Chapitre 18
Ilyana était sans voix, émerveillée, face au spectacle qui se dévoilait devant ses yeux - se dressait serait plus adéquat. Dans la végétation luxuriante, s'élevait, majestueusement, un mur de lumière.
Inébranlable.
Imprenable.
Au cœur de la forêt, au milieu des arbres resplendissants et plantureux, il lui était possible de ressentir la magie dans chaque parcelle de son être, dans l'air qui ondulait, pur, dans les feuilles voltigeantes et efflorescentes, parmi les oiseaux qui chantaient gaiement en haut de leurs perchoirs ou des bêtes qui en les voyant s'étaient enfuit, mais qui les observaient de loin, curieux face à cette étrangère au cheveux blancs.
- N'aie pas peur, c'est Clypeus : le bouclier naturel de Bestialiter.
Comme pour corroborer ses propos, Ashley s'avançait.
- Regarde !
Elle proférait alors une sorte de poème, dans une langue jusque-là méconnue aux ouïes de la princesse. La broche, sur ses vêtements, se mit à scintiller et elle tendit ses mains pour attraper de la lumière. Bien entendu, elles se refermaient sur le vide.
- Viens !
L'air, frémissant, et le rayonnement se dispersèrent, dévoilant le secret jalousement gardé depuis des générations, et accordant, de ce fait, l'autorisation de pénétrer l'antre des Bestials.
Bestialiter était saisissante. Tout était fascinant, depuis le moindre détail perceptible à cette distance, et l'énorme tour perceptible au loin, scintillant à la clarté du jour. La cité bénéficiait d'une taille démesurée et d'une structure particulière - la nature dominait la construction, la végétation et l'architecture ne faisant qu'un. Son regard revenait inlassablement sur la grande tour, en ivoire semblait-il, suspendu dans les airs. Les autres bâtiments avaient l'air ternes à côté, formant une sorte de spirale, et, le donjon suspendu se situait au milieu. Plus elles s'avançaient vers celle-ci, plus la ville semblaient sophistiquée, quittant ainsi rapidement les rues de terres battues, à profit de celles en pavées.
- Ash !
Elles se tournèrent vers l'origine du bruit. Un garçon, haute de taille, élancé et pourvu d'une fine musculature - de ce qu'Ilyana pouvait en déduire en voyant les contractions de celle-ci sous le tissu souple de ses vêtements, et, vêtu de noir et de vert pointait une flèche dans leur direction. Des yeux d'ors, des cheveux noirs corbeaux et des traits délicats, le jeune homme transpirait la grâce, de par son accoutrement - plus que distingué, sa chevelure parut parfaitement soignée et domptée - et de sa posture.
- Steph !
Ashley courut vers le dénommé Steph, en pleurs. Ainsi donc, c'était lui Stephan ? Elle voulut les rejoindre, mais, l'inconnu en vert pointait toujours la flèche en sa direction.
- Ne bougez pas ! siffla-t-il avec une voix grave presque guttural, contrastant remarquablement avec sa silhouette presque juvénile tant il était fluet. Vous avez fait pleurer ma sœur ! Comment osez-vous ? Les larmes sont sales et dégoûtantes. Il la regarda en fronçant les sourcils. Vous êtes répugnante : vous êtes couvertes de boue et de sang !
Il tressaillit.
Ilyana s'offusquant, furieuse, tant, qu'elle songeait à s'en aller, n'étant de bonne évidence pas la bienvenue. Comment osait-il lui manquer de respect ainsi ? Elle était couverte de sang et de boue, certes, mais n'avait-elle pas une bonne excuse ? Elle devait combattre les orcs et ce n'était en aucun cas de sa faute si lesdites créatures vivaient dans des zones marécageuses ! De surcroît, elle s'était battu pour sa sœur ! Alors certes, elle était sale, mais ne méritait-elle pas de la reconnaissance au lieu de ce mépris dont elle avait eu droit ? Elle fulminait, faisant presque demi-tour, lorsque la plus petite intervint.
- Steph ! Arrêtes ! Ilyana est mon amie !
- Ton amie ? Répéta le dénommé, incrédule, ouvrant la bouche plusieurs fois, cherchant ses mots. Il finit par baisser son arc et déclara tout en fixant sa sœur :
- Toi aussi tu es répugnante ! Viens te laver ! Tu me raconteras plus tard.
Il scruta Ilyana, méfiant, mais finit par baisser les yeux, faute de trouver à redire. Il tournait les talons et commençait à s'éloigner. La jeune fille fixait son dos lorsque Ashley, son amie, lui tendit la main.
***
L'amour fraternel était une chose nouvelle pour Ilyana. D'aussi loin que remontait sa souvenance, son unique sœur - jumelle en prime, ne l'avait pas portée dans son cœur. Auriana et elle n'avaient rien en commun, si ce n'était de n'avoir partagé le même ventre et les mêmes parents. On spéculait le contraire au château, mais la jeune fille, ayant pris l'habitude d'ignorer les bruits courants, ne prirent ces choses au sérieux, étant également convaincu de l'authenticité de sa mémoire.
Sa sœur avait tout pour elle, avec ses longs cheveux bouclés d'un châtain clair qui lui conférait, incontestablement, une beauté renversante, ainsi que les faveurs de la reine et de la Cour. Que voulait-elle de plus, elle, qui avait acquit puissance et respect ? Pourquoi s'acharnait-elle à faire de sa vie un enfer ?
La châtaine était capricieuse dès leurs plus jeunes âges, convoitant tout ce que sa pauvre jumelle eut le malheur de posséder, que ce soit matériel ou non, que ce soit une poupée ou simplement l'attention paternelle.
Ilyana laissait passer cette jalousie maladive en se rassurant comme elle le pût, se disant que cela passerait avec l'âge, que sa jumelée mûrirait, quel douce utopie ! Cette pensée fût abandonné le jour même où elle engagea des mercenaires pour la tuer. Qu'espérait la jeune fille au juste, qu'elle abandonna son droit à la trône ? Elle ne voulait pas être reine, elle ne voulait pas être née princesse héritière. A vrai dire, elle en venait à regretter sa naissance.
Sa rencontre avec Ihyes, Osh et Stelia l'avait changé. Elle avait plus confiance en elle et s'aimait plus d'une certaine façon.
- Donc, Ashley m'a conduit vers les Orcs. Je les ai observés pendant plusieurs minutes pour savoir comment les vaincre.
Elle mangeait un morceau du gâteau que lui avait offert l'hôte et buvait une gorgée d'une boisson verdâtre de nature inconnu.
Encore un changement. Elle sourit au songeant au passé.
Avant, elle n'aurait jamais accepté de manger et de boire chez un inconnu - non humain de surcroît - mais son instinct lui dictait de lui faire confiance à ce maniaque de la propreté. Ilyana avait été, grandement, étonnée de voir Stephan nettoyer avec ardeur le sol sur lequel ils avaient marchés. Elle l'avait fixée, béate, astiquer les objets dont ils avaient utilisés pour ensuite se laver les mains avec une substance lavante. Trois fois. Pendant ce temps, Ashley était envoyée à la bassine pour se laver.
La maison brillait. Littéralement.
- Elle m'avait dit avant que ces créatures étaient nocturnes et donc dormaient la journée, comme elle. J'ai attendu le lever du jour et il a été, alors, facile pour moi de les vaincre. J'ai récupéré la broche qui était tombé dans la boue.
A ces mots, Stephan frissonna.
- Elle m'a ensuite montré le chemin de Bestialiter. La suite vous la connaissez !
- Je vous remercie, du fond du cœur, souffla son vis-à-vis en lui prenant la main. Je n'ose pas imaginer ce qui lui serait arrivé sans votre aide ! Vous êtes quelqu'un de très courageuse : fouiller dans la boue comme vous le faites...
Prenant alors, bien que tardivement, conscience de sa posture, l'ailé rougit et enleva sa main d'une prison de microbe, selon lui. Il faucha, de ce fait, une serviette de sa poche, miraculeusement, et s'essuyait avant d'appliquer une tonne de désinfectant. Encore une fois.
Ilyana sourit en se rappelant son erreur, son offense avant d'avoir su la vérité. Avant de découvrir que c'était dans sa nature d'être aussi méticuleux et que ce n'était, en aucun cas, personnel.
- Je te serais à jamais reconnaissant, reprit-il en retrouvant son calme et sa propreté, du mois supposait-il. Si tu as besoin de quoi que ce soit n'hésite pas et dans la mesure du possible, je t'aiderai ! Tu es désormais l'ami des bestials et tu as la possibilité de pénétrer dans n'importe lequel de nos villes.
- Il en existe d'autre villes comme ça ? s'exclama Ilyana, surprise.
Elle ignorait l'existence de ces êtres et se questionnait grandement. Pourquoi n'y avait-il aucune traces d'eux dans les livres d'histoire et de géographie ? D'après la cartographie des experts, cette forêt devait être inhabitée, du moins, de personnages dépourvus de conscience. Or, elle avait la sensation, et c'était plus qu'une impression, que les habitants de cette cité avaient de l'esprit, malgré leurs apparences un peu bestiales et leurs cultures sauvages, si on prenait en compte leurs méfiances vis-à-vis des étrangers. Qui devait être compréhensible, d'une certaine façon, après tout, elle méconnaissait l'histoire de ce peuple tout à fait fascinant, et les épreuves qu'ils ont dues surmonter pour éprouver cette rancœur envers les humains. C'était à peine s'ils ne voulaient la tuer. Ils ont d'ailleurs essayer mais Stephan les avait dissuadés à coup d'argument que la jeune fille ne comprenait pas, vu son inconnaissance de leur langue.
- Bien sûr ! Nous sommes bien plus nombreux que vous ne pouvez l'imaginer !
- Pourquoi je n'ai jamais entendu parler de votre existence ? Je veux dire, aucun livre ne parle de vous... c'est somme si vous n'existiez pas pour nous !
- Il a été ainsi ! Les humains ont étés terrifiés par notre existence, il y a fort longtemps. Ils pensaient qu'on était des aberrations, des rejets de la nature !
Ilyana se reconnût à travers ses mots.
- Ils ont alors décidés de nous éliminer. Cependant, nous étions assez nombreux et les animaux, ainsi que la nature, étaient de notre côté. Il s'en aie suivi toute sorte de malédiction et de tragédie parmi les humains. Il y a eu alors une sorte de trêve ! Une entrave ! On nous interdisait de nous mêler aux humains. Nous devrions rester loin de vos villes !
Il s'endigua un instant.
- Il y a quelque années, des créatures ont commencé à apparaître dans la forêt. On les appelle des Orcs. Ce sont des bestials qui ont succombé à la folie, à la colère. Ils ont, pour la plupart, utilisé un sort interdit. Ils sont de plus en plus nombreux. Ils capturent des bestials pour faire toutes sortes de choses immorales. C'est pour cela que je vous remercie vraiment d'avoir sauvé ma sœur, finit-il les larmes ruisselant sur son joli visage.
Ilyana, ignorant la marche à suivre, l'entourait de ses bras. C'était une action involontaire et incontrôlable d'elle-même, stupide également si la princesse considérait sa réaction tout à fait disproportionné récemment à cause d'un frôlement qui a trop duré entre leurs deux mains. À sa grande surprise, il ne se dérobait pas, profitant pleinement du certain réconfort qu'apportait la jeune femme à profit de ne pouvoir changer le passé et la cruauté des humains. Elle médita tout le temps que dura leurs étreinte, plusieurs secondes, à moins que ce n'était-ce des minutes, oubliant peu à peu leurs différences.
Elle ne se reconnut pas. Était-ce la fatigue ? Son insomnie durait des jours maintenant.
- Steph ? murmura une petite voix.
Ashley se trouvait dans l'encadrement de la porte, s'étant endormie après sa douche, et, lorsque Ilyana avait fini la sienne, elle s'était retrouvé en tête à tête avec Stephan.
Il se dégageait alors, essuyant ses larmes.
- Beurk ! C'est dégueulasse ! Hurla-t-il en courant dans la salle de bain. Ilyana et Ashley éclatèrent de rire, amusées.
Bạn đang đọc truyện trên: Truyen247.Pro