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III. 3. Tooru


José m'a donné ma convocation pour l'équipe nationale argentine en main propre.

C'est probablement un des plus beaux moments de ma vie ; ça y est, enfin, après des années à lutter, après des années à m'entraîner, à prendre des risques, à sacrifier, j'ai atteint mon objectif : intégrer une sélection nationale. Pendant des années, quand j'imaginais ce moment, je pensais arborer un drapeau japonais sur ma poitrine, porter la couleur rouge traditionnelle -eh bien, ce sera du bleu, comme un ciel au milieu duquel flotte, sur mon pectoral gauche, un petit soleil ; et c'est tout aussi bien.

J'étais resté immobile devant la lettre. Les larmes m'étaient monté aux yeux, le temps que la pensée s'impose dans mon esprit -ça y est, je suis un joueur national. Je vais me battre sur le terrain pour représenter mon pays. José avait souri, puis avait tempéré un peu :

-Pour l'instant, je vais surtout te faire rentrer au service, pour la passe, on verra plus tard, ou en fonction...

Oui, normal. Il faut que je rencontre mes nouveaux coéquipiers nationaux, que je m'habitue à jouer avec eux, qu'on apprenne à bien se connaître avant de pouvoir être en symbiose sur le terrain. Mais quand même. Un horizon entier vient de s'ouvrir à moi. Un pas de plus vers le succès. Une preuve de plus que j'ai bien fait de suivre Blanco en Argentine.

Enfin. Si José est un coach hors pair, c'est autre chose du point de vue des sentiments. On n'a jamais reparlé de la confession qu'il m'a faite ce soir-là, en février à Buenos Aires dans cette chambre d'hôtel, celle qui m'a permis de poser un nom et un visage sur l'autre homme -ou l'un des autres hommes- qu'il fréquente. Nicolas Romero, le champion de l'équipe du Brésil. Et désormais l'homme que je déteste le plus au monde.

Ma fureur n'est pas retombée. Je sais que je devrais peut-être en vouloir à José de me tromper, de me préférer quelqu'un d'autre, de ne pas voir ce que je suis prêt à faire pour lui. Mais je préfère le garder dans la bulle d'idolâtrie où je l'ai toujours placé, c'est plus facile. Ça m'évite de cogiter. Et je concentre ma haine sur celui qui me le prend, celui qui se l'accapare, celui qui me le vole.

Avec la convocation est arrivée le stage d'entraînement national, puis la ligue mondiale 2017, et je sais que je le verrai là-bas. Qu'est-ce que je vais lui dire ? Qu'est-ce que je vais lui faire ? Je ne sais pas. Je n'arrive pas à imaginer quelque chose à la mesure de ma haine.

-Purée, j'aurais jamais cru dire qu'il fait meilleur en Russie, soupire Martin tandis qu'on descend de l'avion. Enfin, ici, c'est l'été...

On passe la première semaine à Kazan, au gymnase d'un des plus grands clubs de volley d'Europe. Trois jours, trois matchs. Je porte le numéro 13, le numéro qu'avait José, le cœur tout gonflé de la symbolique. Il me fait entrer au service plusieurs fois -et, contre la Bulgarie, je marque mon premier ace sur terrain national. Mes coéquipiers m'entourent, je lève un poing, et à cet instant, à cette seconde, j'espère que le monde entier a les yeux rivés sur moi. Que tout le monde, mes amis, mes ennemis, ma famille, Tobio, Miya, Ushijima, Hibarida, José, Romero, que tous voient combien je suis fort, moi aussi.

Deux défaites sur trois, mais peu importe, il faut gagner pour avancer, c'est comme ça a toujours été depuis le collège. Pour la deuxième semaine, on se rend à Téhéran, mais on perd les trois matchs contre la Serbie, la Belgique et l'Iran. Tant pis, tant mieux peut-être -José m'a fait rentrer à la passe, et même si je n'ai pas mené l'équipe à la victoire, j'ai pu faire mes premiers pas de passeur national. Ça, c'est grand.

Troisième semaine, retour au bercail. On joue à une heure d'avion à peine de San Juan, à Cordoba. Ça fait du bien de retrouver l'Argentine -je me rends compte que je m'y sens chez moi, maintenant ; mais toute la confiance que j'ai accumulée de mes expériences en match et le réconfort de retrouver mon foyer sont déstabilisées par la pensée que ça y est, il va être temps d'affronter le Brésil. Ils vont arriver ici, eux aussi -et ils ont déjà beaucoup de points au compteur avec leurs quatre victoires, ils sont encore bien partis pour gagner. J'ai envie d'en découdre, et en même temps, je me sens tétanisé en sachant que José va peut-être en profiter pour me délaisser au profit de Romero. Je n'ai pas envie qu'ils se voient. Ça me tue de l'intérieur de l'envisager.

Je ne sais pas à quand remonte la dernière fois qu'ils se sont vus. Romero vit avec sa famille en Italie, et son image est contrôlée, je l'aurais su s'il était venu en Argentine. Mais José, lui, a peut-être profité de la pause de fin de saison, début mai, pour le rejoindre... Pour célébrer avec lui ses nouveaux titres. Deux médailles d'or après avoir dominé la ligue italienne en championnat et en coupe, une médaille d'argent pour la Supercoupe, une médaille de bronze au niveau européen. Une raison de plus de le détester. Un seul homme ne devrait pas avoir tant de chance. C'est injuste. Si je pouvais, je balancerais tout ce que je sais sur lui... Mais les menaces de José ne sont pas sorties de ma tête non plus. Eteindre la réputation de Romero, c'est broyer ma propre carrière. Je suis piégé.

17 juin, 18h, on affronte le Brésil. Je me rappelle, aux Jeux Olympiques, alors que je n'étais que spectateur, je me disais que j'avais hâte d'affronter cette équipe en particulier, hâte d'effacer leurs sourires. Aujourd'hui, je suis plus remonté que jamais. C'est une affaire personnelle. Je veux les écraser. Je veux mettre Romero à terre devant José. Je veux lui montrer qu'entre nous deux, le meilleur, c'est moi.

Le stade nous acclame lorsqu'on entre sur le terrain. C'est la première fois que je vais jouer à domicile pour l'Argentine, et je me sens invincible lorsque la foule crie mon nom. Ils me connaissent. Ils m'aiment. Je connaissais cette sensation avec San Juan, mais là, j'ai l'impression que toute l'Argentine, que le pays entier est derrière moi, et ça me donne des ailes.

L'euphorie se dissipe lorsque les adversaires apparaissent. Nous avons le ciel, mais eux ont le soleil dans leurs maillots d'un jaune vif. Je repère Romero immédiatement, il entre à la suite de Bruno, parcourt le stade du regard, un léger sourire sur les lèvres, puis ses yeux s'arrêtent à côté de moi. Le doute m'étreint le cœur. Je me retourne. José est debout, son ardoise dans une main, un feutre dans l'autre, mais il s'est figé dans son schéma, il a redressé la tête, et ils se regardent.

J'ai envie de hurler.

C'est la pire sensation du monde. Je regarde José Blanco, José Blanco regarde Nicolas Romero. L'homme que j'aime est obnubilé par un autre. Ma gorge se noue. J'ai l'impression d'avoir pris une douche froide. Je fais exprès de passer devant lui pour aller prendre ma gourde, je fais exprès de les interrompre -José reprend son schéma, Romero va s'échauffer, mais je me sens toujours aussi mal.

Le Brésil prend le premier set 19 – 25.

-C'est rien, on oublie, dit José avant le début du deuxième. Rappelez-vous les consignes, c'est ce qu'on a travaillé. C'est au block qu'on peut gagner ce match. Si vous mettez assez de pression sur Bruno, il va devenir lisible...

Comme Tobio. La pensée surgit dans ma tête, tout d'un coup, me renvoie des années en arrière, à l'époque des matchs entre Aoba Johsai et Karasuno. J'ai l'impression que c'était dans une autre vie. La nostalgie m'agrippe à la gorge. C'est si loin. Pourquoi est-ce que je me prenais la tête pour des matchs de lycée ? Pourquoi je boudais parce que Tobio gagnait ? C'était puéril. C'était futile. Maintenant, je suis là, je suis un représentant de l'équipe nationale d'Argentine. J'ai l'impression d'être un autre homme. Que ce passé appartient à un étranger.

Pourquoi je pense à ça maintenant ? Je me reconcentre. Le deuxième set est plus prometteur, les blocks s'enchaînent. 14 – 9 pour nous. Martin contre une attaque de Romero, et je peux pas m'empêcher de serrer les poings. 22 – 15, on va gagner ce set, les gars sont en feu, et nous aussi, on crie à chaque action comme si on était en train de jouer une finale. Et puis le Brésil grignote le score – ils marquent quatre points d'affilée, reviennent à 19, et José se retourne vers moi.

-Tooru. A toi de jouer.

Je rentre. J'inspire au moment de saisir la balle. J'ai l'impression que je me suis préparé toute ma vie pour ce moment. Je suis là, face au terrain adverse, face à cette équipe qui recommence à sourire après leur petite remontada, et je veux piétiner tous leurs espoirs. Je fais tourner la balle dans mes mains. J'entends, de très loin, le sifflement de l'arbitre. Je lance la balle, je prends mes pas d'appel -ils sont bien exécutés, je saute, je le sens bien -je frappe la balle avec toute la puissance que je peux générer. La balle traverse le terrain en une fraction de seconde, la trajectoire est parfaite -et elle se plante au bord du terrain, dans le carré magique, juste derrière Wallace, sans être touchée.

Le public est déchaîné, mais je garde la tête froide. Je recommence ces gestes répétés des milliers de fois. Lancer, prise d'élan, saut, frappe. Cette fois, je vise Romero, c'est lui que je veux -l'impact l'envoie rouler en arrière, mais il l'a réceptionnée, et je fronce le nez tandis que le Brésil se prépare à contre-attaquer -c'est rapide, et je n'ai pas le temps de me placer que Lucas a planté la balle à mes pieds. Je sors du terrain :

-C'est bien, Tooru, murmure José tandis que je passe à côté de lui.

On gagne le set, on change de côté, rebelote, José donne les consignes, mais je suis focalisé sur ma prochaine entrée. Je ne veux pas briser ma concentration, je dois être là au moment où on m'attend. Je dois prouver que je mérite ma place ici, comme José m'a dit il y a des années, il faut que je montre que même en étant arrivé là par chance, j'ai les épaules pour porter l'Argentine à un meilleur niveau. Le troisième set est serré, les points se prennent, se perdent tour à tour, et on arrive à 23 – 22 pour nous. José me fait signe d'approcher. C'est à moi.

C'est un défi. J'ai deux points à marquer à la suite, je n'en ai mis qu'un dans le set précédent. Je fais le vide dans ma tête, mais la chaleur dans ma poitrine est toujours aussi vivace. J'ai l'impression qu'il y a quelque chose de terriblement violent enfermé en moi, qui n'attend que le moment de surgir et de frapper -et je vais l'exploiter, je vais lui donner forme. Je frappe la balle, et elle touche le filet, cette fois, mais tombe côté brésilien ; trois joueurs plongent mais c'est trop tard, c'est un ace. La balle me revient, la balle de set. Est-ce que j'essaie de faire zipper Romero ? Il est juste en face de moi. Il me regarde avec attention, légèrement penché en avant, les lèvres entrouvertes. J'ai l'impression que ses yeux me brûlent. Je sers, mais je me suis déconcentré et je vise mal -le libéro récupère, ils construisent, on réceptionne l'attaque, et j'entends la foule qui rythme notre jeu en comptant, réception -un-, passe -dos-, attaque -tres- et c'est un block out !

Quatrième set, si on le gagne, on gagne le match. Les débuts sont accrochés, mais notre système se met en place, je vois José qui longe le terrain avec un petit sourire, les blocks s'enchaînent, leurs attaques sont moins puissantes, toute mon équipe est galvanisée par le public et la perspective de victoire. Ils mettent deux points à la suite, on est à 22 – 17, c'est confortable, et je ne m'attends pas à rentrer, mais José m'appelle une fois de plus, et j'entre, je veux le rendre fier, je veux lui montrer ce que je vaux.

Comme au set précédent, je me retrouve avec Romero en face de moi. Dix-huit mètres nous séparent. Il a toujours le regard rivé sur moi, d'une intensité étouffante, l'arbitre n'a pas encore sifflé ; et je saisis son geste, rapide mais révélateur -ses doigts qu'il passe dans ses cheveux avant de se remettre en place, ce tic nerveux qui trahit qu'il est sous tension, lui aussi, et c'est tout ce que j'attendais.

Je frappe. Il zippe. La balle heurte le plateau de ses poignets, dévie dans un arc large, et va se perdre quelque part dans le public en délire.

Je mets le suivant dehors, mais au fond, je m'en fous. J'ai eu ce que je voulais. On va gagner ce match. Et en effet, mon équipe plie ça dans un dernier block sur Mauricio -victoire 3 – 1, l'Argentine gagne enfin contre le Brésil. Le public hurle, mes coéquipiers hurlent, je hurle. On se précipite sur le terrain, le staff nous y rejoint, tout le monde s'enlace, tout le monde danse et chante comme si on venait de gagner une coupe -et pourtant c'est juste un match de poule, mais c'était contre nos rivaux, et j'ai accompli ma promesse, je leur ai fait bouffer leurs insupportables sourires. Putain. Je suis pas peu fier.

On se serre les mains, j'ai l'impression que celle de Romero me brûle. C'est la première fois que je le touche. J'aurais dû lui écraser les doigts. J'aurais dû lui faire mal. Je m'étais promis de me venger à la moindre occasion, le service était un début, mais j'ai envie de plus, j'ai envie de le blesser en profondeur.

Je me douche avec mes coéquipiers, c'est puéril mais on gueule pour que le Brésil nous entende célébrer la victoire. Je tiens à sécher mes cheveux avant de sortir -autant être au meilleur de moi-même devant José et les autres- et les gars partent devant en rigolant :

-On t'attend au bar, Tooru !

Je prends le temps d'envoyer un message à Iwa-chan pour lui dire qu'on a gagné, au cas où il n'a pas pu suivre le match. Peut-être que je devrais faire une story pour que Tobio la voie ? Il joue la Ligue mondiale en division 2, lui, avec le Japon -et quand j'y pense, je me félicite de pouvoir regarder avec condescendance le pays qui ne m'a jamais reconnu ; moi, je suis en division 1, je suis dans la cour des grands. Mais je n'ai pas envie de mépriser Tobio, je connais sa valeur mieux que personne ; ils ont bien joué jusqu'ici, ils ont leurs chances pour les phases finales. J'ai regardé chacun de leurs matchs. J'ai vu les services de Tobio, la précision de ses passes. Ses combinaisons avec Miya Atsumu, aussi, le sourire qu'il a quand il attaque ses passes, et leur complicité m'a pincé le cœur.

Je quitte enfin les vestiaires -il ne doit plus rester grand-monde ici, dans le couloir réservé aux athlètes. Tout le monde doit être dans la zone VIP ou donner des interviews. J'ouvre la porte du vestiaire, et je me rends compte que quelqu'un sort de celui qui fait face au même moment, comme en symétrie -je le regarde, il me regarde, et on se fige.

Nicolas Romero se tient devant moi. Il a revêtu le survêtement de son équipe -jogging bleu nuit, veste jaune floquée du drapeau brésilien. Il est en chaussettes, ses cheveux sont encore humides. Nos regards se croisent. La haine me saisit le cœur.

-Jolis services, dit-il alors en espagnol d'un air aimable.

Je le hais, je hais son sourire, je hais sa voix mielleuse, je hais ses yeux à moitié fermés comme s'il se foutait de tout. Mais je feins un sourire comme je sais si bien faire, je dissimule, comme toujours :

-Merci. C'était un beau match.

-C'est la première fois qu'on se rencontre, il me semble.

J'ai l'impression de recevoir un coup dans le ventre lorsque que je me rends compte que son espagnol est teinté d'un accent cuyano particulièrement reconnaissable -l'accent de San Juan. L'accent de José. Est-ce que c'est lui qui lui a appris la langue ? Je lui adresse un sourire qui me fait mal aux lèvres :

-Oui, je crois. Enchanté, je m'appelle Tooru Oikawa.

Il s'adosse au mur comme si on était de vieux potes prêts à se causer. Pendant une seconde, j'imagine ce que ça ferait de le déséquilibrer, de le mettre au sol, de lui écraser le visage sous ma basket.

-Je dis juste que c'est la première fois qu'on se parle, dit-il tranquillement. Ça fait longtemps que je sais qui tu es.

Ah oui ? La fierté et la jalousie m'aiguillonnent, j'ai du mal à faire le tri. José lui parle de moi ? Qu'est-ce qu'il peut bien lui dire à mon sujet ? Il doit savoir qu'on a une relation, il doit savoir que je sais, moi aussi, qu'ils en ont une, dans cet entrelac de petits secrets compromettants. Ça ne fait pas de nous des complices pour autant. Il est mon rival. Il est mon ennemi. Alors je continue de feindre ma voix plaisante, et je le provoque :

-Je me doute. Tu dois être un grand fan de San Juan.

Une lueur traverse ses yeux verts :

-Oh, certainement.

Il l'avoue. Je ne sais pas pourquoi, mais je m'avance vers lui. Il y a une sorte d'attraction, quelque chose qui m'entraîne en avant -le désir de lui mettre mon poing dans la gueule, sûrement, d'avoir un bon angle pour lui défoncer la mâchoire. Je veux l'énerver. Je veux pouvoir le frapper et m'en justifier pour éviter les problèmes. Alors je le cherche :

-Certainement, ouais. Tu sais, moi aussi, ça fait longtemps que je sais qui tu es. Et qui tu fréquentes.

Il se penche légèrement vers moi, et on se retrouve face à face, presque nez à nez. Je sens l'odeur de son shampoing et de son déo, je vois les nuances vertes de ses iris. Le vert, la couleur de la jalousie... Et il murmure avec une douceur pernicieuse :

-On est sur un pied d'égalité, alors... Enfin, presque.

J'ai envie de serrer sa gorge, que les mots arrêtent d'en sortir. Je n'arrive plus à garder le masque. Je réplique, brutalement, la voix sèche :

-Pourquoi ? Tu penses que José te préfère ?

J'aurais aimé le faire douter. J'aurais voulu qu'il fronce les sourcils. Mais à la place, il éclate de rire, et me braque son insupportable sourire en plein visage :

-Gaspille pas ta salive, Tooru. Des fois, tu peux pas rivaliser, c'est comme ça.

Une bulle de violence éclate dans ma poitrine, comme tout à l'heure sur le terrain. Mes oreilles tintent. J'ai envie de briser son air serein. Mes mains tremblent. Le sourire qui s'étale sur mon visage n'a rien à voir avec le plaisir :

-Moi, je peux pas rivaliser avec toi ?

Il se penche vers moi, et mon regard tombe sur ses lèvres quand il répond avec délectation :

-Non, je pense bien que non.

Je craque. Je le pousse contre le mur, je l'attrape à la gorge. Je m'attends à ce qu'il se débatte, mais il se contente de redresser légèrement le menton tandis que ma paume écrase sa pomme d'Adam, et me regarde avec une sérénité que j'ai envie de faire voler en éclats. Je crois que je vais commettre une erreur. Je crois que je vais commettre une grosse erreur mais je ne me contrôle plus, j'entends les mots qui s'échappent tous seuls de ma bouche :

-Ferme ta gueule, je sais qui t'es, je le sais, José a rien à foutre avec une salope comme toi...

J'ai envie de le détruire. Quand il me répond, je sens ses cordes vocales vibrer sous sa peau, sous mes doigts :

-Je suis peut-être juste meilleur que toi.

Meilleur que moi. J'ai l'impression de vriller. Meilleur que moi. Je sens les yeux écarquillés et les lèvres entrouvertes de mon corps qui défaille. Il passe sa langue sur ses lèvres. On est si près qu'elle effleure presque les miennes.

Quelque chose saute dans ma tête.

-Alors on va voir ça.

Je plaque mes lèvres sur les siennes. Est-ce qu'il s'y attendait ? Je sais pas, je m'en fous, il n'est rien, il n'est personne. Je resserre mes doigts autour de son cou. Nos langues se touchent, peu à peu j'accentue la pression sur sa gorge. Je le sens sourire, j'ai horreur de ça. J'ai horreur de lui. Quand il glisse une jambe entre mes cuisses, je plante mes dents dans la chair de sa lèvre inférieure avant de m'écarter d'un centimètre :

-T'es vraiment qu'une sale pute.

Ses joues sont rouges à force d'avoir le souffle coupé. Il a du sang sur les dents. Je ne lui laisse pas le temps de répondre, je veux pas l'entendre, je déteste sa voix, alors je l'embrasse à nouveau, je fais exprès de traîner ma langue sur la plaie que je viens de lui infliger, et quelque chose semble bouillir dans mon bas-ventre quand le goût métallique de son sang se mêle à ma salive. On s'écarte à nouveau :

-Je te hais, putain, je te hais.

-C'est ça qui te fait bander ? réplique-t-il.

La haine et l'excitation se ressemblent terriblement. Toutes les deux, elles me brûlent, elles me rongent le bas-ventre -l'envie de le baiser, l'envie de le briser. Est-ce que je vais plus loin ? J'ai l'impression de voir à travers un filtre rouge. Que dira José s'il apprend que j'ai joué avec son bébé ? Je m'en fous, j'aurai son attention... Peut-être que lui et moi, on sera sur le même plan, comme ça... Peut-être que j'arrêterai de trop penser, une fois que j'aurai pris Romero, quand je l'aurai humilié, réduit en miettes, quand j'aurai vu qu'il ne vaut rien à côté de moi.

Il ne se défend pas quand je l'agrippe par le col pour le tirer dans le vestiaire vide. Il est sûrement plus fort que moi, il pourrait inverser les rôles s'il voulait. Mais il se laisse soumettre, bonne salope qu'il est, les rumeurs sont bien vraies -alors je le fous à genoux, je sors ma queue et je lui fourre dans la bouche. Je peux pas retenir un gémissement, ça fait des années qu'on m'a pas sucé, José ne fait pas ça, et je prends le plaisir avec égoïsme, j'attrape sa tête à deux mains et je l'empale sur ma queue comme si je voulais lui transpercer la gorge, mes doigts dans ses cheveux mouillés pendant que je jouis de la vue -il est à genoux devant moi, ce n'est rien d'autre qu'une pute, ce n'est pas digne de José. Je pense à sa réputation, à ses yeux intenses sur le terrain, ouais, ceux du champion du Brésil qui est en train de me sucer la queue. J'ai pas envie de jouir tout de suite, alors je le repousse en arrière sans prévenir. Il se rattrape sur les mains, une grimace lui échappe, ça me plaît. Voir une expression de douleur sur son visage de star, juste à côté de ma queue raide et dégoulinante de salive, ça me fait bander encore plus fort.

Je le rejoins au sol, à même le carrelage du vestiaire encore moite, je tire sur son jogging. Il ouvre la bouche :

-On n'a pas de...

Je m'en fous. Je profite de l'ouverture de ses lèvres pour y glisser deux doigts, je les enduis de salive, puis je lui remonte les jambes et je les lui passe de force. J'entends qu'il étouffe une plainte dans sa manche, ça me donne plus de plaisir qu'un gémissement de désir.

-Tu fermes ta gueule, maintenant, hein...

Ma voix tremble d'excitation. Je retire mes doigts, je crache dessus, je lui remets plus profond, je regarde avec fascination ses cuisses à demi-dénudées qui se contractent et je dis :

-Je vais te défoncer.

J'ai déjà envie de lui enfoncer ma queue, de le dominer, de le casser de l'intérieur, de lui faire intégrer son statut de pute à coup de reins. Qu'il s'en souvienne à vie. Il se retourne sur le ventre, appuyé sur les coudes, et je le prends -sans capote, tant pis, je suis plus à ça près, ma queue est encore trempée.

C'est la première fois que je baise pour mon propre plaisir, sans capote, et ça fait des années que j'ai pas dominé. J'ai l'urgence de jouir. Le besoin de l'utiliser comme un sac à foutre, qu'il comprenne bien où est sa place par rapport à moi. Meilleur que moi. Ah ouais ? T'as pas l'air meilleur que moi sous cet angle. Aucune tendresse, aucune pitié. Mes ongles éraflent son crâne quand j'agrippe la racine de ses cheveux pour lui basculer la tête en arrière. Je me fous de lui faire mal, au contraire, c'est tant mieux. De l'autre main, je tiens ses hanches qui roulent contre les miennes, je sens les os sous la peau tellement je serre fort, il aura peut-être un bleu demain -mais rien à foutre, c'est ce qu'il mérite, ça lui apprendra à me prendre José. Tout ce que j'ai souffert, c'est de sa faute, tous mes doutes, c'est de sa faute, tous mes complexes, c'est de sa faute, et maintenant, il paye, maintenant, c'est moi qui suis au-dessus, c'est moi qui le nique, c'est moi qui le défonce, je veux qu'il ne reste rien de lui. Juste quand je pense ça, sa voix s'élève, étouffée, un peu cassée mais moqueuse :

-Je croyais que tu devais me défoncer ?

Fils de pute. Je tire plus fort sur ses cheveux comme si je voulais lui rompre le cou. Je sors ma queue, je lui fourre de nouveau à l'intérieur d'un geste brusque. Il était sur les coudes, la secousse le fait glisser sur le ventre et il reste au sol, les fesses en l'air, cambré dans une position absurde pendant que je le ravage. La peau claque, j'ai l'impression d'être une bête, d'avoir régressé au statut animal, sans pensées, sans sentiments, sans autre chose que la violence et le coït vers lequel je me précipite. Je jouis à l'intérieur, l'orgasme me plie en deux -j'attends quelques secondes, puis je me retire, je me lève et je remonte mon jogging.

Je sors mon téléphone. Ça ne fait que vingt minutes que mes coéquipiers sont sortis. Romero s'est relevé, lui aussi, a remonté le jogging sur ses hanches meurtries. Dommage, j'aurais voulu prendre une photo de lui par terre, le cul à l'air, dégoulinant de mon sperme, histoire de montrer à tout le monde qui est vraiment le champion qu'ils adorent. Je comptais sortir en premier, l'abandonner là, sur le carrelage, anéanti, humilié, mais il passe devant moi comme si de rien n'était, replaçant d'une main ses boucles de cheveux :

-C'était sympa. Salut, Tooru.

La porte se ferme, je reste seul dans le vestiaire. Pour toute trace de ce qui vient de se passer, un peu de mon sperme et de son sang sur le sol. Ça me frappe d'un coup. Je viens de poser les mains sur le favori de José Blanco. Je viens de baiser un homme que je déteste. Je viens de niquer dans la haine.

Je n'en tire aucune satisfaction. Je me sens sale. Je crois que je vais vomir. Qu'est-ce que j'ai fait ? Qu'est-ce qui m'arrive ? Comment j'ai pu tomber si bas ?

Je ne sais plus ce que je fais. Je ne sais plus qui je suis. J'ai l'impression de perdre totalement le contrôle.

Je hais Nicolas Romero. Et, plus encore, je hais celui que je suis devenu. 

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