Chapitre 4
Les nouvelles de l’arrivée imminente de la princesse de Milirine arrivèrent quelques jours plus tard, un messager avait prévenu le palais que le convoi arriverait dès le lendemain. Tout le palais était en effervescence suite à cette annonce, et une partie avait été aménagée pour la princesse en attendant qu’elle ait à partager les quartiers du futur roi une fois leur mariage proclamé.
Sana était tendue, elle avait été convoquée par le conseil et elle se doutait bien que le sujet de cette réunion soudaine allait être sa future occupation dans le palais, si elle était autorisée à y rester.
Chan ne lui avait rien dit, à vrai dire il n’avait pas semblé au courant de ce conseil surprise non plus, mais en tant qu’héritier, il y avait bien entendu été convié également.
Sana fut autorisée à entrer une fois tous les responsables installés dans la grande salle du conseil. Elle n’y avait mis les pieds qu’une seule fois, six ans auparavant lorsqu’on lui avait annoncé qu’elle allait entrer au service du prince héritier, autant dire qu’elle n’en gardait pas forcément un bon souvenir.
Après avoir assisté à une petite mise au point sur différentes choses qui lui importaient peu, on s’adressa enfin à elle. La vieille domestique responsable des servantes se redressa sur sa large chaise et interpella la jeune femme.
— Sana, au vue du rôle primordial que tu as joué auprès du prince durant ces six dernières années, il a été décidé d’un commun accord que tu serais placée au service de la princesse de Milirine.
La concernée se figea sur place. Elle chercha du soutien à l’aide d’un échange visuel avec Chan, mais le prince se contenta de lui adresser un sourire désolé. Après tout, les ordres venaient d’en haut, de plus haut que lui et il ne pouvait pas s'y opposer.
— Tu garderas tes quartiers car il te faudra rester près de la chambre de la princesse, mais tu ne seras plus autorisée dans la chambre du prince, reprit l’ancienne sans la quitter des yeux.
— En quoi va consister mon rôle exactement ? osa demander Sana en jouant nerveusement avec la ceinture de son kimono.
La vieille dame se leva et s’excusa auprès des autres membres du conseil.
— Nous allons continuer cette conversation dehors, dit-elle en attrapant la servante par le bras.
Sana s’inclina et échangea un dernier regard avec Chan avant de se faire emmener à l’extérieur de la pièce.
— Tu seras la servante personnelle de sa majesté la princesse, expliqua l’ancienne sans lui lâcher le bras. Tu devras veiller à ce qu’elle se sente bien mais tu seras également chargée de lui en apprendre le plus possible sur le prince Chan. Après tout, tu es sûrement la mieux placée pour échanger avec sa future épouse.
— C-comment ça ?
— Tu n’es pas obligée de rentrer dans les détails, mais assure-toi juste qu’elle sache quoi faire ou au moins pouvoir répondre à des questions personnelles concernant son futur époux. Les traditions de Milirine sont différentes des nôtres, je ne suis pas certaine que la princesse soit au courant que des femmes occupent une place comme la tienne auprès des souverains. Elle pourrait mal le prendre alors il vaut mieux que tu sois subtile dans tes conseils. Elle saura juste que tu as été au service du prince pendant des années et que par conséquent tu le connais bien.
Sana avait l’estomac noué, non seulement l’homme qu’elle aimait allait se marier, mais en plus elle allait devoir entrer au service de sa femme ? Le destin avait vraisemblablement décidé de jouer avec son cœur et c’était très douloureux.
— Ne fais pas cette tête ! râla la vieille femme en lui donnant une petite tape sur le bras. Tu devrais t’estimer heureuse ! Tu vas servir la future reine tout de même ! Ça n’est pas donné à tout le monde. Dis-toi que le conseil aurait pu décider de te renvoyer au village, au lieu de ça, tu gardes tes privilèges, alors reprends-toi !
Sana s’inclina en signe d’excuses et se laissa guider jusqu’aux cuisines où on lui ordonna d’aller au verger ramasser les fruits mûrs.
***
Chan n’avait pas eut l’occasion de croiser Sana depuis le conseil, il n’avait cessé de penser à l’expression de détresse qu'elle lui avait adressé lorsqu’elle avait appris la nouvelle, et il s’en voulait terriblement de ne rien pouvoir faire pour réconforter celle qui tenait une place si importante dans son cœur.
Sa future épouse allait arriver le lendemain et il ne pouvait se résoudre à ne pas revoir Sana avant que cela arrive. Alors après le dîner, Chan se dirigea vers la chambre de la jeune femme, elle ne devait plus tarder à aller se coucher et ils allaient forcément devoir se croiser.
— Mon Prince ? résonna soudain une voix bien trop familière à ses oreilles.
Celui-ci tourna la tête et découvrit sa bien-aimée qui s’avançait dans le couloir menant à sa chambre.
— Sana, j’aimerais qu’on discute tous les deux, tu aurais un peu de temps à m’accorder ? dit-il en faisant quelques pas vers elle.
La jeune femme jeta un œil autour d’elle afin de s’assurer que personne n’était là pour les entendre ou les voir.
— Je ne sais pas si-
— Viens dans ma chambre, la coupa le prince en se plaçant devant elle.
Sana déglutit et détourna le regard afin qu’il ne puisse pas la voir rougir.
— Mais la princesse arrive demain et je ne suis pas certaine que me rendre dans ta chambre soit-
— Sana, passe une dernière nuit avec moi s’il te plaît. Je ne veux pas qu’on se quitte comme ça, comme s'il n’y avait jamais rien eu entre nous. Parce qu’on sait tous les deux que c’est faux.
La domestique baissa les yeux et se mordit la lèvre. Rien ne lui aurait fait plus plaisir que de passer une dernière nuit avec le prince malgré tout, elle ne pouvait s’empêcher de se sentir un peu coupable, la princesse devait arriver le lendemain.
— Sana s’il te plait, une dernière fois, la supplia-t-il en lui prenant la main.
Sana sentit son cœur s’emballer et elle sauta au cou de son prince avant de l’embrasser comme si sa vie en dépendait. Comment pouvait-elle refuser cela alors qu’il tenait une place si importante dans son cœur ? Chan sépara leurs lèvres et guida Sana jusqu’à sa chambre, il s’assura que personne ne se trouvait dans les parages avant de refermer la porte derrière eux.
Une fois seuls dans la grande chambre princière, Chan se planta devant Sana. Il attrapa doucement ses poignets et remonta lentement ses bras jusqu’à ses épaules. Il l’observait comme si elle était la plus précieuse des choses qu’il lui avait été donné de voir.
— Tu es magnifique, soupira-t-il en se penchant vers elle pour presser ses lèvres contre les siennes.
Sana passa les bras autour de ses épaules. Dès que le baiser cessa, elle enfouit son visage dans le cou du prince et inspira son parfum à pleins poumons. Comment allait-elle faire pour se passer de lui ? Pour le côtoyer tous les jours comme si de rien était ? Pour s’occuper de son épouse en faisant semblant de n’avoir toujours été qu’une simple servante alors qu’elle partageait très régulièrement son lit ? Sana n’avait jamais été très douée pour mentir. Garder des secrets, ça elle savait faire, mais mentir…
Il s’était passé trop de choses ce jour-là, la jeune femme n’avait pas les idées claires. Elle écarta sa tête du cou de Chan, juste assez pour le regarder et prendre son visage en coupe entre ses mains délicates.
— Fais-moi tout oublier.
Chan avait senti son cœur s’emballer au son du soupir de son amante avant qu’elle ne fonde sur ses lèvres.
Sana était la personne qu’il connaissait le mieux et qui le connaissait le mieux. Sana était son point d’ancrage, la personne qui trouvait toujours les mots justes pour le rassurer. Et lorsque les mots n’étaient plus suffisants, elle avait toujours un geste ou une attention pour l’adoucir, et il n’avait aucune idée de la façon dont il allait gérer ses émotions maintenant qu’elle n’allait plus être à ses côtés.
Il connaissait son corps et ses réactions par cœur tout comme c’était le cas pour elle. Il l’allongea doucement sur les draps de satin, comme si elle était faite d’une matière fragile, prête à se briser au moindre choc un peu trop violent. Il lui retira délicatement son kimono de nuit, écartant les deux pans pour découvrir son corps pâle et sans défaut. Chan déposa un baiser sur ses lèvres avant de descendre sur sa mâchoire, sa gorge, ses clavicules. Il ne laissa aucune parcelle de peau vierge de ses lèvres.
Si elle n’était qu’une servante, elle était toujours sa reine lorsqu’ils étaient seuls dans la chambre du prince, et il la traitait toujours comme telle. Dans les bras de Chan, Sana se sentait aimée, elle se sentait importante et protégée. En la présence de la jeune femme, Chan se sentait aimé et il se sentait vrai, il n’y avait pas de masque avec Sana, pas de protocoles, pas de paraître. Ils n’y avaient qu’eux lorsqu’ils étaient ensemble et pourtant, ils allaient devoir se séparer. La royauté en avait décidé ainsi et ni l’un ni l’autre ne pouvaient s'y opposer.
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