Chapitre 19
Un manteau de noirceur voilait le monde, les quelque lueures de lumières émises par le soleil s'était ainsi retrouvées cachées. La nuit était présente, les étoiles et la pleine lune remplaçaient l'astre majestueux. Dans le château de la Cité royale, une silhouette s'avançait de manière furtive. Du moins elle essayait. Puisqu' avec ses hautes bottes sa démarche était ralentie et ne faisant que des petits pas pour ne pas être entendue. Voulant faire bonne impression - comme elle avait l'habitude de le faire - auprès de ses... compagnons. Oui compagnons était le bon mot, quoi que disciples serait plus judicieux !
Elle baissa sa capeline, une qui n'avait pas l'emblème royal - elle n'était pas aussi sotte, et se cachait derrière un mur lorsqu'elle sortit d'une porte de l'aile où elle se trouvait. Elle observa les rondes des gardes plusieurs fois puis déterminant que c'était le bon moment, courut vers l'écurie. N'ayant pas l'habitude de ce genre d'activité de roturier, elle s'essoufflait rapidement malgré la faible distance parcourut.
Ma sœur aurait su, elle !
La simple évocation d'elle la mettait en rogne : c'était de sa faute, et seulement de la sienne, qu'elle était dans cette situation ; encapuchonnée, les yeux brillants, le visage en sueur, le souffle erratique, le cœur battant, se cachant des gardes dans une écurie nauséabonde et sale avec les bêtes qu'elle détestait. Elle eut envie de pleurer mais elle se retint : elle ne lui donnerait pas cette satisfaction.
D'aussi loin qu'elle se souvenait, Auriana détestait sa jumelle. Depuis sa petite enfance, lorsque celle-ci avait commencée à avoir des particularités comme ses cheveux ou ses yeux. Peut-être depuis sa naissance lorsque l'aînée n'avait pas pleuré alors qu'elle sortait tout juste du ventre de la reine. On avait alors cessé de les comparer ! Tandis qu'elle faisait tout pour être la parfaite princesse, l'autre faisait tout le contraire - attirant ainsi l'attention sur elle, l'attention qui lui revenait de droit. Lire, écrire, rêver, éduquer, l'escrime étaient ses activités favorites ! Alors qu'elle apprenait les règles de savoir vivre, cette idiote apprenait l'équation, le combat. Ridicule !
Elle sortit de l'écurie pour se diriger vers la forge qui était à côté. Elle ouvrit la porte en bois le plus silencieusement et pénétra à l'intérieur. La jeune fille s'adossait à la porte pour se ressourcer, puis se levait pour regarder par une fissure la ronde de ses agents de sécurité, se rendant alors compte d'une chose.
Elle n'était pas seule.
Un jeune homme était avachi derrière une caisse de métal lors de son arrivée, d'où son incapacité à le discerner. Entre-temps, il s'était relevé, et le fixait avec des grands yeux. Elle fut tellement surprise qu'elle faillit crier - chose à éviter si elle ne voulait pas se faire repérer.
Respirant un grand coup puis s'armant d'un courage enfoui dans les tréfonds de son âme, elle se redressa.
- Qui êtes-vous ? demanda-t-elle avec une voix ferme et autoritaire.
Sa voix de tous les jours. Elle fût soulagée que celle-ci ne flanchât point. L'inconnu avança tout en faisant des gestes avec les mains.
- N'avancez plus ! Restez où vous êtes ! Et parlez, bon sang !
Il fit de nouveau des gestes puis voyant qu'elle ne comprenait pas, il désigna sa bouche et fit une croix. Cette fois-ci, la princesse comprit.
- Vous êtes donc muet ?
Il hocha la tête pour approuver. Elle se réjouissait de sa chance tout en étant sceptique.
- Que faites-vous à une heure pareille ?
Il montra du doigt une épée sur son atelier. Elle venait d'être forgée.
- Vous venez de le finir ?
Hochement de tête.
- Vous êtes le forgeron du château ?
Il hésita un moment puis secoua la tête. Songeuse, la jeune fille s'interroge. Pourquoi diable, faisait-il une épée à cette heure alors qu'il n'était pas forgeron ? Que voulait-il dire ?
- Ne dites à personne ma venue ici, est ce clair ?
Voyant que le jeune homme approuvait, elle s'avança. Il recula à son tour, les yeux brillants de peur.
- N'ayez pas peur, je ne vous ferai pas de mal. Je dois juste m'assurer que vous allez vous taire.
Ce fut ainsi qu'elle effaçât leur rencontre de la mémoire ce pauvre Juano. Ou du moins elle l'imaginait. Elle ignorait bien sûr que celui-ci venait d'une famille ennemie de la sienne. Une famille dont les pouvoirs royals n'eurent aucun effet sur leurs membres.
Elle était assez fière de ses pouvoirs mais depuis quelque temps, elle le méprisait, pas au point de le détester mais quand elle voyait la puissance de sa sœur... elle avait envie de hurler !
Tout revenait à elle, inlassablement, elle était obsédée par sa jumelle ! Elle la haïssait, elle mettait sur sa responsabilité chacune de ses malheurs. On disait qu'elles étaient unies comme deux doigts de la main quand elles étaient petites, mais elle doutait de l'authenticité des faits. Plusieurs rumeurs circulaient parmi les domestiques mais cela ne signifiait pas qu'elles étaient exactes !
Elle se rappelait qu'enfant déjà, elle était jalouse de sa sœur. Elle voulait jouer avec elle, qui lui semblait si libre tel un oiseau. Cela n'a pas changé d'ailleurs, Ilyana a toujours été la plus rêveuse. Toujours était-il qu'elle voulait gagner de son affection mais celle-ci ne faisait que la regarder avec un regard hautain et supérieur. Comme si elle était plus basse que terre. Elle se rémora alors sa détermination à lui faire ne serait ce qu'esquisser un sourire et aussi de son échec : elle ne cessait de la regarder avec mépris. Puis, l'amour et l'affection qu'elle lui portait s'est changé en une sorte de colère et d'aversion. Elle faisait tous pour lui l'embêter jusqu'à déchirer ses peluches préférées ou à accaparer tout l'amour maternel.
Puis tout avait dégénéré.
Leur père était un des seuls qui portait un semblant d'amour à son aînée. Naturellement, elle avait essayé de changer la donne. Le plan était simple, il suffisait de mettre l'ancien roi en colère contre sa fille et qu'il lui dise des choses horribles.
Sa grande sœur était très susceptible quand il s'agissait de leur père, elle ne comprenait toujours pas pourquoi d'ailleurs. Auriana se doutait que son géniteur ne fût pas particulièrement irritable. Il était surtout connu pour son calme et sa sagesse à toute épreuve. Alors la jeune princesse, le jour de son septième anniversaire avait versé une dose conséquente de potion de colère.
Le plan s'était déroulé à merveille.
- Aujourd'hui est un jour important ! Avait commencé Karlo, le défunt roi. Nos deux princesses sont maintenant des jeunes femmes : elles fêtent leur septième anniversaire ! Une d'entre elle serait le prochain souverain tandis que l'autre le secondera dans les affaires du royaume ! Nous avons de la chance d'avoir des héritières aussi talentueuse. La première a tout d'un futur dirigeant ; excellente cavalière, un esprit stratégique et je le conçois des grands pouvoirs ! La deuxième est d'une beauté sans égale, une grande intelligence, un savoir de la politique de notre royaume. Elles sont complémentaires tout en étant antipodes. Le feu et l'eau ! L'air et la terre ! Elles forment ensemble les quatre éléments. Longue vie aux altesses royales, avait -il terminé en levant son verre.
Il s'était assis à sa place, à côté de la reine, aux extrémités de la table. Auriana était assise à côté d'Atashya tandis que sa jumelle aux côtés de leurs souverain. Excitée de voir si la potion avait marché, elle attendait avec impatience sa réaction.
- Père ?
- Qu'y a t'il Ilyana ? Tu n'es pas contente de ta fête ?
- Si mais je réfléchissais...
- À quoi réfléchissais-tu, mon enfant ? Tu sais que tu peux tout me dire non ?
Auriana regardait en silence la conversion. Du haut de son jeune âge, elle était jalouse de leur relation. Si fusionnel ! Elle mordilla sa lèvre.
- Savais-tu dans certaines contrées lointaines, le blanc est couleur de pureté ?
- Où as-tu déniché ça ? Avait ri le roi.
- Dans un livre. À la bibliothèque, ils ont pleins de livre, avait-elle simplement répondu, les yeux brillants d'excitation. Savais-tu que les dragons sont en faits des hommes qui se transforment ? D'après la légende ils seront maudits et alors peu après leur seizième anniversaire ils mutent en créature ailée. Ce serait super de voler, n'est-ce pas ? Sentir le vent sur le visage... j'aimerai beaucoup. Juste une fois.
Elle s'était perdue dans ses rêveries, les yeux dans les vagues.
- J'ai emprunté un livre sur la Période Sombre. Je le lirai demain je pense... j'aimerai tellement plonger dans les livres... je veux dire toucher un livre et être aspiré... vivre des aventures... partir dans des quêtes comme dans mes ...
- La Période Sombre dis-tu ? As-tu pris les livres sur les dernières étagères ? Tu sais très bien qu'ils sont interdits pour les enfants !
- Mais père, vous avez dit que je pouvais lire tous les livres que je voulais...
Elle pleurnichait, Auriana voyait sa bouche trembler. Elle sentait qu'elle était blessée car elle avait vouvoyé leurs géniteurs. Elle le faisait seulement quand elle était déçue ou triste.
- Et bien ma fille, j'ai eu tort ! Je t'interdis de prendre des livres à cette bibliothèque ! Tu m'entends ? Jamais, même pas un livre... tu iras remettre ces histoires à leur place... j'aurai dû m'en douter... tu es trop jeune. Tu comprends ? Trop jeune pour ce genre d'histoire ! Pourquoi tu ne fais pas comme ta sœur pour une fois ?
- Mais père vous avez dit que moi et Auriana sommes des jeunes filles maintenant !
- Il n'y a pas de mais qui tienne, jeune fille ! Je suis le roi, tu obéis. À partir de demain, tu ne liras point. Tu sais ce que pense les autres n'est-ce pas ? Ce que pensent la Cour de toi ?
Elle hocha la tête.
- ils pensent que tu es un monstre. Une anomalie.Fatigué, il soupira.
- Et vous ? Que pensez-vous de moi ?
- Je ne peux pas nier le fait que tu sois... particulière. Mais en sept ans, tu n'as jamais fait de caprices, tu ne fais que lire, n'observant pas le monde autour de toi, tu ne fais que rêver. Parfois je doute que tu sois avec nous alors que nous te parlons. Tu ne fais que nous fixer les yeux dans les vides. Cela fait peur, sainteté ! Et tes cheveux... et tes yeux, on dirait des démons ! Aussi noir que tes cheveux soit blanc !
- Donc pour vous aussi, je suis un monstre ? Pour vous aussi je ne mérite pas de vivre ? Auriez-vous oublié votre promesse ?
La brune observait Ilyana qui fixait leur géniteur avec insistance. Elle aurait juré voir ses yeux changer de couleur. À ses cotés, le roi avait pâli. Il semblait se rendre compte de ce qu'il venait d'avouer.
- Je vous déteste ! Je vous hais ! Vous pouvez mourir, je ne le regretterai pas ! Vous n'êtes pas mon père !
- Ilyana ! Il suffit ! s'était exclamé la reine outrée.
Pour toute réponse, la princesse s'était tourné et Atashya ainsi que sa plus jeune fille ne purent retenir une exclamation. Ses yeux avaient vraiment changé de couleur- c'était plus qu'une impression. Elle était aussi argentée que la lune. Ses cheveux immaculés s'était soulevée tandis que la table tremblait. Pour la première fois, elle eut peur de sa sœur.
- Je vous déteste aussi chère mère ! Je sais que si vous saviez qu'un monstre sortirait de votre ventre, que vous n'aurez pas hésité à m'avorter ! Pourquoi ne pas tuer l'aberration qui vit entre ces murs ? Pourquoi me garder en vie si c'est pour me faire souffrir jour après jour ? Ou avez-vous seulement peur d'avoir ma mort sur votre jolie conscience ? La seule chose que j'ai pour oublier ma souffrance et ma désolation est les livres et vous voulez me les enlever ! Allez-y, regardez-moi mourir à petit feu ! Regardez comment la princesse maudite se consume peu à peu ! Regardez comment la joie s'envole jour après jour, emporté par le courant de son existence ! Je vous déteste !
Puis elle disparut.
En une fraction de seconde.
Le plan s'était déroulé à merveilles, mais il y a eu un mort.
Le roi Karlo.
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