louve arrêta de bouger et Zelyan desserra son emprise. Il caressa son flanc comme il ferait à Cerbère ou aux autres loups, en maître absolu.
— Tu reprends forme humaine ?
Ereyne le voulut mais elle n'y parvint pas seule, Zelyan la prit contre lui et lui chantonna quelques mots qui n'avaient rien d'humains. Sa douce lui fit finalement face et il put admirer les différents hématomes sur sa peau ivoire.
— Tu n'y aies pas allée de main morte à ce que je vois.
Il jeta un coup d'œil à la chambre et observa les dégâts.
— Toi qui me dis toujours de faire attention au mobilier...
— Qu'arrive-t-il à Georges ? demanda Ereyne.
En plus de l'enchaîner, Zelyan avait cru bon de lui ôter toute technologie : ordinateur, téléphone, télévision. Ereyne n'avait plus aucun contact avec le monde extérieur.
— Oh pas grand-chose, il est parti en Ecosse, certains disent qu'il a fui, il exhorte tout le monde à quitter Londres pour les montagnes.
Ereyne réfléchit un instant.
— Balmoral, c'est sa demeure royale la plus élevée.
— Il est moins fou que ce que je pensais, commenta Zelyan ce qui revenait à un compliment.
— C'est déjà inondé ? Londres ?
— Les eaux sont montées de trois mètres ! Mais il y a de l'eau partout, la télévision anglaise commence à parler de Déluge !
Ereyne devait vraiment faire quelque chose. Elle demanda à Zelyan de la libérer, chose qu'il refusa catégoriquement. Il avait encore à faire et n'avait guère envie qu'elle vienne contrarier ses plans.
— D'ailleurs je vais aller dormir en bas quelques semaines, tu serais bien capable de m'hypnotiser dans mon sommeil...
— Va au Diable Zelyan !
— Après toi mon amour.
***
Il pleuvait sur la belle ville de Bamako, la capitale du Mali avait les pieds dans l'eau. Le fleuve qui la traversait, Djoliba, débordait, et ce n'était pas pour plaire à Uriel. L'homme possédait une maison juchée sur les berges du fleuve et se retrouvait ainsi aux premières loges pour assister aux inondations. C'était pourtant le début de l'année, la sécheresse aurait dû les frapper de plein fouet. Il faisait 25 °C mais l'air était chargé en humidité, pluviométrie habituelle de Bamako un 2 janvier ? 0,2mm. La saison sèche portait bien mal son nom cette année. Uriel soupira en songeant qu'il avait promis à ses amis de les rejoindre devant la petite église du quartier. Son humeur était aussi maussade que le ciel au-dessus lorsqu'il quitta sa demeure et s'en fut à travers les rues de la capitale. Les bamakois, pourtant trois millions, paraissaient avoir fui la ville tant tout était calme. La vérité était toute autre : depuis Noël et le message divin, nombreuses étaient les familles à se réunir dans les églises afin de communier dans une ferveur rarement égalée.
Gabriel, du haut de son balcon du Vatican, dirigeait moult messes dans lesquelles il portait la parole sainte comme s'il avait récemment parlé à Dieu. Les croyants et convertis affluaient de toutes parts pour venir écouter le pape. Certains allaient jusqu'à Rome, d'autres gagnaient l'une des nombreuses salles retransmettant les messes sur de grands écrans. Uriel n'était pas de ceux –là, Gabriel, dans toute sa sagesse, ne lui apportait pas la réponse qu'il attendait depuis maintenant des mois. Les rumeurs étaient doucement montées des bas-fonds et s'étaient répandues dans le monde comme une maladie : la créature de Woodcastle avait finalement déversé sa haine sur la Terre et tous les phénomènes étranges de cette année lui étaient dus. Uriel n'en était pas sûr, cela ne pouvait pas se reproduire une fois encore, néanmoins il doutait de plus en plus. Mais, sans confirmation ce n'était que ragots et colportages.
Il était presque arrivé lorsqu'il fit une mauvaise rencontre : quatre hommes cherchaient des noises à une malheureuse. La femme ne s'était pas laissée faire et aurait probablement mis en fuite ses assaillants s'ils n'avaient pas été aussi nombreux. L'un d'eux s'était jeté sur elle alors que deux autres la maintenaient fermement contre le mur. Le quatrième filmait le tout en encourageant ses amis, pathétique.
— Lâchez-la ! ordonna Uriel.
Certains auraient passé leur chemin, d'autres se seraient enfuis en courant pour aller chercher du secours, mais Uriel était plutôt du genre à monter au créneau. D'ailleurs être cantonné à Bamako au lieu d'être mobilisé en Angleterre lui déplaisait encore plus que la pluie, il voulait du sang.
L'homme penché sur la victime se redressa brusquement, il montra ainsi sa bouche ensanglantée au sauveur. Il dévoila également une petite paire de canines bien pointues. Uriel n'en perdit pas son sang-froid et réitéra son ordre.
— Veux-tu être le prochain ? rétorqua celui qui semblait être le chef de la bande.
Il s'écarta de sa victime et vint se placer face à Uriel, l'air aussi arrogant que possible. Les autres lâchèrent la femme qui tomba à terre inanimée et se placèrent derrière leur compagnon. Uriel, loin de prendre ses jambes à son cou, mit nonchalamment les mains dans les poches et sourit. Cela eut pour conséquence d'accroître l'énervement de ses adversaires.
— N'as-tu pas écouté les prêtres, misérable humain ? Tu n'es plus au sommet de la chaîne alimentaire ! Les hommes ne dominent plus ce monde.
— Les hommes n'ont jamais dominé le monde, répondit tranquillement Uriel, c'est l'apanage de Dieu.
— Plutôt celui de Zelyan ! rugit un petit maigrichon avant de rester prudemment en retrait. Sa puissance dépasse celle de ton Dieu.
— Permettez-moi d'en douter messieurs.
Il était fou, il était complètement dérangé pour tenir ainsi tête à des prédateurs. Ils ne se gênèrent pas pour lui en faire la remarque.
— Ton Dieu t'a privé de la raison pour que tu imagines sortir vivant de cette rue.
— Dieu m'a fait de grands cadeaux.
Uriel leur laissa le loisir d'admirer l'un d'entre eux. Il dévoila une grande et majestueuse paire d'ailes d'un blanc immaculé. Les vampires eurent un mouvement de surprise qui se transforma vite en excitation macabre. Ils en bavaient presque littéralement. De l'ange, met rare et ô combien fin.
— Il paraît qu'on en sert à la table de Zelyan, murmura l'un des quatre vampires aux autres.
— Imaginez la tête d'Osiris lorsqu'on lui apportera celui-là, ajouta un autre, il va nous couvrir de pétrodollars.
— Attendez, les interrompit le chef, on ne va rien dire à Osiris, les anges sont pour ceux qui les tuent.
Les voilà partis à débattre afin de savoir s'ils devaient ou non partager Uriel avec leur ascendant premier. Ce n'était guère simple, d'un côté la gloire, de l'autre plus d'ange... Uriel se sentit presque de trop dans cette discussion. Les vampires étaient à deux doigts de se battre pour lui.
— Ne m'enterrez pas trop vite, s'entendit-il dire, vous débattez à propos de mon cadavre alors que je ne suis même pas mort.
Les vampires reportèrent leur attention sur lui, ils oublièrent leurs dissensions un instant pour ricaner en cœur.
— Ta mort ne fait aucun doute l'ange !
— Je me nomme Uriel.
— Ta mort ne fait aucun doute Uriel !
Ce fut au tour d'Uriel de rire. Il rit de cette ignorance caractéristique des jeunes, vampires ou autres.
— Qu'y-a-t-il de si drôle !
— Pas grand-chose, répondit Uriel, seulement que si je ne vous tuais pas, votre ascendant le ferait, voire même Zelyan. Mais je ne leur laisserai pas ce plaisir... Vous manquez tellement de culture générale, vous les jeunes.
— Pour qui te prends-tu l'ange ? Peu importe ton âge, nous allons te faire la peau ! Tu vas voir ce que l'on fait des vieux arrogants !
Cela ne fit qu'accentuer le rire d'Uriel qui leva le menton et sortit une deuxième paire d'ailes. Un silence s'abattit soudain dans la petite rue. Les vampires ne riaient plus. Ils avaient même pâli.
— Ah, murmura le moins courageux des quatre, cet Uriel là...
Ce furent ses derniers mots. Uriel, l'un des sept archanges, l'un des sept généraux de Dieu, les extermina sans aucun scrupule. Lorsqu'il eut fini la ruelle avait été repeinte avec leur sang. Il s'approcha de la victime encore vivante et s'accroupit à côté d'elle. Il lui murmura quelques paroles apaisantes puis s'excusa auprès d'elle.
— Il t'a transformée, puisse le Seigneur t'accueillir dans son royaume. Va en paix.
Puis il lui trancha la gorge.
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J'espère que la lecture a été bonne.
Axel.
#teamAdam
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