Chapitre V : L'Étincelle
Le bruit que faisaient mes pensées m'avait maintenue éveillée presque toute la nuit.
Mes paupières étaient encore collées, mais le soleil était trop haut pour que je l'ignore.
J'ouvris donc douloureusement mes paupières.
Les garçons étaient déjà levés, comment faisaient-ils pour être si productifs de bon matin ?
Ma langue était sèche, mais je ne pouvais pas boire d'eau, pas encore. En attendant d'arriver au prochain point d'eau, nous devions nous abstenir.
Je ne fus donc pas surprise quand une migraine me prit terriblement fort à la tête.
J'avais beau être réveillée, je me perdais dans mes souvenirs, aussi douloureux soient-ils.
Je me revoyais courir dans les rues qui avaient rempli mon enfance. Mais pas comme vous le pensez, je n'y courais pas avec mes amis sous un beau soleil d'été.
Non, je les observais à l'ombre de ma fenêtre en m'imaginant une vie peuplée de souvenirs heureux.
Sur ces pavés, j'avais passé de magnifiques après-midis accompagnée de tous mes compagnons à jouer aux billes, à imaginer des aventures à peine croyables pour des yeux dépourvus d'imagination. Nous étions heureux ensemble, nous n'étions rien de plus que des enfants insouciants.
Pourtant la réalité me rattrapait dès que je sortais de cette bulle. Jamais je n'aurais pu aller dehors sans risquer d'être brûlée par le soleil et c'était à peine si j'avais déjà entrevu mes voisins.
Nous étions terriblement seuls, enfants et adultes confondus.
Et revivre ça, même en rêve, m'avait enlevé mon peu de joie de vivre.
Comme si me replonger dans ma mémoire avait été trop douloureux pour mon cerveau, mon mal de crâne s'intensifia.
Je ne savais pas si l'état de ma blessure empirait, mais j'hésitais encore à faire confiance aux garçons. Si je laissais ma blessure à découvert, ils auraient tout loisir de me balafrer à nouveau.
C'était sans compter sur Siley qui remarqua mon besoin d'aide pour changer le pansement au niveau de ma tête et m'interpella :
- Elia !
Je fus prise d'un réflexe enfantin, j'espérais qu'en restant immobile, et en évitant ses yeux, il abandonnerait toute tentative, pour m'aider ou autre.
Malgré mon silence, il continua :
- Il faudra penser à changer ton pansement et voir comment évolue ta blessure.
Toujours assise, je détournais mon regard du sien. Je ne sais pas ce qui s'était passé par la tête pour que je pense qu'il ne me verrait pas.
Un léger rire échappa à Siley et il lança :
- Elia, je te vois.
J'aurais voulu m'enterrer sous terre à cet instant précis. Malgré tout et en rassemblant le peu de fierté qu'il me restait, je bredouillais :
- Tu... tu disais quoi ?
Je le vis retenir un fou rire face à cette situation absurde.
Je lui fis un sourire crispé par la gêne, Siley se retint encore d'exploser et dit :
- On doit changer ton pansement.
Je ne savais pas quoi dire, je ne pouvais pas lui avouer mon cruel manque de confiance en lui.
Pourtant, je n'avais pas le choix, ma survie dépendait d'eux.
- On pourra le faire à notre arrivée au point d'eau.
Je dis cela d'une voix peu convaincue, toujours empreinte de la honte qui me brûlait les joues.
- Je pense que ce serait mieux de le faire maintenant, sauf si tu ne me fais pas confiance ?
Il accentua exagérément le dernier mot comme s'il avait lu dans mes pensées. Ma répartie s'étant envolée en même temps que ma dignité, je bredouillais :
- Euh... si... mais... je pensais...
Il me coupa d'un geste.
- D'accord, alors je vais chercher les rubans, mais ne t'enfuis pas !
Je devins écarlate sous sous le poids de la gêne, encore.
Siley revint quelques minutes plus tard avec un ruban et du désinfectant.
Il avait dû les trouver lors d'un de ses anciens voyages dans un commerce abandonné.
Je détournais le regard face aux taches plus que douteuses présentes sur le tissu, rien qu'imaginer cette substance brunâtre se mélanger à mon propre sang me donnait un haut-le-cœur.
Il commença par retirer le pansement puis désinfecta ma plaie.
Je ressentis un léger picotement, mais rien d'insupportable.
Là aussi j'ignorais l'odeur nauséabonde qui me prit les narines, je préférai faire le vide dans mon esprit plutôt que m'imaginer les pires scénarios.
Pendant tout ce temps, le blond resta muet.
Face à son mutisme qui était un signe évident de la gravité de ma blessure, je n'eus pas le courage de le questionner.
Il plaça enfin le nouveau bandage à l'arrière de mon crâne.
- J'ai bien fait de changer ton pansement, ta plaie était au bord de l'infection.
- Merci, dis-je d'une voix à peine audible, je ne sais pas ce que j'aurais fait sans toi et... désolée pour tout à l'heure.
- C'est pas grave, de toute façon, après le point d'eau on se séparera.
Il ne dit pas cela sur un ton ironique, je crus que la mâchoire allait se décrocher sous le poids de la surprise.
Il ne dut pas voir mon visage perplexe car il alla retrouver Aaron.
Ils ne voulaient pas continuer la route avec moi ?
Mais comment ferais-je sans eux ?
Mes angoisses me serraient la gorge. Comment faire seule, je connaissais la solitude mais me retrouver sans personne ? À part ma traversée de mon village pour aller au premier point d'eau, qui n'avait pas été très longue.
Je chassai mes idées noires, je repoussai également mes souvenirs récents. Je fis tant bien que mal le vide dans mon esprit.
Siley et Aaron s'affairaient déjà à replier notre, ou plutôt leur campement de fortune. Moi, je n'avais qu'une couverture et deux sacs.
Nous ne pouvions pas rester à proximité du village car le point d'eau avait été asséché, comme tant d'autres. J'avais décidé de leur montrer la carte donnée par mon père.
Le point d'eau le plus proche était à environ une semaine de marche.
Je n'étais pas certaine que nos trois bouteilles d'eau suffiraient, mais nous n'avions pas le choix. C'était soit rester pour ne peut-être jamais revenir, soit rester ici à tout jamais.
Nos chances de survie étaient donc minces.
Je rassemblai les affaires que j'avais gardées pour les ranger dans mon sac à dos. Un resterait ici, pour m'alléger pendant ce voyage qui s'annonçait lourd en obstacles.
Dans celui qui restait, il y avait une gourde, la carte, quelques vêtements. Je devais me séparer de mes livres, de mes trésors.
J'en aurais presque eu les larmes aux yeux, mais je pense qu'Aaron et Siley n'auraient pas compris, et puis je n'avais pas le temps.
Et enfin, la photo de ma famille, ou du moins le souvenir de ce qu'elle avait été. Je savais qu'elle était inutile, mais je ne pouvais pas me résoudre à la laisser ici.
C'était la seule chose qui me rappelait ma vie d'avant, pourtant elle n'était pas si lointaine.
Il y a quelques semaines, je vivais encore avec mes parents. Malgré le froid qui régnait à la maison, j'aurais tout donné pour y retourner.
Je me croyais en sécurité, à l'écart du monde, avec de l'eau, beaucoup d'eau. En tout cas, assez pour survivre.
Mais tout cela n'était qu'une illusion.
Les garçons n'avaient presque rien laissé à part une couverture trop abîmée pour être encore utilisée, espérant qu'on en trouve une sur notre route et les carcasses de notre repas d'hier.
Depuis la fin de la pluie, presque tous les magasins, les hôpitaux et évidemment les écoles avaient fermé.
Il n'y avait plus aucune force de l'ordre, donc plus de prisons.
Au début de la sécheresse, la panique générale avait permis aux prisonniers de s'évader. Les gouvernements avaient trop de problèmes à gérer pour s'en occuper.
Mais sans prison ni forces de l'ordre, quel intérêt y avait-il à respecter la loi ?
Je ne sais pas vraiment ce qu'il s'est passé ensuite, mes parents ne voulaient pas m'en parler. Mais les gouvernements ont été dissous et des petits villages comme celui où j'ai vécu ont été mis en place.
Mais pour les autres ?
Cette question ne faisait pas partie de celles auxquelles les gouvernements avaient répondu.
La situation d'urgence les avait fait oublier tellement de questions telles que celles-ci.
Essentielles.
Comment les gens se soigneront-ils ?
Eux-mêmes ! Avec le peu de connaissances qu'ils avaient, ils ont dû se débrouiller seuls.
En plus, l'accès aux médicaments s'est restreint ! Et pour tous ceux qui avaient des maladies graves, seule la mort les attendait.
Comment nourrir les habitants ?
Ils ont pensé que les gens pourraient se servir dans les stocks qu'il restait. Mais cela fait bien longtemps qu'ils étaient épuisés.
Et depuis plusieurs années, même les serres les plus puissantes s'asséchaient et les animaux disparaissaient à cause du manque d'habitats et de nourriture.
Comment faire face à la chaleur suffocante qui s'installait ?
Rien ! Ils ne pensaient qu'à faire revenir la pluie.
C'est la seule question à laquelle ils ont essayé de répondre, mais ils n'ont pas trouvé la solution.
Ils ont préféré abandonner. Ils ont préféré penser que les générations suivantes trouveraient la solution. Mais des siècles plus tard, nous sommes toujours au même point.
Alors, il fallait que ça change et je voulais être l'étincelle qui allait allumer le brasier !
Je ne savais pas encore comment, mais il fallait que je commence par survivre au désert.
Et peut-être même convaincre Siley et Aaron de m'aider !
Mon rêve était fou, mais je voulais essayer de faire revenir la pluie !
La façon dont j'y arriverai m'était encore inconnue, mais l'espoir s'était installé en moi et je ne comptais pas le laisser s'en aller.
Je m'endormis avec tous mes rêves en tête.
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Hello ✨
Désolée, j'ai mis très longtemps à écrire ce chapitre 😥
Vous l'avez bien aimé ?
N'hésitez pas à voter ou laisser des commentaires 😉
Voilà, je vais essayer d'en republier un bientôt.
Gab ♡
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