Chapitre 4
– Lyne !
Une voix suave et ... inquiète ? cria son prénom. Cela devait son imagination puisque lors ce qu'elle se retourna, – vers la provenance du bruit – seul le bruissement du vent semblait l'appeler. Lyne. Son troisième nom devenu son surnom – ou plutôt sa vrai appellation, pensant naïvement que changer de pseudonyme annihiler complètement son ancien elle. Mensonge ! De plus, son passé revenait à galop pour l'engloutir. Encore une fois. Ilyana Elvyr Lyne de Tesiri. Etait-ce cela sa vraie identité ? La jeune fille en doutait.
La voix entendue ressemblait cruellement à celle de son ami. Ihyes. Grave et réconfortante. Tout comme son caractère. Malgré son grand gabarit qui pouvait faire peur à plusieurs, le jeune homme ressemblait en tout point à un ange. Un ange, créature ailée disparue en ce jour que la princesse découvrit l'existence à Irondella, farceur et joueur.
Elle se remit en marche vers le portail, vu qu'elle s'était arrêté perdue dans ses réflexions. Néanmoins, elle s'immobilisa – encore une fois – pour faire un adieu digne de ce nom à cette forêt qui l'acceptait comme elle l'était sans rien demander en retour. Cependant, la jeune fille fût tellement surprise qu'elle trébucha lamentablement, traversant sans le vouloir la porte de retour et échoua piteusement de l'autre coté. Quelle rentrée fracassante ! Péniblement, elle se releva, laissant ce qui lui restait de dignité sur le sol en apercevant le roux en face d'elle. Pour se donner une contenance, la princesse essuya encore et encore sa pauvre tunique qui n'avait plus une once de saleté en observant le sol. Curieusement, la verdure avait un certain attrait ; elle en était fascinée.
Lorsqu'il lui semblait que la personne en face d'elle n'eût aucune intention de bouger et de partir loin d'elle, emportant avec elle sa honte d'avoir menti et bernée tout le monde, elle détacha son regard de ses pieds et ouvrit la bouche. Puis la referma. Sans un mot.
– Tu dois partir, vite, fut tout ce qu'Ilyana trouva à dire.
Elle était définitivement nulle en interaction humaine. Pas qu'elle l'ignorait, mais subsistait malgré tout en elle un certain espoir – une petite étincelle. La jeune fille voulut se frapper le front, mais ne désirant pas se ridiculiser plus encore, elle n'en fit rien. Alors l'ex-fugitive observa les alentours, tout sauf ce visage interrogateur parsemé de tache de rousseur.
– Non, pas avant que tu me dises pourquoi tu pars soudainement, répondit-il en regardant autour de lui. Et où sommes-nous?
A l'académie royale où l'ancienne fugueuse étudiait, elle n'avait pas appris les arbres ne voulant pas devenir paysagiste ou autre, mais il lui semblait reconnaître des chênes, des tilleuls très feuillus et d'autres arbres qui contribuaient à la diversité et à la densité de la plus grande forêt de Tesiri. Cependant, malgré des jours de vagabondage dans ces lieux, elle ne reconnut pas l'endroit. Ces bois faisaient deux fois la taille de la capitale, donc en soi cela ne l'étonnait guère. Cela voulait simplement dire que la donatrice n'avait plus beaucoup d'énergies et que par conséquent, si par malheur, quelqu'un, dont elle tairait le nom, venait par être coincé dans ce royaume, il n'en ressortirait qu'après des cycles lunaires et encore.
Ledit personne la regarda fixement.
– Qui es-tu ?
Mauvaise question ! Le temps presse : chaque seconde les fit encourir un peu plus de risque !
Elle se rendit alors compte, à cet instant, qu'elle avait ses cheveux au naturel : d'un blanc de neige.
– Je n'ai pas le temps de t'expliquer ! Crois moi, il faut que tu partes. J'ai créé un portail qui permet de se déplacer plus rapidement ! Dans quelques instants, il disparaîtra. Si tu te retrouves ici, à ce moment là, tu seras coincé à Tesiri ! C'est ce que tu veux ?
Tant pis pour la douceur, la délicatesse ou encore la honte des explications ; il y avait plus urgent. La jeune fille ne voulut pas qu'il soit témoin de cette partie de sa vie. Il ne fallait pas qu'il découvre qu'elle était le vilain petit canard de la famille, l'imperfection de cette lignée plus que parfaite, un oiseau aquatique qui se noyait contre son gré dans la mer obscure de son chagrin causée par les tourbillons d'injures, des flots de paroles condescendantes. Que malgré la flamme intérieure qui la consumait et dont elle ne pouvait le laisser jaillir faute de provoquer un nouveau scandale, que malgré la lumière que réfléchissait ses cheveux brillant, que malgré les nombreux pouvoirs en sa possession, elle s'enfonçait un peu plus chaque jour plus profondément dans la noirceur qui caractérisait ses yeux !
La princesse ne voulait pas qu'il sache que le seul moyen qu'elle avait trouvé pour surmonter ça. La seule particule de lumière qui fraya un chemin dans son esprit fut justement ses rêves. Des rêves de liberté, de voyages. Et faute de pouvoir assouvir ses espérances, elle se nourrissait de celles des autres ; dévorant inlassablement des livres de toutes sortes acquérant plus de savoir. Ce qui paradoxalement l'enfonçait plus qu'il ne lui libéra.
La rêveuse s'érigea alors un tour parmi les vagues fracassantes pour seul compagnie un petit oisillon, blessé par la tempête de dehors dans un nid de fortune, attendant le moment propice où ce bel oiseau prendrait son envol et partirait sans se retourner dans des contrées exotiques.
Ce jour arriva, mais l'oiseau était de nouveau de retour, toutefois, il doutait que la tour conserva son impassibilité qui la caractérisait.
Peut-être qu'Ihyes entendit son cri silencieux, puisqu'après un temps d'ahurissement ou de stupeur, il se résigna à repartir, cependant, le roux s'arrêta brièvement pour élancer son amie dans une dernière étreinte. La concernée fut surprise, mais le plaisir prit le dessus rapidement, alors, elle le lui rendit de bonne grâce. Son cœur lui serra également comme si une dizaine d'aiguilles dansaient dans cet organe démuni. Ihyes était son seul ami à Lanke et elle se désolait de le laisser.
– Tu reviendra n'est ce pas ? demanda alors celui-ci, avec une étincelle indéchiffrable dans les prunelles.
Elle savait que la probabilité était très faible, mais elle répondit par l'affirmative : l'espoir faisait vivre.
– Oui, je reviendrai maintenant file avant qu'il ne soit trop tard.
Le jeune homme se dirigea, – enfin – pour de bon, vers le passage, le traversa et puis rien. A leur grande stupéfaction, le roux était toujours à Tesiri. Désireux de vérifier qu'ils ne se trompaient pas, peut-être que ce n'était qu'un dysfonctionnement, Ihyes essaya encore et encore, en vain. Son cerveau refusa d'assimiler l'information car après tout, portail ne pouvait pas le bloquer dans un endroit inconnu, alors l'espoir de réussir lui fit réitérer plusieurs fois ses gestes. Au bout d'un moment qui semblait une éternité, le jeune homme s'arrêta et se retourna vers son amie, le suppliant du regard. Cependant, Ilyana était dans le même état que lui et ne pouvait l'aider plus que ça. Elle n'avait pas d'autre choix que de l'emmener avec elle à la Capitale.
– Tu ne pourrais pas faire un autre... portail ?
Hélas !
– Je suis désolée mais créer un portail prend énormément d'énergie, il faudra plusieurs jours voir plusieurs semaines avant de pouvoir le refaire.
Il voulait la convaincre, lorsqu'il entendit des bruits. Il vit alors deux étrangers : une femme et un homme. L'homme portait une épée dans son dos, et des petits couteaux s'accrochaient à sa ceinture. Les cheveux noirs corbeau, mâte de peau, grand : le guerrier avait une grande prestance. La femme, quant à elle, était pâle, possédait des yeux marrons presque noirs, et de longues boucles brunes encadraient son visage. Les yeux des deux inconnus s'agrandissaient de surprise.
– Qui est-ce ? demandèrent-ils en cœur.
Ihyes se posait la même question. Néanmoins, il se taisait et préférait se tourna vers Ilyana, cherchant des réponses à ses nombreuses questions. Il reconnut les deux personnages grâce à leurs entrées fracassantes il y a de cela plusieurs nuits dans l'auberge de sa tante, cependant, d'autres interrogations lui venaient en tête, et la jeune fille, Ilyana, ne semblait pas disposer à lui répondre.
– Tu peux me dire ce qui se passe ? Et qui sont ces étrangers ?
Elle devait s'attendre à ces questions, car elle semblait se résigner. Une ombre passa devant ses yeux, puis disparue aussi vite qu'elle était apparue. Si Osh et Stelia furent surpris que ce jeune homme tutoyait la princesse, ils n'en montraient rien. Après tout, ils ne la connaissaient pas plus que ça.
– Je suis la princesse de ce royaume, de Tesiri. Je me nomme Ilyana et je suis une... magicienne.
Elle n'utilisait jamais ce mot pour se qualifier, mais elle ne se s'en sentait pas capable de tout lui expliquer, si elle se disait appeler donatrice. Elle s'arrêta pour juger sa réaction. Son interlocuteur, Ihyes, la fixait, ébahi.
– Tu t'appelles Ilyana ? Pas Lyne ?
Il eut l'impression qu'il était trompé personnellement, son cœur supportait mal la trahison.
– Si, Lyne est mon diminutif que seul mes amis utilise... déclara Ilyana d'une petite voix.
Il n'était pas remit de sa trahison mais était soulagé qu'elle le considérait comme son amie. Il aurait tout le temps de connaître l'histoire de... cette princesse maintenant qu'il était coincé à Tesiri.
– Donc je peux continuer à t'appeler Lyne ?
– Oui, avec plaisir, répondit-elle d'une voix gênée.
Elle était très belle avec ses longs cheveux opalins. Ses yeux d'onyx le fixèrent avec insistance et son visage faisait une moue qui l'embellissait encore plus. Il rougit, puis entendit une toux : ils avaient oublié les étrangers, en tous cas il les avait oubliés. Il rougit de plus belle.
– Voici Stelia et Osh, ils sont originaires d'ici : ils sont venus me chercher... il y a eu quelques... problèmes... puis une prophétie est apparue... je suis la seule qui... c'est mon devoir en temps que princesse... de tout remettre en ordre.
Avant d'invoquer le portail, ils avaient tout le loisir de parler de la prophétie. Elle avait également eu le temps de réfléchir et de prendre une décision : elle ferait tout son possible pour que tout revienne comme avant, quitte à ce qu'elle y perdait la vie. Après tout personne ne la regrettera. C'était la seule façon qu'elle avait trouvé pour se racheter.
– Je suis désolée, mais je ne peux pas t'ouvrir un portail pour l'instant. Cela consomme beaucoup d'énergie et je dois en finir avec la prophétie le plus rapidement possible, dit-elle d'une voix ferme.
– Il faut qu'on se mette en chemin, on a de la marche à faire, intervint alors Stelia.
– Elle a raison, ce serait imprudent de rester ici à la tombée de la nuit, affirma à son tour Osh.
– D'accord, nous en reparlerons plus tard, ça te va ?
– D'accord, consentit Ihyes.
Il n'avait pas le choix, mais il se sentit inutile lorsque les autres prirent chacun un sac ; il n'avait rien apporté, n'ayant pas prévu cet escapade.
– Je peux porter ton sac si tu veux, déclara tout à coup Ihyes.
Ilyana voulait refuser mais en voyant sa tête, elle accepta.
– D'accord merci, répondit-elle à la place, mais je prends ça.
Elle prit une sacoche et le mit sur son dos. Osh et Stelia se mirent en marche suivit d'Ilyana et d'Ihyes.
Ils marchèrent ainsi dans la forêt de Tarris toute la journée, ne s'accordant que des courtes pauses.
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