Tout feu tout flamme
Cela chauffait à Woodcastle, littéralement. Adam avait fui sans faire de vagues, Seth à sa suite, tandis que les autres étaient restés aux abords du grand balcon et regardaient Zelyan se consumer. Il brûlait d'un feu intérieur si puissant qu'il en détruisait son enveloppe charnelle. Il n'y avait pas de volcan au voisinage de Greyhall mais les chaînes de télévision eurent rapidement des images. Les premières vinrent de Naples où jusque-là les caméras filmaient les rais de lumière tombés sur les églises de la ville. Le Vésuve était brutalement entré en activité et menaçait de déverser un flot de lave sur la cité italienne. La ferveur qui avait imprégné les lieux fit place à une émotion bien plus terre-à-terre : la peur. Nombreux furent ceux qui crurent en l'apocalypse et ils n'étaient pas si loin de la vérité. Du haut de sa tour le diable semblait bien prêt à déchaîner toute sa colère sur le monde.
Ereyne renvoya la descendance maudite dans ses quartiers respectifs et resta seule près de son compagnon. De mémoire d'immortelle elle ne l'avait jamais vu si ardent, même la dernière guerre céleste ne lui avait pas paru si violente. Certains téméraires comme Ysun voulurent rester, Zeus l'imposa même mais Ereyne fut intraitable.
— Vous voulez mourir ici ? Zelyan ne vous pardonnera pas si vous partez aux enfers avant qu'il ne l'ait décidé !
— Tu ne me forceras pas à partir.
John avait grogné cette phrase et l'avait assortie d'un regard noir. Ereyne eut l'impression que les autres loups se rangeaient à son avis et se faisaient menaçants. Elle était prise entre deux feux. D'un côté Zelyan se transformait en volcan vivant, de l'autre ses fils qui désiraient le rejoindre sans comprendre d'un regard de travers pouvaient les conduire à la mort. Un vent froid s'engouffra dans la pièce et la fit frissonner. Cela lui rappela que c'était une nuit hivernale, Zelyan chauffait tellement que l'atmosphère autour d'eux se rapprochait des températures tropicales. Ce retour à la réalité lui permit également de réaliser qu'après tout elle se moquait de leur sort. Face à elle les fils de Zelyan, tous plus élégants les uns que les autres dans leurs costumes trois pièces, ressemblaient à un groupe d'hommes d'affaires. Ils paraissaient sous leur jour le plus humain. Voilà pourquoi instinctivement elle avait eu le réflexe de chercher à les protéger du danger qu'était leur père. Mais ils n'avaient d'humain que l'apparence, depuis leurs transformations ils étaient devenus des prédateurs, des tueurs d'hommes.
— Bien, capitula-t-elle, faites donc comme Fuxi en son temps, ajouta-t-elle en se décalant sur le côté.
Elle leur laissa le champ libre et attendit tout en gardant un œil inquiet sur Zelyan. Il n'avait pas bougé, il leur tournait le dos et continuait de se consumer. Les flammes qui jaillissaient de son corps étaient tout en nuances de rouge, bleu et vert, preuve qu'il brûlait de manière hétérogène. Ereyne ne savait pas comment gérer cette situation, son instinct lui hurlait que cela n'allait pas bien finir. Chaque fibre de son corps lui hurlait de fuir, de partir le plus loin possible de Zelyan. Elle souhaita de toute son âme pouvoir rejoindre son père, Adam retournait probablement en Afrique, ou bien elle devait gagner Rome et rester sous la protection de Gabriel. L'archange l'avait toujours aidée, il ne lui ferait pas défaut aujourd'hui.
Pendant qu'elle tergiversait la neige s'était mise à tomber, des flocons atterrissaient sur le sol du salon, survivants de la traversée de l'air brûlant autour de Zelyan. Un fin tapis blanc couvrait le marbre avant de fondre. Ereyne posa son regard sur cette douceur immaculée et versa une larme devant cette triste fin des flocons. Un peu plus loin les fils de Zelyan avaient imposé leur domination à l'immortelle, ils restaient ici par choix, mais aucun d'eux n'osait s'avancer sur le balcon. Ils n'étaient pas effrayés non, ce n'était que leur père en colère. Leur père, leur dieu, leur maître. En vérité ils étaient terrorisés à la simple idée d'approcher cette boule de colère ardente. L'un des fils de Zelyan, Fuxi, l'avait approché une fois alors qu'il était dans cet état. Nul ne l'avait revu depuis. Si bien qu'à l'évocation de son nom Ereyne avait jeté un froid sur leur audace. Devant tant de courage Aphrodite soupira d'impatience et s'avança en jouant des coudes avec la ferme intention d'aller calmer son maître, ou du moins d'avoir des ordres directs. Svarog la retint par le bras et ne lâcha pas prise malgré ses protestations.
— Partons, déclara-t-il à ses frères en initiant un mouvement peu suivi.
— Tu es tout sauf un chef Svarog, murmura Caius en s'approchant de lui.
Néanmoins le vampire amorça un repli stratégique et partit. Les autres le suivirent peu après, il était plus judicieux de rester en vie. La pièce se vida donc et Ereyne resta seule avec son compagnon.
Il était impossible de connaître la nature des pensées de Zelyan, il était figé, le regard perdu dans ce ciel strié. Sa compagne s'avança prudemment et s'arrêta lorsque la chaleur fut trop intense. Elle le contempla longuement, enfin ce qu'il restait de son corps humain. Des pans entiers de sa peau avaient laissé place à des plaques de lave séchée et des flammes s'échappaient d'un peu partout.
Ereyne voulut tendre la main vers lui et caresser son visage mais ce serait dire adieu à ce membre. Jamais une telle fureur n'avait été exprimée dans toute l'histoire de l'Humanité. Et aussi étrange que cela puisse paraître elle éprouvait à cet instant beaucoup de peine et de compassion à son égard.
— Zelyan.
Il se tourna vers elle et elle eut la sensation que toute la haine de l'univers s'était concentrée en lui.
— Viens.
Elle secoua la tête et refusa tout net.
— Je vais brûler vive.
— Tu survivras, répondit-il.
Il tendit une main vers elle mais elle recula d'un pas et réitéra son refus.
— J'ai fait de toi mon égale, lui rappela Zelyan en se rapprochant.
— Je ne suis pas toi Zelyan, murmura-t-elle la lèvre tremblante alors qu'il recommençait son geste et serrait ses doigts autour de son poignet.
Elle hurla de douleur et le supplia de la lâcher. Elle ne voulait pas mourir et c'était si douloureux, elle ne ressentait plus que cela. Mais Zelyan ignora ses plaintes et l'attira contre lui. Enveloppée de flammes, ses larmes s'évanouissant en vapeur d'eau, Ereyne hurla encore et encore. Sa peau brûlait et certaines parties se détachaient déjà. Elle voulut s'enfuir mais il la tenait fermement et elle ne put s'échapper. Bientôt seule la douleur subsista. Son esprit lâcha prise et elle fut incapable de quoi que ce soit.
— Toi qui comprends si bien les autres, je ressens quoi ?
Sa voix paraissait lointaine, couverte par le bruit des flammes qui rongeaient ses oreilles.
— Pourquoi les humains sont-ils si minables ? Pourquoi !
Ereyne ouvrit brusquement les yeux, ramenée à la réalité par ce dernier mot crié. Elle brûlait toujours mais la douleur était partie, la sensation n'était pas agréable mais plus rien à voir avec cette atrocité.
— Un peu de lumière et les voilà à genoux devant lui ! C'est moi qui ai déclenché le premier Déluge et que racontent leurs textes ? Que c'est lui qu'il l'a fait ! Pourquoi ?! Pourquoi ?!!
La jeune femme avait bien une réponse mais si elle lui donnait Zelyan allait faire sauter la planète.
— Zelyan, j'ai mal, gémit-elle. J'ai tellement mal.
— Elle est en train de disparaître non ? Ta douleur. Pas comme ma colère.
Zelyan resserra un peu plus son étreinte et posa son menton sur l'une de ses épaules. Elle avait cette odeur de cendres et de mort qu'il aimait tant.
— Il n'a jamais répandu que règles et lois, pourquoi l'aiment-ils autant ?
— Dieu a créé l'Homme, dit Ereyne en glissant une main dans le dos de son compagnon, l'Homme l'aime autant que tes fils t'aiment.
— Je leur offre l'immortalité, pas une vie de souffrances.
— Je veux partir Zelyan.
L'immortel ne répondit rien mais son feu intérieur reprit de la puissance, Ereyne sentit la chaleur augmenter et la douleur revenir mais elle en avait trop dit ou pas assez. Cela revenait la tourmenter tous les siècles, à chaque guerre céleste, à chaque fois qu'elle revoyait son père. Il avait le don de lui faire regretter son choix originel par sa simple présence. Il n'en avait jamais rien dit mais Ereyne savait qu'elle était maudite et qu'il lui en voulait depuis des millénaires.
— Je veux retrouver mon père en Afrique, je veux revoir ma famille, mes amis, je veux retourner là où tout à commencer, je veux rentrer chez moi.
— Ta chère Tanzanie natale n'est pas ton foyer, rétorqua son compagnon, et ce n'est même pas là que tout a commencé.
Ce fut au tour d'Ereyne de s'énerver, que Zelyan détruise ses mythes ou ses certitudes pourquoi pas, mais il y avait certaines limites. Elle lui ordonna d'arrêter mais il semblait déterminer à la mettre en colère, au moins autant que lui l'était.
— Je décide de ce qui est ou non mon foyer ! Et j'ai besoin de ma famille ! Caïn est mort, Abel est mort, et ma mère est morte ! Laisse-moi revoir ceux qui sont encore là pendant qu'il en est encore temps ! Je veux rejoindre mon père loin de toute cette folie.
— Pour qu'il te lave encore le cerveau et qu'il te mente ? demanda Zelyan en riant jaune, à sa colère s'ajoutait un mépris flagrant, la simple mention d'Adam lui donnait des boutons.
— Il ne me lave pas le cerveau ! Il ne me ment pas ! répliqua Ereyne.
— Il t'a raconté son tour du monde créateur ?
Ereyne n'était pas d'humeur à l'entendre, il faisait toujours trop chaud autour d'eux, elle n'en était pas morte mais elle tenait à peine sur ses jambes.
— Zelyan, je ne peux plus, si tu m'aimes laisse-moi vivre.
— L'amour c'est pour les humains.
S'il n'y avait qu'une chose à connaître à propos de Zelyan c'était bien celle-là.
— Nous avons un accord tu t'en souviens ?
Bien sûr qu'elle s'en souvenait, le tout premier pacte avec le Diable, elle était l'heureuse élue qui avait débuté cette longue liste d'accords maudits.
— L'infini ne se périme pas.
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J'espère que ce chapitre vous a plu !
Ce week-end c'est Pâques et Pâques 2016 c'est aussi le retour de Zelyan à Woodcastle et le début d'Immortels. Pour fêter cela j'avais pensé à une petite vidéo de remerciements (avec une surprise) et à un top 5/10 de vos répliques préférées d'Immortels alors n'hésitez pas à donner votre avis.
Bonne semaine.
Axel.
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