(Eren) N'avez-vous jamais eu envie d'être policier, comme votre père ?

Il avait entendu claquer la porte du jeune homme, aussi ne fut-il pas surpris par son retour. En revanche, sa question le décontenança. Il y répondit donc sans détour.

(Livai) Si, bien sûr.

(Eren) Qu'est-ce qui vous a fait changer d'avis ?

(Livai) MA mère, dit-il en montrant la photo prise le jour de la remise des diplômes. Après la mort de mon père, elle m'a fait promettre de ne jamais entrer dans la police. Compte tenu des circonstances, je ne pouvais pas refuser. Je ne voulais pas lui briser le cœur.

(Eren) Mais si vous en rêviez...

Il haussa les épaules.

(Livai) Avec le temps, elle aurait pu oublier. Quelques années plus tard, elle m'a avoué qu'elle ne s'y serait pas réellement opposée. Mais j'avais déjà renoncé à être un jour policier.
Comme j'avais renoncé à devenir neurochirurgien, président de la République ou astrophysicien.

Sa plaisanterie le fit à peine sourire.

(Eren) Pourquoi ? demanda-t-il.

(Livai) Parce que je n'étais pas assez adroit pour être chirurgien, pas assez ambitieux pour faire de la politique et pas assez intelligent pour me consacrer à la recherche.

(Eren) Il faut se méfier de l'ambition. Ce n'est pas toujours une bonne chose, dit-il, l'air sombre.

Sans doute pensait-il à son ex-mari, songea Livai.
Le regard baissé, il garda le silence un long moment. Puis il prit une profonde inspiration et lança tout à trac :

(Eren) Je suis désolé.

De quoi s'excusait-t-il ? C'est lui qui avait été maladroit.

(Eren) J'étais trop en colère après mon père pour songer à lui trouver des excuses. Je crois même que je le tenais en parti pour responsable de la mort de ma mère. Je lui en voulais de ne pas avoir pu la sauver.

(Livai) C'est normal.