Voilà ma première commande pour melanclaeys . Il est plutôt long mais vu que c'est ma série du moment, j'avais de l'inspiration. J'espère qu'il te plaira 🥰

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J'observe, j'analyse. Je tente d'assimiler chacun de ses coups, chacune de ses tactiques, de prévoir les mouvements de son adversaire pour reformer le jeu dans ma tête.

J'apprends comme ça depuis un bon moment déjà. Les échecs m'ont toujours intéressées d'aussi loin que je me souvienne. Plus jeune, je regardais mon père affronter son frère, aller dans de petits tournois qu'il remportait souvent haut la main.

Au début, il ne voulait pas m'y voir jouer. « Les échecs c'est la guerre sur une table, c'est un monde d'homme » disait-il à chaque fois que je voulais essayer. Puis vers mes six ans, j'ai commencé à cacher ses pièces de jeu pour le faire chanter et il a finalement cédé.

Depuis ce jour, je vois des échiquiers partout. J'apprenais uniquement en allant voir des parties jusqu'à ce que mon père m'offre, pour ma fête il y a quatre ans, mon tout premier livre sur le jeu; stratégies selon Benny Watts.

C'est à ce moment que je suis tombée réellement en amour avec les échecs. La profondeur des tactiques que j'ai découvert dans ce livre m'ont subjuguées, tout comme l'intelligence de son auteur. Je l'ai suivit, j'ai étudié ses parties et aujourd'hui, je le vois jouer juste devant moi.

Un verre à la main que je n'ai même pas encore touché, perdue dans le jeu qui se déroule devant moi à une vitesse folle dans ce bar de New York, je regarde Benny Watts éliminer un à un les adversaires qui se présente à lui.

Il est tout simplement exceptionnel. Au moment où vous prenez place devant lui, vous venez de signer votre arrêt de mort et par le fait même vider vos poches.

Une nouvelle partie commence à peine que déjà quelques minutes plus tard, le rouquin assis face à Benny plonge la main dans son veston pour en sortir cinq dollars. Les deux hommes se serrent la main et celui que plusieurs surnomment ici « le pirate des échecs » ouvre finalement la bouche pour la première fois de la soirée:

- Une autre ? La chaise est libre, messieurs.

Un silence naît aussitôt autour de la table. Benny sourit du coin des lèvres face à son blanchiment alors que même le plus soûl des hommes ici présent n'est pas assez suicidaire pour oser s'assoir fasse à lui.

En effet, il faudrait être fou pour miser de l'argent contre lui... ou folle.

Et il faut croire que je le suis puisque sans réfléchir plus longtemps, je sors de ma poche tous mes billets et les poses sur la table.

- Moi. Je veux jouer, je lance en prenant place sur la chaise face à Benny.

Son sourire s'élargit aussitôt alors que les regards surpris se posent à l'unisson sur moi. Mon regard croise le siens, joueur et plein de confiance et je sent l'humiliation arriver.

Je garde tout de même mon air impassible, presque froid, déterminée à me battre pour l'honneur même si la guerre est perdue d'avance.

La pendule est enclenchée et le blitz commence. J'avance un pion, puis il avance le sien. Je déplace mon cavalier en prétendant envisager un roque mais préfère plutôt dégager mon fou.

Je sors mes meilleures tactiques mais il semble tout prévoir d'avance à une vitesse folle, comme si il voyait au travers de ma tête. Il gagne du terrain tandis que moi je perds mes pièces une après l'autre.

La partie ne dure pas bien longtemps avant que ce ne soit l'échec et mat. Je couche mon roi alors qu'il récupère tous mes billets, satisfait.

- Bonne partie, mademoiselle, dit-il en me tendant la main d'un air fier qui ne fait que m'humilier d'avantage.

Je la serre brièvement et m'empresse de quitter mon siège. Pour la première fois de la soirée je prends une longue gorgée de mon premier et unique verre d'alcool. J'ai l'habitude d'en prendre toujours deux mais aujourd'hui, je compte uniquement terminer celui-ci et quitter cet endroit au plus vite.

D'un coup, je finis le liquide ambré et m'empresse de me diriger vers le comptoir pour payer. Le barman me connaît depuis un certain moment et j'ai pris l'habitude de payer mon dû seulement en quittant.

Machinalement, je plonge ma main dans ma poche mais je me fige aussitôt.

Putain, c'est pas possible d'être aussi idiote...

L'argent, je l'avais, avant de le flamber entre les mains de ce foutu Benny Watts.

Je m'apprête à tenter de trouver un accord avec le barman lorsqu'une voix soudaine s'élève dans mon dos:

- C'est bon, je paye, combien vous lui devez ?

- Non, ce n'est pas la peine monsieur, je commence en me retournant, je vais simpleme...

Je suis coupée dans mon élan par la vision des deux yeux bruns qui me fixent à travers l'ombrage du chapeau qui les surplombe. Je bégaye comme une adolescente devant un garçon alors que Benny Watts sourit grandement, amusé.

- Combien vous lui devez ? il répète en sortant des billets de ses poches.

C'est une vraie plaisanterie. Comme si le massacre qu'il m'a fait subir ne m'a pas assez humilié, voilà que je me retrouve obligée de céder et le laisser payer mon verre.

- Un dollar et vingt-deux cents, je finis par répondre froidement en détournant le regard.

Il pose aussitôt l'argent sur le comptoir et prend place sur un des tabourets, me regardant tout d'un coup fortement.

- Que voulez-vous ? je demande sans la moindre délicatesse en haussant les sourcils.

- Rien, mais je dois dire que j'aurais préféré un « merci » au regard que vous m'offrez en ce moment. On dirait que vous voulez me fusilier.

Je me pince les lèvres, légèrement gênée, alors qu'il demande un verre d'eau en rigolant avant de reprendre:

- Vous avez bien joué, mademoiselle.

- Mais vous m'avez battue.

- J'ai battu tout le monde ce soir, il répond en soupirant. Vous êtes probablement l'adversaire le plus redoutable que j'ai eu aujourd'hui, vous avez du potentiel. Dites-moi, quel est votre nom ?

J'hésite un instant à répondre mais lui tend finalement la main.

- Jack Ginger.

- Enchanté, Benny Watts.

- Oui, je sais... je veux dire, je suis enchantée aussi.

Il rigole de nouveau et commence à me poser des questions sur les échecs; depuis quand j'y joue, jusqu'où j'aimerais me rendre. Il commence alors à me parler des compétitions, de l'Ohio, de Vegas, Paris, Moscou. J'écoute ses paroles et rêvasse en m'imaginant aller aussi loin que lui.

- Vous savez-quoi ? Si ça vous intéresse, venez chez moi bientôt. Je vous apprendrai. Vous avez du talent Jack, je pourrais faire de vous une grande joueuse.

- Vous... vous êtes certain ? je demande en écartant les yeux, ne m'attendant pas du tout à cette proposition.

- Bien sûr, voici mon adresse, il dit en notant sur un papier un numéro et le nom d'une rue. Je suis libre mercredi prochain, venez à dix-neuf heure.

Un petit sourire toujours affiché sur son visage, il se lève de son siège et remet son chapeau qu'il avait enlevé le temps de notre discussion. Il me souhaite une bonne soirée et se dirige vers la sortie, me laissant avec l'opportunité d'une vie écrite sur un bout de papier.

*

Plusieurs semaines se sont écoulées depuis ma rencontre avec Benny Watts. J'ai finalement accepté sa proposition et je suis allée chez lui.

Nous avons joué, sans parier d'argent cette fois pour le bien-être de mon portefeuille. Il m'a appris, enseigné plus de choses que j'ai pu en lire dans tous mes bouquins.

Et puis nous avons recommencé, encore et encore, jour après jour, semaine après semaine. C'est devenu presqu'une habitude; nous jouons, mangeons un morceau et depuis un certain moment passons quelques temps pour discuter de tout et de rien.

J'ai découvert la personne qu'il est derrière le champion national que tout le monde voit sur les magazines. Derrière son air malin voir presque vantard c'est une bonne personne, plus que je le pensais.

- Quand tu as bougé le fou en d6 je dois dire que tu m'as surpris, il lance alors que nous sommes tous les deux assis au sol devant l'échiquier après une énième partie.

- Tu te fais prendre à tes propres pièges mon cher Benny.

Nous rigolons tous les deux et je bois une autre gorgée du whisky que j'ai apporté. Les effets de l'alcool commence à m'embrouiller l'esprit mais je ne m'arrête pas pour autant, ne voulant pas me prendre la tête avec le principe d'être résonnable ce soir.

- Dis-moi, je commence en le regardant dans les yeux, il n'y a rien d'autre que les échecs qui t'intéresse dans la vie ? Je veux dire, tu comptes vraiment créer ta vie autour d'un échiquier ?

Son sourire se dissipe aussitôt et il se pince les lèvres. Doucement, il m'enlève le verre de whisky des mains et alors que je m'attends à ce qu'il le dépose car j'ai trop bu il en prend lui même une gorgée.

- Pour être honnête, j'en sais rien. Je suis bon aux échecs, ça me rapporte assez pour vivre et je crois que ça me suffit. Tu sais, des pièces d'échec, ça ne risque pas de nous trahir.

- Moi je ne te trahirai pas, je répond d'une petite voix sans le quitter des yeux.

Machinalement, je replace une mèche de cheveux qui obstruait son visage sous son regard déconcerté.

- Qu'est-ce que tu fais..?

- Je ne sais pas, je dis en laissant ma main glisser lentement sur sa joue.

Mes yeux plongés dans les siens, les échecs semblent soudainement avoir perdu toute l'importance qu'elles avaient.

En ce moment, je ne pense qu'à lui, Benny Watts, mais pas le joueur professionnel qui m'a toujours impressionné, plutôt l'homme que j'ai découvert et que je crois être tombée amoureuse.

J'ignore si c'est l'alcool qui me pousse à faire ce qui est sur le bord de se produire mais sans réfléchir plus longtemps, je me penche vers lui pour poser mes lèvres sur les siennes.

La surprise passée, il répond doucement à mon baiser, glissant ses doigts sur mes hanches.

- On ne devrait pas faire ça... il murmure en resserrant sa prise sur ma taille, comme si il se battait intérieurement entre le désir et la raison.

- Peu importe, laisse-moi faire.

Après un moment d'hésitation, il cède finalement puis nous entamons ce qui devient vite l'une des plus belles nuits de ma vie.

*

Le corps dénudé sous les couvertures, je reprends lentement ma respiration en souriant bêtement.

Je suis sur le point de m'endormir lorsque la voix soudaine de Benny me fait descendre de mon nuage:

- Jack... c'était une erreur.

Ses paroles me font l'effet d'une douche froide. Je me retourne vivement vers lui, tenant la couverture contre moi.

- Mais pourquoi ? je demande en le regardant dans les yeux.

- C'est juste que... je préfère ne pas m'engager. Ça ne m'a jamais apporté de bon, la seule chose envers laquelle je sais que je peux avoir confiance, c'est les échecs. Tu comprends ?

Je pousse un long soupire et hoche lentement de la tête. J'attrape doucement sa main et cherche à rattraper son regard fuyant.

- Si tu n'essayes jamais, tu ne pourras jamais retrouver confiance en quoi que ce soit ou qui que ce soit. J'ignore ce que tu as vécu mais laisse moi une chance, laisse moi une chance d'être ta reine.

Un petit sourire naît au coin de ses lèvres qu'il pince simultanément. Il glisse une main dans mes cheveux et approche doucement son visage du miens.

- D'accord, après tout la vie c'est comme les échecs, on ne peux pas tout prévoir. Et c'est ce qui est fantastique.

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Voilà ! J'espère que ça t'a plu, j'ai eu beaucoup de plaisir à écrire cet imagine alors n'hésite pas à me donner tes commentaire, positifs ou constructifs c'est toujours très apprécié ! Bisous ❤️