Chapitre 2
Ilyana se réveilla, le souffle court, dans les ténèbres de sa chambre. Respirant avidement et avalant difficilement sa salive, la jeune fille essayait de se rassurer comme elle le pouvait. Elle avait fait un cauchemar, pour la première fois depuis son départ de son royaume pour être exacte. Serrant dans sa main son léger drap pour se donner contenance, la princesse s'éclaircit la tête.
Si elle en croyait son subconscient, elle était recherchée, ce qui était ridicule en soi, tellement que c'en était risible. Personne ne la regretterait de là où elle venait, car tout le monde lui imputait la mort de son père, le roi Karlo. Même sa mère aurait voulu pouvoir la renier, et à défaut l'ignorait. Quant à sa propre sœur, elle n'avait pas de preuves, mais elle était certaine qu'elle avait tenté de la tuer. La fugitive ne pouvait les blâmer, elle se savait coupable. C'était d'ailleurs une des raisons de sa fugue : elle suffoquait avec toutes les trahisons et les secrets de la Cour, et encore plus avec le poids de la culpabilité qui pesait dans son cœur.
Elle se leva et se faufila jusqu'au volet fermé. Elle l'ouvrit laissant entrer un courant d'air froid et humide. L'algide soudain transperça ses vêtements, alors Ilyana ouvrit le coffre situé au pied de son lit, sortant ainsi de leur abri un pantalon et une chemise qu'elle enfilait par-dessus sa tunique.
Elle restait quelques secondes sous la fenêtre, immobile, écoutant la pluie marteler les tuiles au-dessus du plafond haut et voûté, nostalgique. L'averse lui rappelait des souvenirs de jours pluvieux occupé à s'exercer à l'épée ou au tir, ses deux fiertés. Ses entraînements lui manquaient, mais elle avait omis d'emporter son arc. Considérant plusieurs fois ses options, elle mit ensuite une longue veste, ses chaussures et une cape noire. Ainsi que son épée.
La fugueuse s'insinua dans l'ouverture grande ouverte et sortit de la fenêtre, soucieuse de ne pas réveiller Tikia et Ihyes, elle ne prit pas la porte. L'air frais acheva de la raviver, la sortant pleinement de sa somnolence. Préférant la marche à la course, malgré son envie de se dégourdir les muscles, la jeune fille avançait en considérant sa situation.
Pourquoi et qui me recherche ?
N'ignorant pas sa situation, elle se savait déplaisante et indésirable, faisant une faveur au royaume en s'enfuyant lâchement comme un déserteur - c'était d'ailleurs ce qu'elle était inconsciemment devenue ! Alors pourquoi avait-elle ce pressentiment ? Elle reconnaît que toutefois, que son subconscient ne lui avait jamais fait faux bond et lui avait sauvé la vie plus d'une fois.
Elle pénétra dans la forêt, alors que le soleil refusait toujours de montrer le bout de nez, du moins de ses rayons. Estimant un temps d'entraînement d'environ de deux heures, l'épéiste était déjà excitée. Elle s'engagea vers le cœur de la forêt, là où les arbres était denses et les animaux plus nombreux. Là où on pouvait sentir l'âge et la puissance du lieu. Les sous-bois de ce genre était peu présente dans ce royaume d'hébergement, Irondella, et, il y allait de soi donc qu'elle s'installait à Lanke qui avait une frondaison dans sa périphérie. Depuis petite, elle avait développé une affection tellement intense à Dame nature, que celle-ci acquérait le pouvoir de le calmer lorsqu'elle était poursuivi par ses démons, ou tout simplement tourmentée comme aujourd'hui.
La princesse ressortit des bois déterminée, et convaincue du bien fondé de sa décision : elle partirait dans la semaine. Son subconscient ne l'avait jamais éconduit alors elle ne voyait aucune raison de ne pas l'écouter. Si effectivement elle était recherchée, elle n'allait pas rester ici à les attendre sagement. Elle voulait que sa liberté dure plus que deux saisons, mais elle avait quelque chose à faire avant son départ : se faire tailler son arc et ses flèches !
**
Le crépuscule des saisons était connu comme un havre de paix pour les voyageurs, et un endroit où les informations allaient bon train. Ce soir-là, l'auberge était remplie : des bribes de conversation s'échappaient des fenêtres. Malgré la fraîcheur de la nuit printanière, le feu et les souvenirs réchauffaient le cœur des voyageurs et estompaient les peines et les souffrances de la route. Des lanternes éclairaient la salle et les visages. Quand on rentrait dans l'auberge, une vague de chaleur accompagnée de l'odeur des pommes de terre et de viande vous submergeaient et vous apaisaient. Derrière le comptoir, Ilyana souriait, prenait des commandes ou distribuait les chambres. Tantôt, elle échangeait avec la patronne de l'établissement, Tikia, et dans ce cas, elle faisait le service.
Ce soir-là, Ilyana était dans la cuisine avec Ihyes - il préparait et elle servait le repas, lorsqu'on entendit un bruit. La porte venait d'être poussée avec fracas. On n'entendit pas un bruit lorsque les voyageurs entrèrent, ils étaient deux. Ilyana se dépêcha d'aller voir : elle se mit dans un coin où elle pouvait observer sans être aperçu. La jeune fille arriva au moment où Tikia ouvrit la bouche pour parler.
– Puis-je vous aider ? Demanda-t-elle aux étrangers.
– Je l'espère ! Soupira une voix qui semblait provenir d'une jeune femme.
– Nous sommes à la recherche d'une fille, expliqua un homme grand.
En disant ses mots, il enleva son capuchon et regarda dans tout les sens. Sa voix était grave et ferme, comme s'il avait l'habitude qu'on lui obéisse sans poser de questions. Lorsque ses yeux rencontrèrent ceux d'Ilyana, ses paupières s'ouvrirent davantage, révélant des prunelles d'un vert si intense qu'elles en paraissaient irréelles. Leur couleur émeraude contrastait violemment avec sa peau hâlée.
Elle frissonna quand il l'étudia, scrutant chaque détail de sa personne, de son visage à ses chaussures usées. Au bout d'un moment qui lui paru interminable, il souffla et détourna le regard. Elle en fut si étonnée qu'elle resta plantée là, à le dévisager. Ses cheveux noirs étaient trop brillants et ses yeux trop clairs et profonds pour appartenir à ce royaume. A cet instant, l'expérience acquise à force d'observer les gens ne lui fit pas défaut.
– Une fille ? C'est trop vague, il y a plein de jeune fille dans le monde, observa Tikia avec son flegme habituel.
– Elle est de taille moyenne, la peau caramel, les cheveux d'un blanc éclatant... énuméra l'homme en regardant l'aubergiste dans les yeux, impassible, sans un sourire.
Ilyana se figeai, le cœur battant. C'était impossible, strictement impossible. Mais il fallait se rendre à l'évidence : l'homme la recherchait.
Pourquoi ?
Toujours un mystère ! On l'avait peut-être envoyé pour terminer le travail que les mercenaires n'avait pas fini quelque saisons plus tôt. C'était improbable : elle s'était enfuie donc abandonné son droit au trône, par conséquent, sa sœur ne chercherait plus à la tuer. Non. Plus elle réfléchissait, plus c'était invraisemblable. Ce dont elle était sûre cependant, fut qu'ils voulaient la ramener à Tesiri or elle ne le voulait pas ; elle avait trop souffert.
A ces pensées, elle tremblait de tout son corps. Une peur irrationnelle s'était emparée d'elle, une peur sans fondement, pure. Elle ne pouvait plus rester dans la même pièce que cet inconnu ; elle avait envie de vomir.
Ilyana courut dans sa chambre, trouva le pot en dessous de son lit et s'enferma à double tour. Les cheveux teintes, n'utilisant ses « dons » qu'en de rares occasions, et, seulement quand elle était isolée, la princesse ressemblait parfaitement, d'un point de vue extérieur, à une jeune fille lambda comme elles en existaient des milliers.
Elle eut subitement envie de partir loin d'ici, mais elle savait que c'était irraisonnable. Ayant étudiée les stratégies, l'ancienne héritière de Tesiri concevait la peur comme l'ennemie des fuyards, la crainte d'être reconnu, le sentiment d'être qu'un vulgaire gibier, l'anxiété qui poussait à l'affolement jusqu'au paranoïa. Ilyana pouvait donc, sans peine, deviner qu'ils attendaient à ce que la personne traquée aspirait à s'enfuir dans la nuit, et alors, ils n'auraient d'autres choix que de la cueillir comme un fruit trop mûr. Adonc, elle s'efforça de se calmer.
Inspire, expire.
Sortant une amulette de son sac, elle observa le visage de son père dans l'image, puis le sien dans le miroir. Elle soupira, et se passa de l'eau sur le visage. Elle avait assez de fuir, d'être la proie.
Que sera sera.
Advienne que pourra.
Peut-être que finalement on se retrouvera plus tôt que je ne le pensais père !
Il ne fallait pas forcer le Destin. Elle se regarda une dernière fois dans le miroir, puis le déposa ainsi que le collier dans son sac. La recherchée sortit après avoir respiré une grande bouffée d'air, subséquemment ferma la porte à sa suite. Elle sentait que la soirée serait longue, très longue même.
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