10 ¦ Nestor avec le Nor
La pénombre bordait la pièce, alors qu'Amaury se redressait vivement.
"— Attends, tu déconnes ?
— Est-ce que tu m'as déjà vu plaisanter Amaury ? S'il te plaît, ne rends pas la chose plus difficile qu'elle ne l'est déjà.
— Mais tu m'avais dit que tu étais né ange, que t'avais pas de parents et tout ça ! Est-ce que tu m'as déjà dit la vérité, ne serait-ce qu'une fois ?"
Et voilà, Amaury recommençait à s'énerver. L'ange aurait dû le prévoir, ça aussi. Toujours au sol, fixant l'humain maintenant assis sur son lit, Nestor se demandait quand commencer. Il savait que même s'il ne pouvait plus pleurer, ça n'empêchait pas à l'angoisse de revenir et à sa voix de craquer. Prenant une grande inspiration — quelque peu tremblante — il réunit assez de courage pour répondre.
"— Je t'ai toujours dit la vérité, Am'. Tout ce que je te cache, c'est pour me et te protéger. Je n'ai pas envie que tu me regardes avec pitié.
— Bon, balance ton histoire dramatique histoire que je dorme bientôt.
— Ça veut dire que tu pourras me pardonner après ?
— Que je te pardonne ou pas, tu vas me coller aux baskets, alors bon...
— J'ai une dernière demande, demanda presque timidement Nestor, qui continua après un hochement de tête de l'humain. J'aimerais que tu ne m'interromps pas. Je répondrai après à tes questions, si tu en as.
— Tu fais un exposé ou tu racontes ta vie, là ? Accouche, grogna Amaury, apparemment toujours en colère."
L'ange ferma les yeux, et se massa les tempes quelques instants. L'angoisse était plus difficile à gérer que prévue. Quand il les rouvrit, ses pupilles se baladait rapidement entre les quatre murs de la chambre. Cactus ayant un nouveau pot toujours sur la même fenêtre. Bureau toujours aussi désordonné. Poster manquant de se décrocher. Lit défait avec des draps très peu assortis. Et surtout, humain sur ce même lit semblant à la limite d'aller l'envoyer se faire voir. Essayant de canaliser sa vision et ses tremblements, il déglutit et commença.
"— Je suis né le 25 décembre 1987. Ce n'était pas la pire période, mais sûrement pas la meilleure. Y'avait cette espèce de compétition constante entre tout le monde, et même si la guerre était un lointain souvenir, les grands-parents, eux, ne l'avaient jamais oublié. J'ai grandi là dedans, et j'avais à peu près dix ans quand je me suis rendu compte que ma famille n'était pas comme tout le monde, en allant chez un ami. Je savais que mon père passait plus de temps au bar qu'à la maison, et que ce qu'il buvait n'était sûrement pas de l'eau, mais je n'avais vraiment jamais compris que... tu sais... quand il frappait ma mère, il ne faisait pas semblant."
Première pause. Nestor s'était stoppé de lui même, se rendant compte que ses propos commençaient à n'avoir plus aucun rapport entre eux, le stress le faisant légèrement bégayer. Maintenant, il fixait le mur, ne voulant pas voir la réaction d'Amaury. Le regardait-il avec pitié ? Sûrement, comme tout le monde au paradis, quand ils avaient appris. Ça l'avait étonné au début. Pendant son enfance, les femmes battues n'étaient pas banales, mais n'étaient pas une honte non plus. Il inspira grandement, puis repris.
"— Si ça t'inquiète, il n'a jamais levé la main sur moi, même si ça m'étonnerait, que tu t'inquiètes pour moi. Bref, j'étais seul, ma mère allait de plus en plus mal tout en essayant d'être présente et mon père faisait la tournée des bars, goûtant à tous les mélanges d'alcool possible. Et puis, je suis rentré au collège — la voix de Nestor craqua, brisant quelque peu le dernier mot. Il se racla la gorge avant de continuer — je n'ai jamais eu honte de mon prénom, tu sais. Comme tous les enfants, j'avais eu cette phase de refus envers lui, mais pas au point de le renier ou de le cacher. Mais les enfants sont stupides, et fiers. J'ai toujours eût de bonnes notes sans rien faire, et je suppose que c'est pour ça qu'au début, ils me frappaient au détour d'un couloir. Puis..."
Il s'arrêta une deuxième fois. N'osant toujours pas regarder Amaury, il fixait maintenant ses ailes, les faisant légèrement battre. Il était sûr que s'il pouvait pleurer maintenant, il le ferait. Ça faisait une dizaine d'années qu'il n'avait plus raconté ça à personne, ça le déroutait un peu.
"— Puis mon prénom est devenu leur nouveau jeu. Une remarque, ça s'ignore. Plusieurs, ça blesse. Et régulièrement, ça créer une haine envers soi-même pour un nom qu'on a jamais choisi. Je suis désolé d'avoir crié à propos de ça, d'ailleurs. Tu n'avais pas à souffrir pour moi, j'espère que tu me pardonneras. Des insultes, des moqueries, des coups, des rumeurs... Je ne comptais plus tout ce que l'on me faisait, et me terrais dans un silence presque inhumain, au point de rejeter même les rares qui voulaient faire connaissance. Arrivé au lycée, je passais la plupart de mon temps dans un parc presque tout le temps désert. C'est là bas que j'ai rencontré Auguste. J'avais à peine 15 ans, et il m'est apparu tel un sauveur. Au début, il s'asseyait à côté de moi, sans rien dire. Puis, au fil du temps, on s'est rapproché. A l'époque, j'étais surtout en manque d'amour, noyé entre mon harcèlement, mon père alcoolique et ma mère violentée chaque jour, et les doux cheveux de ce que j'appelais meilleur ami suffisait à me rassurer."
Cette fois-ci, la pause ne fut pas intentionnelle. Amaury reniflait juste un peu trop fort. Arrivé à ce stade de l'histoire, Nestor semblait juste empli de haine, et racontait ça comme il raconterait un conte pour enfant. Sensible comme il était, Amaury n'avait pas mit longtemps avant que ses petits yeux ne s'emplissent de larmes.
"— Auguste était toujours là pour moi, quand j'étais au parc. En dehors, même s'il allait dans le même lycée, il ne bougeait pas, face à mes camarades. Ils étaient bien trop nombreux, et c'était siii drôle de se moquer de Nestor. Mais, le petit garçon que j'étais semblait confondre admiration et amour. En réfléchissant bien, je pense que n'importe qui ayant essayé de m'aider aurait subi le même sort. J'étais tombé éperdument amoureux de lui, et j'étais décidé à lui avouer. Pour moi, Auguste était un garçon sensible, tolérant et aimant la poésie. Alors, à mes 16 ans, le 25 décembre 2003, je lui ai avoué. A quel point je l'aimais, que je voulais mourir à ses côtés, et tout ce qui s'en suivait. Tout ce qui m'a accueilli fut un éclat de rire. Et tandis que les larmes dévalant ses joues étaient dues à son hilarité, les miennes reflétaient ma souffrance. Au final, il avait juste parié avec ses amis, pour être sûr que le petit et fragile Nestor était bien « pédé ». Je savais qu'en retournant à mon établissement, mon harcèlement allait tripler. Je n'ai pas voulu prendre de risque. En rentrant chez moi, après le gâteau, alors que mon père était sûrement en train de noyer ses peines dans des shots, je l'ai avoué à ma mère."
« Maman ? Je voulais te dire un truc... J'aime les hommes. Attends, ne dis rien, laisse moi finir. Je t'en parle maintenant non pas parce que j'ai rencontré quelqu'un, mais parce que mes camarades le savent. Et, depuis une année déjà, ils me bousculent et m'injurient à cause de mon nom. J'ai peur que cela empire maman, j'ai déjà si mal ! S'il te plaît, je ne te demande pas de m'accepter, je te demande juste de m'aider... »
Se rappelant ses "aveux", Nestor ferma douloureusement les yeux. Puis, lentement, sous le regard ébahi d'Amaury, il enleva sa chemise. Faisant glisser le tissu de satin de ses épaules, il révéla sa peau imberbe, mais surtout recouverte de coups à l'humain. Une longue cicatrice barrait son torse, sa blancheur et son relief se reflétant à la lune. Les hématomes encore violets des années après recouvrait le reste, donnant un triste tableau.
"— La cicatrice, ce sont mes camarades qui me l'ont donnée. Je me débattais trop, quand ils me noyaient dans les toilettes. Ce que je voulais te montrer, c'était surtout mes bleus. Ce soir là, après avoir tout dit à ma mère, mon père est entré subitement dans la pièce. Ces marques, ce sont lui qui me les a donnés. Il ne voulait pas d'un fils faible, se laissant faire face aux autres adolescents, et qui, surtout, aimait les hommes. C'était la première et dernière fois qu'il me frappait, puisque je suis mort comme ça, sous ses poings, dans un coin de notre malheureuse cuisine, le jour de mon anniversaire."
Remettant sa chemise, Nestor osa enfin lever son regard vers l'ébène, qui lui, pleurait à chaudes larmes.
"— C'est pour ça que je veux que tu me pardonnes, pour que je puisse t'aider. Avec le temps, j'ai compris que l'amitié était une chose très importante, et je ne veux pas que la tienne parte en fumée. Ton groupe d'amis, c'est comme ta famille, si j'ai bien compris. Alors, s'il te plaît, laisse moi t'aider à la garder."
Il n'eût presque pas le temps de finir sa phrase que l'humain était déjà dans ses bras. Accroché à son cou, tachant sa chemise posée sur ses épaules avec l'eau qui coulait en abondance de ses yeux, Amaury l'avait rejoint, et marmonnait dans le creux de sa nuque.
"— Pardon Est, pardon..."
Et tout ce que l'ange pu faire, fût d'entourer le corps frêle de ses bras et ses ailes tout en lui caressant les cheveux, signe silencieux que toute cette rancœur était partie en fumée, et que maintenant, ils allaient s'aider.
𑁍᪥𑁍
Bonjoir la populace !
C'est ainsi que s'achève le passé de notre cher et tendre Nestor ! J'ai adoré l'écrire personnellement, je pense que je prends un malin plaisir à faire souffrir mes personnages.
J'en oublie la politesse, comment ça va ?
J'espère aussi que la notification ne vous a pas surpris, j'avoue qu'un chapitre de 1600 mots sorti seulement 5 jours après le dernier, c'est légèrement étrange.
Bref, trêves de bavadarges, voici donc les questions (vous avez l'habitude maintenant, mais vous savez que j'adore lire vos commentaires) !
-Qu'avez-vous pensé du chapitre ?
-Le passé de Nestor ! Alors ? Surpris, triste, étonnés ? Cela se rapprochait de vos théories ou pas du tout ??
-Réaction d'Amaury aussi ! Le gros dur serait en fait un petit cœur sensible ?
-Que va donc faire Nestor pour l'aider ?
Sur ce, je vous embrasse sur l'oreille gauche, et n'oubliez pas que je vous aime ♡︎
Munroe
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