Chapitre 22
Dix-neuf heures trente
La chaleur de l'été est retombée, mais ça n'empêche pas Maya d'ouvrir la fenêtre de la voiture. Le vent fait virevolter ses cheveux dans tous les sens, ne laissant aucune chance à son brushing. Elle n'a pas changé, je la revois comme la dernière fois sur la route vers le cinéma en plein air. Elle n'a rien perdu de sa joie de vivre. Son sourire est plus étincelant que jamais. Elle revit.
— Je vais devoir t'apprendre à traverser la rue correctement du coup, dis-je
— Ah ah très drôle.
— Trop tôt ? Tu m'as fait vraiment peur. J'ai cru que tu allais m'abandonner.
— Je ne peux pas t'abandonner, tu serais perdue sans moi.
Je souris comme une débile parce que je crois que je suis heureuse. Actuellement je me sens juste bien. Je suis là, dans mon bolide de compèt' avec une fille géniale et magnifique. Même le temps est avec nous. Je ne vois pas comment ça pourrait ne pas aller. Ah bah si je sais. Mes vieux démons, mes peurs. Ils ne m'avaient pas manqué ceux-là. À chaque fois, c'est comme ça. Dès que je commence à me sentir bien, je trouve ça tellement bizarre que je préfère tout gâcher, ça fait moins mal que de tomber de plus haut.
Heureusement pour moi, nous arrivons chez Mathis ce qui m'évite de me perdre dans mes pensées. Je la laisse aller vers la maison pendant que je m'occupe des bagages.
Lorsqu'elle ouvre la porte, elle tombe sur une petite bande de zinzin criant "SURPRISE !". Elle met un certain temps avant de réaliser puis elle finit par les prendre dans ses bras pour faire un câlin collectif. Je viens m'ajouter à ce tendre moment après avoir déposé le sac.
On a préparé ça depuis le jour où elle s'est réveillée. Ce n'est pas grand-chose du tout, mais il fallait des excuses pour expliquer le fait que c'était moi qui venais la chercher et non les parents de Mathis.
D'ailleurs je me suis toujours demandé pourquoi les parents de Maya n'étaient jamais venus. Je sais très bien qu'ils sont à l'autre bout de la terre dans un coin reculé, mais ils ont été prévenus. J'aurais pensé qu'ils auraient fait le déplacement pour venir voir leur fille qui est dans le coma. Mais non, au lieu de ça, ce sont les parents de Mathis qui venaient aux nouvelles au moins une fois par jour.
Je n'ai pas le temps de me poser plus de questions puisque la petite soirée commence enfin. Vous vous attendiez à une musique assourdissante et de l'alcool à flot ? Raté, vous allez être aussi déçu que moi. Le thème de la soirée était "c'est Maya qui commande". On se retrouve donc tous en pyjama blottis les uns contre les autres sur le canapé à regarder "Sing" un putain de dessin animé où des animaux pousse la chansonnette. Je n'avais vraiment pas vu la soirée comme ça mais "c'est Maya qui commande".
Le calvaire s'arrête enfin lorsque le générique de fin se lance. Gros soulagement, j'allais finir par penser que j'allais me transformer en cochon, à chanter du Britney Spears.
— Bon, l'activité suivante va vous faire kiffer au max, dit Maya enjouée.
Elle est tellement surexcitée que j'ai peur de ce qu'on va faire. Étant donné le début de soirée, je ne suis pas vraiment confiante. Et je ne suis pas la seule étant donné qu'on la regarde tous perplexes.
— Nous allons faire un défilé de mode ! dit-elle toute excitée.
— Pardon ? dis-je complètement perdue.
— Les filles vont se déguiser en garçon et les mecs en fille. Et je précise qu'Alex tu fais partie des mecs, je veux te voir plus féminine que jamais.
— Hors de question, c'est non. Jamais je ne ferais ça.
Devinez qui essaye d'enfiler une robe depuis dix minutes ? C'est bibi. Pourquoi j'ai laissé Mathis donner le thème de ce soir. Je me retrouve à galérer avec une robe noire hyper moulante et des talons qui me paraissent immenses. Si avec ça je ne me pète pas une cheville, c'est un exploit.
Bon maintenant que je suis habillée comme une fille qui n'est pas moi du tout, place au maquillage. Il doit me rester quelques souvenirs de moi qui me maquillais à Noël pour faire plaisir à ma mère. À cette époque, je faisais tout pour être la gentille petite fille parfaite. Surtout devant le reste de la famille, il fallait donner une bonne image.
Actuellement, je suis là, comme une débile, à regarder dans le miroir mon horrible reflet. Au moins, ça me confirme que pour rien au monde je reporterais des robes ou me maquillerai comme ça. D'ailleurs, je ne comprends pas le concept. Depuis quand est-ce qu'il faut porter des robes ou des jupes pour être une fille ? Je suis une femme et pourtant je porte des joggings larges, des pulls ou encore des chemises bucherons, ça n'enlève rien à ma féminité.
Mathis débarque à ce moment, reste un instant à me fixer avant d'exploser de rire.
— T'es vraiment bonne comme ça, je pense que je t'aurais pécho, dis-je à Mathis qui est aussi ridicule que moi.
— T'es pas mal non plus, dit-il avant de partir.
C'est parti ! Que le défilé de la honte commence ! Mathis se lance en premier, et vu les rires que j'entends, il a fait bonne impression. Samy, Hugo et Billy le suivent, et les fous rires s'enchaînent.
Et comme tout le monde l'attend, voici mon tour. J'essaye de marcher tant bien que mal avec les talons puis démarre mon défilé de la fashion week. J'exagère chaque pas, chaque geste, même mes sourires sont exagérés au plus au point. Mais moi, ce que je vois vraiment, ce n'est pas la honte phénoménale que je suis en train de me taper, c'est le sourire de Maya, son rire. Quand j'ai accepté ce truc idiot, c'était seulement pour voir ça, et j'ai réussi. Je finis par venir m'asseoir à côté de Maya.
— Je suis sûre que comme ça je pécho qui je veux, dis-je avec assurance.
— Ça, c'est sûr, dit-elle tout sourire. Mais j'avoue que j'ai un petit faible pour la Alex en chemise avec une casquette, dit-elle accompagnée d'un clin d'œil.
Comme à chaque fois, je bois ses paroles, et, elle n'a rien à ajouter pour que je tape le sprint de ma vie en talons jusqu'à l'étage pour me changer en la Alex qui la fait craquer.
Lorsque je reviens, aucune trace de Maya. Elle en a profité pour s'échapper et se changer. Car maintenant place aux filles. Autant vous dire que même quand elles doivent imiter les garçons, elles mettent une plombe à se préparer. On a même eu le temps de faire un Uno.
Après de longues, très longues minutes, les filles débarquent avec des pantalons qui leur tombent sur les fesses, des casquettes et sans oublier les fausses barbes dessinées au feutre.
— Tu sais Éva, t'avais pas besoin de te dessiner de la barbe, t'en avais déjà assez, dis-je complètement en fou rire.
J'ai eu le droit à un joli doigt d'honneur en guise de réponse. Mais je pense que la palme d'or de la plus ridicule revient à Maya. Du haut de ses un mètre cinquante neuf, elle nage dans les vêtements de Mathis. On dirait une enfant qui a piqué les vêtements de ses parents. Ce qui me surprend, c'est que je la trouve toujours aussi belle. Elle ne ressemble à rien, mais elle est comme un aimant qui m'attire et peu importe la manière dont elle est habillée, je n'ai qu'une envie, c'est de la prendre dans mes bras et d'être près d'elle tout simplement.
Mais qu'est-ce que je raconte, je commence sérieusement à partir en vrille. Ça doit être à cause de l'accident et tout. Maya est ma pote, c'est normal que ça m'ait un peu affectée.
— Les gars, j'ai une idée de malade, lance Mathis, coupant court à toutes les conversations et à mes pensées, ce qui m'arrange sur le coup. Vous savez que j'ai une villa en Espagne ? Mes parents ont fini de la rénover donc on pourrait partir tous ensemble et passer quelques jours là-bas.
— Je ne voudrais pas casser ton enthousiasme, mais Maya vient à peine de sortir de l'hosto, je ne suis pas sûr que ça soit une bonne idée, dit Hugo, enlevant tout espoir à Mathis.
Mais pas question pour lui d'abandonner.
— Il reste trois semaines de vacances, donc on part dans une semaine le temps de voir si Maya va bien. On reste une semaine là-bas, comme ça tout le monde est rentré avant de reprendre les cours. Les gars, l'année prochaine, on part tous dans des endroits différents, c'est notre dernière occasion d'écrire des souvenirs tous ensemble. En plus je suis sûr que changer un peu d'air serait bénéfique pour Maya. Rien de mieux que des beaux gosses torse nu sur la plage pour aller mieux.
Alors lui, il sait parler. Il a finalement convaincu tout le monde. Ça a pris un peu plus de temps et demandé plus d'efforts pour certains mais tout le monde est très enjoué pour cette nouvelle aventure. J'espère quand-même Maya ne se rincera pas trop l'œil.
Résultat : dans une semaine, on s'en va en Espagne dans la magnifique villa de notre petit bourge préféré. Je ne sais pas pourquoi, mais je sens que ce voyage va être mémorable.
La bande a commencé à partir petit à petit jusqu'à ce qu'il ne reste plus que Maya, Mathis et moi.
— Bon je vais rentrer aussi, ça m'a épuisé de marcher avec des talons, dis-je en me levant.
— Je te raccompagne, dit Maya en se précipitant vers moi.
Alors je ne suis pas sûre que ça soit vraiment nécessaire, néanmoins je suis contente qu'elle le fasse. Arrivées devant ma voiture, elle me regarde comme si elle attendait quelque chose. Elle ne bouge pas, ne parle pas, mais ses yeux communiquent. J'essaye de décrypter, mais je n'y arrive pas. Comme si elle essayait de jouer à nouveau avec moi. Elle finit par faire le premier pas et viens me faire un câlin.
— Merci, dit-elle au creux de mon oreille.
Je la serre dans mes bras et profite de ce moment de plénitude. Son odeur vient chatouiller mes narines et me rappelle à quel point ce parfum me détend. C'est super con quand on y pense, une odeur qui me fait me sentir bien. Mais ce n'est pas la senteur en elle-même qui me fait cet effet, c'est la personne à qui je l'associe.
Depuis le début avec Maya, c'est compliqué. Je n'ai jamais réussi à comprendre comment est-ce qu'elle faisait pour me faire ressentir tout ça. Ce sont des sentiments qui sont inexplicables, mais qui pourtant sont bien là. Le problème dans tout ça, c'est que c'est tellement inhabituel que ça me fait peur. Ça me rappelle Maeva. Avec elle aussi j'avais ressenti des choses que je n'avais jamais ressenties. Certes, c'est totalement différent, il n'empêche que lorsque je ne connais pas, ça n'annonce rien de bon.
Ça me perturbe tellement que je mets fin à notre étreinte et monte dans ma voiture pour partir le plus vite possible. Lorsque que je sors de l'allée du garage, je la vois dans mon rétro, les bras croisés et un petit sourire aux lèvres. Un détail qui ne m'aurait jamais fait sourire avant, voilà le problème. Je fais attention à beaucoup plus de choses, je l'ai en tête matin, midi et soir, on pourrait croire que c'est mon médicament alors que je sens que ça va être mon poison.
En rentrant, j'ai continué à me poser mille et une questions, ça m'a tellement épuisé que j'ai fini par m'endormir.
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