Les jours passent, les soirées aussi, tout est normal, enfin presque. Depuis la soirée de la dernière fois, c'est plutôt froid entre Maya et moi. Plus de taquinerie, plus de message et même plus de regard de sa part.

Pourtant, elle sourit, elle va bien. Alors que moi, comme une débile, je me pose trois mille questions. J'ai beau retourner le problème dans tous les sens, l'issue reste la même : elle me manque. Je m'en fiche d'avoir de l'attention de la part d'une ou je ne sais pas combien de filles. Mais son attention à elle, je la veux.

C'est purement égoïste parce que je sais très bien que je lui ferai du mal. Certes, elle est très joueuse, mais au fond, elle a une part fragile.

Rho et puis je m'en fiche, ce n'est pas la première que je déçois, ni la première que je brise. Elle est comme toutes les autres, après tout, elle s'en remettra. Elle me manque, c'est un fait. Notre jeu me manque, son attention, ses sourires. Je sais que ce n'est pas bien, mais je sais aussi pertinemment que je ne pourrais pas rester trop longtemps loin d'elle.

Je remets tellement en question ma vie ces temps-ci que j'ai refusé d'aller à une fête. Oui oui je répète, Alex a refusé l'invitation d'une soirée. Je préfère clairement passer une soirée chill avec Netflix plutôt que de passer une soirée à regarder une fille qui obsède mes pensées. Je crois que pour la première fois, j'ai peur de blesser une personne et c'est ça qui bloque tout le processus. C'est ça qui fait que je réfléchis beaucoup trop.

Choix de ce soir : Las Chicas Del Cable. Rien de mieux qu'une bonne série espagnole. Si vous avez besoin de conseils niveau série, je suis plutôt calée. Et je ne répéterais jamais assez que Lucifer se regarde en anglais et non en français. C'est l'une des rares séries que je ne peux pas regarder en français. La voix française du personnage principal est horrible, elle lui enlève tout son charme. Enfin bon je ne vais pas débattre sur les séries sinon on n'est pas sorti de l'auberge. En plus de ça, je me suis fait un bon burger maison et des frites. Je sens que je vais passer une excellente soirée.

J'ai tellement galéré à cuisiner que ça m'a pris un temps fou. Résultat : tout est enfin prêt, mais il est déjà vingt-deux heures. Mais bon, il n'y a pas d'heure pour un bon repas. Je m'affale sur le canapé, lance ma série et déguste mon merveilleux burger.

Mon téléphone se met alors à sonner. Non, c'est hors de question, je ne répondrai pas. En plus de ça, je suis sûre que c'est Mathis qui m'appelle totalement bourré pour me dire un truc des plus débiles. Je laisse donc mon portable sonner, mais celui-ci sonne encore. Je résiste, mais finis par craquer et, comme je le pensais, c'est Mathis. Je décroche, m'attendant à n'importe quelle bêtise qu'il est capable de débiter.

« Alex... faut... je te jure... »

Je ne comprends absolument pas ce qu'il est en train de me dire, mais il est complètement paniqué.

—    « Mathis, doucement je ne comprends rien là.

—    C'est Maya ! Elle est partie avec les pompiers.

—    Quoi ?! Attends, qu'est-ce qu'il s'est passé ? dis-je, paniquant à mon tour.

—    Elle n'était pas dans le mood de la soirée alors elle voulait rentrer, mais pas moi. On est sortis pour aller à la voiture, on se disputait donc elle n'a pas vraiment regardé la route et une bagnole a débarqué de nulle part et l'a renversée. S'il te plait Alex, il faut que tu viennes, dit-il en sanglot. Il y avait du sang partout. Je ne sais pas quoi faire, je crois qu'elle est morte. C'est de ma faute, Alex, je suis désolé.

—    Envoie-moi l'adresse, je viens te chercher. »

Je ne perds pas de temps, laissant en plan mon succulent repas et déboule en trombe jusqu'à ma voiture. Mon cerveau s'est clairement mis en mode automatique. Sur la route, tous les scénarios se succèdent dans ma tête, me faisant de plus en plus paniquer. Je l'imagine par terre, recouverte de sang, les yeux perdus dans le vide. J'imagine aussi son teint d'ordinaire bronzé devenir tout blanc. J'aurais dû aller à cette soirée, j'aurais dû être là.

Arrivée sur place, la police s'occupe de mettre fin à la fête, les voisins, comme de bonnes commères, sont tous dehors sur leur palier. Au loin, j'aperçois assis sur le bord du trottoir Mathis. J'accours vers lui et le prends dans mes bras.

Tout en sanglotant, il répète en boucle qu'il est désolé. Ma gorge commence à se serrer, mille questions se bousculent dans ma tête. Je réalise peu à peu la gravité des événements. Automatiquement, ma mâchoire se contracte, comme si le fait d'exercer une pression empêcherait les larmes qui menacent de s'échapper, de couler le long de mes joues.

Évidemment, nous avons affaire à un délit de fuite, le chauffard s'est barré comme s'il avait simplement percuté un lapin ou un oiseau. Dans ma tête, j'insulte de tous les noms cet inconnu, qui, à l'heure actuelle, a peut-être, sûrement, bousillé une vie.

Je suis triste, j'ai peur pour Maya et pourtant, je n'arrive qu'à ressortir de la colère. La seule chose à laquelle je pense, c'est d'attraper ce salaud et lui faire payer. Je finis même par comprendre que dès que je ressens un sentiment désagréable comme de la tristesse ou de la déception, je le ressors toujours par de la colère. Mes émotions se retranscrivent à chaque fois de la même manière. Il n'y a que ça en moi, de la haine et de la colère.

Mathis m'a appelé pour l'aider, mais je suis actuellement aussi perdue que lui, je n'arrive pas à réfléchir, à prendre des décisions logiques. Je prends de grandes respirations, j'essaye de calmer mon rythme cardiaque. Je suis envahie par la peur, mes pensées sont comme paralysées. Je me demande même pourquoi c'est moi qu'il a appelé alors qu'il sait que je suis la personne la plus irresponsable qu'il connaisse. Je ne sais pas réconforter quelqu'un alors comment veut-il que je sache gérer cette situation ?

Maintenant que j'y suis, je n'ai pas le choix, je dois me comporter en adulte.

Heureusement, je finis par reprendre mes esprits. Nous embarquons avec Mathis dans ma voiture direction l'hôpital le plus proche. Il ne se rappelle plus de ce que les pompiers lui ont dit alors on prie pour qu'on ait choisi le bon hôpital.

La tête contre la vitre, Mathis ne sanglote plus. Les larmes coulent le long de ses joues, dans un silence intense.

De mon côté, je suis tiraillée entre accélérer pour arriver plus vite et respecter les limitations de vitesse. Mon côté raisonnable me rappelle qu'il vaut mieux arriver quelques minutes après plutôt que de ne pas arriver du tout. Maya est déjà à l'hosto, ce n'est pas le moment de faire des bêtises. Alex, sois une adulte.