Depuis l'attaque, le prince Chan avait passé beaucoup plus de temps avec son épouse, cet événement malencontreux les avait rapprochés d'une certaine façon même si tout restait très prude. Pourtant, Mina sentait cette petite flamme en elle s'attiser parfois lorsqu'elle était proche de son mari. Elle ne tentait rien pour autant, elle ne savait pas comment s'y prendre de toute manière, elle espérait que le prince saurait déceler ce désir naissant, mais il n'avait pas l'air de vouloir se lancer. Il semblait toujours attendre que la princesse initie le premier geste mais ça n'était pas vraiment dans ses projets, elle avait trop peur de mal faire.

La seule personne avec laquelle elle pouvait parler de ce genre de détails était Sana, Sana qui, elle le savait, entretenait une liaison avec Chan. Alors demander des conseils à la maîtresse de son mari, c'était peut-être un peu étrange.

Mina hésitait, elle hésitait à dire à Sana qu'elle était au courant et qu'elle ne lui en voulait pas, et pourtant il faudrait bien un jour qu'elle se jette à l'eau.

Mina était en train de faire de la broderie en compagnie de Sana et Chaeyoung dans l'un des petits salons du palais. La pièce était silencieuse et la princesse jetait des petits coups d'œil à l'aînée de ses domestiques. Chan avait découché cette nuit-là, quelques heures seulement, mais assez longtemps tout de même pour que la princesse le remarque. Elle avait eu du temps pour cogiter et elle s'était décidée, il fallait qu'elle en parle à Sana.

- Chaeyoung ?

- Oui princesse ?

- J'ai bien envie d'une salade de fruits, est-ce que tu pourrais t'en occuper ?

- Oui bien sûr !

La jeune femme se leva et déposa sa broderie sur son siège avant de quitter la pièce, laissant les deux autres seules.

- Sana ?

- Oui ?

- Je peux te poser une question ?

La concernée hocha la tête en levant les yeux vers la princesse qui déposa son ouvrage sur ses genoux.

- Depuis combien de temps est-ce que tu entretiens une liaison avec le prince ?

Le visage de Sana perdit ses couleurs, rendant plus vif le contraste avec sa chevelure de feu.

- P-pardon ?

- Il y a quelque temps, alors que le prince avait quitté la chambre, je suis partie à sa recherche, expliqua Mina, et je vous ai vus.

Sana déglutit, elle aurait vraiment dû se concerter avec Chan pour savoir quoi dire si ce sujet venait à être abordé. Elle aurait pu inventer une excuse si cela n'avait été que des suspicions, mais si la princesse les avait vus, alors là elle était coincée.

Face à son silence, Mina reprit la parole :

- Je ne suis pas en colère contre toi, du moins je ne le suis plus. Je veux juste que tu répondes à mes questions, tu peux faire ça ?

Désormais rouge de honte, Sana acquiesça, de toute façon elle n'avait pas vraiment le choix.

- Comment est-ce que tout a commencé entre toi et le prince ?

- C'est une longue histoire.

- Nous avons le temps.

C'était bien la première fois que la princesse se montrait aussi ferme dans ses paroles et ça déstabilisait la domestique qui prit une profonde inspiration.

- J'ai été placée au service du prince Chan il y a six ans, commença-t-elle en fixant le sol. Mon rôle était de prendre soin de lui de façon intime, de répondre à tous ses désirs.

Mina cligna des yeux, le regard rivé sur sa servante, elle n'avait jamais entendu parler d'un tel rôle, ça n'existait pas à Milirine. Il y avait bien des filles de joie, mais aucune n'était mise à la disposition de la royauté comme cela.

- C'était un peu étrange au début, reprit Sana, mais à force de passer du temps ensemble, nous avons commencé à nous apprécier, et peut-être même à développer des sentiments l'un pour l'autre. Nous n'aurions pas dû car nous savions tous les deux que dès que le prince se marierait, je devrais m'éclipser. Mon rôle et mon rang ne me permettaient pas dans tous les cas de m'unir légalement au prince.

Mina baissa les yeux, elle était donc bien responsable de leur séparation, leur liaison datait donc bien d'avant le mariage.

- Nous nous étions mis d'accord pour ne plus nous côtoyer une fois le mariage prononcé mais... Je suis désolée Princesse. Je ne sais pas quoi vous dire pour que vous me pardonniez.

Sana tremblait, elle allait certainement se faire expulser du palais, ou pire. Mina avait dit ne plus être en colère contre elle, mais maintenant qu'elle savait tout, ça allait sûrement être différent.

Le silence dans la pièce était pesant, Sana n'osait pas bouger ni dire quoi que ce soit, elle se contentait d'attendre que la princesse ne daigne lui accorder la parole.

- Ce qui m'a le plus choqué, commença-t-elle après avoir pris une profonde inspiration, c'est que lorsque je vous ai surpris, le prince était bien différent de ce qu'il peut être quand il est avec moi. Je pense que, malgré tous les efforts que je peux faire, je ne pourrais jamais t'égaler dans son cœur.

Sana leva les yeux, pas certaine d'avoir bien compris ce que Mina voulait dire.

- J'ai de l'affection pour lui, il est gentil, attentionné, doux, mais je ne pense pas que je pourrais un jour t'arriver à la cheville.

Sana ne savait pas quoi répondre, où la princesse voulait-elle en venir ?

- Notre mariage est avant tout un mariage politique, sûrement pas un mariage d'amour. Alors ça ne me dérange pas que toi et Chan continuiez à vous fréquenter, je n'ai pas le droit de vous empêcher d'être heureux ensemble. Même si...

- Même si ? osa enfin dire Sana.

- Même si j'aimerais moi aussi pouvoir compter pour lui.

Pour le coup, ça n'était pas à Sana de donner son avis, c'était à Chan de décider mais pour le moment, elle était déjà perturbée par ce qui la concernait directement. Est-ce qu'elle venait vraiment d'obtenir la bénédiction de la princesse ?

Elle n'eut pas le temps d'y réfléchir plus, Mina s'était levée et était venue s'asseoir à côté d'elle.

- J'aimerais que tu m'apprennes.

- Que je vous apprenne ?

- J'aimerais que tu m'apprennes à m'occuper du prince, à le satisfaire, à agir comme une épouse digne de ce nom.

Sana cligna des yeux, la princesse était en train de lui demander de lui transmettre le savoir qu'elle avait elle-même acquis avant d'entrer au service de Chan. La future reine était en train de lui demander de lui apprendre les ficelles du sexe.

- Vous voulez... vraiment ?

Mina hocha la tête et lui prit les mains.

- Je me sens ridicule. Je ne sais même pas répondre à ses baisers, avoua-t-elle ses joues se mettant à rougir furieusement. J'en ai assez d'être passive et ennuyeuse pour lui, je veux apprendre. Tu veux bien m'apprendre ?

Sana rougit à son tour, elle ne pouvait pas vraiment refuser quoi que ce soit à la princesse, surtout après cette découverte. Ça allait donc être à son tour de lui transmettre le savoir qu'elle avait reçu par le passé.