Prologue
L'astre nocturne, haut dans le ciel, étincelait ce soir-là : c'était la Lune Rouge. Une fois par an, le satellite pâle prenait cette teinte écarlate et projetait alors une lueur étrange sur l'immense forêt qui s'étendait à perte de vue en dessous. La sylve était dense, et, elle était effrayante lorsque les ténèbres reprenaient leurs droits, mais, encore plus, lors de ces nuitées annuelles. C'était pour cette raison que personne n'osait s'y aventurer une fois le soleil couché. Pourtant, cette nuit-là, une silhouette s'y faufilait silencieusement. Elle s'arrêta une seconde puis reprit sa course. On pourrait penser qu'elle courait parce qu'elle avait peur. Non, la raison était toute autre. Elle se hâtait parce qu'elle était déterminée à arriver à l'heure. Elle était d'ailleurs déjà en retard. Alors elle se mouvait de plus belle.
La personne semblait connaître bien les bois. Malgré la pénombre, elle parcourait avec une aisance surprenante les chemins tortueux de ces derniers – ce qui était, en soi, un exploit. Elle regardait de temps à autre derrière elle, comme pour s'assurer qu'elle n'était pas suivie. C'était fort peu probable. Personne n'oserait la suivre dans la forêt de Tarris un soir de lune rouge, même si c'était pour tout l'or du monde. Il fallait être soit très stupide, soit très courageux ou même très suicidaire. De plus, personne n'arriverait à soutenir son rythme : elle semblait voler tellement elle s'élançait vite.
La jeune femme portait une cape blanche mais la lueur atmosphérique diurne lui conférait cette couleur carmin. Elle ressemblait à une apparition, un fantôme avec un sac sur son dos et un autre en bandoulière. Quand elle bougeait, on pouvait apercevoir des bottes blanches ou un pantalon noir.
Elle finit par s'arrêter devant l'entrée d'une grotte. Des lianes s'entremêlaient aux constructions, tant et si bien, qu'il était facile de passer devant sans la repérer. L'ombre hésita de longues secondes puis finit par entrer. Elle n'avait pas le temps de rêvasser ; elle devait agir et vite ! Sa décision avait été prise depuis des mois – voire des années. Elle ne pouvait pas se permettre d'hésiter : gaspiller du temps inutilement était un luxe dont elle pouvait se passer. La silhouette ignorait si ça allait fonctionner : c'était son premier essai et elle ne voulait pas attendre l'année prochaine pour retenter. Si elle échouait, c'en était fini !
Des pierres précieuses incrustées aux murs éclairaient l'intérieur. Cela donnait une allure sinistre à l'antre mais elle s'en fichait. Elle n'était pas là pour la décoration ni pour prendre les pierres incrustées dans les parois.
Elle s'immobilisa au bord du lac puis se désencombra. Elle déposa par terre les deux sacs qu'elle portait, se baissa pour fouiller dans son sac, d'où elle sortit une grande gourde qu'elle remplit d'eau claire du lac. Après avoir redéposé la gourde dans son sac, elle abaissa sa capuche pour dévoiler une tignasse d'un blanc immaculé, presque argenté, agrémentée de quelques mèches noires. Ses cheveux encadraient un visage angélique de couleur caramel. Ses yeux étaient d'un noir profond ; on pouvait presque s'y perdre. La jeune fille ne devait pas dépasser les dix-huit ans pourtant elle avait cette expression qu'avaient les adultes lorsqu'ils devaient prendre une grave décision. Elle enleva sa cape blanche brodée de fils d'or et d'argent pour la mettre dans son sac. Elle avait envie d'une bonne douche après la course qu'elle venait de faire mais encore une fois le temps jouait en sa défaveur : elle devait se contenter de laver son visage avec l'eau du lac. Elle en but également une gorgée puis elle se leva en prenant ses sacs et se dirigea vers les façades de la grotte.
Cette paroi était couverte d'étranges symboles. Elle passa son doigt sur les contours des symboles en psalmodiant des incantations. Elle parlait vite dans une langue inconnue, sûrement ancienne. Pendant un moment rien ne se passa et alors qu'elle avait peur de s'être trompée, les écritures se mirent à luire et l'air à onduler. Elle récita de plus belle en essayant de contenir son excitation. Elle pouvait le faire ! Elle allait y arriver !
Tout à coup, un passage se forma. Il avait la longueur et la largeur d'une porte mais elle savait que c'était tout autre. Elle avait construit un portail. L'euphorie du moment passée, elle hésita une seconde puis elle ramassa ses sacs à ses pieds. Elle jetait des coups d'il aux alentours pour s'assurer qu'elle n'avait rien oublié. Elle franchit alors le portail avec l'intention de ne jamais revenir.
La princesse de Tesiri n'était plus.
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