|Hybridière|
Mon réveil s'est fait brutal ce matin. Mais j'étais déjà réveillée depuis tellement longtemps que j'hésitais à éteindre mon réveil qui ne servait à rien pour moi. Pourquoi ? J'ai des terreurs nocturnes mêlées à une paralysie du sommeil. Ça peut paraître absurde et peut-être même impossible, mais c'est le cas.
De ce fait, depuis mon plus jeune âge, dans les alentours de 7 ans, je ne dors que 10 minutes par jour. Ça semble peu, même dangereux pour ma santé, c'est vrai, mais je m'y suis habituée. Surtout pour une hybride de mon espèce.
Effectivement, je suis une louve. Surprenant. Mais pas ici. Dans le monde où je vis, tout le monde est comme moi. Nous sommes tous des hybrides à part entière de différentes races et couleurs. Mais nous vivons étonnement en paix, pour dire, mon meilleur ami, et ami d'enfance, est un lapin.
Un loup et un lapin, faut le faire quand même, eh.. Mais c'est la vérité. En temps que petit végétarien qu'il est, il m'a forcé à suivre son régime alimentaire. Enfin, j'ai réussi à lui faire comprendre que c'était pas bon pour moi de ne pas manger de viande, ce qui le dégoûte à chaque fois. C'est assez amusant..
— Ruby-chan ! marmonna une voix enfantine lorsque je tirais la couverture du lit face à moi. Je dormais ! continua le garçonnet en cherchant à tâtons sa couverture maintenant au sol.
— Allez, Saeran, lève toi. T'as trente minutes pour te laver, t'habiller et aller déjeuner. Dépêche-toi, informais-je en me grattant la nuque, nuque bandée de deux trois couches de bandages cachant mes scarifications.
Le garçon qui se tortille comme un ver sur le matelas en espérant que je l'oublie un matin est mon petit frère, Saeran. C'est un carnivore également, mais c'est un chien. Cependant, malgré le fait que ce soit un chien et moi une louve, nous sommes tout deux des canidés, donc ça change pas grand chose de nos gènes animales. Et heureusement d'ailleurs..
Nous vivons avec notre grand frère, Tobias. Lui, en revanche, n'est pas un canidé.. C'est un félin. Un chat. Mais malgré nos races, nous sommes une famille. Les gens que nous connaissons nous évitent ou nous persécutent à cause de notre famille si différente, cependant ils ne peuvent pas nous faire du mal ou nous traiter de bâtard, car comme je l'ai dit, nous vivons tous ensemble, en paix, dans la société.
— Allez magne ton cul de sac à puce, j'ai pas que ça à foutre. On a école.
— NON PAS L'ÉCOLE ! se plaigna mon cadet en frottant l'une de ses paupières du dos de sa main, son œil adjacent caché par une mèche épaisse de cheveux. Ses yeux sont hétérochromes, comme les miens. Mais contrairement à moi, il cache l'un de ses iris pour éviter les discriminations.
À défaut de se faire haïr par notre lien de famille avec Tobias, la discrimination oculaire est, quant à elle, accepté. Enfin, pas par la loi, mais elle n'est pas interdite pour autant. Ce qui fait que.. Que je suis victime d'harcèlement au lycée. Heureusement pour moi, je m'en fous de leurs coups, de leurs insultes et de leurs critiques. Tant que mes frères sont heureux, moi aussi.
Pour tout dire, je ne ressens pas la douleur. Les coups ne me font plus rien et la preuve étant que même en me mutilant, je n'arrive pas à ressentir un quelconque plaisir de douleur. Parce que je ne la ressens pas. J'ai l'impression de n'être qu'une coquille vide à des moments..
— Si, allez, sinon j'te jure que je t'envoie un seau d'eau dans la gueule..
— Eh ! J'veux pas sentir le chien mouillé ! s'écria le chiot en se relevant soudainement du lit pour se diriger vers son armoire et choisir sa tenue du jour, me faisant sourire en coin.
Fière de ma énième victoire matinale pour le réveiller, je sors donc de sa chambre en lui informant qu'il ne restait que 27 minutes pour se préparer. Et en sortant, je laisse mon regard se poser sur la porte en face de celle de Saeran. La chambre de Tobias. Le connaissant, il doit dormir, comme toujours.
Tobias travaille en tant que veilleur de nuit dans un parking privé pour les célébrités ou même des personnes politiquement influentes. Grâce à ça, nous vivons tranquille sans problème d'argent.
Comme nous sommes nés grâce aux naissances sur Terre, nous n'avons pas de parents. Nous pouvons nous faire adopter, bien sûr, mais personne n'a jamais voulu d'un chat paresseux, d'une louve aux problèmes psychologiques et d'un chiot aux yeux anormaux. Alors on s'est créé nous-mêmes une famille en partageant notre sang, rituel d'adoption inter-espèces.
Oui, notre monde est assez complexe à comprendre mais quand on y vit assez longtemps, on s'y fait sans avoir de mauvaises surprises. Je me suis toujours demandée ce qu'un humain ferait s'il arrivait dans ce monde par un moyen quelconque. Parce que pour parvenir à notre monde, il faut faire une sorte d'incantation de portail à un endroit précis sur Terre avec des objets spéciaux et un code qui est automatiquement ancré dans la mémoire des nouveaux-nés hybrides.
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La journée est passée assez vite aujourd'hui. Ashtray n'a pas arrêté de me forcer à bouffer ses carottes fraîchement cueillies ce matin-même et mes harceleurs n'ont pas tenté de m'approcher. Seulement parce qu'Ashtray était avec moi. Il faut dire qu'il est assez populaire à l'école et, bien qu'il traîne avec une louve, une prédatrice, avec des yeux souvent critiqués, il ne se fait jamais voir comme un traître.
Simplement parce que c'est une proie. Et s'en prendre à une proie est interdit sous peine de mort. Même entre proie, la loi est appliquée, bien que moins extrême. Ils sont seulement retenus 30 heures d'intérêt public pour mauvais comportement envers leurs confrères.
Mais entre prédateurs, c'est pas simple. On peut se battre, puisque certaines races sont parfois intransigeantes avec d'autres. Une fois, un renard s'était battu avec un fennec cause de ressemblance qui les faisait voir comme des "frères". Ce qui n'était évidemment pas le cas et avait entraîné une bagarre.
J'avais bien vu un policier corbeau observer le chahut sans s'interposer pour autant, s'avançant seulement lorsque les deux hommes s'étaient vaillamment blessés au bord de la mort. Je ne connais pas la suite de l'histoire cependant mais j'ai revu le fennec et le renard boire un verre à une terrasse en rentrant au lycée, et ils avaient l'air de bien s'entendre au final..
Comme quoi, même si on est tous différents, on peut vivre en harmonie.
— C'est à cette heure-là que tu rentres ? grogna lassement le chat aux cheveux noirs encre, posé mollement sur le canapé du salon en compagnie de Saeran qui remuait la queue à mon arrivée.
— Désolée, je demanderais à mon lycée de se rapprocher en face de chez nous, ça évitera de me taper 30 minutes de marche matin et soir, grognais-je à son encontre, jetant mon sac à l'entrée, me fichant de la tonne de devoirs qui m'attendait.
— Tu n'as qu'à te téléporter bordel, t'as un Alter, ça doit bien te servir à quelque chose.., soupira l'aîné en tournant le menton vers moi, me détaillant de haut en bas avec un certain jugement. Tu me feras le plaisir de mettre une jupe moins courte, tant que tu seras ma sœur tu éviteras de sortir d'ici habillée comme une pute.
— J'fais ce que je veux, marmonnais-je en faisant comprendre à Saeran d'aller manger le repas laissé de la veille, ce qu'il comprit facilement grâce à son Alter télépathique.
Sentant le regard de Tobias sur moi pendant que je montais les escaliers menant aux chambres, je fouettais rageusement l'air dans mon dos, signe de ma colère et frustration, l'obligeant dans un même geste que la conversation était close.
Une fois dans ma chambre et après avoir fermé la porte, je partis me laver et prépara mes affaires pour demain sur la chaise de mon bureau, me laissant lassement tomber sur le lit et observa le ciel à travers ma fenêtre de chambre, observant les nuances de rose, vert, bleu nuit, bleu et ocre qui se mélangés dans le ciel. Contrairement sur Terre où ce phénomène était rare à voir, ici c'était habituel. Les aurores boréales étaient même devenu mornes à mes yeux tant c'était lassant de les voir chaque nuit, encore et encore..
C'est à ce moment que je me posais cette question, celle qui allait changer ma vie, celle qui faisait briller la pierre précieuse logée dans mon cœur ;
— Que serait la vie, sur Terre ?
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