"DRIIIIING !!!"

Encore à moitié endormie, je tape sur le dessus du réveil pour l'éteindre, puis je me lève. Je prend une douche chaude, choisi avec soin une tenue branchée dans ma garde-robe et opte finalement pour un jean skinny noir troué aux genoux, un joli top bordeaux, une veste en cuir et des boots noires. Je boucle soigneusement mes cheveux châtains et les laisse tomber librement sur mes épaules. Je me maquille rapidement et descend en trombe dans l'escalier.

"Tu viens déjeuner, Eliza ? demande mon père, lui même assis à la table de la cuisine, une tasse de café dans une main et une tartine débordante de miel dans l'autre.

 - Papa ! soupirais-je, exaspérée. Tu sais bien que je suis au régime !

 - Au régime ? Mais tu as déjà une taille de guêpe ! Ne détruis pas ton corps comme ça et pense un peu à ta santé !

 - J'ai rendez vous avec Jennyfer et Yasmine devant le collège," dis-je pour esquiver une longue conversation sur les besoins du corps humain.

Je déteste avoir un prof de bio comme père.

J'attrape mon sac à dos et fourre mes cahiers dedans avant de le mettre sur une épaule, puis j'ouvre la porte de la maison pour sortir.

"A ce soir, ma chérie, fait mon père.

 - 'Soir," répondis-je en claquant la porte derrière moi.

***

Une fois devant le collège, je m'adosse contre le muret en attendant l'ouverture du portail et sort mon portable pour envoyer un SMS à Yasmine :

Moi : Grouille stp

Yasmine : C bon j arrive

Je soupire : elle est toujours en retard, celle-là ! Pour la rentrée, en plus !

Une voiture de luxe se gare devant le collège. La portière s'ouvre et en sort Jennyfer, une superbe fille blonde aux yeux bleus. Elle s'approche avec une classe incomparable de moi et me dit :

"Saluuut Eliza ! Ça va ?

 - Super."

Aujourd'hui, on rentre en 4ème, Yasmine, Jenny et moi. Je jette un coup d'œil à l'heure sur mon tél et soupire :

"C'est pas possible, elle est encore en retard !

 - Mais graaaave, elle est super chiante ! L'autre jour, elle est arrivé avec 40 minutes de retard chez moi sous prétexte qu'elle avait oubliée de se réveiller ! Sérieux ! J'ai envie de te dire : Nan mais secoue toi, meuf, on est plus en maternelle ! Ça existe, les réveils, aussi !"

Je glousse de sa remarque quand je vois Yasmine arriver. Jennyfer se précipite vers elle et lui fait la bise :

"Yasmiiiine ! Mais où t'étais ?

 - J'suis désolée les filles, mon réveil a pas sonné !

 - C'est pas grave, ma chériiiie... fait Jennyfer.

 - Bon, on y va ?" dis-je en désignant le portail du collège ouvert.

Pendant que nous entrons dans l'établissement, je repense à toute cette hypocrisie. Franchement, j'y suis habituée depuis longtemps. Ça fait exactement 2 ans que je suis la reine de ce collège, avec Jennyfer et Yasmine. Je suis habituée aux remarques hypocrites avec ses amies et aux remarques désobligeantes aux autres. Je suis habituée à lancer des piques, à glousser aux blagues nulles des gens "populaires" et à snober les gens "inférieurs". Ça fait partie de mon quotidien. Et sincèrement, je n'y fait même plus attention.

Dans la cours, on appelle les classes de 4ème une par une et je me retrouve avec Yasmine et Jenny en 4°3.

Nous entrons dans notre première classe, celle de français. Yasmine et Jenny se mettent à côté, à la troisième rangée, à droite. Je cherche des yeux Thomas, un beau gosse qui me draguait l'année dernière, puis je fais la moue en m'apercevant qu'il est absent. "Tant pis", me dis-je. Je m'assoit donc derrière Jennyfer et Yasmine, à une table de vide, et prend mon portable pour pianoter dessus en attendant l'arrivé du prof. Un gars plutôt moche arrive sur mon bureau et me demande :

"Salut, beauté. Cette place est libre ?

 - Dégage, moucheron," répondais-je, cinglante.

Il devient livide et déguerpit. Tant mieux. J'envoie un message à Jenny :

Moi : Cette classe est pourrie ! T'as vu qui vient de me draguer ?

Jennyfer : Mais grave ! Si ya que des laiderons, ça craint...

Moi : En plus, je suis sûr qu'on aura des profs pourris ! T'imagine si on a M. Pougard en français comme l'année dernière ? Ya pas plus chiant comme prof !

"Hum, hum," fait une voix derrière moi.

Je me retourne et voit M. Pougard, derrière moi, l'air grave.

"Heeeeu monsieur, c'était pas ce que... enfin... vous voyez...

 - Je vois parfaitement, Mlle Taylor. Votre carnet, je vous prie..."

Je lui tend.

"Et votre téléphone.

 - Mais monsieur...! protestais-je.

 - Il n'y a pas de mais qui se tienne. Votre téléphone."

Je lui donne, un peu honteuse.

"Parfait. Il n'y a que vous, Mlle Taylor, pour se prendre une heure de retenue dès le premier jour, hein ?"

Je ne répond rien. Autour de moi, les élèves s'esclaffent et rigolent.

"Comment osent-ils..." grommelais-je dans ma barbe.

M. Pougard revient à son bureau et prend sa feuille d'appel. Le silence se fait dans la salle.

"Rubi Abdallah, commence t-il.

 - Présente.

 - Johannis Adams.

 - Oui !

 - Daphné Anderson."

Personne ne répondit.

"DAPHNÉ ANDERSON ! répéta t-il.

 - Oui je suis là, désolée du retard monsieur !"

Une fille aux yeux gris-bleu et aux longs cheveux noirs lui arrivant à la taille fit irruption dans la pièce. Elle portait simplement un jean, un tee-shirt et des tennis blanches.

"Votre carnet, marmonna M. Pougard.

 - Bien sûr," fit-elle avec grand sourire en sortant son cahier de liaison de son sac.

Je ne sais pas pourquoi, mais il y avait quelque chose qui me fascinait chez cette fille. Elle respirait de joie et de bonheur, comme si elle émanait une force tranquille apaisant et influençant de bonne humeur son entourage.

Après avoir mit un mot dans son carnet, M. Pougard lui ordonna de se mettre au fond, à côté de moi.

"Bien sûr, monsieur," répondit Daphné en s'avançant vers moi.

Elle tira la chaise et s'assit à mes côtés avec son habituel sourire.

"Coucou ! Moi, c'est Daphné, comme tu l'as sûrement déjà entendu. Et toi ?"

D'habitude, je l'aurais snobé. Mais étrangement, j'avais envie de lui faire confiance et de lui répondre.

"Eliza, répondais-je.

 - OK. Ben salut, Eliza. J'espère qu'on vas bien s'entendre toutes les deux!" conclue t-elle avant de sortir son cahier et sa trousse pour commencer le cours de français.