deux
Au fil des semaines et des mois, une véritable relation s'était construite entre Yubin et Bora. D'un côté, la blonde rentrait parfois de son travail plus tôt sans récupérer sa petite amie pour pouvoir lui préparer un dîner convenable. D'un autre, la plus petite lui confectionnait souvent des chocolats chauds ; boisson qui facilita le passage de l'hiver qu'elles partagèrent, mais aussi pour leur rappeler leur rencontre. Elles s'aimaient réellement, profondément.
Toutefois, de nombreux inconvénients se cachaient sous la surface. Certains jours de la semaine, la serveuse ne travaillait pas et restait chez elle, là où Yubin avait officieusement emménagé. Cependant, il arrivait que Bora n'apparaisse que le lendemain sans que la blonde n'ait été mise au courant de quoi que ce soit. Et la première fois fut une réelle surprise. En effet, celle-ci marchait jusqu'à l'appartement plus grand que son logement officiel, un large sourire sur le visage. Elle s'imaginait rentrer, retrouver sa petite amie, l'embrasser, lui dire combien elle lui avait manqué. Mais, lorsqu'elle avait poussé la porte ce jour-là, personne ne se trouvait dans aucune des pièces. Elle s'était beaucoup inquiétée, imaginée le pire. Elle avait appelé la brune des centaines de fois sans succès, s'était endormie piteusement des heures plus tard, impuissante. Lorsqu'elle revint le lendemain matin sans s'expliquer, Yubin se sentait blessée. Cet évènement se reproduit toutefois de temps à autre, et de plus en plus souvent.
Quand elle s'efforçait à lui soutirer des informations sur ses départs mystérieux, la serveuse se mettait sur la défensive en répétant que, lorsqu'elle rentrait chez elle, elle aimerait être accueillie amoureusement par sa petite amie, au lieu d'être bombardée de questionnements agressifs.
Yubin était blessée de façon croissante par les disparitions énigmatiques de Bora, mais aussi par son incapacité à gérer sa colère, par sa possessivité incohérente ou bien par ses agissements complètement déplacés.
Ce jour-là, la blonde revenait d'une longue journée de travail, où les consultations s'étaient enchaînées trop rapidement. Bien qu'elle apprécie accompagner ses patients fidèles dans leur processus psychologique progressif, sa journée fut exténuante. Elle avait en partie hâte de retourner à l'appartement de Bora, car elle aurait sûrement préparé quelque chose pour elle ou pourrait se montrer douce et agréable, comme cela arrivait surtout au début de leur relation. En revanche, Yubin pourrait aussi retrouver une brune brutale et agressive.
Bien sûr, la plus grande était suffisamment éclairée pour comprendre que sa relation amoureuse posait problème. Elle ne devait pas se sentir ainsi, pas recevoir de traitement aussi néfaste. Mais celle-ci était incapable d'agir avec autre chose que ses sentiments amoureux. Même quand la serveuse se montrait exécrable, il y avait toujours un moment où elle revenait, un moment où elle prenait soin de son amoureuse convenablement. De plus, l'absence de violence physique rendait plus difficile la prise en compte de l'anormalité de leur lien.
Son trajet connut finalement son terme lorsque Yubin entra dans le couloir du troisième étage. Elle inspira longuement avant d'oser déverrouiller la porte.
« Je suis rentrée ! » annonça-t-elle en dissimulant sa nervosité.
Quand la porte fut refermée, la voix ferme de Bora vint à elle :
« T'étais où ?
- Au travail. J'ai bossé toute la journée.
- Ne me mens pas. C'est la première fois que tu rentres aussi tard. T'étais où ? répéta la brune.
- Je t'ai dit que je bossais ! J'avais juste plus de consultations que d'habitude. Ne m'agresse pas comme ça, s'il te plaît.
- C'est moi qui suis agressive ? rétorqua-t-elle avec un ricanement amer. T'étais pas foutue de répondre à un seul de mes appels ! T'aurais pas pu me prévenir, si t'étais au travail ? »
Yubin repoussait sa colère au fond d'elle. Elle savait que cette émotion spontanée ne l'amènerait que vers des chemins maléfiques. Elle se débarrassa de ses affaires en serrant sa mâchoire pour contenir l'ébullition qui naquit dans son corps.
« J'étais trop occupée. Voilà. Désolée. Je t'appellerai la prochaine fois. »
Elle conclut leur dispute en espérant que l'étincelle ne reparte pas, mais ce fut sans compter sur le comportement de Bora.
« Comment je peux être assurée que tu me mens pas, hein ? Je sais que ton ex vient à ton cabinet.
- C'est professionnel, Bora. Rien de plus. J'arrive pas à croire que tu me fasses si peu confiance. S'il te plaît, laisse-moi rentrer tranquillement.
- Parce que tu es fatiguée je devrais être sympa ? Hein ? Et tu vas faire quoi, sinon ? Un putain d'appel, je te demandais ! C'est pas compliqué ! »
Le ton de la brune montait et il était dur pour sa petite amie de ne pas l'imiter.
« Assieds-toi, s'il te plaît, proposa la blonde. On parlera mieux.
- Oh, ta gueule avec tes stratégies de thérapeute ! J'suis ta meuf, pas une patiente ! J'ai pas besoin de tes techniques à la con !
- Mais quand est-ce que tu comprendras que ta gestion de la colère est un réel problème ?
- T'es pas au travail, arrête avec ça ! Je veux pas de tes trucs de merde. Et puis, ce sera quoi ensuite ? Tu vas me demander de me barrer ? C'est chez moi, je te rappelle. »
Pourquoi Bora ne faisait-elle que de la blesser ? Yubin retenait ses larmes à tout prix. La brune avait été pour elle une petite amie fantastique, et elle pensait enfin avoir trouvé quelqu'un pour elle. Tout était parfait, pourtant. N'était-ce alors qu'une illusion depuis le début ? Comment cela avait-il pu dérapé ainsi ?
Yubin l'aimait, malgré sa volonté refoulée de se séparer d'elle. Elle serait peut-être d'ailleurs incapable de mettre fin à quoi que ce soit. Sa relation amoureuse l'avait habituée à des chocolats chauds réguliers, et des câlins jusqu'à son endormissement. Que serait-elle sans cela ?
Ce qui lui avait semblé être une relation saine initialement lui manquait terriblement. Chaque soir, lorsque que la blonde rentrait, elle avait espoir de retrouver la Bora de sa rencontre. Quand elle était serviable, souriante, avec ses flirts audacieux qui la charmaient. Yubin repensa à cette époque avec beaucoup de tristesse.
En réfléchissant, elle se dit que sa situation était une vraie torture. Pour la première fois de sa vie, elle avait connu une relation qui l'avait entièrement comblée. Les premières semaines, elle avait apprécié un réel bonheur. Puis, voir la transformation de cette idylle en enfer progressivement avait probablement été la chose la plus douloureuse de sa vie. Elle aurait moins souffert si elle n'avait rien connu du tout.
Ses problèmes étaient inextricables.
Toutes ses pensées vinrent la rattraper et elle ne put empêcher ses larmes de rouler sur ses joues. Yubin croisa le regard durci de Bora. Cette dernière était sur le point de prendre la parole quand elle fut coupée par la voix effroyablement basse de la blonde :
« J'aurais aimé ne jamais te rencontrer. »
Ses mots durs furent lâchés et la serveuse n'eût pas le temps de les intégrer avant que Yubin ne claque la porte violemment après s'être échappée de l'appartement.
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