De retour chez Éva, je retrouve une chambre qui n'est pas réellement la mienne. Mon chez-moi me manque, mais surtout, mes sœurs me manquent. J'ai pu avoir quelques contacts avec elles par message, mais je ne les ai pas revues en chair et en os depuis. Ça me fend le cœur de les laisser là-bas avec une mère intolérante, mais je ne peux rien faire pour elles pour le moment. Au moins, elles sont logées et nourries, voire aimées. J'ai beau détester ma mère, je sais qu'elle aime mes sœurs plus que tout.

Pour éviter de penser à tout ça, j'ai voulu passer du temps avec Maya, mais je ne voulais pas faire mon canard alors je ne lui ai rien proposé. Finalement, j'ai craqué le lendemain à vingt-deux heures.

Moi :
On peut se voir ?

Maya :
Je ne peux pas sortir. J'espère que tu es forte en escalade.

Qu'est-ce qu'il ne faut pas faire pour une fille. Je me retrouve à vingt-deux heures trente à escalader un mur pour atteindre la fenêtre de Maya. Résultat, on a passé la nuit ensemble et je me suis enfuie au petit matin pour ne pas être repérée.

Une opération qui s'est répétée plusieurs fois dans la semaine. Sans compter tous les petits rendez-vous au terrain de basket ou dans ma merveilleuse Twingo. J'ai littéralement passé ma semaine avec Maya dans tous les endroits possibles et imaginables. J'ai même profité du dessous de son lit quand Mathis a débarqué en pleine nuit pour lui demander si elle avait des piles. Sérieusement qui demande des piles à minuit ?

Ce soir, c'est la dernière soirée chez Mathis. Après ça, nous partirons les uns après les autres dans des directions toutes opposées. Mathis part au Canada et Maya va de nouveau vivre avec son père qui est sorti de prison il y a quelques jours.

Éva reste dans les environs alors que moi je vais dans le nord. Hugo et Cassandra ont tous les deux eu une place à Montpellier. Billy a décidé de partir en Belgique tandis que Samy a préféré la Bretagne. Pour Manelle, ce sera Bourges.

On est donc un peu tous dispersés, ce qui nous laissera peu d'occasions pour tous nous retrouver. Je crains malheureusement que la distance finisse par creuser un trou dans notre amitié. Rien ne sera plus comme avant. Je crois qu'un chapitre est en train de se terminer et j'aurais aimé qu'il dure plus longtemps.

Ce soir, plus de nostalgie, on doit profiter de nos derniers moments. Je suis venue un peu plus tôt pour me préparer avec Maya. Madame avait besoin d'aide pour choisir sa tenue alors j'ai accouru.

—    Tu sais, un jogging et un pull ça passe bien, dis-je en sortant les affaires de sa penderie.

—    Non, j'ai envie de me faire belle ce soir.

—    Mais tu es très belle en jogging tu sais. Tu veux te faire belle pour tous ces gens ?

—    Non, juste pour ma copine.

Je mets plusieurs secondes à comprendre ce qu'elle vient dire. Lorsque l'information monte au cerveau, mon cœur s'emballe et j'en viens presque à paniquer.

—    Copine ? On a passé le cap ?

—    Tu ne veux pas ?

—    Ah si si, c'est juste que je ne sais pas, ça fait très officiel, c'est bizarre.

—    Ne te mets pas la pression, c'est qu'un statut, ça ne change pas grand-chose entre nous.

Elle me fait un petit bisou furtif avant de disparaître dans la salle de bain pour s'habiller et se maquiller. Elle en ressort de longues minutes plus tard, vêtue d'une magnifique robe bordeaux. J'en ai presque la bave au coin de la bouche.

—    Je ne suis pas sûre de m'y faire un jour à ta beauté, dis-je totalement sous le charme.

Elle me fait un clin d'œil avant de sortir de la chambre. En bas, la fête bat déjà son plein et les invités ont envahi la maison. Je ne remercierai jamais assez les parents de Mathis pour être aussi souvent en voyages d'affaires. Grâce à eux, j'ai vécu mes meilleures soirées ici. J'y ai même rencontré Maya.

Je retrouve alors tout mon petit groupe sur la piste de danse. Nous dansons comme des fous en sautillant sur le rythme de la musique. Celle-ci prend possession de nous pendant de très longues minutes.

C'est par fatigue et déshydratation que je finis par abandonner la piste. Je rejoins le bar et me serre quelque chose à boire. Puis une main vient tapoter mon épaule. Je me retourne et fais face à une jolie rousse que bizarrement je reconnais.

—    Salut, me dit Léa, tout sourire.

—    Salut, dis-je en criant pour me faire entendre.

Elle se rapproche alors beaucoup trop de moi ce qui me donne un mouvement de recul.

Elle finit par me dire à l'oreille.

—    On devrait finir ce qu'on a commencé la dernière fois.

À ce moment-là, Maya fait son entrée et vient se placer à côté de moi.

—    Je peux t'aider ? demande-t-elle à Léa.

—    Non, ça va aller. On doit finir notre affaire dans une chambre avec Alex. On devrait s'en sortir.

Maya la fusille du regard et je pense sincèrement qu'elle est prête à l'étriper si je n'interviens pas.

—    Désolée Léa, je vais rester avec mon amie.

—    Comme tu veux, répond-elle avant de partir dans la direction opposée.

Maya me regarde avec la même fureur qu'il y a deux secondes.

—    Qu'est-ce qu'il y a ? demandé-je.

—    Tu te fous de moi ? m'engueule-t-elle.

Voyant que je ne réponds pas, elle sort super énervée. Je la suis dans la foule, mais je ne parviens pas à la rattraper avant qu'elle s'arrête au fond du jardin, dans l'un des rares endroits de cette maison où il n'y a personne.

—    Je ne comprends pas, qu'est-ce que j'ai fait là, dis-je en me plaçant devant elle, me laissant voir son visage commençant à se remplir de larmes.

—    Je suis ton amie Alex ?! Parce que ce n'est pas vraiment ce qu'on s'est dit tout à l'heure. En plus de ça, je me rappelle très bien de cette fille et on sait très bien qu'elle veut coucher avec toi !

—    Eh oh calme-toi ! Je ne sais pas comment réagir face à des situations comme ça moi. Déjà parce que d'un, c'est la première fois que je suis en couple et de deux parce que ça fait seulement quelques heures qu'on est ensemble et que j'ai passé la semaine à dire que tu étais mon amie. Je ne t'ai pas trompé et je ne l'ai pas dragué ou laissé espérer, je n'ai rien fait de mal. Je ne suis juste pas encore habituée à ce concept de couple.

Son regard s'est attendri alors je décide de m'approcher d'elle pour la prendre dans mes bras.

—    La prochaine fois, je dirais que j'ai la meilleure des copines, d'accord ? dis-je dans l'espoir de la rassurer.

—    Je vais t'acheter un tee-shirt propriété de Maya, ça sera plus simple, dit-elle en essuyant ses larmes. Si tu pouvais arrêter d'attirer toutes les filles aussi ça m'arrangerait.

Et dire qu'on disait de moi que j'étais jalouse, ce n'est rien comparé à la jalousie de Maya. J'aurais pu trouver ça énervant qu'elle me prenne la tête pour si peu, et pourtant, j'ai trouvé ça mignon. Ça y est, je suis officiellement devenue la fille super nian nian. Franchement merci Maya.

J'ai préféré passer le reste de la soirée avec mon petit groupe de potes pour profiter de ces moments avec eux et éviter une autre situation ambiguë avec Maya. On a tellement dansé et bu, qu'à cinq heures du matin, on a marché jusqu'au terrain de basket où on s'est tous allongés par terre.

—    Les gars je vous kiff, dit Samy.

Je ne sais pas pourquoi ça nous a fait rire, mais nous rigolons comme des fous jusqu'à ce que le silence revienne.

—    Merci, dit une petite voix qui a bercé mes oreilles tout cet été. Merci de m'avoir accueillie, de m'avoir fait passer le meilleur été de ma vie.

J'attrape discrètement sa main, nos doigts s'entrelacent.

—    Arrête, tu vas nous faire chialer, dit Éva, coupant toute l'émotion qui flottait.

Heureusement que Manelle a fini par prendre les choses en mains, moi j'étais prête à m'endormir ici et je pense que je n'étais pas la seule. Nous sommes rentrés, puis nous nous sommes endormis chacun là où il a pu. Pour ma part, j'ai de la chance, j'ai eu le droit de dormir dans le lit de Maya, à ses côtés. Évidemment, j'ai pris soin de la rejoindre une fois que tout le monde dormait. C'est si bon de l'avoir près de moi.