------------------

Comme Livai s'y attendait, Eren avait l'air complètement épuisé. Il lui avait ouvert tout de suite, aussi en déduisit-il qu'il était déjà debout et habillé lorsqu'il avait frappé chez lui. Mais, bien avant l'aube, il avait vu la lumière filtrer sous sa porte.
Il avait hésité à aller le voir. Lui non plus n'arrivait pas à trouver le sommeil. Tant qu'à ne pas dormir, ils auraient pu le faire ensemble ! Cette plaisanterie de mauvais goût l'avait incité à regagner sa cabine dare-dare. S'il était dans cet état d'esprit, mieux valait qu'il ne le voit pas car il risquait de dire ou de faire n'importe quoi...

-Vous êtes fatigué, déclara-t-il lorsqu'il leva vers lui des yeux tout gonflés.

-Merci de me faire remarquer que j'ai une tête de déterré, maugréa-t-il.

Il leva la main, sans doute pour se frotter les yeux, mais suspendit son geste. Il ne connaissait rien aux lentilles de contact mais il se doutait bien que, quand on portait, se frotter les yeux n'était pas recommandé.
Sans ses grosses lunettes, il n'était plus du tout le même.
De près, il distinguait vaguement le contour des lentilles. Il se demanda s'il lui arrivait de les enlever.

-Ce n'est pas ce que je voulais dire, répliqua-t-il, désolé de l'avoir une fois de plus mis de mauvais humeur. Cette nuit, j'ai vu de la lumière sous votre porte.

-Excusez-moi. J'ai mal dormi.

-Et comme c'est votre seul jour de congé...

En le voyant froncer les sourcils, il s'interrompit. Quel gaffe avait-il encore fait ? Ce gamin avait vraiment un grain.
Sa vie n'était pas un secret d'État, que diable ! Peut-être son frère n'avait-il pas exagéré. Livai commençait à comprendre.

-Je voulais m'assurer que vous étiez réveillé, parce que j'ai réparé la tondeuse et que je m'apprête à la passer.

-Ah ! dit-il en prenant un air contrit. C'est gentil à vous de vous soucier de moi.

-C'est bien normal. J'espère que je ne vous chasse pas.

Il lui jeta un regard oblique, comme s'il soupçonnait dans ces derniers mots un sous-entendu. Il ne chercha pas à le détromper et se contenta de soutenir son regard sans broncher.
Sa constante méfiance commençait vraiment à le fatiguer.
D'autant qu'il n'en voyait pas la raison.