Chapitre 26
Le réveil avait été plutôt brutal dans la vallée, quelques minutes avant l'aube, à l'heure la plus sombre, les vigies avaient donné l'alerte. Cette fois, ce n'était pas le vent qui avait déclenché une tempête de sable, non, cette fois c'était une armée.
Les soldats d’Erhégon et de Milirine étaient sortis en trombe de leurs tentes pour s'armer et s'équiper au plus vite tandis que les Safaliens progressaient vers le campement.
— Des rumeurs, tu parles ! s’écria Changbin en enfilant ses bottes. Ils voulaient surtout nous prendre par surprise !
— Nous avons l'avantage du nombre, dit Seungmin.
— Mais il ne faut pas oublier que ces hommes ont eu le temps de cultiver leur haine envers ceux qui les ont envoyés là-bas, le reprit Chan. C'est de la haine qui les anime, nous allons faire face à la pire armée possible, une armée qui n'a rien à perdre.
Seungmin n'était pas du genre trouillard, loin de là, mais les paroles du prince lui avaient donné des sueurs froides car elles étaient on ne peut plus vraies. Le combat allait s'annoncer rude.
Au dehors, c'était déjà le chaos, les premières lignes avaient mis trop de temps à se mettre en place et les soldats étaient tombés comme des mouches face à l'assaut des hommes du désert. Personne n'avait jamais eu l'écho de ce qui se passait à Safala, pourtant ses habitants avaient l'air en bonne santé, malheureusement pour leurs ennemis.
Ils n'avaient pas d'épées ni de sabres, mais plutôt des armes barbares faites à l'aide de bois et de pierre telles que des haches et des massues, difficiles à manier mais terriblement dévastatrices.
Changbin reconnut plusieurs malfrats qu'il avait lui-même faits condamner à l'exil et visiblement ils n'avaient pas non plus oublié son visage.
Les Safaliens avaient beau être moins nombreux, chacun d’eux valait plusieurs soldats d’Erhégon et de Milirine. Chan avait eu raison, il n’y avait pas pire qu’un ennemi qui n’avait rien à perdre. Et tandis que la bataille faisait rage, le prince s'arrêta quelques instants pour contempler l'horreur de la scène devant ses yeux. Des corps ennemis comme alliés jonchaient le sol, le sang couvrait le visage des combattants qui se déformaient sous la douleur des coups portés ou reçus.
La guerre, le sang, la mort, le chaos.
— Chan ! Qu’est-ce que tu fous bon sang !
La voix de Changbin le ramena sur Terre, le général combattait près de lui en compagnie de Seungmin qui semblait plutôt bien s’en sortir, le sang sur sa tenue n’avait pas l’air de lui appartenir. Chan resserra sa poigne sur la garde de son sabre lorsque Changbin trébucha près de lui, emportant avec lui un ennemi. Le prince planta sa lame dans le flanc de ce dernier qui s’effondra sur son ami.
— Tout va bien ? s’enquit Chan en le débarrassant du poids mort.
— Merci.
Mais alors qu’il allait se relever, Changbin hissa de douleur. La hache de son adversaire avait eu le temps de lui lacérer le mollet, du genou jusqu’à la cheville. Son pantalon en cuir laissait voir l’entaille créée par l’arme, le cuir était ouvert tout comme la peau en dessous et le sang avait commencé à s’en écouler.
— Merde ! jura Chan en s’agenouillant à ses côtés. Tu peux marcher ?
Changbin grogna en essayant de se mettre debout. Non, la blessure était trop importante.
— Seungmin ! cria le prince. Aide-moi à ramener Changbin vers l’arrière.
Le soldat se tourna après en avoir fini avec son adversaire et il accourut dès qu’il vit le vit maintenir le général debout. Il passa un bras autour de sa taille et à trois, ils s’éloignèrent du cœur du conflit, couverts par des soldats d’Erhégon.
Une fois de retour dans leur tente, ils installèrent Changbin sur la table et le physicien fut appelé. La plaie n’était pas belle, il n’y avait pas besoin d’être un savant pour le voir et le plus gros risque sur un champ de bataille était de voir la blessure s’infecter.
Seungmin attrapa Chan par le bras.
— Je retourne me battre.
— Tu peux rester ici, fais soigner tes blessures, repose-toi un peu, tu t’es bien battu-
— Non, ma place est là-bas avec mes camarades, le coupa le garde d’un air décidé.
Ils s'observèrent quelques instants en silence jusqu’à ce qu’une insulte provenant de Changbin ne fasse détourner le regard à Chan.
— D’accord, mais fais attention à toi.
— Je suis un bon guerrier contrairement à ce que vous pouvez penser, rétorqua Seungmin avant de prendre un air plus grave, mais si je devais ne pas revenir, prenez soin de la princesse.
Cela sonna comme sa dernière volonté et Chan sentit son cœur se serrer. C’était la guerre, pas une simple partie de chasse, chaque adversaire pouvait être le dernier. Il lui pressa le bras.
— On va tous s’en sortir, toi, moi, Changbin, je vous jure de tous vous ramener au palais vivants.
***
Sana ouvrit brusquement les yeux, un mauvais pressentiment l’avait tirée de son sommeil. Elle était allongée dans le lit de Mina, d’ailleurs celle-ci était toujours endormie dans ses bras, nue après leurs ébats de la veille. Elle grommela en sentant sa domestique remuer.
— Pardon, je t’ai réveillée, s’excusa Sana en lui caressant la joue.
— Non, je dormais à moitié. Quelque chose ne va pas ? Tu as fait un cauchemar ?
— Pas vraiment, je me suis juste sentie mal.
Mina se redressa contre les oreillers et prit la main de Sana dans la sienne.
— Chan te manque ?
À la simple évocation de l’homme qu’elle aimait, Sana fondit en larmes. La princesse la serra dans ses bras et lui caressa tendrement les cheveux.
— Ça va aller, je suis sûre qu’il va bien, la rassura-t-elle d’une voix douce.
— Mais nous n’avons pas de nouvelles depuis des semaines !
Ça n’était pas le genre de Sana de se laisser dépasser par les sentiments, il semblait qu’elle avait atteint sa limite.
Chan était parti depuis deux mois et la dernière lettre en provenance de la vallée datait de plusieurs semaines, un message court, informant le palais que Safala venait d’attaquer. Depuis, plus rien. La guerre était-elle terminée ? Y avait-il un vainqueur ? Le prince et son général étaient-ils en vie ? Et le garde de la princesse ? Les rumeurs allaient bon train, si Chan avait perdu la vie, il n’avait pas laissé d’héritier, qu’allait alors devenir Erhégon ?
Mina déposa un baiser sur les lèvres de Sana qui sécha ses larmes en reniflant. L’amour de sa vie était-il sorti victorieux et vivant ou était-il porté disparu ?
***
Au palais, l’arrestation du conseiller aux finances avait fait du bruit, grâce à Chaeyoung et Jeongin, les hommes de Changbin avaient pu l’arrêter et les preuves étant accablantes, l’homme attendait patiemment son jugement dans les cachots du palais.
Mina et Sana étaient installées dans l’un des salons quand Chaeyoung débarqua comme une tornade.
— Une lettre est arrivée de Milirine ! annonça-t-elle à bout de souffle.
— De Milirine ? Que dit-elle ?
Elle se laissa tomber sur un fauteuil, le souffle court.
— Un messager a fait le trajet depuis la vallée jusqu’à Milirine, commença-t-elle à expliquer, il a annoncé que l’alliance était venue à bout de Safala.
— Nous avons gagné ? fit Mina en prenant la main de Sana.
— Le prince ? Comment va-t-il ? demanda-t-elle désespérée.
L’expression de Chaeyoung se fit plus sombre et elle baissa les yeux.
— Je ne sais pas. Il a juste dit qu’il y avait eu de grosses pertes, il a été envoyé en catastrophe depuis la vallée et Milirine a jugé bon de nous prévenir de la victoire. Je ne sais rien de plus.
Sana se retint de pleurer et Mina la serra dans ses bras.
— Ça va aller, je suis sûre qu’il va bien et qu’il va bientôt revenir.
Pour être honnête, elle était tout aussi inquiète et elle aussi espérait que le prince allait bien, après tout, elle aussi l’aimait, peut-être moins que Sana mais quand même.
— Si j’arrive à en savoir plus, je vous le dirais, soupira Chaeyoung, j’espère que Seungmin va bien lui aussi.
— Seungmin est un bon combattant, dit Mina avec un sourire en repensant à son garde.
Elle essayait surtout de se rassurer elle-même. Chaeyoung quant à elle tritura le tissu de sa robe, elle espérait aussi que Changbin allait bien. Elle devait le revoir pour lui annoncer qu’elle avait trouvé le coupable et qu’elle l’avait fait appréhender, il allait sûrement être fier d’elle. Mais elle avait autre chose à lui dire, elle n’avait plus envie de jouer les filles distantes et hésitantes, elle avait juste envie de lui sauter au cou et de lui dire à quel point il lui avait manqué, et peut-être même aller jusqu’à lui dire qu’elle l’aimait et qu’elle n’était pas trop jeune pour ça.
Mais ça c’était s’il revenait.
L’ambiance étant particulièrement sombre et pesante, Mina se redressa et tapa dans ses mains.
— Ça suffit, nous devons être positives ! Rien ne sert de broyer du noir comme ça, je suis certaine qu’ils reviendront lorsque nous nous y attendrons le moins et ils auront en plus le culot de se moquer de nous pour nous être inquiétées.
Chaeyoung sourit, elle imaginait parfaitement Changbin se moquer d’elle en la traitant de gamine et Sana voyait déjà Chan apparaître derrière la porte pour lui demander s’il leur avait manqué.
La princesse sembla satisfaite de son coup mais elle avait besoin des sourires et de la bonne humeur de ses deux domestiques si elle ne voulait pas non plus s’abandonner à la tristesse.
Ce ne fut pas chose facile, surtout que plusieurs semaines plus tard, le palais était toujours sans nouvelle du prince.
🏵️
Ceci était l'avant-dernier chapitre ☺️
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