Quelle que soit la situation, il arrivait toujours à s'en tirer.

(Livai) Pourquoi trouvez-vous étonnant qu'il ait reconnu avoir tiré ?

(Eren) Je pensais qu'il m'accuserait, qu'il me mettrait tout sur le dos.

(Livai) Vous pensiez qu'il allait dire à la police que vous aviez tiré sur votre frère ?

Il avait l'air stupéfait.

(Eren) Oui. C'est une des raisons pour lesquels je me suis enfui.

Un long et lourd silence s'installa. Puis Livai le rompit.

(Livai) Je crois que vous devriez me donner votre version des faits.

(Eren) Ce n'est pas une (version). C'est la vérité.

(Livai) La vérité est souvent multiple. Chacun voit les choses à travers son propre filtre. N'importe quel policier vous dira qu'un témoin oculaire n'est jamais fiable à cent pour cent. Si vous avez 5 témoignages, vous aurez 5 versions différentes des faits.

(Eren) C'est ce que votre père vous a appris ? Mais était-il réellement policier, au fait ?

Livai eut l'air blessé.

(Livai) Je ne vous ai pas raconté des fariboles. Tout était vrai.
Et c'est effectivement mon père qui m'a appris à me méfier de ce que les gens prétendent être la vérité. D'après vous, Ren, comment les choses se sont-elles passées, cette nuit-là ?

Il hésitait. Pourquoi lui accorderait-il sa confiance après ce qu'il lui avait fait ? Il s'était bien moqué de lui.

Qui a été assez naïf pour prendre pour argent comptant tout ce qu'il racontait ? dit en lui une petite voix narquoise.

Il semblait disposé à l'écouter. Mais, pour en avoir bien trop souvent fait l'expérience, il savait pertinemment qu'il n'avait aucune chance contre Jean Kirstein.

(Eren) Vous connaissez Jean ? demanda-t-il. Enfin, je veux dire, lui avez-vous déjà parlé au téléphone ?

(Livai) Non, jamais. C'est à votre frère que j'ai eu affaire.

(À votre frère.) Il se retint de hurler. Jean allait bien être obligé de venir pour mener à son terme son plan démoniaque, songea-t-il. C'était sa seule chance de le démasquer.