Le lendemain
        Nos deux complices
     Retrouvèrent
   Leur malice
   Et leur félicité
    Sous la lune éphémère
          Du solstice d'été

Et pour la première fois
Loin de leur banc bleu
Ils marchaient tous les deux
Sur le sable granuleux
Longeant les vagues fières
Qui caressaient leurs pieds
Ils contemplaient la mer
Sans oser se parler

Et c'est à peine
Si Emile
Osait respirer
Sous la laine
De son chemisier
Couvrant les milles
Etincelles
Qui semblaient enflammer
La peau de son dos
Et de son poignet
Qu'elle serrait
Pour s'aider
A marcher

Quand elle brisa
Soudain
Le silence

"il n'est pas affligeant
en réalité
le châtiment
de Cassiopée"

Emile porta sur elle
Un regard un peu perdu
Son traditionnel regard
du "je ne te suis plus"

Il fallait admettre
En réalité
Que la tirade
Passionnée
De Cassiopée
Sur les origines
Tragiques
De son prénom
Mythologique
N'avait pas vraiment
Retenue son attention
Trop occupé
A ce moment
Par ses propres
Appréhensions

"je veux dire
celle des mythes
la reine antique
tu sais
cette mère
dont je t'avais parlé
hier
celle d'où vient
mon nom
Cassiopée
celle qui est
une constellation
car les dieux
pour sa présomption
la condamnèrent
à vivre enchaînée
pour l'éternité
dans le ciel étoilé"

Elle porta son regard
Vers le ciel noir
Où commençaient à scintiller
Quelques perles dorées

"je me disais que
finalement
il y a pire
comme châtiment
ce doit être
merveilleux
de contempler
le monde
depuis les cieux
comme une colombe
perchée sur un fil
qui regarde les gens vivre
dans la ville
poursuivre
leur existence
sans déceler
sa présence"

Emile
Retint un sourire
Ne pouvant que s'attendrir
Devant cette idée là
Voilà qu'encore une fois
Elle enviait un volatile
Elle admirait surement
Leur force fragile
Leur licence absolue
Elle aurait
Certainement
Depuis longtemps
Rejoint le ciel
A tire d'aile
Si elle l'avait pu

Il répondit

"tu ne trouves pas cela cruel
de rester pour l'éternité
seule dans le ciel
sans personne à tes côtés ?
ne penses-tu pas
qu'elle s'ennuie
cette reine
éternelle
impuissante
devant la vie
qui sans elle
se poursuit ?"

"Quel pessimisme !"

Rit-elle

"n'as-tu jamais
goûté la vie ?

n'as-tu jamais
essayé
de t'asseoir
un été
sur la terrasse
d'un café
n'as-tu jamais
simplement
contemplé
les enfants
passer
sourire aux lèvres
et cœur léger ?
n'as-tu jamais apprécié
de voir un couple marcher
les doigts entrelacés
les épaules collées ?
n'as-tu jamais
savouré
un bonheur
de simplicité
un bonheur
extérieur
sans y être
impliqué ?"

Emile haussa les épaules

"si bien sûr
mais c'est incomparable
contempler la Terre
d'accord
mais
sur des millénaires...?"

Elle se tut
Et porta
Son regard
Sur le ciel
A nouveau
Où brillaient
D'éternels
Flambeaux

"tu as raison
l'idée d'éternité
vient tout gâcher"

Elle hésita
Et continua

"comme si vient une heure
où même le bonheur
perd de sa valeur
si jamais il ne meurt..."

La plage entière
Sembla se taire
Pour la laisser penser

"tu m'as convaincue
pauvre Cassiopée
heureusement
même une étoile
finit par s'éclipser
même le ciel
n'est pas éternel
soit patiente
reine céleste
profite bien de la vue
un jour tu regretteras
nos longues avenues!"

Conclut-elle en riant

Tandis qu'Emile
Un instant
Se retourna

                   Regarda
                   Les traces
                   De leurs pas

Dans le sable
Que les vagues
Effaçaient déjà

                 Ephémères
                 Comme le goût amer
                 Sur son palet
                 Qu'il ignora

Avant de saisir
A son tour
La main
De Cassiopée

                 Qui sur son bras
                 Était toujours
                 Accrochée

Puis il porta
Son regard
Décidé

                 Droit devant lui
                 Sur l'horizon
                 D'éternité