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Chapitre 36 : Le dîner sur l'Ecarlate

Ren se réveilla en sursautant le lendemain matin alors qu'il sortait d'un cauchemar. Incapable de se contrôler il avait crié en se redressant. Il faisait encore noir dans la pièce et la bougie s'était éteinte. Couvert de sueur froides, il se força à se lever et marcher à tâtons jusqu'au volet de la fenêtre. Tremblant, il attrapa la poignée, ouvrit la vitre puis les volets. La lumière de l'aube chassa immédiatement les chimères qui rodaient dans la pièce, dans son angle mort. Il se laissa choir sur le rebord de la fenêtre en soupirant.

Un horrible cauchemar l'avait encore tourmenté... Il avait vu ses amis mourir. Pas seulement sa bande à Occlasia. Il y avait aussi Stone, Scorpio, Charlie... Tous les autres... Tous morts... Et lui il était là, perdu dans la cendre, poursuivi par des Ombres. Avant de se faire engloutir par les ténèbres, sorte de mélange immonde de matière noire qui lui avait donné la sensation de se noyer...

Il se frotta les yeux pour se forcer à oublier tout ça. Il entendit Stone remuer dans son lit, ce qui fit grincer le tiroir dans lequel il était.

— Déjà debout ? marmonna-t-il en s'asseyant.

Ren ne lui répondit pas, regard perdu dans le vide... Son cœur cognait toujours et lui faisait mal...

— J'ai juste fait un cauchemar... dit-il finalement.

Stone donna un coup de pied à sa couette pour la virer, se leva et se faufila à côté de Ren. Il s'accouda à la fenêtre.

— Et comme j'ai une peur bleue du noir, j'ai ouvert le volet pour avoir de la lumière, avoua-t-il. Je suis incapable de me rendormir dans ce cas là...

— C'était si violent que ça ton cauchemar ?

Sans savoir pourquoi, Ren lui raconta l'horreur qui lui avait collé à la peau pendant son rêve et qui n'arrivait jamais à s'estomper quand il était plongé dans le noir. Vraiment il avait honte de cette phobie. Elle était sortie sans prévenir du néant et ne le quittait plus. Son effroi pendant son cauchemar puis au réveil lui faisait perdre tous ses moyens. Et dans l'obscurité il avait toujours la sensation d'une présence. Toujours là dans son angle mort, à le surveiller sans un mot...

— Je laisserai une allumette sur le chevet si tu veux, pour rallumer la bougie, proposa Stone.

— Pourquoi tu te soucies de moi comme ça ? demanda Ren en se passant les deux mains dans les cheveux et sur le visage.

Franchement il avait honte... Stone lui fila un coup de coude amical entre les côtes.

— T'es un peu une sorte de frangin, c'est normal.

Décidément son alter-ego était de plus en plus étonnant...

— Tu voulais me tuer l'an dernier, rappela Ren. Et moi aussi d'ailleurs.

— Yep, concéda Stone. On voulait chacun arracher la jugulaire de l'autre avec les dents. Mais la situation a changé. On a dû collaborer pour se sortir du pétrin. Et de fil en aiguille on est devenu amis.

— Bleh... fit Ren en tirant la langue comme écœuré.

Pourtant il imprima un sourire sur ses lèvres.

— Avoue quand même que tu me trouves moins chiant ces derniers temps ! insista Stone avec un sourire féroce.

— T'es un peu moins chiant, avoua Ren en roulant des yeux. Et bizarrement ça s'est fait tout seul...

— Voilà !! Comme quoi on était né pour s'entendre finalement !

— Bleh ! refit Ren tellement la conversation était lunaire et niaise.

— Bleh !! rit Stone en tirant sa langue immense.

Ils éclatèrent alors de rire. Le soleil pointa ses premiers rayons sur la ville, éclairant la façade Est des bâtiments. Ren inspira l'air frais et matinal, aux relents de sels.

— Merci mec... lâcha-t-il.

Il se sentait beaucoup mieux, juste en discutant simplement avec son alter-ego. Ce dernier bomba le torse, fier comme Artaban.

— A votre service grand Elu divin !

— Arrêtes avec ça !

***

La journée passa sans encombres ni incident notable. Personne ne revint sur la discussion avec les Douze et sur le fait qu'ils ne faisaient que cacher des choses à leurs Gardiens. De toute façon Ren était tellement remonté qu'il n'aurait jamais eu la patience d'avoir une conversation calme à ce propos avec Scorpio ou Charlie. Le soir commençait à tomber quand le groupe prit le chemin des quais, direction l'immense bateau de marchandises à voiles qu'était l'Ecarlate. Stone était intenable et ne pensait qu'à la bouffe qui sera servie.

— On reste poli ! rappela Charlie. Talia est très généreuse de nous offrir le dîner, c'est un capitaine avec de l'expérience donc mot d'ordre : politesse !

— On ne va pas voir la reine de Grande Bretagne non plus, dit Scorpio. Quand j'entends ce que Ruby raconte sur elle, elle a l'air plus sympa et tendre que son visage ridé et ses sourcils froncés ne laissent paraître.

Ils s'arrêtèrent sur le ponton auquel le navire était amarré. Les lampadaires et les ribambelles de vieilles ampoules reliées entre elles par des câbles électriques anciens éclairaient les docks presque comme en plein jour. Des éclats de voix parvinrent du pont du navire et Ren reconnut celle de Talia. Il ne voyait que le haut de son chapeau et elle négociait avec un docker.

— ... me fiche bien que vous soyez en sous effectif, j'ai des délais de livraison à tenir moi !

— Enfin capitaine Scarlett, certains de nos salariés sont malades et d'autres ont perdu leurs cartes d'employés et d'accès aux docks, parce qu'ils se sont fait volé par un ou une pickpocket, j'ai pas compris l'histoire.

Ren et Stone se tournèrent vers Luka à la mention de cette histoire. Ses yeux firent un aller retour rapide sur les deux puis il sourit d'un air gêné et crispé.

— Débrouillez vous pour me charger la cale avant demain soir, je repars pour les Antilles, exigea Talia. Et après ça se plaint que le courrier et les provisions mettent des mois à arriver ! Du vent.

Le docker descendit en vitesse par la passerelle, puis une tête aux cheveux châtains se pencha par-dessus le bastingage. Un grand sourire s'afficha sur le visage bronzé de Raphaël.

— Maman ! Nos invités sont là ! lança le fils de la capitaine.

Talia se rapprocha et eut un mince sourire en les voyant.

— Bien le bonsoir ! Je vous en prie, montez à bord !

Charlie la remercia de vive voix et monta en première sur le pont principal. Les autres lui emboîtèrent le pas et Talia les salua d'un air chaleureux, vêtue d'un manteau de capitaine coloré et brodé, qui n'avait rien à voir avec celui en cuir usé qu'elle portait la veille. Elle les accompagna à la poupe du bateau, après avoir monté l'escalier.

— Navrée d'avoir reporté notre soirée. J'espère qu'un petit repas des Caraïbes permettra de me faire pardonner.

Son « petit repas » était en réalité une immense table nappée installée à côté du gouvernail, sur laquelle trônait une bonne vingtaine de plats qui avaient tous l'air plus succulents les uns que les autres. Stone en eut des paillettes dans les yeux.

— J'ai fait préparer des acras de morue, des colombos de poulets, des... comment ça s'appelle encore ce truc vert ?

— Des féroces d'avocats mamounette ! répondit Raphaël qui montait l'escalier avec un petit tonneau sous le bras.

— Bref, plus d'autres trucs plus ou moins pimentés ou épicés, avec plus ou moins de lait de coco, beaucoup de poissons et de riz et quelques desserts qui nous attendent dans la cale froide. J'espère que ça vous convient.

— J'ai l'impression de voyager rien qu'à l'odeur ! s'exclama Charlie.

Les senteurs épicées et exotiques du buffet donnaient l'eau à la bouche à Ren et son ventre lui rappela qu'il n'avait qu'un sandwich au thon dans l'estomac depuis le midi. Stone semblait prêt à commettre un massacre si on ne donnait pas tout de suite l'autorisation de s'installer. Talia indiqua justement les places. Des chaises en bois entouraient une table juste à côté du buffet, nul doute que les invités de la capitaines étaient des privilégiés ce soir. Même si l'équipage ne s'en sortait pas trop mal, avec leur propre buffet sur une grande table posée sur le pont inférieur.

Ren et les autres s'installèrent à table tandis que Talia y posait des verres à rhum. Elle récupéra le petit tonneau que Raphaël lui passa.

— Évidemment je ne rentre jamais sans mon rhum quand je passe dans les Antilles. Le producteur est un excellent ami à moi. Ah j'ai failli oublier ! Raphaël va chercher le jus de maracuja.

— Tout de suite !

— Encore ?? pesta Stone.

Mais le fils de la capitaine avait déjà dévalé l'escalier en glissant assis le long de la rampe, et il disparut dans la trappe menant aux dessous du bateau. Il revient quelques instants plus tard avec une bouteille remplie d'un jus jaune vif avec des sortes de petites graines noirâtres au fond. Raphaël fit le service : deux jus de fruits pour Ren et Stone et cinq verres de rhum pour les autres. Talia avait tout de même demandé à Luka s'il avait bien l'âge avant de le faire servir.

— Sur ce santé à tous ! lança là capitaine en levant son verre.

— A notre rencontre ! ajouta Charlie.

— Et à la complétion du groupe du Deuxième monde ! termina Scorpio.

Les yeux de Raphaël s'écarquillèrent et il se rua sur sa mère.

— Alors c'était vrai ces histoires ?? Ce sont vraiment des gens comme toi ??

— Oui, fit Talia en le repoussant.

Raphaël fit le tour de la tablé en s'amusant à chaque fois qu'il voyait l'œil en cristal des Gardiens.

— Donc vous aussi vous pouvez manipuler les éléments comme ma maman ? demanda-t-il.

— Et oui, confirma Charlie. Au fait Talia, quels sont vos pouvoirs ?

Talia fit tourner son rhum dans son verre avant d'hausser les épaules.

— Mmmh... Beaucoup trop d'empathie pour une personne apathique à la base. La moindre émotion ressenti par une personne autour de moi, je la sens aussi...

— C'est pas ça un pouvoir, dit Ren.

Talia lui jeta un regard las, puis leva une main et claqua des doigts. Elle le refit plusieurs fois en s'agaçant et une flamme finit par apparaître et danser au bout de son index.

— Et moi je n'appelle pas ça non plus de la « magie », dit-elle. C'est pratique pour s'allumer une cigarette, une bougie, une mèche de canon ou de flingue mais c'est tout...

— Comment ça c'est tout ? demanda Scorpio en s'appuyant sur la table. Ruby peut déclencher un incendie sur toute une ville, réduire en cendres des kilomètres carrés, manipuler la lave comme elle le veut et créer des explosions d'un claquement de doigts. Ne me dites pas que...

— Si, sa Gardienne ne peut faire que ça, confirma Talia.

Elle secoua sa main pour éteindre la flamme, faute d'autre solution plus magique. Elle but un peu de rhum.

— Je n'ai aucune affinité pour la magie. Trente ans que j'essaie et que je suis les conseils de Ruby. Allumer une flamme dans ma main est la seule chose dont je sois capable.

— Pas trop utile pour affronter un dieu, commenta Stone.

— Toi la ferme, ordonna Scorpio.

— J'imagine que je compense en étant une bonne tireuse, dit Talia avec modestie.

Raphaël eut un rire et posa son verre pour ne pas le renverser.

— Une bonne tireuse ? Arrête maman t'es la reine de la gâchette ! La meilleure tireuse que j'ai jamais vu et je sais de quoi je parle : j'en ai vu du monde en voyageant avec toi.

— N'exagère rien.

— Tu sais tout manier : fusil à lunette, à pompe, revolver, qu'est-ce que tu veux que j'exagère ?

Talia grommela mais se dérida face au compliment. Elle proposa à ses invités de se servir en acras de morue. Le plat débordant de petits beignets frits fit le tour de la tablé. Stone s'en servit assez pour tenir l'année, mais il regretta au bout de la première bouchée : les acras étaient bien relevés au piment.

— Chochotte, fit Ren en le voyant s'étouffer.

Stone fit glisser avec son jus de maracuja, des larmes perlants à ses yeux.

— Vous êtes donc une commerçante ? demanda Charlie en se servant à son tour.

— Oui bon, je fais des traversées maritimes avec une cargaison, je la livre quelque part, je rempli à nouveau ma cale et je repars, répondit Talia, modeste.

— Et ça fait partie de la cargaison tout ça ? demanda Scorpio en indiquant le buffet.

— Vous avez le droit de taper dedans au moins ? questionna Luka qui se gavait de rhum.

— C'est bien pour cela que je tiens à rester mon propre patron et ne pas laisser les grosses mains grasses de l'armateur toucher à mon business.

— Puis on a surtout quelques arrangements avec les vendeurs du coin, ajouta Raphaël. Qui veut du rhum ?

Charlie déclina en songeant à la dernière soirée arrosée puis demanda à Ren de lui passer le jus de maracuja pour qu'elle puisse goûter. Stone attrapa jalousement la bouteille et la serra dans ses bras.

— Vous partagez pas le rhum, on partage pas le jus ! De toutes façons il est bien meilleur et on le garde ! Pas vrai que c'est meilleur ??

Il donna un coup de pied à Ren sous la table, au niveau du tibias. Ce dernier lâcha un cri, sous le coup de la douleur qui venait d'éclater dans son os.

— Bordel t'étais obligé de me défoncer la jambe ?? râla-t-il en ripostant deux fois plus fort.

Stone se plia en deux en se mordant la lèvre et laissa le haut de son corps percuter la table au passage. Ren lui arracha la bouteille pour la filer à Charlie qui était en train de se tordre de rire.

— Plus le temps passe plus je vous adore tous les deux. Du jus Luka ?

— Je reste au rhum, il est trop bon, répondit le rouquin.

— Vous êtes donc aussi un globe trotteur, poursuivit Scorpio à l'intention de Talia.

— Je fais surtout des liaisons avec les Caraïbes, les Antilles et le Golfe du Mexique, mais il m'arrive d'aller voir ailleurs de temps à autre. La vie est courte, autant voir le maximum de cette planète.

— Et moi en dix ans j'ai vu autant d'endroits que toi en trente, dit Raphaël. J'en ai de la chance d'avoir une maman capitaine !

— T'as surtout de la chance d'avoir le pied marin, pas comme ton abruti de père, répliqua Talia.

Elle enleva le verre à rhum des mains de son fils pour lui servir du jus.

— Stop avec l'alcool pour ce soir ! exigea-t-elle.

Elle proposa ensuite poliment à ses invités de se servir en plats, poissons et riz. Stone se redressa comme un chat qui entendrait le son de ses croquettes et se rua en premier sur le buffet avec son assiette en criant « prem's ». Par pure compétition, Ren s'empressa de le rattraper. Il se servit un peu de tout, des plats en sauce épicés aux poissons marinés en passant par le riz fumant, puis il retourna s'asseoir à table afin de se remplir l'estomac avec ce repas bien mérité.

Ils passèrent le reste du dîner à discuter de tout et de rien, pour faire connaissance, savourant les plats exotiques et divinement bon. La nourriture antillaise passa largement dans le top trois de Ren. Raphaël ramena plusieurs desserts de la cale froide et déposa les plateaux sur la table.

— Flan coco, Tourments d'Amour coco, blanc manger coco, bref beaucoup de noix de coco, énuméra Talia.

Elle attrapa une petite tartelette pour croquer dedans et rectifia qu'il y avait aussi des Tourments d'Amour à la banane. Stone se gava à n'en plus pouvoir de ces petites tartes à la confiture et Ren le suivit dans sa chute. Charlie s'exclama à quel point elle adorait la noix de coco et déclara que tout était délicieux.

— Je vais pouvoir payer plus grassement le traiteur à qui j'ai confié ma marchandise, dit Talia. Mangez, mangez, faut finir.

Elle resservit une grosse portion de flan à Luka. Ren entendit la capitaine chuchoter quelque chose au rouquin, dans le style « tu te sens mieux ? ». Luka hocha la tête avec un sourire apaisé ce qui fit aussi sourire Talia. Raphaël quémanda immédiatement du flan à sa petite maman adorée en se collant à elle. Sa mère éloigna sa chaise avec le pied.

— Quel pot de colle tu me fais, plaisanta-t-elle.

Une fois les desserts avalés, Raphaël partit chercher une autre bouteille de rhum, pour faire glisser le repas. Ren et Stone en furent naturellement privés et il se contentèrent de petites bananes très sucrées à la place des digestifs.

— M'en fous c'est meilleur !! pesta Stone tassé comme un hibou et vexé comme un pou.

— Et donc ce bateau est à vous ? demanda Scorpio en admirant les voiles repliés du navires.

Les cordages et les poulies se balançaient au gré du vent. Les lanternes disposées un peu partout éclairaient le bâtiment d'une chaleureuse lueur dorée. Talia confirma après avoir terminé son verre.

— Transmis de génération en génération depuis mon arrière grand père. Mon père me l'a légué à mes vingt ans, pour mon anniversaire. Ma mère n'était pas d'accord avec lui... Elle voulait que je fasse des études de commerce pour faire partie de ces riches sur le port, plutôt que de devenir marin et perdre mon temps sur les océans. Mais moi j'avais ça dans le sang et j'ai préféré prendre le large plutôt que d'aller à l'université.

Elle croisa les jambes et s'enfonça dans le dossier de son siège. Tous l'écoutaient raconter son histoire.

— Ça m'a pas mal travaillé en réalité. Les deux futurs qui s'offraient à moi avaient chacun des avantages et des inconvénients. Mais j'ai fini par choisir l'Ecarlate et une vie d'aventure autour du globe. C'était le bon choix à faire.

— Oh, raconte leur l'histoire de la pie ! s'exclama soudain Raphaël.

— La pie ? firent Ren et Stone.

Talia eut un mince sourire puis tapota son œil en rubis.

— Non ? fit Charlie, n'y croyant pas.

— Je faisais une petite sieste sous un arbre. A mon réveil j'ai réfléchi à cette histoire d'université ou de bateau. J'hésitais entre la fierté de ma mère et la réussite sociale ou bien l'héritage de mon père et l'aventure.

Elle retira une de ses bagues, frappée d'un sceau en forme de rose. Elle la fit tourner entre ses doigts.

— Je faisais comme ça avec cette bague que j'avais eu pour mes vingt ans, de la part de mon père. Puis là une pie a foncé sur moi et me l'a arraché des mains !

Elle mima la descente de l'oiseau avec l'autre main et attrapa sa bague. Elle se leva d'un bond de sa chaise et continua de manière très théâtrale.

— Je lui alors hurlé de revenir avec ma bague. J'étais folle de voir ce bijou partir avec ce piaf de malheur !

Elle attrapa son pistolet à sa ceinture et pointa un oiseau imaginaire dans le ciel en faisant mine de le poursuivre.

— Saloperie, ramène moi ma bague ! cria-t-elle. Ce n'était pas faute de lui tirer dessus, mais à l'époque je visais comme un pied. Je n'ai pas abandonné et je l'ai suivi jusqu'à son nid, cette pie à la noix.

Elle rengaina son pistolet et continua à mimer et vivre son histoire. Elle contait si bien que Ren en avait oublié tout le reste et était plongé avec elle dans le récit.

— J'ai alors grimpé à l'arbre et rampé le long des branches pour récupérer ma bague que cette saleté avait mis dans son nid sans aucune gène. La pie est revenu et m'a attaqué, continua-t-elle en mimant les coups de bec sur sa tête. J'ai réussi à la descendre après quelques coups ratés. Et la « CRAAAK » !!

Elle se tut pour faire durer le suspens et Charlie se pencha inconsciemment en avant pour avoir la suite. Les lanternes éclairaient le visage de Talia d'un air presque dramatique.

— La banche s'est brisée sous mes soixante kilos de l'époque ! Ah, une chute merveilleuse, heureusement qu'il n'y avait aucun témoin. Je suis tombée face contre terre avec la branche et le nid. J'ai repris mes esprits puis j'ai récupéré ma bague dans le nid de la saleté. J'avais affaire à une vraie pickpocket : son nid était remplie de bijoux ! Ç'aurait été du gâchis de les laisser là, alors j'ai tout récupéré !

Elle balaya l'air avec sa main et la referma comme si elle avait saisi quelque chose.

— Et là dedans : surprise ! Il y avait un rubis sublime. Une pierre sans défaut, d'une couleur unique !

— L'âme de Ruby était dans un nid de pie ? répéta Scorpio, incrédule.

— Et oui. Le lendemain je faisais sa rencontre et je me réveillais avec un œil en cristal. A croire que c'était écrit, parce que trouver l'âme d'une déesse dans un nid d'oiseau... C'était improbable.

Elle se rassit, l'air d'avoir terminé son récit. Sacrée histoire !

— Et vous ? Dans quelles circonstances avez-vous trouvé vos dieux ? demanda la capitaine.

— Oh moi c'était pas aussi impressionnant que vous, se lança Charlie. Je cherchais juste un sujet de journal intéressant à l'époque. Je suis journaliste et à mes débuts c'était compliqué. Il n'y avait quasiment que des hommes et j'étais assez jeune donc on n'arrêtait de me dire de rentrer chez ma mère ou des « ta mère sait que tu es là ? ». Ça m'agaçait !

Ren se souvenait de la suite. Charlie lui avait déjà raconté ses débuts compliqués et qu'elle en avait fait une dépression jusqu'à souhaiter mourir. C'était pour cela qu'elle était allé voir Scorpio la première fois, espérant se faire tuer pour de bon par le dieu de la mort en personne, avant de remonter la pente et s'attacher à lui.

— Je suis allé traîner au niveau des serres de la ville, là où ils gardent des tas de plantes du monde entier. Je voulais photographier une fleur géante qui ne fleurit qu'une fois par décennie. C'était l'occasion de faire un petit fait divers dans le journal. Et là, j'ai aperçu un saphir dans la fleur. Il était posé là. Je l'ai évidemment ramassé et comme vous Talia, je me suis retrouvé avec une déesse dans la tête le lendemain.

— Dans une fleur ? répéta Ren.

— A croire qu'elle était enfermée là depuis toujours et que la floraison m'était destinée ! J'ai fait une grosse dépression par la suite, parce qu'entre le journal qui ne me fichait jamais la paix et toutes les connaissances et la mission de Sapphire qui me tombaient dessus, je n'ai pas pu tenir. Heureusement Scorpio m'a rattrapé et j'ai remonté la pente.

Elle offrit un sourire plein d'amour à son compagnon qui lui attrapa la main pour l'embrasser. Il prit le relais pour raconter son histoire.

— Moi c'est particulier puisque je ne suis pas un Gardien, mais une réincarnation. Né juste après la dislocation sur les bords du Nile. J'étais le dieu Topaz et je me suis réincarné en tant que Scorpio. A l'époque ça s'écrivait en hiéroglyphes.

Ren trouvait toujours cette histoire aussi fascinante, même s'il l'avait déjà entendu. Dire que Scorpio avait vu défiler près de quatre millénaires, connu les pyramides et bien d'autres choses, traversé le monde entier à travers les âges et rencontré les anciens Gardiens. Incroyable.

— Et toi ? demanda Talia.

Ren se rendit compte qu'elle s'adressait à lui. Il posa la peau de sa banane.

— C'est pas aussi joyeux et incroyable que vous...

Il se rappela de tout ce qu'il avait découvert depuis tout ce temps. Entre les révélations d'Eileen Saurac sur sa mère et les papiers qu'il avait trouvé dans le placard de la chambre de ses parents il avait reconstitué le fil des événements.

— Ma mère cherchait le moyen de donner artificiellement des pouvoirs à ceux qui n'en avaient pas dans mon monde... Elle a trouvé une aigue marine, l'âme de ma déesse, mais ma mère n'était sûrement pas digne du regard des dieux... Puis elle a décidé de faire de moi son cobaye et me l'a implanté près du cœur. Avant de me laver la cervelle pour que j'oublie. Ça ma foutu des soucis cardiaques sans explication, ça m'a donné des pouvoirs mais je me sens changé depuis ce jour...

Ce n'était pas seulement lui, tout le monde lui disait... Tous ceux qui l'avaient connu avant et après cette période disaient qu'il n'était plus comme avant. Il se rappela aussi que ses yeux avaient légèrement changé de couleur. Ils n'étaient pas jaunes vifs avant, mais ambrés, ternes, plus « basiques ». La magie dans son corps avait donné à son regard une couleur plus « chimique ». Une couleur artificielle...

— Bref... lâcha-t-il. C'était un mal pour un bien puisque je suis devenu un Gardien. Même si j'ai attendu quatre ans avant de le savoir.

— Aguamarine n'était pas trop collaboratrice effectivement, approuva Scorpio.

Ils continuèrent le tour de table et ce fut à Luka de parler de sa rencontre avec Amethyst. Enfin une occasion d'en savoir plus sur lui.

— Quoi ? gargouilla-t-il alors que les regards étaient braqués sur lui.

— Raconte ! lança Charlie. Comment ça s'est passé pour toi ?

Luka tapota son verre de rhum avec l'ongle, perdu dans ses pensées. Après avoir réfléchi quelques secondes, il le vida d'une traite et attrapa la bouteille pour s'en resservir un plein verre. Talia rouspéta.

— Tu ne vas quand même me boire ça comme de l'eau ???

Luka l'ignora royalement et vida inexorablement son verre, la tête renversée en arrière. Quand il le reposa sur la table et tendit à nouveau le bras vers la bouteille, il avait déjà les joues rosies par l'alcool. Le voilà reparti à se saouler en vitesse sans explication.

— P'tit goût de « reviens-y » ce rhum...

Talia se leva à temps et lui retira la bouteille des mains.

— Ça coûte une blinde, c'est une boisson d'exception dans laquelle mon ami antillais a mis toute sa passion, je ne vais pas te laisser boire ça ainsi !!

Luka se leva à son tour, contourna la table et reprit la bouteille des mains de la capitaine.

— J't'emmerdes, la vieille, marmonna-t-il bouche pâteuse.

Talia changea de couleur, passant au rouge vif et une veine gonfla à sa tempe.

— Pardon ??? s'offusqua-t-elle.

— T'as bien entendu, t'excuses pas, ricana Luka, bien ivre, en avalant un autre verre.

Il se mit à se dandiner sur place avec son verre, en chantonnant. Une deuxième veine gonfla sur l'autre tempe de Talia.

— Je t'interdis de me manquer de respect comme ça, tu m'entends ??

— Laisse maman, il est bourré... temporisa Raphaël.

— On est désolé, s'excusa Charlie. Il... n'est pas du tout comme ça normalement. Viens t'asseoir Luka.

Ce dernier valsait tout seul avec légèreté sur le pont du bateau, en l'ignorant royalement. Charlie se rapprocha de lui pour l'accompagner à une chaise, mais le rouquin glissa une main à sa taille et lui attrapa la main pour l'entraîner dans sa valse.

— Bon du coup, on aura pas droit à l'histoire ? demanda la blonde, déçue.

Elle manqua de trébucher, ayant des difficultés à suivre les pas du rouquin qui savait visiblement très bien danser. Scorpio soupira et partit à sa rescousse. Mais Luka lui fit un grand sourire charmeur et tourbillonna plus loin avec Charlie.

— C'est bon Luka, laisse là tu vois bien qu'elle danse comme deux pieds gauches, tenta Scorpio, mains sur les hanches.

— HÉ ! cria Charlie, touchée par la balle perdue.

Luka fit un clin d'œil à Scorpio.

— Je finis avec elle et après je suis libre~, lança-t-il avec un hoquet.

— Luka... grogna Scorpio.

— Tout compte fait je vais pas danser avec toi, dit le rouquin en faisant tournoyer Charlie sous son bras.

Cette dernière lâcha un cri de surprise face à la vitesse et eut le tournis après deux tours. Elle tituba jusqu'à la table et se laissa choir sur la première chaise qu'elle trouva. Luka poursuivit sa valse sans partenaire.

— T'es trop vieux, continua-t-il à l'intention de Scorpio.

— Non mais...

— Et moi je suis trop beau et mignon pour toi.

Il lui tira la langue et éclata de rire. Il retourna à table pour se resservir à boire. Bras croisés Scorpio avait l'air blasé devant ce spécimen.

— Voyez les ravages de l'alcool les enfants, dit-il à Ren et Stone.

— C'est très bon le jus de marijuana finalement, concéda Stone.

— Maracuja !! corrigea Ren avant d'exploser de rire avec Stone devant sa bêtise.

Un seul regard avait suffit à les faire craquer tous les deux. Talia finit par confisquer la bouteille de rhum au bout du énième verre de Luka. Ce dernier pesta. Talia donna la bouteille à son fils et Raphaël partit la ranger.

— Moi qui voulais savoir comme il avait croisé Amethyst, soupira Charlie en regardant Luka qui continuait à danser tout seul.

— L'ai acheté en boutique ! lança-t-il.

Un silence lui répondit dans un premier temps, entrecoupé seulement par la rumeur du port et de l'équipage en train de diner au pont inférieur.

— Pardon ?? répéta Charlie. Tu... as acheté l'âme d'Amethyst ??

— Yep Char-lotte, confirma Luka en se hissant sur un tonneau.

Il s'y assit en croisant les jambes et sirota les dernières gouttes au fond de son verre. Son regard était vitreux et ses joues roses.

— Une jolie broche d'améthyste pour aller avec un costume très chic ! Tour ça parce que mes vieux voulaient me présenter une nana dont la famille était très riche. Histoire de faire un mariage arrangé et de s'enrichir un peu plus, berk ! En plus j'aime pas les filles. Mais au moins j'ai rencontré Amethyst !

Il descendit de son tonneau et tituba jusqu'à la table au cas où il resterait un peu de rhum.

— Et avec mon œil en cristal ils ont cru que j'étais encore possédé par mon démon, alors ils ont voulu me ramener chez leur exorciste à la con mais cette fois j'ai dit non ! Et je les ai tous enfermé dans une vague de glace pour le reste de la journée, le temps de ramasser mes affaires et de me barrer ! Voilà !!!

Il se laissa tomber sur sa chaise en riant. Charlie elle, avait plaqué ses mains sur sa bouche, choquée. Scorpio grimaça un peu face à cette histoire aux dessous sinistres...

— Comment ça un exorciste ?? répéta Charlie. Qu'est-ce...

Scorpio lui intima de s'arrêter là et de ne pas chercher à en savoir plus au risque de voir Luka repartir dans le même état de déprime que la veille. Il avait beau être complètement ivre, un mot de plus pouvait à nouveau le tirer au fond du gouffre... Ce pauvre garçon avait l'air d'en avoir gros sur la conscience et le cœur... Ainsi qu'un passé sombre...

— Désolée pour toi gamin, dit Talia. Plus j'en entend, moins je supporte les deux armateurs de ce port...

— Quoi, mes parents ? dit Luka. Bah... Je me souviens encore de l'époque où ils avaient placé tous leurs espoirs en moi. Leur fils mignon comme tout rattrapait évidemment la mocheté qui leur servait de fille aînée. Ils pensaient que j'allais tout réussir. Ma mère m'a voué un vrai culte et m'a chouchouté pour que je reste une belle créature à ses yeux. Elle a mis tout le paquet dans mon éducation. Danse, piano, escrime, éloquence tout. Ma vie était toute tracée...

Il piqua le verre non fini de Scorpio qui le laissa faire, trop absorbé par son histoire et par le fait qu'il déballait enfin tout ce qui avait l'air de le tourmenter. Les fameux « ce ne sont pas vos affaires » qu'il lâchait tout le temps, l'air honteux... Le rouquin but cul sec le reste de rhum et garda la tête renversée en arrière pour regarder les mâts du bateau et les étoiles du ciel.

— Il a fallu que Thoma entre dans ma vie pour que je gâche tout... termina-t-il. Pour que du jour au lendemain je passe de la fierté à la honte de mes parents... De leur fils parfait qui avait tout, à une « traînée »...

Ren commençait de plus en plus à comprendre les pourquoi du caractère et du comportement de Luka... Juste des parents à l'esprit aussi ouvert qu'un centre pénitentiaire... Des parents qui n'acceptaient par leur fils comme il était. Qui le détestaient, qui voulaient le garder sous leur emprise et tout décider à sa place.... Ça lui suffisait amplement comme explication pour expliquer le côté renfermé et un peu dérangé de Luka...

— Et ben tu sais plomber l'ambiance toi...

— RAPHAËL !!! gronda Talia en appuyant sur chaque syllabe.

— Mais je sais comment la remonter ! promit son fils avec un clin d'œil.

Il se leva de sa chaise et courut dans les escaliers pour descendre sur le pont principal. Sa mère lui hurla de faire doucement au risque de tomber.

— Je suis désolée, cet enfant est irrécupérable ! s'excusa-t-elle.

— C'était donc ça qui te faisait te sentir mal depuis tout ce temps, réalisa Charlie. Oh mon pauvre Luka, je suis désolée...

La blonde semblait sincèrement touchée par son histoire. La soirée prenait un peu une tournure sinistre et l'ambiance était vraiment au ras des pâquerettes. Puis soudain des notes d'harmonica montèrent dans l'air. Ren reconnut immédiatement l'air de la chanson qu'il avait tant chanté au primaire.

Étonnée Talia leva haut ses sourcils et pesta avant de descendre en trombes sur le pont principal. Ren se rapprocha de la rambarde et s'y pencha. Raphaël était assis sur un tonneau et jouait de l'harmonica. Il fut rapidement rejoint par un marin à l'accordéon, un autre à la guitare, une au violon et le dernier aux percussions.

— Cool un peu de musique ! s'exclama Charlie en se mettant à côté de Ren.

Elle se mit à taper en rythme avec l'harmonica qui prenait une mélodie rapide et enjouée. Puis Raphaël se mit à chanter :

C'est un fameux trois mâts, fin comme un oiseau,
Hissez haut ! Santiano !
Dix-huit nœuds, quatre cents tonneaux,
Je suis fier d'y être matelot !

Le reste de l'équipage se mit à taper des pieds et des mains en rythme. Talia descendit sur le pont en rouspétant. Raphaël partit à sa rencontre en faisant signe aux autres de descendre les rejoindre.

Tiens bon la barre et tiens bon le vent !
Hissez haut ! Santiano !
Si dieux veulent toujours droit devant,
Nous irons jusqu'à San Francisco !

— Qu'est-ce que tu me chantes là, c'est la chanson pour un départ ça ! râla Talia.

— Allez maman ! supplia Raphaël.

Il lui attrapa les deux mains et l'entraîna sur le pont pour la faire danser tandis que les marins continuaient la chanson. Charlie se joignit à eux de vive voix et décida d'emmener Scorpio danser avec Talia et Raphaël. Bras dessus, bras dessous, ils tournoyèrent sur place en riant. Talia finit par abdiquer devant l'entrain de son fils.

— Allez maman ! répéta-t-il d'un air joyeux.

Talia lui sourit et reprit le refrain en cœur, d'une voix grave qui rendait très bien :

Tiens bon la barre et tiens bon le vent !
Hissez haut ! Santiano !
Si dieux veulent toujours droit devant,
Nous irons jusqu'à San Francisco !

Même Ren se prêta au jeu et commençait à battre la mesure avec sa botte. Stone se dandinait en rythme et chanta à tue tête en compagnie des marins. Luka finit également par chanter en cœur en dansant comme un fou en compagnie des autres. Personne ne pouvait résister à l'air rythmé et joyeux de Santiano. La capitaine menait désormais la chorale de vive voix en dansant au rythme des percussions et de l'harmonica.

Grisé par cette ambiance festive, Ren réalisa à peine que Stone l'avait embarqué pour se trémousser avec les autres. Le brun se rendit compte qu'il n'avait aucun mal à suivre la danse populaire des marins et qu'il avait l'air d'aimer ça. La soirée prenait une tournure beaucoup plus légère. Enfin Talia et Raphaël chantèrent le dernier couplet à l'unisson, souriant tous les deux comme jamais :

Tiens bon le cap et tiens bon le vent !
Hissez haut ! Santiano !
Sur la mer qui fait le gros dos,
Nous irons jusqu'à San Francisco !

Les dernières notes de guitare, d'accordéon et d'harmonica résonnèrent sur le pont et une salve d'applaudissements conclut cet intermède musical. Talia regarda son fils en secouant la tête avant de le serrer dans ses bras.

— Toi je t'aime.

— Moi aussi je t'aime maman.

— C'était trop bien ! s'écria Charlie. Je m'amuse comme une petite folle ! Et toi Scorpio ?

— Tant que t'es heureuse je le suis aussi.

— Et vous les garçons ?

— Génial ! lança Stone.

— En vrai, avoua Ren, c'était fun.

Lui et Stone rattrapèrent Luka qui avait tourbillonné vers eux et perdu l'équilibre. Le roux se laissa choir au bout de leur bras en riant.

— J'adore cette soirée ! Hé bas les pattes les pervers !

Ren et Stone le lâchèrent sans hésiter et il termina de s'écrouler à terre en riant sans raison, bras écartés.

— Comme quoi il suffit d'un rien pour s'amuser à nouveau ! dit Raphaël. J'étais sûr qu'un peu de musique ça allait remettre de l'ambiance et Santiano est le meilleur chant de marin pour ça.

Talia sourit, pleine de fierté devant son fils.

— C'est bien ta chanson favorite. Je me souviens que tu la chantais tout le temps quand tu étais petit. Je pouvais t'entendre hurler sur tout le port jusqu'à ce que l'Ecarlate prenne le large, à chaque fois que je partais en voyage.

— Jusqu'au jour où j'ai pu t'accompagner et la chanter sur le bateau. Ç'a été le plus beau jour de ma vie.

Il y avait une si belle complicité entre la mère et son fils... Une complicité que Ren ne connaîtra jamais. Il le savait, avec tout ce que sa mère avait fait, il ne pourra plus jamais l'aimer comme une mère...

— En tous cas capitaine Scarlett ce fut une excellente soirée, remercia Scorpio.

— Le diner était parfait, ajouta Charlie.

— L'rhum était délicieux, lança Luka toujours allongé à terre.

— Et la chanson ! rajouta Stone.

— Merci beaucoup pour tout ça ! termina Ren.

— C'était un plaisir ! répondit Talia en souriant.

L'air stricte et peu tendre qu'elle avait aux premiers abords avait complètement cédé la place à la joie et la sérénité . Raphaël ajouta qu'il était ravi d'avoir fait leur rencontre.

— Qu'allez vous faire ensuite ? demanda Talia.

— Je pense qu'on va encore rester demain puis on rentrera tranquillement à Occlasia, dit Scorpio.

Il ébouriffa les cheveux de Ren qui pesta et lui chassa la main.

— Y en a un qu'on doit ramener chez lui...

— Et toi Luka ?

Le rouquin se redressa en position assise avec difficulté puis haussa les épaules.

— Moi ? Aucune idée. De toutes façons personne m'aime ou m'attend quelque part, alors je peux bien rester tout seul ici. Je manque à personne.

— Oh t'inquiète j'ai un truc de prévu pour toi, dit Scorpio. Mais on en discutera quand tu auras décuvé.

— Et vous Talia ?

— Et bien j'ai une livraison à faire pour les Antilles et je lève l'ancre demain soir. Mais on restera en contact si vous voulez. Je reçois très bien les télégrammes, même en mer.

— Alors on restera en contact avec grand plaisir, approuva Charlie.

Sentant qu'il était l'heure de se dire au revoir, la blonde s'avança pour serrer la main à la capitaine. Mais cette dernière fronça les sourcils en voyant quelque chose dans son dos. Elle s'écarta d'un seul coup en ignorant Charlie qui en fut toute étonnée. Talia se dirigea en tapant des pieds vers la passerelle, où trois hommes avaient l'air d'attendre.

— Ça devient du harcèlement monsieur Omorphia ! explosa Talia en se plantant face au plus plantureux des hommes.

L'armateur était revenu... Il ne lâchait décidément pas le bout de gras...

— Non, c'est non ! Vous n'aurez jamais mon bateau alors cessez d'insister !!

Elle avait beau avoir un sang froid à toutes épreuves, la veine gonflée à sa tempe trahissait la colère qu'elle contenait. L'armateur ne lui répondit pas. Talia attrapa le pistolet pendant à sa ceinture et lui braqua le canon sur le front.

— Dix secondes, menaça-t-elle. Dix secondes et je vous abat sur place.

Dix secondes, répéta l'armateur d'une voix aiguë.

Ren sentit un frisson d'horreur lui parcourir la colonne vertébrale et le frigorifier sur place. Incertain, il se rapprocha. Bien décidée à mettre sa menace à exécution Talia commença le décompte.

Douze secondes... Douze pierres précieuses... marmonna l'armateur.

— Cinq, clama Talia en chargeant son arme.

Figé par la peur, Ren refusa de croire ses yeux. Cette posture courbée, cette façon de marmonner, ces paroles, ce regard vide avec cette étincelle jaune et glauque... Mais c'était impossible... Cette personne ne pouvait pas être détraquée ! Les Ombres ne s'en prenaient qu'aux gens avec des pouvoirs. A moins que... Stone avait dit que ces créatures pouvaient se nourrir des âmes des habitants de ce monde. Les âmes puis la chaire et le corps... Les tuant pour de bon...

Talia finit par presser la détente et la balle perfora le front de l'armateur. Le canon du pistolet fuma. Un peu de sang noirâtre gicla du front d'Omorphia. Pourtant l'armateur ne s'effondra pas. Il resta debout, bras ballants et tête pendante. Telle une marionnette il fit un pas en avant. Talia lui administra un second plomb dans le ventre.

Une cascade d'encre se mit à couler du trou et Omorphia continuait d'avancer. Talia recula et lui tira dessus. Toujours rien... L'armateur semblait insensible et continuait de progresser. Ses veines étaient noires et son corps semblait partir en poussière à chaque seconde. Ren comprit alors et réalisa toute l'horreur de la situation.

L'armateur était bien mort... Ce qu'il y avait là c'était son cadavre. Une coquille vide avec une Ombre à l'intérieur qui le manipulait comme un pantin...

Son corps finit par s'écrouler à terre. Talia lui tira une dernière balle dans le dos, pour être sûre. Une matière noire et visqueuse gicla à la place du sang. Cette substance rampa alors hors du cadavre de l'armateur et s'éleva pour former une silhouette humanoïde. L'Ombre copia peu à peu l'apparence de Talia, jusqu'à en devenir une version mi solide, mi liquide. Une créature d'encre aux yeux jaunes et au sourire macabre.

Maintenant c'est à votre tour... L'histoire doit se répéter. Un monde meurt, un autre naît... Et cette fois ce sera la renaissance de notre monde. Celui qui les Douze et Obsidian nous ont arraché.

— Qu'est-ce que c'est que cette chose ?? glapit Raphaël.

Ren se mit à trembler de trouille malgré lui quand il vit les Ombres qui rampaient et grouillaient le long de la coque du navire et qui remontaient le long du bastingage. Des hommes montèrent à bord depuis la passerelle, tous détraqués et manipulés par les Ombres. Un cri strident de femme retentit alors sur le port. Ren dé-souda ses pieds du plancher et recula à mesure qu'Ombres et détraqués avançaient.

Ils se faisaient attaquer...

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