Emile était allongé
Entre les fourrés
Son regard
Caressant la voûte noire
Et les milliards
D'étoiles
Qui parsemaient
Son voile

Il repensait
Le cœur battant
A cette soirée d'antan
A cette nuit
Dix ans plus tôt
Sur un banc
Au bord de l'eau

Il repensait
Le coeur battant
Aux vagues implacables
Qui couraient sur le sable
Et à cette fleur
De dentelle
A son coeur
D'hirondelle
Et ses yeux
Pleins d'étincelles

Il repensait
Le cœur battant
A celle
Qui lui avait appris
A voir le monde
Innocemment
A lire sa poésie
Et savourer
Chaque seconde
De sa vie

Il ne l'avait jamais revue
A la fin de l'été
Elle avait
disparu

Il avait attendu
Seul sur le rivage
Des semaines
Par dizaines
En fixant les nuages

Il lui avait fallu
Du temps
Pour cesser d'attendre
Du temps
Pour comprendre
Qu'elle ne reviendrait pas
Et du temps
Et pour l'accepter
Surtout
Je crois

Il avait fini
Pourtant
Par se souvenir
De son traitement
De cette chance
De guérir
Elle avait parlé d'un mois
Et quand l'automne arriva
Elle n'était plus là

Elle avait préféré partir
Sans rien dire

Elle avait préféré disparaître
Sans même laisser une lettre
Sans prévenir de son départ
Pour lui laisser
La
liberté
d'y croire

Elle lui avait offert la chance
De rester dans l'ignorance
Pour laisser place
A l'espérance
Et pour qu'il puisse
A tort ou non
Laisser croire
Son imagination

Il avait bien essayé
Pourtant
De la retrouver
Mais cette fille était
Un incroyable feu follet
Un véritable courant d'air
Une indomptable lumière

Alors il avait renoncé
Comme à l'époque déjà
Il avait compris
Qu'il ne pourrait pas
Retenir cette fille-là

Et chaque fois que son regard
Se portait sur les étoiles
Il revoyait sa peau d'ivoire
Ses pupilles de cristal

Cassiopée
Dans sa mémoire
Connaissait l'éternité

Il aimait
L'imaginer
Ivre de liberté
Parcourant
La terre
Entière
Et couvrant
Chaque page
De son carnet
De voyage
D'aquarelles
Et de camaïeux
De chaque paysage
Qui s'offrait
Sous ses yeux

Et même s'il n'osait se l'avouer
Il savait que même si Cassiopée
N'était plus qu'un souvenir
Même si elle avait dû partir
Elle serait fière
Et comblée
De là où elle était
Car son vœu le plus cher
S'était exaucé

Elle voulait d'une vie
Qui résonne
D'une vie qui aide
Au moins une personne
Elle voulait d'une vie
Dont on se souvienne

Et elle avait bouleversé
La sienne

Quand soudain
Une minuscule main
Se glissa
Timide
Entre ses doigts
Tandis qu'une voix
Candide
Demanda

"papa
pourquoi tu souris ?"

Émile se retourna
Vers la fillette
A ses côtés
Qui attendait muette
Les yeux
Plein d'intérêt

La fillette
Aux boucles ébènes
Qui serrait sa main dans la sienne

Attendri
Le jeune père
Sourit
Et répondit
Avec mystère

"c'est juste que...
les étoiles
ça me fait penser à quelqu'un"

"à qui ?"

Demanda t-elle
Intriguée
Et débordante
De curiosité

"oh
c'est une longue histoire
il est trop tard
pour ce soir
demande-moi
une autre fois"

Répondit Émile
Narquois
En voyant les sourcils
De sa fille
Se froncer
Et ses lèvres
Se plier
En une moue
Vexée

"mais papaaa !
tu avais dit
qu'on resterait
toute la nuit
allez
juste pour cette fois
raconte-moi !"

Il se tourna
Vers elle
Elle ajouta
D'une voix frêle

"s'il-te-plaît
papounet"

Émile éclata de rire
Ne pouvant plus se retenir
Et serra l'enfant
Dans ses bras
En répondant

"excuse-moi
je te faisais marcher
bien sûr
que je vais te raconter"

Puis il commença son récit
Par ces quatre mots
Tant écrits

« Il

était

une

fois... »

Et chaque fois
Qu'il les prononcera
Chaque fois
Que sa fille
A son tour
Les reprendra
Chaque fois
Cassiopée
Renaîtra

Et lorsque
Des heures plus tard
Émile prononça
Le dernier mot
De son histoire
Il se pencha
Dans le noir
Sur la fillette
Assoupie
Et embrassa
Tendrement
Ses pommettes
Rosies
Avant de murmurer
Attendri

"Bonne nuit
Cassiopée