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IV. 5. Tobio


Retrouver Miyagi, au fond, ça fait toujours du bien.

Je suis rentré pour Noël, histoire de passer un peu de temps avec mes parents et ma sœur. Bon, en vérité on sait jamais trop quoi se dire, on est pas le genre de famille super soudée ni très expressive. On s'est offert des petits cadeaux, on a regardé la télé tous ensemble et c'est déjà bien. J'ai arrêté Miwa direct quand elle a commencé à me demander comment allait ma vie sentimentale. Et puis je suis allé tout seul mettre des fleurs sur la tombe de Kazuyo, comme s'il allait sentir, de là où il est, qu'il est toujours de la famille et que je ne l'oublie pas.

Le 25 au soir, rendez-vous chez Sakanoshita à l'ancienne avec tous les coéquipiers de Karasuno, y compris Ukai, qui en est maintenant le proprio, et Takeda-sensei. Je me retrouve entre Hinata et Sugawara-san, et ça fait un bien fou de retrouver l'atmosphère du lycée : Daichi engueule Nishinoya et Tanaka qui font trop de bruit, Suga prend des nouvelles de tout le monde et Tsukishima cherche à me contrarier -comme si j'allais me laisser faire. On reparle un peu du match MBSY-Adlers que la plupart sont venus voir, des ligues, des projets pour cette année. Tout le monde semble heureux et épanoui dans sa vie, en tout cas, ça fait plaisir.

Hinata est venu à vélo, histoire de pousser la nostalgie à fond, et après la soirée on repart tous les deux sur le chemin qu'on avait l'habitude de faire ensemble après nos entraînements à rallonge. Et puis il me lance, comme ça :

-Je peux te demander un truc, Kageyama ?

Je veux dire non mais il enchaîne :

-Atsumu et toi, c'est fini alors ? Vous avez rompu ? C'est à cause du grand roi ?

-Une question à la fois, crétin.

-Ok, alors, Atsumu et toi, c'est fini ?

-Oui.

-C'est toi qui l'as décidé ?

-Non, on était d'accord.

-Pourquoi ?

Il commence à me saouler avec ses questions privées, là. Je contre-attaque :

-C'est lui qui t'a demandé de me cuisiner ?

Hinata lève les bras au ciel d'un air blasé :

-Bon sang, Kageyama, je peux pas avoir une simple discussion avec toi ? Je te parle de moi-même, là. Pour voir si tu vas bien, si tu veux tout savoir, parce qu'Atsumu c'était pas la grande forme pendant quelques semaines après ce soir-là. C'est normal, ça faisait plus de deux ans que vous étiez ensemble.

-On n'était pas ensemble.

-Alors t'en as rien eu à foutre ?

Putain, Hinata, je t'ai pas payé pour une séance psy, là. Et ça me fait culpabiliser à mort d'apprendre qu'Atsumu se sente mal qu'on ne se voie plus. Moi aussi, je me sentais tout bizarre les premiers samedis où on devait se voir, et que je me suis retrouvé tout seul comme un con sur mon canapé au lieu d'être avec lui. J'ai pas eu le cœur à continuer les séries qu'on a commencées ensemble. Mais... Bon, ça me fait doublement culpabiliser, mais comme je vois souvent Nicolas, j'ai pas ressenti tant de manque que ça. Quand je pense spécifiquement à Atsumu, ouais, j'ai hâte de le revoir au match retour et cet été avec l'équipe nationale, de retrouver ses intonations sarcastiques, son sourire ouvert et son rire incisif. Mais dans mon quotidien, au final, j'en souffre pas des masses.

-Bah si, évidemment. Mais c'était pas fait pour durer.

-Parce qu'Oikawa te reparle ? Tu vas te remettre avec ?

-J'en sais rien. Je le vois demain pour en discuter.

En vrai, ça me stresse. Ça fait des mois que j'ai pas vu Oikawa, et pas mal de choses ont changé dans ma vie depuis nos dernières promesses. Mais ça, je peux pas le lui dire, et je peux pas non plus le confier à Hinata. Heureusement, il n'insiste pas -je rentre chez mes parents, je retrouve ma vieille chambre, je m'allonge dans mon lit et je sors mon téléphone. Un nouveau message.

Tooru [25.12.2018 23:35] : Toujours bon pour demain, Tobio-chan ?

Moi [26. 12. 2018 00:08] : Toujours

J'essaie d'imaginer comment ce sera. Maladroit, sûrement. Lui et moi à une table de restaurant, l'air gêné comme des ex qui n'ont pas fait de rencard depuis leur adolescence, à essayer de trouver comment recommencer quelque chose. Des fois, je ne suis plus tout à fait sûr de moi. Est-ce que j'aime encore Tooru ? Oui, je pense que oui, je n'ai jamais pu l'oublier. Enfin... ces derniers temps, j'avoue que je l'ai un peu négligé.

Quelle ironie, hein ? Je lui ai couru après pendant des années pour qu'au moment où une chance se présente à nouveau, j'aie un autre gars dans la tête. Je pensais que le départ de Nicolas pour le Brésil allait me permettre de me recentrer sur moi-même et mes perspectives de relation. Mais non. Pendant deux mois, je l'ai vu quasiment tous les jours, presque une nuit sur deux, et là, ça fait quinze jours qu'il est parti et que je me sens seul et vide. Il me manque. Il me manque beaucoup plus que ce à quoi je m'attendais, et pourtant je m'y étais préparé.

Dans les faits, j'arrête pas de penser à lui. Je me demande ce qu'il fait, avec qui il est, à quoi il pense. Je me repasse nos moments en boucle, nos moments chauds, bien sûr, mais surtout nos moments doux : quand je l'écoute chanter en portugais sous la douche le matin pendant que je lui prépare du café, quand je m'engouffre dans ses bras ouverts pour le câlin avant qu'il parte, quand il m'adresse des clins d'œil à l'entraînement lorsque personne ne regarde.

Je repense aussi à ce dernier soir avant qu'il parte, à ce petit jeu de vérité qu'on a fait. Je me demande qui est ce « J » qui mérite le titre de son premier amour. J'ai cherché un peu parmi les volleyeurs brésiliens du même âge, mais difficile de trouver. Et puis, si c'est la personne qui a partagé sa première fois, alors c'est peut-être juste quelqu'un de son collège qui est anonyme maintenant, un João, une Julia ou quelque chose comme ça. Sa première fois... Ça aussi, j'y ai repensé. Douze ans, ça me semble tellement jeune. A douze ans, moi, je voulais juste apprendre le service de Tooru (et il m'envoyait bouler) et les relations humaines me passaient bien loin au-dessus de la tête.

Il y a autre chose encore qui entretient le manque. C'est le fait qu'il semble distant depuis qu'il est rentré à Rio. On n'a jamais pris l'habitude de parler par message, après tout on se voit à l'entraînement et on peut facilement convenir de la prochaine nuit qu'on passera ensemble lorsqu'il part le matin, souvent pour le surlendemain ou trois jours plus tard. J'ai un peu espéré qu'il m'envoie de ses nouvelles, ou des photos, ou qu'il m'appelle, je sais pas... Mais j'ai pas reçu grand-chose et c'est toujours moi qui ai lancé les discussions. A côté de ça, il alimente ses réseaux, Flavia aussi, alors je peux suivre à distance ce qu'il fait, avec la frustration de devoir l'apprendre comme des millions de personnes, comme si je n'étais qu'un follower, un inconnu. Interview au sujet de sa nouvelle vie au Japon sur la chaîne de sport brésilienne. Pique-nique en famille. Démonstration de beach-volley avec des adolescents qui se poussent ensuite pour avoir son autographe. Déjeuner avec Bruno -et là il est capable de lâcher des te amo avec des cœurs rouges pour son pote, et moi ? Moi il ne m'envoie rien, et ça me tue.

Je m'en veux. Ça ne devrait pas m'atteindre comme ça, il est marié, j'ai aucun espoir avec lui. Il a jamais été question de sentiments, juste de coucher ensemble et de dormir dans le même lit. Il a tout ce qu'il faut sans moi, je le savais depuis le début, mais j'ai pas réussi, voilà, j'ai échoué lamentablement, je me suis dit que je devais pas m'attacher et je l'ai fait quand même, et maintenant je le paie : il me ghoste, il me manque, et je me suis laissé dévier de mon affection pour Tooru qui est largement plus prometteuse.

Alors demain, faut que je remette les choses sur les bons rails. Entre une superstar mariée que je connais depuis deux mois et mon premier amour qui me propose de se remettre ensemble maintenant qu'on a gagné en maturité, je pense que le choix est facile à faire. Alors je prie pour qu'Oikawa me propose des perspectives sérieuses et que je puisse m'y accrocher pour éviter de me lier encore plus à Nicolas Romero. Sinon, ça finira forcément mal.

Bientôt midi. Le stress monte tandis que je m'approche du restau. Je reconnais la silhouette d'Oikawa qui m'attend devant. Ça fait trois mois que je ne l'ai pas vu en vrai, et j'accélère le pas pour me rapprocher de lui, pour m'imprégner de sa présence, pour que je me souvienne pleinement de ce qu'Oikawa Tooru représente pour moi. J'hésite pas, je fonce droit sur lui, j'écarte les bras pour l'enlacer. Je veux sentir son parfum, je veux sentir ses mains sur moi, je veux sentir la chaleur de sa peau, je ne veux penser qu'à lui, rien qu'à lui.

-Eh ben, Tobio-chan, rigole-t-il doucement en me rendant l'étreinte, t'es bien démonstratif.

Ouais, les câlins c'était pas mon truc, avant... avant que... je m'empêche de penser plus loin et je m'écarte légèrement :

-Ouais, euh, désolé.

-Ça ne me déplaît pas, déclare Tooru.

Cette voix qu'il prend, un peu plus grave que d'habitude, celle pour séduire, sucrée et dorée comme du miel -cette voix m'a manquée. Je le regarde, je le dévore des yeux, je veux réactiver tout ce que cet homme a jamais évoqué en moi, avec ses grands yeux couleur chocolat et ses lèvres qui s'étirent avec tendresse :

-Oh, Tobio... Tu l'as gardée tout ce temps ?

Il tient entre ses doigts un pan de l'écharpe bleu nuit, un peu délavée aujourd'hui, que je porte autour du cou. Tous les hivers, je la ressors (et tous les hivers, Hinata me dit de la jeter). Mais bon, elle est pratique, elle est chaude et elle est assortie à mes yeux, sans compter la valeur sentimentale. Je l'ai mise aujourd'hui par automatisme pur, sans même me dire qu'Oikawa la reconnaîtrait comme celle qu'il m'a offerte il y a des années. Je hausse les épaules.

-Elle te va toujours aussi bien, déclare Tooru. Mais elle commence à s'user. Je t'en rachèterai une de la même couleur.

On entre dans le restaurant -heureusement pas le même que celui de la rupture, je crois qu'il a fermé d'ailleurs. On s'installe, je sais pas quoi dire mais Tooru s'occupe de faire la conversation -et on pourrait croire qu'il est à l'aise, mais je le connais et il est trop volubile pour que ce soit naturel :

-Alors, ces vacances, Tobio-chan ? Comment va cette chère Miwa ? (il ne me laisse pas le temps de répondre) Moi, c'était top, regarde, j'ai eu une montre, elle est belle, hein ? (il exhibe son poignet pendant précisément un quart de seconde) Takeru a encore grandi... Oh, je dois te raconter des choses, mais commande, vas-y, ne regarde pas le prix, c'est pour moi. Si, si, ne proteste pas (je suis pas en train de protester), c'est normal, c'est pour fêter nos retrouvailles.

Visiblement, courir autour de lacs argentins lui a donné un bon souffle pour débiter six phrases en vingt secondes, le tout en me flashant des sourires et de petits regards. Je réponds :

-Ok, merci. Et...

Mais il est déjà reparti dans ses tirades :

-Pour Takeru, tu te souviens, mon neveu, il t'adorait, il t'adore toujours d'ailleurs, et il m'a reparlé de toi hier, dis Tooru, t'as des nouvelles de Tobio-san, t'as vu il joue chez les Adlers, si tu le revois prends son autographe pour moi steup, alors que moi, il ne m'a jamais demandé d'autographe, ce petit ingrat ! Moi qui me dévouais pour faire le babysitter ! Moi qui l'emmenais tous les lundis au gymnase !

-Ouais, je me souviens.

C'était un de ces fameux lundis où je les y avais croisés tous les deux ; la fois où Oikawa a pris une photo de moi pendant que j'étais incliné devant lui. Lui aussi y pense, sûrement, à voir la lueur malicieuse qui traverse ses yeux.

-Eh bien, Takeru est en seconde à Karasuno, comme tu sais. Et ce jeune plaisantin s'est bien gardé de dire qu'on avait un lien de parenté. Ton coach -Ukai, c'est ça ?- a découvert que j'étais son oncle seulement à l'Interhigh, quand Mizoguchi, l'ancien manager d'Aoba, est allé lui demander de mes nouvelles. Il ne te l'a pas dit ?

-Non, enfin, je l'ai vu hier mais il était à moitié bourré, alors voilà.

-Je vois le genre. Et ce petit con de Takeru, au lieu de faire (il ferme un œil, agite deux doigts en signe de victoire et fait une bouche en cul de poule) : Eh oui, c'est moi, le neveu du Grand Roi en personne, maintenant vous connaissez la source de mon talent ! il a simplement répondu ouais, c'est mon oncle, et je suppose avec l'air le plus blasé du monde.

Je peux pas m'empêcher de sourire devant ses mimiques :

-Tu sais qu'il t'admire beaucoup, Tooru-san. C'est juste qu'il n'est pas aussi expressif que toi.

Oikawa laisse échapper un léger rire, et ne relance pas ; c'est seulement à ce moment-là qu'il a l'air de reprendre son souffle, de se poser un peu, et qu'il peut enfin m'adresser un vrai, beau sourire sincère :

-Ouais, t'as raison. Merci, Tobio.

J'entretiens une conversation légère le temps qu'on soit servis. Mais rapidement, je me dis que c'est assez blablaté, je veux en venir à l'essentiel :

-Comment ça se passe, à San Juan ? Ils veulent prolonger ton contrat ?

Il hausse les épaules :

-José voudrait que je reste. Il fait valoir que je resterai passeur titulaire, et en prime qu'il me nommera capitaine l'année prochaine. Et puis, que c'est plus cohérent de rester dans la ligue argentine maintenant que j'ai la nationalité, d'autant plus que je peux rencontrer mes coéquipiers nationaux en championnat toute l'année là-bas...

Ce sont de bons arguments. Je sens une moue se dessiner sur mes lèvres.

-Tu joues là-bas depuis 2013. Il ne t'en voudrait pas de passer une saison ailleurs, surtout si le niveau global est meilleur qu'en Argentine, non ? Si tu deviens encore plus fort, au final, c'est tout bénéf pour ton équipe nationale aussi.

-Est-ce que tu essaies de me convaincre de te rejoindre en Superlega l'année prochaine, Tobio-chan ?

-Je sais ce que je veux pour ma carrière. Et elle passe avant tout, donc je compte sur toi pour t'adapter.

Tooru déglutit. C'est vrai que j'ai répondu un peu sèchement, mais tant pis, faut qu'il comprenne que je ne vais pas l'attendre éternellement. Allez, j'en remets une couche pour faire bonne mesure :

-Tu veux qu'on se remette ensemble, mais tout ce qu'on peut faire en jouant chacun sur deux continents différents, c'est de se croiser trois fois par an pendant les mondiaux et de se bécoter dix secondes dans un couloir. Ça n'a pas d'intérêt.

Oikawa hoche lentement la tête, puis se penche vers moi et rive son regard au mien -et l'intensité de ses yeux me déstabiliserait presque, mais je veux rester solide.

-Oui, bien sûr. C'est une décision qui se réfléchit...

-C'est pas toi qui me disait que l'Argentine, bah c'était peut-être pas une si bonne idée ?

Il m'adresse un sourire douloureux :

-Pitié, Tobio-chan. Je sais que j'ai mal géré, je suis désolé pour la manière dont ça s'est passé quand je suis parti. Quand on s'est vus cet été, quand je t'ai dit que tu me manquais, que je voulais rester, et quand j'ai cherché à te voir cet automne, j'étais complètement sincère. Je veux que ça fonctionne entre nous et je ferai les compromis qu'il faut.

-Quels compromis ?

J'ai l'impression qu'il tourne autour du pot, je n'aime pas ça :

-Sois clair, Tooru-san, parce que moi je le suis. Mon but, c'est d'intégrer la Superlega l'année prochaine. Tu veux qu'on se remette ensemble ? Alors viens avec moi. Il y a plein de clubs là-bas qui seraient ravis de te recruter.

Il a l'air incertain. J'achève :

-Si ça te convient mieux, je serais aussi d'accord pour intégrer la PlusLiga polonaise ou prolonger une année en V-League. Ça te donne trois options. Voilà, ça ce sont mes compromis.

Au départ, j'étais sûr de vouloir l'Italie, mais j'avoue que je me suis ouvert à l'idée de la Pologne quand Ushijima-san a dit qu'il tenterait sa chance là-bas. Et puis, pour la V-League... J'avoue que je commençais à avoir hâte de sortir du volley japonais, mais bon, si Nicolas reste... Je reporte mon attention sur Tooru :

-J'entends bien, Tobio, et j'y ai déjà bien réfléchi. Les villes italiennes sont proches les unes des autres, on pourrait facilement se voir tous les week-ends... Voire tous les jours. Si tu as une offre de l'Ali Roma, je me mettrai en contact avec Cisterna. Il n'y a qu'une demi-heure de train entre les deux villes.

Je me rends compte que j'avais un nœud dans la gorge seulement au moment où je respire enfin plus librement -il s'est renseigné, il l'a envisagé sérieusement. Alors pourquoi est-ce qu'il est autant sur la réserve ?

-Mais si...

-Quoi ?

-Si José décide de...

Putain, encore lui. Saloperie de José -ça lui suffit pas d'avoir emmené Tooru là-bas, il veut l'y emprisonner, maintenant ?

-José, José, tu peux vivre sans José, non ? attaqué-je. C'est quoi, c'est ton daron, José ? D'accord, ok, il t'a donné l'opportunité de jouer en première ligue, il t'a recruté dans une équipe nationale, il t'a aidé à accomplir tes rêves, merci José. Mais tu comptes passer ta vie à San Juan sans rien voir d'autre ? T'es interdit d'aller jouer ailleurs ? C'est toi qui choisis ! Si tu signes pas ton contrat dans son club, qu'est-ce que tu veux qu'il fasse, hein ?

Oikawa baisse les yeux. Qu'est-ce qu'il a, bon sang ? Il a été capable de tout plaquer, moi compris pour partir en Argentine, mais il n'arrive pas à changer de championnat ? Alors qu'il s'est déjà renseigné sur l'Italie ? Qu'est-ce qui le retient là-bas, lui qui regrettait même d'être parti il y a quelques mois à peine ? Après tout, je ne connais rien de sa vie argentine... Je ne sais pas ce qu'il a fait dans ce pays, avec qui il s'est lié. Et s'il y avait quelque chose de grave ? Quelque chose qui compromettrait un départ ? Juste au moment où je commence à imaginer des scénarios tous plus glauques les uns que les autres, il redresse la tête :

-T'as raison, Tobio. Fais passer ta carrière avant moi, ça vaut mieux.

Quoi ? Il... Il ne compte pas venir ?

-C'est ce que j'ai fait quand je t'ai quitté, j'ai priorisé mon avenir professionnel. Alors rends-moi la pareille, qu'on soit quittes. Va en Italie comme tu as envie de le faire.

Je veux me lever et quitter le restau dans un remake de notre rupture. C'est comme ce soir-là : je me sens déçu, trahi même, étranglé de frustration... J'amorce un geste pour repousser ma chaise, mais ses doigts se posent sur ma main, agrippent ma paume, et il se penche soudain vers moi avec dans les yeux quelque chose qui me fait frémir :

-Et je t'y rejoindrai.

Je m'arrête net.

-Je t'ai quitté une fois et je m'en suis mordu les doigts. Plus jamais, Tobio, je ne veux plus jamais te laisser derrière moi. Alors maintenant, où que tu ailles, je te promets de te suivre. Signe où tu veux, je m'arrangerai pour être près de toi. Voilà... Voilà mon compromis.

Ses paroles m'ont figé sur place. Elles sont sincères, je le sais, je le sens, je le vois dans ses yeux qui brûlent, dans ses yeux qui brillent. Je referme mes doigts autour des siens. Putain d'ascenseur émotionnel. Alors... alors c'est bon ? Pour de vrai ?

-Pardon d'avoir mis si longtemps à m'en rendre compte, murmure Tooru. Ces dernières années, tu sais... Il faut... Il faut que tu saches que...

Tout à coup, des applaudissements et des cris de joie éclatent. Je sursaute. A deux tables de nous, un gars s'est agenouillé devant sa copine pour la demander en mariage, brandissant un écrin devant son nez. On était tellement pris dans notre conversation qu'on a pas du tout calculé ce qui se passait autour de nous. Je regarde la fille larmoyer en essayant la bague, le couple se faire un petit câlin maladroit, puis le staff qui arrive pour les féliciter.

Je me demande comment Nicolas a demandé Flavia en mariage. La pensée flashe dans ma tête, soudaine, déclenchée par un rien, comme tant d'autres depuis quelques semaines -comment Nicolas fait ça, et que pense Nicolas de ça, ou est-ce que Nicolas sait ça.

-Ils sont mignons, hein ? sourit Tooru.

Nos doigts sont toujours entremêlés. Il serre doucement les miens. La pensée parasite s'estompe derrière le sourire de Tooru et la tendresse dans ses yeux. Le temps que l'émotion se dissipe dans le restaurant, on s'est levés pour payer -Oikawa me pousse vers la sortie en dégainant sa carte bleue, et on se retrouve dehors.

-Merci, Tooru-san.

-C'est normal, Tobio-chan. Je te l'ai dit, ce sont nos retrouvailles.

On marche côte à côte pendant quelques minutes, et je le relance :

-Tu voulais me dire quelque chose, au fait ? Avant qu'on soit interrompus ?

-Ah oui ? Je ne sais plus.

Il me sourit et prend ma main. Je peux pas m'empêcher de penser que Romero a fait la même chose il y a deux semaines.

-Sûrement que je suis heureux de te retrouver, commente Oikawa d'une voix légère. Que j'ai hâte qu'on puisse passer du temps ensemble à nouveau. Et pile à ce moment-là, une demande en mariage ! Drôle de coïncidence, non ?

Mariage ? Se marier ? Lui, moi ? Je sens mes joues cuire, je détourne les yeux :

-Bah ouais... On peut pas se marier, nous, si, euh, si un jour, enfin... Au cas où... Tu vois.

Oikawa éclate de rire -ce rire musical et clair qui résonne jusque dans ma poitrine- et d'un geste du bras, me fait pivoter face à lui :

-Si on était tous les deux Japonais, ce serait inenvisageable, c'est vrai. Mais il se trouve que je suis Argentin, et que là-bas, je peux épouser un homme si j'ai envie. Ça pourrait valoir le détour, non ? Je te ferais visiter... On ferait notre lune de miel en Patagonie...

Je vais hyperventiler là, faut qu'il arrête :

-Tooru-san, s'il te plaît, ne me demande pas en mariage ce soir.

Il rit encore, d'une joie contagieuse, et sans réfléchir je plaque mes lèvres sur les siennes et je l'embrasse. Je l'embrasse vraiment, avec passion, avec ardeur, presque avec désespoir. Quand on s'écarte, nos souffles échaudés se muent en nuages de vapeur.

-Dit-il avant de m'embrasser comme ça..., plaisante Tooru. Mais non, Tobio-chan, sois tranquille. Je ne ferais pas ma demande dans un parking désert un soir d'hiver glacial. Tu me connais, il me faut quelque chose de grandiose... Je suis sûr que l'Italie m'offrira des tas d'opportunités.

L'Italie. Nous deux en Italie, l'année prochaine, dans quelques mois. Un nouveau départ comme j'en rêvais, de nouveaux projets, toujours plus grands, toujours plus éblouissants. Je l'embrasse à nouveau, il m'entraîne sur un rythme plus doux, sur le type de baiser qui se laisse savourer. Un peu malgré moi, je trouve que ça manque de langue, de salive et de mains baladeuses. Je crois que je me suis un peu trop habitué à... Non, c'est pas le moment d'y penser.

N'empêche, tandis que je reconduis Oikawa chez lui, j'ai quand même un peu envie d'aller plus loin. Faut dire que mon corps s'est habitué aux plaisirs de la chair plusieurs fois par semaine, et que ça fait quinze jours que je suis abstinent. Ma banquette arrière me paraît tout à fait décente pour... Mais non, non, je dois rester lucide. Si je dois recoucher avec Oikawa, et ça arrivera sûrement bientôt vu comme c'est parti, ce sera comme une seconde première fois, autant faire ça proprement et confortablement dans un lit classique. Baiser sur un canapé, une banquette arrière, dans un ascenseur ou le vestiaire des Adlers -totalement au hasard- c'est vraiment, vraiment un truc de plan cul.

-Quand est-ce qu'on se revoit ? me demande Tooru lorsque je me suis garé devant chez lui.

-Je rentre à Tokyo demain. Mais tu pourras venir me voir.

-Ce sera avec plaisir.

Tooru se penche, m'embrasse encore une fois. Je me demande si on va se dire je t'aime. Je ne sais pas si je suis prêt à le dire à nouveau -c'est la seule et l'unique personne à qui je l'ai dit de toute ma vie. Ça a du sens, pour moi. Et finalement je me sens presque soulagé quand il quitte ma voiture sans en rajouter -la soirée a déjà été bien assez riche en émotions comme ça.

La soirée a comblé mes attentes. Tooru a été à la hauteur et à présent, toutes les données sont réunies pour que j'aille de l'avant. Alors je vais foncer, tête baissée, sans regarder en arrière. 

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