Chapitre 38
* * *
Le matin, j'ai été réveillée par un message de Josh m'indiquant qu'il partait avec Lyam en ville toute la journée. Depuis, je n'ai pas réussi à trouver le sommeil. Je ne sais pas ce qui les a poussés à partir tous les deux et cela m'inquiète. Cependant, Josh m'a dit que je n'avais aucun souci à me faire.
Après ma routine matinale, je suis descendue au salon, ne voulant pas réveiller les filles qui dormaient encore comme de vrais bébés. Assise sur le canapé, j'ai un moment à moi seule pour réfléchir aux évènements de la veille. J'ai été bouleversée et je le suis encore. J'ignore comment faire pour aider Lyam, même si je sais que m'avoir révélé les faits signifie beaucoup pour lui.
— Déjà réveillée ?
Je sursaute et me retourne. Jason se tient à l'embrasure de la porte en tenue de sport et m'adresse un grand sourire.
— Oui... J'avais un peu de mal à dormir de toute manière.
Je me relève pour le saluer tandis qu'il se prépare un café. Je m'assois ensuite sur un des tabourets de l'îlot central de la cuisine.
— Je crois savoir pourquoi, soupire-t-il.
Il sucre son café avant de me sourire d'un air triste. Je me doute que Lyam lui a parlé de notre sortie hier soir, je les ai aperçus se prendre dans les bras sur la terrasse. Leur amitié est tellement belle et si forte. Je suis heureuse que Lyam ait quelqu'un comme Jason dans sa vie.
— Tu veux boire ou manger quelque chose ? Tu sais, tu pouvais te servir. Tu es ici comme chez toi Lina.
Je souris en secouant la tête.
— Non merci, je n'ai pas très faim. C'est vraiment gentil, mais il y a des limites tout de même.
Ce serait vraiment déplacé de fouiller dans leurs placards, mais Jason m'assure que je n'ai pas de gêne à avoir. Je le remercie une nouvelle fois tout en sachant que j'adopterai le même comportement la prochaine fois bien qu'il me force à promettre le contraire.
— Je vais aller courir un peu. Tu veux m'accompagner ?
— J'aimerais beaucoup, mais je n'ai pas de quoi me changer !
C'est vrai qu'une tenue de soirée et des talons de huit centimètres ce n'est pas l'éclate pour aller courir une bonne heure.
— Mila doit avoir quelque chose à te prêter. Je t'attends ici.
Comment lui dire que les vêtements de Mila ne sont pas une option ? Déjà qu'hier c'était la misère pour qu'elle me prête un pyjama ! Madame ne dort qu'en nuisette. Le comble ! Si elle voyait mes pyjamas en coton aux imprimés enfantins... Ma féminité s'est envolée avec eux. Au lieu de dire tout cela, je me retrouve à réveiller Mila.
— Un jogging ? baragouine-t-elle à moitié éveillée. « Qu'est-ce que tu veux que je fasse avec un jogging Lina ? »
Je ris en affichant un air exaspéré.
— Du sport peut-être ?
Elle rit à son tour en se raclant la gorge.
— Regarde dans la dernière étagère tout au fond de mon armoire.
Je crains le pire... Après une chasse au trésor, je tombe sur un legging sportif multicolore ultra-moulant.
— Voilà, c'est ça ! s'écrie-t-elle, ce qui lui vaut de se prendre un oreiller sur la tête par Jess.
J'inspecte une nouvelle fois le vêtement en élevant un sourcil.
— Je n'ai pas dit que je voulais faire de la pole dance.
Les filles éclatent de rire et je les rejoins assez vite en gardant tout de même cet air perplexe.
— Essaie-le, tu verras !
Je lui tire la langue en prenant une tunique longue dans la même étagère avant d'aller me changer dans la salle de bains. Et moi qui avais dit que je ne fouillerais pas dans leurs placards... J'enfile le legging et bénis le ciel que cette tunique noire soit sobre, ample et assez longue pour cacher mes fesses. Je sors ensuite pour subir l'inspection des reines du shopping.
— Je savais que tu avais des fesses ! s'exclame Mila.
Bon... pour cacher mes fesses, on reverra. Jess éclate de rire en lui adressant un regard moqueur.
— Non, sérieux ? Comment croyais-tu qu'elle allait aux chiottes ?
Je prends un air faussement choqué tandis que Mila lève les yeux au ciel. Jess n'arrive même plus à respirer et son teint en devient presque bordeaux.
— Et elle est fière de sa connerie en plus ! soupiré-je sans pouvoir m'empêcher de rire à mon tour.
— Ça te va très bien, reprend Jess avec un air plus sérieux. « Tu commences vraiment à avoir un corps de rêve ».
Mila hoche la tête en approbation et je ne peux pas m'empêcher de me jeter sur le lit pour un câlin collectif. Je ne sais pas si le « corps de rêve » tient toujours...
Après quelques batailles d'oreillers, je descends finalement pour rejoindre Jason.
— Tu en as mis du temps, sourit-il.
— J'ai rencontré deux folles sur ma route, répliqué-je d'un air amusé.
Nous nous rendons ensuite à pied au parc se situant à cinq minutes à peine depuis le domicile de Jason et Mila. Nous nous échauffons tranquillement et le sujet d'hier déboule sur le tapis.
— Comment ça s'est passé ? lance-t-il d'un ton calme.
Je soulève mes épaules avant d'étirer mes bras.
— Bien, je suppose. C'était vraiment difficile pour lui.
Il hoche la tête en s'étirant à son tour.
— Nous sommes les seuls à savoir Lina. Personne d'autre ne connaît les détails de cette histoire.
— Pas même Mila ? demandé-je un peu surprise.
— Pas même Mila. Elle ne voulait pas savoir, elle dit que c'est trop douloureux.
La pauvre Mila. Maintenant que j'aime Lyam, je me rends compte de la souffrance qu'elle a dû ressentir en perdant Dereck.
— Je suis heureux qu'il ait trouvé en toi quelqu'un en qui il peut avoir confiance. On est amis, on se dit beaucoup de choses, mais se confier à la personne qu'on aime, c'est différent. Tu lui apportes des choses que je ne pourrais jamais lui donner et il en a besoin, Lina. Ce sera dur, ce sera long, mais il fera son deuil, j'en suis convaincu, et savoir que tu es à ses côtés me rassure. Tu ne comptes pas le lâcher, n'est-ce pas ?
Je souris alors que nous commençons à courir à petite foulée. Je sais pourquoi Jason me pose cette question. Il ignore que j'ai eu vent du pari et espère me faire comprendre que je compte pour Lyam. Il veut tout simplement protéger son ami, et notre relation par la même occasion.
— Ce n'est pas dans mes projets.
Un large sourire peint ses lèvres tandis que nous accélérons la course. J'ai hâte que le jour de la vérité sonne pour qu'enfin Lyam et moi soyons réunis.
* * *
Le soleil est en train d'entamer son déclin quand nous rentrons enfin chez Jason. Je suis encore plus anxieux que je ne l'étais tout à l'heure avec Josh. Le dire à lui est une chose, le dire à Lina en est une autre. Je sers fermement l'enveloppe entre mes mains, tandis que Josh me lance un regard compatissant.
— Je vais l'appeler. Bonne chance Lyam.
Je le remercie en souriant avec difficulté. Je sors de la voiture pour m'appuyer sur le capot. Le stress me gagne et inhibe presque tous mes mouvements. Elle ne devrait pas tarder maintenant. Je ne cesse de me répéter que cela va bien se passer. Elle va comprendre, elle est obligée de comprendre... Et si elle ne me pardonnait pas ? Si elle mettait fin à notre histoire ? Qu'est-ce que je deviendrais ?
Je l'aperçois enfin. Elle referme doucement la porte avant de me lancer un sourire éblouissant et mon cœur se met à dépasser la vitesse autorisée.
— Salut bel étranger, lance-t-elle d'un air malicieux.
Elle passe une main sur mon visage avant de déposer un simple baiser sur mes lèvres. Simple, mais tellement puissant, qu'il me met dans tous mes états. Je n'arrive pas à faire le moindre geste, tétanisé par le stress. Et si ce baiser était le dernier ?
— Josh m'a dit que tu voulais me parler. Tout va bien ? Tu es tout pâle.
Sa voix est toujours aussi douce, mais ses yeux se voilent d'inquiétude.
— Non, je ne vais pas bien, avoué-je dans un soupir.
J'ai l'impression que mon corps se vide de son sang, emportant toute forme d'énergie. Je peux même entendre mon rythme cardiaque pulser au niveau de mes tempes. Elle pose sa main sur mon bras tandis que je tiens toujours aussi fermement l'enveloppe.
— Parle-moi.
Aucun mot ne parvient à sortir de ma bouche, je lui tends seulement l'enveloppe. L'incompréhension mêlée à la peine se lit sur son visage.
— Ouvre-la et tu comprendras.
Elle fronce les sourcils, mais ne pose pas de questions. Je peux sentir l'adrénaline crépiter dans mes veines quand elle déchire le papier kraft et voir ses yeux s'écarquiller.
* * *
Je porte ma main à ma bouche qui s'ouvre avec stupéfaction. Je caresse ensuite la couverture noire et rebondie sur laquelle est inscrit en argent et lettres calligraphiées Lina & Lyam.
Je lève mes yeux vers lui d'un air fasciné, un petit sourire s'étend sur ses lèvres, mais il est toujours aussi tendu.
Il était une fois...
Je tourne la page pour découvrir des photos de nous quand nous étions enfants. Moi avec mes cheveux dans le vent, riant aux éclats et lui, souriant d'une manière adorable. Ce qu'il est beau, il a vraiment une frimousse de petit ange.
Deux âmes...
Les pages défilent et nos vies avec, des photos de notre adolescence, chacun le sourire aux lèvres.
Qui se rencontrèrent...
Une photo de nous est au centre de la page, en train de nous balader à Bastille, nous regardant avec des yeux pétillants de bonheur.
Au début, ce n'était qu'un jeu...
Nous sommes maintenant sur la piste d'athlétisme près de chez moi, moi trempée et riant aux éclats avec Lyam souriant plus que jamais, tenant encore la bouteille d'eau à la main.
Un simple pari...
Je relève mes yeux à la lecture du mot et l'expression que je lis sur le visage de Lyam est pleine de regrets, sincère et apeurée à la fois. Mon cœur s'accélère tandis que je ne réalise toujours pas ce qui se produit.
Mais très vite, l'amour s'en est mêlé...
Du doigt, je caresse une photo de nous prise à la soirée de Josh en train de danser, les yeux dans les yeux. Lyam est en train de m'avouer la vérité. Il veut me prouver qu'il m'aime.
Pour ne plus jamais les quitter...
Cette image date de quelques jours à peine, nous embrassant amoureusement, les yeux clos, aux abords de la fac.
Je t'aime Lina...
Les larmes me montent aux yeux, j'ai l'impression de rêver, de ne pas vivre ce moment tant il est intense. Il s'agit d'une photo de nous prise par Lyam alors que nous tirons la langue. On peut voir la joie dans nos yeux, le bonheur d'être ensemble.
Je t'en prie, pardonne-moi...
Une dernière image nous représente, Lyam m'embrassant la tête alors que je me réfugie dans ses bras. Je n'arrive pas à retenir mes larmes et quand j'observe Lyam à mon tour, je vois qu'il est aussi ému que moi.
* * *
Ses yeux me désarment, brillants de larmes. Pourtant j'ai répété plusieurs fois ce que je m'apprête à dire. Je m'y suis préparé si longtemps, seulement rien ne me revient en mémoire, seul mon cœur parle.
— Je sais ce que tu dois penser de moi, que je t'ai menti, que je t'ai manqué de respect... Il y a un mois, Jason m'a proposé un pari. Je devais tomber amoureux contre quoi il me payait mon abonnement à notre chaîne de football préférée. C'était un jeu comme un autre, comme nous avions l'habitude de faire. J'étais convaincu que je ne tomberais pas amoureux, jusqu'à ce qu'il te choisisse. Tu es entrée dans ma vie et tout s'est retrouvé sans dessus dessous. Toutes mes convictions ont voltigé, tout ce dont j'étais le plus sûr est devenu ce dont je doute le plus. Je ne m'attendais pas à tomber amoureux, je pensais que l'amour n'était pas fait pour moi. Et pourtant Lina... Pourtant je suis tombé pour toi. Je t'aime plus que l'air que je respire et je sais que ce que j'ai fait n'est pas digne de toi, mais j'espère que tu trouveras la force de me pardonner, parce que je ne sais pas ce que je ferais si tu ne la trouves pas...
Je m'attendais à tout type de réaction, à ce qu'elle me gifle, se détourne de moi, ou dans mes rêves les plus fous qu'elle se jette à mon cou, mais certainement pas à ce qu'elle reste immobile. D'un air gêné, elle me sourit tristement en baissant les yeux.
— Je n'ai pas été totalement honnête avec toi non plus Lyam...
Nos yeux se rencontrent tandis que les larmes continuent de défiler sur ses joues et j'ai l'impression d'y lire de la culpabilité, du regret, mais aussi une certaine forme de soulagement.
— Ce soir à Deauville, cette nuit qui a tout changé entre nous...
Ma respiration s'agite et l'air frais devient suffocant. C'est cette nuit-là que j'ai compris que Lina était beaucoup plus qu'une amie à mes yeux.
— Matt m'a laissé sous-entendre que je n'étais qu'un pari à tes yeux... puis Mila m'a tout expliqué. Toi, Jason, l'enjeu. J'ai voulu partir, je me sentais trahie, mais je t'aimais déjà Lyam. Je ne pouvais pas fuir ce que je ressentais pour toi, même si cela me faisait mal de n'être qu'un pari à tes yeux... J'avais l'impression qu'on partageait tellement plus, que nous deux, ce n'était pas qu'une simple amourette de vacances. C'est pour toi que je suis restée, pour toi que j'ai attendu ce jour qui est enfin arrivé, parce que je t'aime. Je sais que tu dois m'en vouloir, mais je n'ai pas pu faire autrement Lyam. Pardonne-moi de t'avoir menti.
Je passe mes mains dans mes cheveux, littéralement sous le choc. C'est impossible... Je n'arrive pas à y croire !
— Tu étais au courant ?
Elle hoche la tête alors que ses larmes silencieuses redoublent. Ma voix est plus cassante que je ne le voudrais, mais je n'arrive pas à me contrôler. Je suis blessé. Pendant tout ce temps où je culpabilisais, elle savait.
— Je ne sais pas quoi dire, confessé-je.
Ni quoi penser d'ailleurs. D'un revers de main, elle sèche ses larmes en riant tristement.
— C'est tout ce que tu trouves à dire ?
— Qu'est-ce que tu veux que je dise ? répliqué-je en haussant les épaules.
Elle recule d'un pas. Ma phrase l'a blessée comme un poignard au cœur, et je m'en veux de la mettre dans cet état-là.
— Ce que j'ai pu être bête de croire que tu verrais cela comme une preuve d'amour. Est-ce que tu imagines combien cela a été douloureux pour moi ? Je doutais tout le temps, j'étais en couple sans être sûre de tes intentions. Je ne me suis jamais autant sentie rabaissée que quand Mila m'a appris la vérité, et tout ce que tu trouves à dire, c'est : « Je ne sais pas quoi dire ». Je t'ai fait une déclaration d'amour pour l'amour de Dieu Lyam !
Je n'ai pas le droit de la faire culpabiliser pour ce qu'elle a fait, pas le droit de lui faire autant de mal. Mais cela n'empêche pas cette douleur de pousser dans mon cœur. Comme elle, je me sens trahi.
— Tu crois que ça ne me faisait pas mal de te mentir ? Tu crois que c'était facile pour moi Lina ? J'avais mal tous les jours et de plus en plus, car mes sentiments ne cessent de croître. Alors oui cela m'affecte de savoir que tu savais, de savoir qu'on aurait pu cesser ces mensonges bien avant !
Je soupire et je vois bien qu'elle tente de retenir ses larmes, qu'elle veut se montrer forte devant moi.
— Alors pourquoi n'as-tu pas cessé tout cela plus tôt ? C'est tout ce que j'attendais Lyam. Tout ce que j'attendais.
Ses yeux me transpercent et c'est en baissant les yeux que je lui avoue.
— J'avais peur.
Je prends son visage entre mes mains, me plongeant dans la beauté de son regard et je m'en veux tellement de ne pas voir ce petit éclat de lumière qui sied d'ordinaire dans ses yeux.
— J'avais peur de te perdre. Tu es la seule femme que j'ai embrassée. La seule à laquelle je me suis confié. La seule que j'aime Lina.
Elle passe ses mains dans mes cheveux avec tendresse avant de caresser mon visage. Un léger sourire se dessine sur ses lèvres tandis que de son pouce, elle effleure les miennes.
— Je ne t'aurais jamais quitté. Même si je le voulais, je ne le pourrais pas. Je t'aime aussi Lyam.
Cela fait des semaines que je rêve d'entendre ces mots. Une chaleur soudaine m'enveloppe et fait vibrer mon âme. C'est peut-être cela le bonheur d'être aimé...
— Je ne veux plus de mensonges entre nous, que plus rien ne nous sépare. Seulement toi et moi, soufflé-je.
Ses yeux s'illuminent alors que ses mains descendent dans mon cou.
— Plus de mensonges ? prononce-t-elle d'un ton incertain.
— Plus de mensonges, affirmé-je.
Sans pouvoir attendre plus longtemps, je pose mes lèvres sur les siennes. Notre baiser est d'abord doux, comme si nous voulons nous redécouvrir. Mais très vite, notre impatience se fait sentir. Le besoin d'être proche de l'autre, d'échanger, devient plus fort encore.
* * *
Mes mains tremblent encore quand je réussis à m'isoler du groupe avec Mila. Elle me lance un regard inquiet, tandis que j'essaie de calmer ma respiration.
— Il m'a tout avoué.
Ses yeux s'ouvrent avec surprise, comme si elle comprenait l'urgence de la situation.
— Il faut lui dire la vérité maintenant Mila. Cette nuit. On ne peut pas continuer comme cela.
Elle hoche la tête et mon rythme cardiaque reprend peu à peu un cours normal.
— Je vais voir Jason. On se retrouve au salon dans cinq minutes.
Je souffle avant de me réfugier dans la salle d'eau la plus proche. Je n'ai même pas eu le temps d'admettre que Lyam m'aime, qu'on forme enfin un véritable couple que j'ai dû le convaincre de garder le silence le temps que je m'entretienne avec Mila. Je ferme les yeux et mes mains tressautent sur le marbre. Pourvu que cela se passe bien.
* * *
Après avoir longuement jaugé les traits de sa sœur, Josh m'a adressé un regard complice. Sans un mot, il a compris que tout s'était bien passé. Je préfère éviter le regard de Mila, car je ne sais pas ce qu'elle pourrait lire dans mes yeux. Jason semble vouloir comprendre ce qui se passe, mais voyant Lina s'éclipser avec Mila, il les rejoint assez vite.
Au salon, personne n'ose parler. Jessica et Josh sont assis sur les canapés tandis que je ne parviens pas à rester sur place. Peu de temps après, les trois manquant à l'appel arrivent, une expression grave sur le visage.
— Lyam, assieds-toi s'il te plaît, lance Jason.
J'arrête mes cent pas, mais ne m'assieds pas pour autant. Que Mila ne sache pas où se mettre, je veux bien le comprendre, mais pourquoi Jason semble si mal à l'aise ?
— Je veux que tu comprennes qu'on ne pensait faire cela que pour ton bien. On a tout fait Lyam pour que tu nous reviennes, que tu sortes de ton enfermement, mais ça ne fonctionnait pas.
— Alors on a compris que rien de ce qu'on aurait pu faire ne te ramènerait à nous. Jamais tu n'aurais accepté de t'ouvrir à quelqu'un, d'accepter de tomber amoureux... alors le pari m'est venu à l'idée, renchérit Mila.
Des sueurs froides s'insinuent entre mes omoplates et mon cœur tambourine dans ma poitrine. Alors que tout à l'heure je ne pouvais pas rester sur place, je suis pétrifié.
— Lina n'en savait rien jusqu'à ce que Matt le lui révèle. Jusqu'à aujourd'hui, Jason ignorait qu'elle était au courant, dit soudainement Jess.
Je lance un regard presque horrifié à mes amis, la vérité me blesse comme une rose épineuse. Seuls les yeux de Lina me réconfortent en cet instant et c'est sans les lâcher que je trouve la force de demander à Jason une discussion, seul à seul.
— Tu m'as déçu.
Une fois que nous sommes dehors, c'est la première phrase que je prononce. Il baisse les yeux, affligé par ma remarque.
— Ça me fait mal ce que tu dis.
Je soupire en levant les yeux au ciel.
— À quoi pensais-tu Jace ? Sérieusement !
— À toi Lyam. Nous n'avons tous pensé qu'à ton bonheur.
— Et si ça n'avait pas fonctionné ?
Il relève les yeux, les bras croisés, presque imperturbable. Jason a toujours été la force tranquille entre nous deux. Il élève rarement la voix et préfère éviter les conflits. Mais cette fois, nous n'y échapperons pas.
— Ça a fonctionné, non ?
J'ai envie d'arracher mes cheveux tant mes nerfs s'échauffent.
— Peut-être que je n'aurais pas dû faire ça, te tromper comme ça, mais merde, Lyam ! Est-ce que tu comprends combien c'est dur de voir son meilleur ami souffrir sans rien pouvoir y faire ? Se sentir impuissant face à ce que tu peux endurer ?
Je ne réponds pas, trop touché par ses propos. Pour le moment, je ne ressens que l'amer goût du mensonge, mais en réalité, peut-être que j'aurais fait comme lui...
— Je ne regrette pas ce que j'ai fait et je ne m'excuserai pas non plus parce que Lina est l'une des meilleures personnes qui soient entrées dans ta vie, et je sais que tu l'aimes. Peut-être que tu ne me l'avoueras pas maintenant, et ce n'est pas ce que je te demande de faire, mais tu en avais besoin. Il te manquait quelqu'un sur qui te reposer et même avec toute la volonté qui soit, je ne pourrais jamais t'apaiser comme le fait Lina.
Il a raison et il le sait. Jason est le genre de personne à qui je ne pourrai jamais en vouloir infiniment. Je me calme peu à peu, mais j'ai tout de même ce pincement au cœur.
À ce moment-là, un bruit de gravier se fait entendre derrière nous, Mila est présente, le visage inondé de larmes.
— Je suis désolée. On est désolés, confesse-t-elle.
Jason soupire, il n'est pas en accord avec sa sœur, mais ne proteste pas pour autant. Il me souffle : « Ne sois pas trop dur avec elle ».
J'oublie parfois qu'ils ont autant souffert que moi de la perte de Dereck et que mon acharnement à ne pas accepter sa mort les a touchés plus encore.
— Ce n'est rien. Allez viens par ici, soupiré-je en ouvrant mes bras.
Mila accourt et ses sanglots redoublent. Elle me sert encore plus fort qu'elle ne l'a jamais fait, comme une petite sœur qui cherche refuge auprès de son grand-frère. Jason détourne le regard, lui aussi gagné par l'émotion. Je pose ma main libre sur son épaule et ses yeux, au bord des larmes, rencontrent les miens.
— Merci mon frère, lâché-je.
Il rejoint notre étreinte et un sentiment gonfle dans ma poitrine. Cela fait longtemps qu'on ne s'était pas retrouvés comme ça.
Mon regard est alors attiré vers la porte où je découvre les autres et Lina nous observer. Je peux voir son magnifique sourire, sa main posée sur son cœur et ses yeux luisants de larmes. Moi non plus je ne regrette rien. Il m'est impossible de regretter la chose qui m'a fait tomber sur Lina. Je lui adresse un sourire, qui veut dire tellement plus que ce que je peux ressentir. Le cœur rempli d'amour et d'espoir, je prends la décision qui ne cesse de me hanter depuis deux ans maintenant, parce que je veux qu'elle le rencontre, parce qu'il fait partie de moi. Ce soir Dereck, enfin, je viendrai te voir.
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