14 JUILLET 2016
Monsieur Dupond était encore livreur. Mais plus de journaux. De poissons frais. Et puis, il avait changé de ville. Il se trouvait plus au sud, proche de SA ville. Celle dont il conservait précieusement la photographie dans la poche de son pardessus.
Il revit son enfance, seul, avec ses parents. Le jardin du Colombier où on l'emmenait jouer à la balançoire. L'Hermitage que l'on grimpait à pied en pèlerinage. Et les rares escapades au pied du Crassier, son charbon, sa chaleur...
Monsieur Dupond ferma les yeux quelques secondes. De toute manière ça n'avançait pas. Normal, un soir de quatorze juillet. Il avait tenu à revêtir son chapeau melon pour l'occasion. Histoire d'officialiser l'événement.
La foule continuait à s'agglutiner au niveau de l'hôtel Méridien. Monsieur Dupond roulait au pas. Pourtant, il lui fallait impérativement livrer son poisson avant vingt-deux heures. Le Négresco n'attendrait pas!
A force de patience, il finit par arriver à hauteur d'une barrière de police. La Nationale. Il baissa sa vitre et demanda au policier l'autorisation de poursuivre.
Ce dernier, un énorme bonhomme transpirant à grosses gouttes, le regarda bizarrement avant de répondre qu'il venait de terminer son service. Et qu'il ferait mieux d'enlever ce chapeau ridicule et de prendre son mal en patience avant que la relève n'arrive.
Il poirota ainsi vingt bonnes minutes, regardant le flot toujours plus dense des badauds qui s'acheminaient direction place Massena. Des familles, des bandes de jeunes bruyants, des couples plus âgés aussi, qui se frayaient un chemin avec peine. Le feu d'artifice n'allait pas tarder.
Vingt-deux heures trente. Monsieur Dupond comprit qu'il n'irait pas plus loin. Aucun service d'ordre à l'horizon. Il entrepris d'effectuer un demi-tour. Au diable les poissons.
Juste avant d'accélérer, il vit dans son rétroviseur un poids-lourd stationné à hauteur du quartier Magnan.
Toujours dans le rétroviseur, monsieur Dupond aperçut le chauffeur du poids-lourd ranger son vélo à l'arrière, grimper dans la cabine puis démarrer.
Il ne pût s'empêcher de lâcher un juron. Comment pouvait-on tolérer un dix-neuf tonnes, alors qu'on lui refusait l'accès à lui.
Dans le lointain, il perçut des éclats de voix, des cris, des pétards... Pourtant le feu d'artifice venait juste de prendre fin.
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En rentrant dans son studio, monsieur Dupond passa en boucle ce vieux tube de 2006 d'Hervé Christiani. Il s'affala dans son divan et fixa le tableau. Ce tableau au trois-quart gagné par le noir. Ce tableau qui le défiait. Qui vivait sa vie au côté de la sienne. Une grosse boule noire l'envahissait à présent. Et rien, pas même la javel ne pouvait en venir à bout!
Ce tableau qui révélait l'horreur du Monde en devenir.
Monsieur Dupond en eut la preuve en écoutant le journal de minuit.
https://youtu.be/_KCx1cMf4EA
14/07/16
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