Je me souviens. Le 27 octobre 2017. C'était pendant les vacances de la Toussaint, en plein automne. Les feuilles mortes commençaient à se poser sur le sol, se détachant après une simple brise. Les beaux arbres noueux sentaient la sève et étaient fournis d'un tourbillon de feuilles rouges, orangées ou dorées. C'était mon anniversaire et tu m'avait promis un truc génial, si j'allais à 19h00 au Gros Caillou, vous savez, l'endroit dans la croix-rousse où on voit tout Lyon. Avant ta rencontre, Daphné, ce truc génial aurait été une séance shopping, une sortie à la discothèque, ou juste une rencontre avec les mecs et les filles les populaires du collège, à discuter en écoutant du rap, assis sur le Gros Caillou. Évidemment, tu m'avais réservée tout autre chose.

Quand je suis arrivée, tu étais déjà assise sur les bancs, emmitouflée dans un plaid en coton rose pâle.C'est vrai qu'il ne faisait pas chaud à cette période de l'année.

"Joyeux anniversaire, Eliza," m'as tu chuchoté.

J'ai vu alors qu'un autre plaid, lui bleu, attendait plié à tes côtés. J'ai immédiatemment compris le message et me suis enroulée dans la chaude et douce couverture. Tu m'as alors donnée une tasse fumante de chocolat chaud, je l'ai saisie, et j'ai commencée à le siroter, assise à côté de toi sur le banc. Lorsque j'allais te demander à quoi rimait toute cette histoire, tu as posé un doigt sur mes lèvres, un sourire taquin sur ton visage.

"Chuuut ! Ça va bientôt commencer."

Tu as bu une gorgée de chocolat, puis tu m'as dit :

"Je t'ai réservé un petit spectacle. Ferme les yeux."

J'ai obéit, intriguée.

"Maintenant, tais-toi et ressent pleinement tes cinq sens."

J'ai goûtée le lait chaud. Il était tiède et un peu sucré. La poudre de cacao me chatouillait la gorge. J'avais l'impression qu'il était un peu miellée, bien épais, doux et crémeux. Puis j'ai respirée un grand coup. L'odeur de miel mélangé au parfum de sève était rafraichit par l'humidité de la brise. Le vent se mêlait à mes cheveux châtains, les faisant voler par-derrière. Les chants de mésanges bleues se répercutaient dans la place, et le joyeux cui-cui que les moineaux répétaient avec gaieté faisaient frissonner mes tympans.

C'est alors que tu m'as chuchoté :

"Vas-y, ouvre les yeux !"

Je les est ouverts et j'ai vu un spectacle à couper le souffle. Un soleil aussi rouge que le sang descendait harmonieusement derrière les centaines d'immeubles orangés du Vieux Lyon. Le ciel, derrière lui, était dégradé de jaune, doré et orangé, tant dis que des nuages aussi fins qu'un fil de fumée miroitaient de rose fushia à la lumière du soleil couchant. Une multitude d'oiseaux noirs volaient et tourbillonnaient dans l'infini orangé.

J'ai admiré encore un peu le magnifique coucher de soleil qui s'offrait à moi quand j'entendis un son cristallin, joyeux et doux. Je me retournais vers toi et je vis que c'était toi qui riait à gorge déployée, les yeux fermés et tes longs cheveux noirs jouant dans le vent. Tu riais, profondément heureuse, tu riais aux éclats tandis que les gens autour de nous te regardait comme si tu étais folle. Mais toi, tu t'en fichais, tu étais heureuse et il n'y avais que ça qui t'importais.

Quand tu t'es calmée, je t'ai demandée pourquoi tu riais comme ça. Et tu m'as répondu, tout simplement :

"Parce que je suis heureuse."

Heureuse ?

"Pourquoi ?

 - Je ne sais pas. On a tous une bonne raison pour être heureux, non ? Peut-être que je suis heureuse parce que je n'avais jamais remarquée à quel point les mésanges chantaient bien. Ou peut-être que c'est parce que ce coucher de soleil est magnifique. Ou alors parce que je suis là, avec toi, mon plaid et mon chocolat chaud, à admirer la vue sur Lyon, avec toi."

J'ai réfléchit quelques instants à ses paroles. Daphné me regarda, l'air inquiet.

"Pourquoi tu me demande ça, Eliza ? Est ce que tu es heureuse ?"

Une centaine d'émotions se bousculèrent dans ma tête. Était-je vraiment heureuse ? Je n'en savait trop rien. Bouleversée, je me suis retournée vers le magnifique paysage.

C'est à ce moment-là que j'ai commencée à pleurer.