Et maintenant ?
Défi de Reidrev : décrire un moment de vie d'un personnage qui n'est censé apparaître qu'à la fin de l'histoire (méchant, boss, princesse à sauver...)
Et maintenant ?
« Et maintenant, on peut y aller ?
Les autres cavaliers grommellent. Il est beaucoup trop tôt, tout le monde le sait. La scène qui se déroule en bas, loin là-bas sur Terre, ne ressemble pas du tout à une fin du monde, encore moins à l'Apocalypse qui réduira à néant toute vie sur la planète bleue, et beaucoup plus à une guerre entre deux tribus qui possèdent plus de chèvres que de combattants. Une échauffourée, plutôt qu'une guerre. Une querelle de voisinage.
— Non, Guerre.
— Mais ça pourrait être ça, non ? Et si on ratait notre grand moment ? Allez, quoi, les gars... Faut pas rater une occasion pareille !
— Pfff, souffle Pestilence, et moi je fais quoi, du point de croix ? Il n'y a rien pour moi là en bas. Et de toute façon, il n'y a aucune chance que ça devienne mondial.
— Justement, si tu t'y mettais...
— Nous ne sommes pas là pour créer l'Apocalypse. Nous l'accompagnons. Nous l'incarnons. Nous ne pouvons pas la presser.
— Allez...
Famine examine à son tour la situation et admet :
— C'est vrai que c'est tentant. La faim les pousse à se battre, avec quelques cadavres la maladie va bien réussir à s'y mettre...
— Non. Ce n'est pas ça. »
Le quatrième cavalier de l'Apocalypse n'est pas bavard. Il est aussi très occupé. En tant qu'incarnation – personnification anthropomorphique, si on veut être précis – il n'a bien sûr rien à faire, mais en tant que concept il ne se repose jamais vraiment. Et les autres cavaliers savent bien, même si le sujet n'a jamais été franchement abordé, qu'ils lui sont assujettis. Guerre, Famine et Pestilence ne sont que des façons de répandre efficacement l'effet du dernier cavalier, la Mort.
Ils retournent donc à leur attente millénaire et passent le temps en pariant sur l'issue de la bataille.
***
« Et maintenant, on peut y aller ?
— Non, Pestilence...
— Vous plaisantez ? Attendez, il y a tout, là ! La Peste noire, bien sûre, une œuvre dont je suis extrêmement fier...
—Tu peux. C'est du beau boulot.
— Mais il y a aussi des guerres stupides qui traversent tout le continent et des famines ! On a tout ce qu'il faut, non ?
— Hum, je ne sais pas trop... hésite Famine. Un continent, c'est intéressant, mais ça reste assez local, non ? Regarde, sur le continent d'à côté, ils se développent à tout-va.
— N'empêche que ce serait gâcher de ne pas utiliser une belle épidémie comme ça c'est tout ce que je dis...
Guerre ricane :
— Ne t'en fait pas, il y en aura d'autres. Regarde, moi aussi j'étais prêt à me mettre en selle dès qu'ils ont commencé à se taper sur le crâne avec des cailloux, alors que le plus beau restait à venir... Les épées. Les flèches. Les étoiles du matin. C'est ça qui est magnifique, avec les humains : plus tu attends, plus ils font le boulot à ta place.
— Parle pour toi ! s'exclame Pestilence. Ils n'arrêtent pas de chercher des moyens de m'éradiquer... Je dois sans arrêt chercher de nouvelles idées.
— À mon avis, explique doctement Famine, celle-ci est trop virulente.
—Trop virulente ? TROP VIRULENTE ? MA PESTE ?
— Les survivants ne s'approchent même plus des contaminés. Ils se méfient. L'épidémie va finir par s'arrêter.
— Oui, ajoute la Mort. Ce n'est pas encore l'Apocalypse.
Les autres attendent. Le quatrième cavalier parle peu, mais ils sentent qu'il fait des efforts pour sociabiliser.
Au bout d'un moment il ajoute :
— Mais c'est quand même pas mal. »
***
« Et maintenant, on peut y aller ?
Famine trépigne presque en posant la question. Il faut dire que pour lui rendre hommage, les Chinois n'y sont pas allés avec le dos de la cuillère.
— C'est vrai qu'il y a des maladies, répond Pestilence, mais à mon avis ce n'est pas ça.
— Oh, toi tu boudes encore à cause de la vaccination !
— Je ne boude pas. J'ai encore plus d'un tour dans mon sac. Tu veux qu'on en reparle, de la grippe espagnole ?
— Ah, oui, admet Pestilence en roulant des yeux, la grippe espagnole. On avait tout, on avait des massacres à l'échelle mondiale, des affamés, et la grippe espagnole pour achever le tout. On ne peut pas dire que ce n'était pas du beau travail...
— L'équipement n'était pas suffisant, explique Guerre. Ils se battaient jusqu'à épuisement de la chair à canon. Mais là, on est en pleine Guerre froide, les missiles de tout le monde sont prêts à partir, et on a une énorme catastrophe humanitaire dans un pays communiste. Ça pourrait mettre le feu aux poudres, non ?
— Non.
— Oh. Vraiment ? Aucune chance ?
— Ce n'est pas l'Apocalypse.
Un soupir de déception collectif s'échappe des trois autres cavaliers. Ils s'ennuient à mourir. Et, en dépit de toutes les catastrophes qu'ils suivent passionnément, la population terrestre ne fait que croitre. C'est à se demander s'ils chevaucheront un jour.
La Mort tente maladroitement de remonter le moral des troupes :
— C'est un bon début. On arrive à des morts à grande échelle. Quand l'Apocalypse arrivera, cette expérience nous sera utile. Mais ce sera plus grand.
— Plus grand comment ? Comment on peut faire plus grand que des millions de morts ?
— Avec des milliards.
— Ah. Oui. Bien sûr. Vu comme ça...
— C'est la seule façon de voir.
— N'empêche que c'est une famine de première classe.
— Oui. »
***
« Maintenant, on peut y aller. »
Bạn đang đọc truyện trên: Truyen247.Pro