Avenir
La grande salle de l'hôtel de ville était comme le hall, le nouvel ordre avait rapidement pris possession des lieux semble t-il. Ereyne ne le connaissait absolument pas et pourtant elle essayait de rester au courant des affaires de Greyhall. Sean l'accompagna en personne jusqu'au large pupitre puis la laissa face à la communauté. L'assemblée lui parut plus soucieuse qu'à l'ordinaire, et pourtant au Moyen-âge ils avaient passé leur temps à prier.
Ereyne prit un instant pour tous les regarder, juste devant, assis, les yeux respectueusement posés sur elle, se tenaient les membres du conseil des anciens. Ces sages qui avaient conservé le secret toute leur vie durant attendaient avec anxiété ses premiers mots. Derrière eux, une quinzaine de jeunes hommes et femmes, parmi lesquels Abigail, qui se tenaient debout et droits, non sans rappeler à l'immortelle une secte. Le nouvel ordre... Enfin venait le reste de la population, quelques têtes connues mais surtout des badauds curieux.
Elle ne demanda pas le silence, il était déjà bien présent. La peur se mêlait à une admiration silencieuse. De mémoire de Greyhall la Lady avait toujours été bienveillante mais subsistait la crainte que la folie de Camilla Lee ne retombe sur eux. Ils avaient à moitié raison, Ereyne n'était pas très heureuse de la tournure des choses.
- Voilà plus de deux mille ans que Greyhall a été fondée et la ville ne m'avait jamais déçue à ce point.
Elle s'interrompit, un murmure d'effroi avait envahi la foule, puis reprit.
- Les règles ont été édictées dans le but de maintenir la paix et la cohabitation entre toutes les espèces.
- Mensonges ! Cria une voix dans l'assemblée.
Ereyne ne s'en formalisa pas, les humains avaient toujours eut du mal avec les règles.
- Vous avez le choix. Vous respectez à la lettre mes règles, ou vous les refusez et Greyhall perd son statut de cité sanctuaire.
Elle resta forte et impassible, même si son coeur s'était serré à l'énonciation de cette possibilité. Elle espéra de tout coeur qu'ils restent sur le chemin de la raison et décident de s'en tenir aux règles. Elles n'étaient pas si nombreuses, ni si restrictives.
- Vous espériez peut-être de l'aide, du réconfort, un aperçu de l'avenir proche. Cela ne sera possible que si vous jurez allégeance. Passez au vote.
Elle se recula et laissa à la charge de Sean la mise en place du vote alors qu'elle se retirait dans l'une des petites salles attenantes avec John.
Initialement elle avait prévu un long discours sur l'amitié qui la liait à la cité, elle qui avait vu les premiers remparts, une simple palissade de bois, être construits. Elle avait passé des siècles avec les habitants de Greyhall, à leur insuffler son amour pour le genre humain et sa gentillesse. Ainsi Greyhall comptait nombre d'établissements d'aide en tout genre, des hôpitaux en partie financés par le château aux orphelinats en passant par le club de tricot.
- Tu vas vraiment abandonner Greyhall ? Demanda John, non pas qu'il veuille spécialement connaître la réponse, mais il avait déjà repéré deux ou trois humains bien goûteux.
- Je...
Abandonner, il avait dit abandonner. Ereyne n'abandonnait jamais. En huit mille ans avec Zelyan elle n'avait jamais perdu l'espoir de revoir sa mère, d'être pardonnée et de gagner son ticket pour les cieux. Ce n'était pas une bande d'humains qui allait faire faiblir sa détermination. Elle repartit pour la grande salle, bouscula John au passage et revint devant le pupitre, non sans pousser Sean et imposer le silence dans la cacophonie ambiante.
- Je change les règles, Greyhall restera une cité sanctuaire mais vous ! Vous allez partir. Si vous n'êtes pas d'accord partez ! Officiellement ces terres appartiennent au Lord, vous n'en êtes que les locataires alors je vous laisse un choix. Vous avez jusqu'au douze novembre pour plier bagage ou vous soumettre totalement à nos lois. John ici présent flaire le mensonge à des kilomètres, lui et ses comparses patrouilleront dans la ville et identifieront les menteurs alors choisissez bien !
Nul ne lui enlèverait sa ville. Ereyne fit un petit signe amical à Elisabeth Madaeve, un autre à Sean puis descendit et traversa la foule stupéfaite pour s'approcher d'Abigail.
- J'imagine qu'avec ton ordre vous voulez rester.
- Et honorez nos dieux. Répondit la jeune femme.
- Alors aide le conseil à faire le nettoyage de la ville et je glisserai personnellement un mot à Zelyan.
Les yeux d'Abigail pétillèrent et elle étendit un large sourire avant de s'incliner.
- Ce sera un honneur pour le nouvel ordre.
Ereyne inclina légèrement la tête puis partit la tête haute et regagna la voiture avec John.
- Les loups n'ont pas vraiment de flair pour le mensonge, et je n'obéis pas à tes ordres. Dit-il une fois la voiture sur la route du château.
- Cela s'appelle du bluff John, eux vont penser que tu peux et s'ils le pensent ils ne prendront pas le risque de rester ici. La population va diminuer, grandement. Les restants n'en seront que plus fidèles. Ainsi la situation ne se reproduira pas.
- Tu es moins douce que ce que Zelyan laisse penser.
- Je vais prendre cela pour un compliment.
Ce n'en était pas un, ni pour lui, ni pour elle, mais ils firent comme si. Le reste du voyage fut silencieux, seule la pluie désormais continue martelait le toit et créait un peu de bruit. Chacun méditait sur cette escapade chez les humains. Quand soudain.
- Il n'y avait pas un dîner ?
Ereyne regarda John avec de grands yeux puis la mémoire lui revint.
- J'avais oublié, ma colère m'a un peu chamboulée, mince faisons demi-tour.
- Non ! Cela nuirait à ton annonce, laissons les humains réfléchir et faire le point sur eux.
Que diable lui arrivait-il ? John n'avait jamais autant de considération pour les humains.
- Oh ! L'ange ! Il est au menu au château. Tu m'as fait peur John, j'ai cru que tu avais récupérer un peu de compassion.
Ereyne rit de sa surprise et de sa stupidité, un instant elle avait cru qu'il pouvait être gentil.
- Je raconterai cela à Zelyan.
Il allait rire aux éclats.
Fitz les accueillit avec un parapluie et les conduisit jusqu'au grand salon où les immortels sirotaient un verre de sang de Thaïlandais vieilli trois ans en tube de bambou. Ils dissertaient sur la qualité du bois utilisé. Ysun et Zelyan préféraient les fûts de chêne mais il fallait bien avouer que la petite touche exotique apportée par le bambou n'enlevait rien à la douceur ferreuse du sang.
- Ma douce nous ne t'attendions pas si tôt, John a bouffé le conseil ?
- Non, j'ai laissé un temps de réflexion à la population, ils obéissent ou ils quittent la ville.
- J'aurais préféré "ils obéissent ou on les dévore" mais soit, quand doivent-ils avoir choisi ?
- Avant mon retour de Londres, le douze.
- Ah oui, déclara Zelyan avec un sourire et un petit regard en coin pour Natalya, ton séjour à Londres. Si tu veux mon avis il va être mortel.
Ereyne vint s'asseoir à côté de lui, prit le verre que Fitz lui présentait, et lui répondit qu'elle n'avait pas besoin de ses sarcasmes constants envers le flegme britannique.
- Georges n'est pas ennuyeux à mourir, il est même très spirituel.
Son compagnon choisi de ne pas répondre et prit une gorgée de sa boisson avant de lancer la discussion sur un tout autre sujet. Les premiers dommages importants dûs aux inondations venaient d'être relatés sur les chaînes d'informations un peu partout dans le monde.
- Je crois que les Pays-Bas se rendent compte du problème, disait Ysun.
- En même temps deux de leurs digues principales ont cédé, rétorqua l'un des fils.
Ereyne s'enquit du nombre de morts, et regretta aussitôt d'avoir posé la question. Quelques dizaines de milliers de personnes avaient brutalement péri. Le pays tout entier était impacté.
- Quelle idée de vivre sous le niveau de la mer.
La mer, elle se déchaînait sans cesse, sur tous les rivages du monde. La plupart des villes côtières commençaient à expérimenter le début du déluge, certaines avaient été évacuées, d'autres renforcées à l'aide de blocs de béton, de roches et de sacs de sable. Mais l'océan gagnera toujours, quoiqu'il advienne.
- Les humains sont tellement arrogants, ils pensent pouvoir dominer la nature. Seuls les dieux peuvent dominer la nature. Déclara Zelyan en se servant encore un peu.
- Oui mon amour, toi seul peux dominer la nature.
- Tu te moques, je sais que tu moques et que tu veux que je le cite, lui. Mais je ne te ferai pas ce plaisir, car ce soir rien n'entachera mon humeur, car ce soir on mange...
- De l'ange !! S'écrièrent en choeur tous les autres.
- Enfin, Natalya pas toi, c'est un met rare et réservé aux braves.
- Je suis brave ! Ne te l'ai-je pas prouvé ? Rétorqua la jeune femme tête haute.
Zelyan ne répondit pas, chose qui étonna Ereyne mais elle n'eut pas le temps de le lui poser la question car il s'était levé et lui tendait une main qu'elle prit en se levant à son tour. Il l'entraîna dans la salle à manger spécialement dressée pour l'occasion. La grande table avait été vidée de son centre et remplacée par une vaste coupole dans laquelle des braises ardentes grillaient doucement l'ange embroché au-dessus.
- Hum, ange à la braise, miss Foots me connaît bien.
Les fumets étaient savoureux, même Ereyne appréciait cette odeur douce et délicate et culpabilisait à chaque fois. C'était un ange bon sang !
Heureusement pour elle, comme toujours, Fitz avait donné des ordres en bas et la cuisinière lui avait préparer quelques coquillages à la crème, un plat tout aussi bon qui lui ravissait les papilles.
- Tu veux vraiment aller voir Georges ma douce ? Les humains sont butés tu sais ? Même si tu leur dis "il va y avoir un déluge, l'eau va monter", ils ne t'écouteront pas, ils n'écoutent rien.
- Georges écoutera, il sait que les choses ont changé, il saura quoi faire avec les autres nations.
- Elles vont toutes retourner au Moyen-âge technologique, voire s'éteindre alors tu sais... Jolie robe au fait, tu tolères notre humble présence ? Nous n'avions pas prévu de t'avoir ainsi vêtue à table alors on s'est mis à l'aise et -
- Comment survivrons-nous ? Demanda l'un des descendants d'Ysun.
Zelyan, ses deux fils et Ereyne se tournèrent vers lui en même temps que les autres. John fut particulièrement dédaigneux et lui rétorqua qu'il chasserait ou mourrait.
- J'imagine que tu es un buveur de plasma.
- C'est plus discret rétorqua Ysun, défendant son espèce contre le loup. Et c'est meilleur que le boeuf !
En effet, de nombreux vampires qui vivaient dans des zones à risques, où la densité était relativement forte, étaient obligé de se fournir dans les banques de sang pour ne pas attirer l'attention. Certains jeunes avaient même définitivement opté pour cette technique afin de ne pas tuer eux-mêmes d'humains. Cette dégénérescence des vampires ne plaisait guère à Zelyan mais elle n'était pas très répandue et le déluge approchant les obligerait à chasser comme l'avait fait remarquer John. De même des loups ne mangeaient pratiquement jamais de chair humaine mais des animaux fraîchement abattus. Honte ultime pour John qui avait tué de ses mains l'un de ses fils pour avoir agi de la sorte. Il n'y avait pas de lâche dans sa lignée.
Une bonne vieille dispute vampire/loup-garou se profilait. Comme toujours Zelyan laisserait faire un temps puis stopperait avant que cela ne dégénère, quitte à envoyer tout le monde dans les cachots, quant à Ereyne elle redemanda du vin.
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Désolée pour l'attente, je soutenais ma thèse. J'ai enfin mon diplôme !!!
Axel.
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