
39 - Passage des portiques de sécurité
Hello tout le monde !
Pour la première fois depuis le premier confinement, j'ai pu passer quelques heures à mon bureau sans avoir cette monstrueuse envie de le quitter, merci l'arrivée d'une vraie chaise de bureau.
Je ne vais pas plus m'étaler sur ma vie ici, j'ai un rantbook pour ça, mais j'espère que vous allez bien, que ce n'est pas trop oppressant pour vous, et qu'on va vite sortir de cette vie si... confinée.
Axel. with love.
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Ereyne et Zelyan demeurèrent quelques semaines les hôtes de Quetz et Tez, le temps pour l'une de regretter son château, et pour l'autre de vérifier l'efficacité de ses troupes ragaillardies. Les loups de Quetz avaient mené différents raids dans les villages humains et primaires alentours. Le but ne fut pas de ramener de la nourriture, le primaire n'était guère mangeable, mais de disséminer la peur dans le cœur des Hommes. Hurlements à la lune aidant, les bêtes s'étaient livrées aux jeux ancestraux de la chasse à l'Homme et de course-poursuite dans la jungle. Conformément à l'ordre de Zelyan, les morts ne furent pas dévorés, pas totalement. Il était nécessaire de conserver assez de morceaux de cadavres afin qu'ils soient bien identifiés et que chacun remarque que la faim n'était pas la cause de leur mort. Tous devaient savoir que des bêtes rodaient, et qu'elles tuaient pour leur simple plaisir.
La douce symphonie d'un humain agonisant écartelé et rôti à la fois (recette d'une des petites-filles de Tez) eut raison de la patience d'Ereyne. Furibonde, elle referma son journal, se redressa d'un bond et, dans une virevolte de tulle, de voile et de crêpe rouges, s'en fut en courant à travers les couloirs du palais de Quetz. Elle dévala les escaliers, franchit le hall central au trot et s'enfuit de la bâtisse, indifférente aux cris de Caius qui galopa à sa poursuite. Non sans peine, l'immortelle se fraya un chemin à travers la foule qui, en ce jour de marché, cherchait pitance. Les étals d'humains et de primaires, vivants, en morceaux crus ou cuits, ravissaient les babines des loups en quête de leurs prochains repas. Le kilo de filet de primaire était à un prix abordable, la bête était facile à trouver, un peu délicate à attraper mais son foisonnement dans la jungle avoisinante garantissait un approvisionnement régulier. Les meilleurs filets d'humains étaient quant à eux nettement plus rares. Les Hommes d'élevage avaient un coût, les sauvages et les imports plus encore. Il était aujourd'hui quasiment impossible de se procurer un cœur de sud-américain biologique frais. Le cœur de feu, à la fois boisson à base d'alcool et de cœur de dragon d'une contrée lointaine, et plat typique d'Aztlan était de rigueur mais, l'ingrédient phare, ce cœur de sud-américain bio, venait cruellement à manquer depuis quelques siècles. Le jour du grand carnage, fête grandiose durant laquelle la cité célébrait la plus fameuse, et unique, victoire des loups sur Barachiel, serait assombrie cette année encore par le manque de ce succulent plat mijoté à base de piment, de tomate et de cette pièce maîtresse humaine. Quetz, en bon hôte, avait prévu pour Zelyan et Ereyne un grand banquet, mais cette dernière lui ferait défaut. Trop c'était trop.
Non sans difficulté, Caius parvint à rattraper Ereyne et la força à s'arrêter.
— Que vous arrive-t-il ? s'enquit-il tout en lui lâchant le bras.
— Je rentre chez moi, lui répondit-elle. Je quitte ce pays de barbares sans plus tarder. Je me moque de la volonté de Zelyan, je vous laisse cette cité de fous sanguinaires, j'en ai plus qu'assez de tous ces cris, de cette torture gratuite, de cette méchanceté.
Le terme était enfantin mais il convenait parfaitement à la situation. Ereyne se retourna et heurta violemment un loup qui traversait devant elle. Dans un réflexe l'homme sortit les crocs et, réalisant qui il avait en face de lui, les rentra aussitôt et couina une excuse. Ereyne le repoussa et reprit sa route, Caius toujours sur ses talons. L'immortelle, sourde aux propos du vampire, maugréait et pestait contrat tout et rien.
Elle traversa la ville, au pas de course, fuyant la foule de loups affamés. Les splendeurs relatives de la cité récemment crée, au regard des millénaires des autres, lui furent égales tandis qu'elle franchissait les centaines de mètres qui la séparaient du portail qu'ils avaient emprunté. Elle pénétra dans la jungle luxuriante, et, non sans mal, s'enfonça dans ses profondeurs. Elle repoussa des feuilles de la taille de son bras, tira sur des lianes, parfois des serpents et, immanquablement, se perdit.
Ereyne réalisa ce fait peu de temps après son départ mais son instinct lui intima l'ordre de continuer à avancer. Elle sentit une présence familière, lointaine, une âme faisait écho à son cœur. L'immortelle sentait son aura l'appeler. L'air humide ambiant portait les effluves d'une époque révolue. La densité de la végétation ne pouvait empêcher le vent de chanter des refrains si chers à son souvenir. Ereyne marchait vers sa maison, elle en était certaine. C'était là, juste à portée de main. Elle tendit le bras, écarta une fougère, et découvrit une clairière baignée dans la clarté d'une lune bleue.
Un feu de camp crépitait au nord de l'endroit, et auprès de celui-ci, un homme, ou plus exactement un gamin qui avait grandi trop vite, se tenait assis. Ereyne avança lentement vers lui, un pas après l'autre, et le découvrit. Son œil fut immédiatement attiré par sa chevelure couleur chlorophylle, puis elle remarqua sa stature. C'était un gringalet, il était plutôt grand mais n'avait que la peau sur les os. Nul doute qu'il pouvait bondir à tout instant et disparaître avant qu'Ereyne n'ait le temps d'ouvrir la bouche. L'image d'un impala dans la savane de son enfance lui vint en tête. Cet enfant évoquait tant de souvenirs en elle qu'Ereyne pensa l'avoir rencontré par le passé. Cette idée fut aussitôt repoussée, elle se serait souvenue de cette chevelure à la couleur si particulière. Et pourtant, cette âme lui parlait. Elle comprit.
— Tu viens d'El Dorado n'est-ce pas ? demanda-t-elle dans un murmure.
L'adolescent se retourna vivement, debout, une épée à la main.
— Cette arme n'est pas nécessaire, tu peux la poser, lui conseilla Ereyne en levant doucement une main. Je ne te veux aucun mal.
Il n'obéit pas, pas plus qu'il n'ouvrit la bouche, et pour cause. Ereyne, parée de tous ses voiles rouges flottant autour d'elle, ressemblait à une apparition mystique.
— Sommes-nous loin d'El Dorado ? demanda Ereyne afin de briser la glace.
— Pourquoi ? Vous aussi vous voulez nous emmener dans une ferme ?
Le ton était ferme, la voix emplie de haine et de colère. Ereyne réfuta aussi sec. Elle n'avait connaissance d'aucune ferme.
— Menteuse, vous n'êtes pas une proie, cela se voit, vous êtes propre, vos vêtements sont voyants, vous ne fuyez rien car vous ne craignez rien. Et vous ne savez pas où est la cité. Vous êtes donc l'une d'eux.
— De qui parles-tu ?
— Les hommes-loups, ils traquent tous les humains de la jungle, même ceux d'El Dorado.
— El Dorado leur est interdite, répliqua Ereyne. Aucun d'entre eux n'oserait pénétrer une cité sanctuaire.
Le garçon cracha par terre et rétorqua que s'ils n'entraient jamais à l'intérieur de la cité, si par grand-hasard ils capturaient quelqu'un en dehors de la ville et des terres sacrées la mort venait à coup sûr.
— Ils m'ont capturé, emmené dans une ferme et ont voulu me marquer pour faire de moi leur bétail. J'ai prié la déesse mais elle n'a jamais répondu à mes appels, je n'ai survécu que grâce à moi. Et Edolan est mort, dit-il en tournant la tête vers un petit monticule de terre un peu plus loin.
Ereyne sentit son cœur se serrer, la tombe était bien trop petite pour héberger un adulte. Une larme coula sur son visage tandis qu'elle sondait les âmes qui lui étaient demeurées fidèles dans l'au-delà. Aucun Edolan ne répondit à l'appel. Il était auprès de Dieu, ou bien damné en enfer.
— Je suis certaine qu'il est auprès de Dieu, Il accueille tous les enfants.
C'était autant un mensonge qu'un espoir. Il y avait tant de souffrance dans ce garçon qu'Ereyne ne pouvait que souhaiter l'apaiser, ne serait-ce qu'un court instant.
— Il n'y a ni Dieu ni Déesse. Il n'y a que des monstres.
Ereyne sourit malgré elle, Zelyan correspondait assez bien à cette description.
— Je m'appelle Ereyne. Et non je ne sais pas où est la cité, précisément. Je n'y suis pas retournée depuis des siècles, depuis la naissance en fait. Et je suis ici perdue dans la jungle.
L'adolescent la regarda, surpris et plus méfiant que jamais. Seuls les hommes-loups avaient une telle longévité.
— Vous mentez encore, si vous étiez née là-bas, et que vous portez vraiment le nom de la déesse, alors vous vous seriez suicidée plutôt que de devenir un loup. Les habitants de la cité sont loyaux à outrance envers leur déesse inexistante.
Ereyne fut vexée et flattée dans le même temps. La loyauté d'El Dorado lui allait droit au cœur, le déni de son existence, déifiée ou non, par l'adolescent frappait son égo.
— Pas ma naissance, celle d'El Dorado. Je suis Ereyne. J'en conviens je ne suis pas une déesse, mais la cité est sous ma protection et nul loup ne pénétrera entre ses murs tant que j'aurai un souffle de vie. Maintenant pose ton épée et dis-moi ton nom.
— Zagan, finit par dire le jeune avant d'obéir. Sa fine arme tomba au sol dans une chute amortie par une herbe dense.
— Je suis ravie de te rencontrer, Zagan, déclara Ereyne en avançant d'un pas vers lui avant de lui tendre une main amicale.
Zagan s'en saisit et l'immortelle fut prise d'un frisson qui lui traversa tout le corps. Un autre nom était venu résonner en elle. Un nom qu'une autre lui avait donné, récemment : Guerre.
— Tu l'as vue n'est-ce pas ? demanda Ereyne avant d'ajouter : une femme qui me ressemble. Tu l'as rencontrée n'est-ce pas ? Tu as vu ma mère.
Zagan recula d'un pas et acquiesça avec un sourire. Elle lui avait offert son épée, et avait promis qu'il pourrait changer le monde.
— Je tuerai tous les hommes-loups, et tous les fanatiques de la Foi qui pullulent dans la jungle. Mieux encore ils s'entre-déchireront jusqu'à l'annihilation totale des deux camps. Et enfin la paix reviendra. La jungle redeviendra plus vivante que jamais. Aucune créature n'aura plus à avoir peur.
Ereyne comprit qu'elle l'avait perdu, son âme ne serait jamais en paix. Zelyan avait raison, Eve préparait l'apocalypse. Zagan ne ressemblait pas à Valefor, Mort, encore innocent. Guerre était conscient de son statut, de sa destinée, il était prêt. Elle voulut poursuivre la conversation, elle ne pouvait l'abandonner ainsi avec sa haine, mais une présence toute proche et tout aussi dangereuse l'en dissuada. Elle se mit sur le départ.
— Me tueras-tu moi aussi ? Ou puis-je partir sans craindre un coup d'épée dans mon dos ?
Zagan regarda son arme à terre et haussa les épaules. Il n'était pas assez fou pour attaquer la fille d'Eve.
— Je te laisse alors avec ta colère. Sois assuré de mon soutien si un jour tu souhaites apaiser tes peines je serai là pour toi.
Sans plus tarder, et non sans rester à l'affut d'un mouvent brusque dans son dos, Ereyne s'éloigna et repartit dans la jungle. Elle ne fit pas 100 mètres qu'elle croisa Zelyan adossé à un arbre, l'attendant tout sourire.
— Alors, Guerre ?
— Sans commentaire !
Zelyan, goguenard, lui emboîta le pas, non sans lui faire remarquer qu'elle prenait la mauvaise direction.
— Je ne retourne pas à Aztlan, je veux rentrer chez moi.
— Soit ma douce, répondit Zelyan en lui saisissant la main.
Il la força à s'arrêter, lui quémanda un baiser d'au revoir et lui ouvrit un portail. Ereyne virevolta dans un tourbillon de fils luminescents et atterrit dans une petite salle circulaire aux murs de pierres sombres.
— Oh salut ! s'exclama une voix masculine derrière elle.
Ereyne se retourna et découvrit Lucifer, occupé à brosser les plumes de son aile restante.
— Lucifer ! – C'est moi ! — Que fais-tu au château ?
— Que fais-tu dans le pilier ?
Ereyne inspira profondément, ferma les yeux, puis les rouvrit, leva la tête, et hurla.
— Zelyan !
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Merci d'avoir lu ce chapitre !
Axel.
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