12. Conseil de guerre
Et l'on ne remerciera pas Elynion sur sa demande. ;-)
La caresse de l'eau fraîche sur sa peau était une bénédiction après ce temps passé dans la chaleur de l'enfer. En bas le temps était relatif, et la distorsion avec celui qui s'écoulait sur Terre n'était pas linéaire, elle dépendait de paramètres inconnus à Ereyne. L'immortelle soupira de contentement et observa la vue grandiose qu'elle avait depuis sa baignoire de marbre. Une mer de nuages s'étendait sous ses yeux. Les rayons du soleil s'y éclataient en mille nuances d'or et rouges. La beauté du ciel était immuable. Ereyne songea avec amusement que le paradis ressemblait probablement à ça. L'immortelle ferma les yeux, huma les senteurs de roses et se laissa un instant aller à la paix ambiante. La sérénité des lieux fut à peine troublée par l'arrivée d'une servante qui lui apportait une robe. La vampire paraissait jeune, elle avait les traits d'une enfant et une expression servile sur le visage. Cela eut pour effet de rendre Ereyne qui l'observait marcher le long du bain, suspicieuse. Les vampires qui paraissaient soumis l'étaient généralement le moins. Héra par exemple savait à l'occasion parfaitement simuler la servilité pour mieux poignarder dans le dos.
Ereyne saisit une grande serviette puis sortit de l'eau et s'en enveloppa le corps avant de la prier de décliner son identité. Elle se nommait York et avait près de quatre cent ans. Elle faisait partie de l'un de ces troupeaux nomades vénérant les vampires. York avait gagné son immortalité alors qu'elle était offerte en cadeau à Zeus avec une dizaine d'autres jeunes du troupeau. Le troupeau cet impôt deux fois l'an et en échange était autorisé à traverser les terres du vampire.
— Par quel miracle Zeus a-t-il décidé de te faire transformer ?
— Elle croyait qu'Héra était une esclave et s'est proposée pour la remplacer, dit Zeus derrière elle.
Ereyne sursauta et resserra instinctivement ses bras autour de sa poitrine couverte. Zeus glissa un doigt le long du cou de la vampire qui frémit de peur.
— C'était tellement tordant, reprit Zeus, Héra était dans une telle colère qu'on a décidé de récompenser la petite. L'un des descendants d'Aphrodite l'a mordue et Vesta s'est chargée de la dresser. Le résultat est impeccable ne trouves-tu pas ? Elle est presque aussi efficace que les morts du château, dommage qu'elle doive manger et dormir. Alors, qu'attends-tu pour habiller ta maîtresse ? demanda sévèrement le vampire. Dame Ereyne ne va pas siéger nue au conseil !
L'esclave, car c'en était une malgré sa nature de vampire, s'exécuta et avança la robe vers Ereyne qui jeta un regard lourd de reproches à Zeus. L'immortelle s'éloigna et se dissimula derrière un paravent. La vampire voulut l'aider à s'habiller mais Ereyne refusa tout net. Elle s'habillait seule depuis des milliers d'années, elle n'avait pas besoin d'assistance.
— C'est toi qui l'as choisie ? demanda-t-elle au vampire alors qu'elle examinait le tissu.
— Non, Aphrodite a tenu à le faire elle-même, soi-disant que je n'avais aucun goût.
— J'aurais pu le parier, murmura Ereyne en soupirant devant le tissu noir.
Elle avait l'air d'une nonne avec ce truc, dissimulée par le vêtement sans forme des pieds à la tête.
— Trouve-moi autre chose, ordonna-t-elle autant à Zeus qu'à l'esclave.
Aphrodite n'aimait pas la concurrence, mais à ce point c'était abuser. Zeus eut la divine idée de faire venir une couturière avec un échantillon de la collection actuelle. La mode était à la dentelle, le savoir-faire s'était perdu une centaine d'années plus tôt et Athéna avait ordonné à ses artisans de le ressusciter. Les connaissances ne devaient pas se perdre, la vampire veillait au grain.
Ereyne laissa ses doigts courir le long du tissu, il y avait longtemps qu'elle n'avait pas pratiqué cette activité paradoxalement reposante et stressante qu'était le shopping. Elle se décida, après un coup d'œil vers l'extérieur, pour une robe courte tout en dentelle jaune vif serrée sous la poitrine par une ceinture blanche. La coupe fut moderne à l'époque du Déluge, maintenant elle était « vintage ». L'immortelle se hâta de compléter sa tenue et, fin prête, suivit Zeus jusqu'à la salle du conseil.
Ni le lieu, ni ses occupants n'avaient changé depuis la fondation de la cité sanctuaire. Les descendants directs de Zeus prenaient place. Héra, Athéna, Aphrodite, Déméter, Artémis, Apollon, Poséidon et Hadès, Hermès, Arès, Dionysos, Héphaïstos et Hestia étaient tous arrivés et siégeaient déjà. Les Olympiens, comme les nommaient les anciens Grecs, se tenaient sagement assis sur leurs trônes respectifs et ne pipaient mot. Ils paraissaient même effrayés.
Le roi vampire fut surpris, jamais le conseil n'était calme. On les entendait de loin, même si les portes étaient closes. Les deux immortels pénétrèrent donc dans une salle de conseil mortellement silencieuse, ce que ne manqua pas de faire remarquer Zeus. Il tenta une plaisanterie mais ses sens étaient en alerte, ce n'était pas normal, rien dans cette scène n'était normal.
Son sang bouillonna dans ses veines et ses instincts « zelyaniques » se réveillèrent, quoi qu'il se passe, le vampire se battrait jusqu'au bout. Soudain, il sortit de sa cachette, derrière le trône vide de Zeus. Il avança vers le centre de la pièce et Zeus comprit les raisons qui poussaient ses fils à rester si sages. Lui-même n'avait plus qu'une envie : se faire tout petit. Eut-il été un loup, Zeus serait parti en jappant la queue entre les pattes.
Face à lui se dressait l'incarnation de la souffrance et du mal. Le corps bronzé par les feux de l'enfer, noir par la suie des volcans tumultueux, des trous jalonnant encore son torse et ses cuisses, Zelyan le toisait d'un regard profondément coléreux. Zeus eut l'impression que les trous sur le corps de son père se creusaient sur lui. Zelyan était de retour et il n'était pas content.
Ce fut Ereyne qui brisa la tension installée dans la pièce, du moins elle essaya.
— Zelyan, je n'osais espérer que tu arrives si vite, il faut...
Il leva la main gauche pour l'inciter au silence, ce qu'elle fit, question de survie. L'immortel marcha lentement autour de son fils, Ereyne s'écarta à son approche, et Zeus tenta de sauvegarder les apparences.
— Ce sont des églises que j'ai vu en bas ? demanda lentement Zelyan.
Zeus frémit, sa tête paraissait manquer de se détacher de son corps à chaque instant.
— Nous sommes proches de la route sainte, répondit Zeus. Michel est en France, sur le mont, Gabriel est toujours au Vatican et Jéhudiel a pris place à Jérusalem. Leurs forteresses bloquent tout accès au sud, sous la route sainte tout n'est que foi.
Zelyan grogna, ce n'était visiblement pas la bonne réponse. Zeus essaya d'expliquer comment Michel, le plus fort des archanges de Dieu, avait réussi à appliquer le plan, mûrement réfléchi à n'en pas douter, d'Adam. Il évoqua la duperie du Premier Home, si habile dans l'art de la manipulation, la manière dont il avait poussé les foules vers Gabriel, ce pape si bien choisi par les cardinaux humains que nul ne remettait en cause sa parole.
Zeus se noyait dans un flot d'explications mais Ereyne ne l'écoutait plus, une pensée lui avait traversé l'esprit, un présage de malheur. Elle repoussa tout d'abord l'idée, si elle s'était avérée vraie, Ereyne en aurait eu connaissance durant son séjour en enfer. Mais le doute s'installa, elle n'était certaine de rien. Elle fixa Zelyan, ne sachant si elle le questionner. Zeus était dans une position délicate et elle ne voulait pas envenimer les choses. L'immortel capta le regard de sa compagne et sut qu'elle avait compris.
— Dis-le, ordonna-t-il alors qu'il se tournait à présent vers l'assemblée et regardait chacun de ses membres. Dis-le ma douce et constate leur culpabilité.
— Osiris, murmura Ereyne, il est au sud de la route sainte, et Zeus l'a dit.
— Zeus a dit qu'au sud de la route sainte tout n'était que foi ! s'écria Zelyan.
Il provoqua un frisson de peur qui parcourut la pièce. Les dieux grecs tremblaient de toutes leurs âmes.
— Mon fils est enchaîné aux portes du Paradis et c'est de votre faute !
Ils allaient tous mourir, personne ne sortirait vivant de ce conseil.
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Merci d'avoir lu ce chapitre !
Axel.
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