0. Prologue - En d'autres temps.
Elle avança sur la pointe des pieds, effleurant à peine le sol en terre tassée. Tremblante, elle s'arrêta à côté du lit et écouta une dernière fois les respirations régulières qui s'élevaient de la paillasse. Une larme coula sur sa joue, puis une seconde, puis des dizaines. Elle tourna les talons et quitta la petite maison faite de paille et de terre séchée aussi vite qu'elle le put sans faire le moindre bruit. Elle entrouvrit la porte, laissant entrer le moins de lumière possible, et se glissa dehors. Les premières lueurs du jour éclairaient le ciel de teintes rose et or au-dessus du petit village perdu au milieu de nulle part. Une douce odeur de rosée embaumait l'air humide et les premiers oiseaux commençaient leurs chants matinaux.
— Belle journée pour mourir, songea la jeune fille.
Elle resserra les liens faits de roseaux tressés qui maintenaient la pièce de tissu en lin couvrant son corps mince puis elle se dirigea vers la forêt qui s'étendait à l'Est.
Elle s'aventura un peu au hasard, ne sachant pas vraiment ce qu'elle devait chercher. Chaque branche qui cassait, chaque bruit la faisait sursauter, la peur montait en elle, surpassant son chagrin, mettant tous ses sens en alerte. Elle vit quelques herbivores se régaler de feuilles quelques mètres plus loin paisiblement.
— La créature n'est pas là, constata la jeune femme en obliquant vers le sud.
Elle marcha plusieurs heures, tiraillée entre sa détermination et son envie de faire marcher arrière, de courir jusqu'au village et de se jeter dans les bras protecteurs de sa mère. Une branche s'accrocha dans ses cheveux, lui arrachant un petit cri. La jeune fille mit plusieurs minutes à libérer sa chevelure blonde, tirant, tordant le petit bois jusqu'à ce qu'il cède. Ainsi libérés, ses cheveux ondulèrent le long de son corps, se mêlant à la sueur qu'elle excrétait à cause de la peur et de la chaleur moite ambiante. Elle reprit son chemin, ou plutôt son errance à travers la forêt. Le désespoir s'emparait doucement d'elle à mesure que défilait la journée, la nuit, et avec elle l'horreur approchait à grands pas. Elle essaya de se donner du courage en serrant plus fortement la pierre taillée qu'elle avait apportée, en vain.
Soudain, elle se rendit compte que les bruits habituels de la forêt s'étaient éteints, elle n'entendait plus aucun animal, seule la légère brise glissant dans les feuilles des arbres rompait le silence pesant. Elle approchait du but. Et en effet, elle arriva bientôt dans une petite clairière, au centre les restes d'un feu fumaient et à côté, quelques pièces de fourrure sur un lit d'herbe et de paille attestaient de la présence d'une créature. La jeune fille sentit son coeur s'accélérer, les sens à l'affût, elle ne devait pas être très loin. Elle s'apprêta à commencer son exploration lorsqu'un souffle d'air dans son cou l'arrêta. Elle se figea, un frisson parcourut son dos tandis que la panique l'envahissait.
— On s'est perdue ? murmura une voix grave à son oreille alors qu'elle fermait les yeux et réprimait en vain ses tremblements, tremblements qui provoquèrent des contractions, notamment au niveau des mains, lui rappelant la présence de la pierre taillée.
Elle pouvait presque sentir la peau de la créature contre la sienne tant l'espace les séparant était mince. Il tourna lentement autour d'elle, la détaillant, c'était la première fois qu'il se trouvait aussi proche d'un être humain vivant. Elle lui parut extrêmement fragile, toute en finesse, sa peau trempée d'un mélange d'humidité et de sueur, frémissante. Il observa son visage, ses lèvres pincées pour ne pas hurler, ou pleurer il ne pouvait savoir, son petit nez se dilatant à chaque respiration saccadée qu'elle prenait. Il eut aimé voir ses yeux, mais elle les maintenait clos, complètement terrorisée.
— Que fait donc une humaine ici ?
Elle ouvrit brusquement les yeux, dévoilant deux iris gris, et dans le même temps avait levé le bras droit, dévoilant un silex dans sa main. Il attrapa prestement ce bras et le serra fortement, lui arrachant un cri. Elle recula en se débattant, accrochant sa tunique dans un gros buisson voisin. Elle lâcha son arme et mit un genou à terre. Il plaça son autre main autour de son petit cou et ricana.
— Tu espérais vraiment me tuer avec ça ? Il désigna la pierre taillée du menton. Je devrais peut-être te trancher la gorge avec, c'était probablement ton plan.
Son plan? Elle n'avait pas vraiment pensé à cela. La jeune fille avait en priorité cherché à débusquer cette créature et avait espéré la trouver endormie. Suffoquant, elle leva les yeux vers son agresseur et ne cacha pas sa surprise. Il était humain, du moins physiquement, une chevelure brune désordonnée, des yeux sombres et un visage dénué de barbe. Il ne devait pas être beaucoup plus âgé qu'elle. Mais elle savait qu'il n'avait d'humain que l'apparence, ils n'étaient définitivement pas de la même espèce.
— Pi-tié, réussit-elle à articuler, les larmes aux yeux et le rouge aux joues.
Il hésita et desserra son étreinte pour se laisser le temps de la réflexion. Elle était tellement faible, comme tous ces humains là bas au village. Il la lâcha et la regarda mettre les mains au sol pour s'empêcher de s'étaler par terre. Quelques longues minutes s'écoulèrent, ponctuées par les longues respirations qu'elle prenait pour essayer de reprendre ses esprits. Il la regarda se relever péniblement, passant une main dans ses cheveux pour écarter les mèches blondes qui barraient son visage.
Le soleil se couchait, la chasse allait bientôt commencer, il devait se décider rapidement. Le jeune homme hésitait entre la tuer tout de suite et l'attacher à un arbre, partir chasser et revenir la tuer au matin. Elle se tenait à présent face à lui, recroquevillée ,mais ses iris gris fixés sur lui. Ses bras croisés contre sa poitrine partiellement dévêtue à cause de sa rencontre avec le buisson qui lui avait également laissée quelques écorchures sur les bras et le dos. Il la trouva belle. Il n'avait pas vraiment pris la peine de regarder les précédents humains qu'il avait croisés, se contentant de les tuer avant de dévorer certains d'entre eux. Il se savait seul de son espèce et ce n'était pas pour lui déplaire, il avait une mission et comptait bien la remplir. Néanmoins il n'aurait jamais cru qu'un humain oserait s'approcher de lui, une femelle qui plus est.
Elle perçut son envie, l'inédit du moment. Il s'approcha d'elle, ne laissant que quelques centimètres entre eux et chercha une réponse dans ses yeux, qu'avait-elle bien pu penser lorsqu'elle avait décidé de partir le chasser, lui le chasseur d'homme. Elle soutint son regard, luttant contre l'envie viscérale de hurler et de s'enfuir à toute allure. Il se pencha vers elle, humant sa peau et l'attirant contre lui. La sensation de sa peau douce contre son torse déclencha des réactions chimiques en chaîne dans tout son corps, réveillant des instincts qu'il n'avait pas encore découverts.
Il la tira vers lui et, forçant le mouvement, attrapa son visage et l'embrassa brutalement. Elle gémit de douleur et essaya de s'écarter, mais il la maintient contre lui quelques secondes de plus avant de la relâcher. Il allait la garder encore un peu. Elle recula et, prise de panique, s'enfuit en courant. Elle réussit à faire quelques dizaines de mètres avant qu'il ne la rattrape sans mal. Il l'attrapa, la jeta sur son épaule et la ramena à son campement, indifférent à ses hurlements et autres appels à l'aide. Il la jeta sur sa couche et leva les yeux au ciel, toute cette affaire avait duré un moment et la lune était à présent bien haute dans le ciel, il ne chasserait pas ce soir. Il s'accroupit vers elle. Assise elle serrait son coude bleuit par le choc de son corps heurtant le sol.
— Je vais tous les tuer, chacun des habitants de ton village va mourir sous tes yeux et je te tuerai ensuite. Le sourire qu'il arborait révélait la différence fondamentale qu'il existait entre leurs deux espèces.
— Non ! pleurait-elle, je t'en supplie épargne ma famille.
— C'est pour cela que tu es venue? Pour négocier leur vie? Ce ne sont que des humains, tu n'es qu'une humaine, votre vie ne vaut rien depuis que tes parents ont quitté le jardin.
— Je ferai tout ce que tu voudras! Je t'en supplie!
— Tu n'as rien à m'apporter, ta mort est la chose la plus utile.
— Alors, tue-moi, mais laisse les vivre.
Il soupira, ses supplications commençaient sérieusement à l'ennuyer, il commençait à comprendre pourquoi son créateur ne lui avait pas donné de femelle. Il prit appui sur jambes et se prépara à se relever lorsqu'elle mit une main sur son épaule et l'embrassa.
Les sensations étaient bien différentes de celles ressenties lors de leur premier baiser si bien qu'il la laissa continuer. Elle resserra ses bras autour de son cou, serrant un peu plus son petit corps à moitié nu contre son torse. Sa langue glissait doucement sur ses lèvres, appelant à des caresses que toute son âme lui hurlait de fuir. Elle maintint l'étreinte un long moment, le laissant apprécier l'instant. Il glissa ses bras musclés autour d'elle et les coucha sur les fourrures. Elle arrêta son baiser et détacha légèrement son visage afin de pouvoir le regarder dans les yeux.
— Nous avons tous quelque chose à offrir. Murmura-t-elle si doucement qu'il dut tendre l'oreille.
— Tu dois vraiment aimer ta famille pour te sacrifier de la sorte.
Elle couvrit sa bouche d'une main, laissant ses larmes couler à flots et se tourna sur le côté. Lui en revanche se redressa et s'en fut s'occuper du feu qui faiblissait avant de revenir se coucher à côté d'elle.
— Tu as un nom? Demanda-t-il tout en amenant une fourrure sur eux. Elle répondit, mais si faiblement qu'il ne l'entendit pas.
— Quoi?
— Ereyne, répéta-t-elle d'une voix plus forte.
— Ereyne... murmura-t-il pour lui-même, se délectant de la sonorité. Moi c'est Zelyan.
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Merci d'avoir lu ce prologue !
Axel.
Ps: illustration par Zelia_N
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